: Mobitelex 201 – 1er décembre 2017

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Entre-deux

Nous y voilà. Entre le temps des promesses et celui des décisions. Cet entre-deux un peu mou, où les nouveaux gouvernants et leurs équipes ne voudraient pas oublier les belles idées de la campagne électorale mais sont confrontés chaque jour à la dureté de l’exercice du pouvoir.

Insensiblement la vieille politique reprend ses droits, tous les arbitrages sont difficiles, l’originalité devient dangereuse. Si Emmanuel Macron continue à transgresser les codes dans ses prises de parole publiques, au quotidien les prudences administratives, le poids de Bercy, les conventions affectent l’affichage réformateur. Le logiciel du changement voulu par une majorité de Français est-il si inaccessible? La reprise économique va-t-elle amortir les plus audacieux?

Plusieurs dossiers sensibles vont pourtant servir de baromètre impitoyable: Notre-Dame-des-Landes, le Grand Paris Express, la concurrence ferroviaire, les grandes infrastructures, le développement des lieux d’intermodalité, la politique vélo. Quelle que soit sa future pertinence, la future Loti ne suffira pas à alimenter la flamme du macronisme. Il faudra des marqueurs forts, susceptibles de parler aux Français, sans lesquels la politique des transports du quotidien restera celle des mots, des concepts et des concertations.

Cet entre-deux a une heureuse contrepartie, y compris pour Mobilettre: il laisse le temps d’approfondir quelques questions fondamentales. Ainsi, la semaine prochaine, un colloque sur les 40 ans du RER et la conférence annuelle de l’EPSF (établissement public de la sécurité ferroviaire). Comment moderniser les exploitations de lignes parmi les plus chargées d’Europe? Comment tirer profit du numérique pour améliorer la performance du ferroviaire en toute sécurité? Profitons-en, car très vite on en reviendra à la fureur des mots.

Ouf, Gilles Savary n’est pas perdu…


La bonne nouvelle de cette fin d’année morose, c’est qu’une fois enterrées les Assises de la mobilité où on avait bien voulu lui confier la présidence d’un atelier (sécurité et sûreté), l’expertise de Gilles Savary ne sera pas sacrifiée!

L’ancien député PS de Gironde – qui n’avait pas été réélu en juin dernier – et ancien député européen – réellement sacrifié pour le coup en 2009 par Martine Aubry sur l’autel de l’alliance avec Cécile Duflot – rejoint en effet les équipes d’Euros/Agency en tant que «conseiller spécial». La jeune agence (Euros/Agency a été créée en 2012) s’offre ainsi les services d’un expert des politiques publiques et des enjeux réglementaires en matière de transport, au plan national comme européen.

Ancien vice-président de la commission Transport du Parlement européen, Gilles Savary a notamment été à l’Assemblée nationale le rapporteur de la loi de réforme ferroviaire de 2014. Les questions aéronautiques et spatiales font aussi partie de son champ de compétences. Il était d’ailleurs jusqu’alors président du conseil supérieur de l’aviation civile.

Il est vrai que le créateur d’Euros/Agency, Mathieu Collet, n’est pas un inconnu pour Gilles Savary puisqu’il fut l’un de ses collaborateurs à Bruxelles. Mais que la jeunesse et l’expertise décident d’unir leurs forces pour faire avancer la mobilité – toutes les mobilités -, à pas sûrement moins comptés et prudents que certaines administrations, à Mobilettre, on trouve que c’est une bonne nouvelle. Et on le dit!


Quand Philippe rencontre Jean-Cyril

C’était lundi dernier, la Commission Transports de Régions de France auditionnait successivement Philippe Duron et Jean-Cyril Spinetta. Quand l’ancien député, qui préside la commission Infrastructures des Assises, croise l’ancien PDG d’Air France, chargé de proposer une stratégie ferroviaire d’Etat, il lui lance, à la surprise amusée des présents: «Enfin on se voit! On va finir par arriver à prendre rendez-vous…» Que c’est difficile, les dialogues de haut niveau…


Trois élus défendent – bien – la ligne 18 Orly-Saclay

Parmi toutes les initiatives d’élus cet automne pour défendre le schéma originel du Grand Paris Express, dont à peu près toutes recyclent plus ou moins élégamment les éléments de langage du «on ne peut pas toucher à ce si beau projet», nous avons sélectionné une lettre percutante envoyée par trois maires (Michel Bournat – Gif-sur-Yvette, Nicolas Samsoen – Massy, Grégoire de Lasteyrie – Palaiseau). Ses mérites: aller droit au but, éviter l’empilement des poncifs et des leçons de morale à deux balles.

«Disons-le simplement, si nous ne faisons pas maintenant, dans les délais prévus le tronçon Orly-Saclay, nous aurons collectivement investi des milliards pour éloigner le cœur de la recherche scientifique française d’une bonne desserte en transports en commun! A ce niveau d’absurdité, le plus raisonnable serait sans doute d’envisager un rapatriement rapide de toutes les écoles dans le Quartier Latin!», écrivent-ils. En voilà des arguments clairs et décomplexés dignes des analogies macroniennes!

Les trois maires ne s’arrêtent pas là et ajoutent: «Nous nous engageons, si jamais une telle décision [NDLR de renoncement à la ligne 18] devait être prise, à utiliser tous les moyens de droit à notre disposition pour empêcher la construction sur le plateau d’un seul logement ou l’arrivée d’un seul étudiant supplémentaire.» Une telle menace interroge férocement la cohérence de l’Etat et des autorités publiques dans leurs prétentions urbanistiques…

En attendant, les arbitrages jupitériens se font désirer. Plusieurs réunions interministérielles cet automne ont déjà permis au Premier ministre de nourrir sa conviction, mais il va maintenant falloir imaginer la séquence politique présidentielle. Quelles décisions sur la gouvernance de la métropole et sur les choix de consistance et de calendrier du Grand Paris Express? Et quelle mise en scène pour que le nouveau président assume à sa manière le rôle dévolu au chef de l’Etat dans la construction de la ville-monde? Là aussi, le macronisme va passer au révélateur des décisions difficiles.


La « mobilité empêchée » touche les jeunes
les plus précaires

La mobilité est un droit, ou en tout cas une liberté, mais encore faut-il pouvoir y accéder. La mobilité individuelle a un coût, la mobilité en réseau aussi, sans doute moindre, mais elle n’est pas offerte à tous. Intuitivement, on se disait que certaines catégories de la population devaient être plus ou moins bien loties par rapport à la mobilité.

La direction de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la vie associative du ministère de l’Education nationale vient de confirmer cette intuition en ce qui concerne les jeunes les plus précaires, en rendant publique une enquête réalisée par le Credoc (échantillon de 4500 jeunes de 18 à 30 ans).

1/4 des jeunes ont ainsi dû renoncer à un emploi et 21% à une formation en raison de difficultés de transport. Et cette « mobilité empêchée » est plus forte lorsqu’il s’agit des publics les plus fragiles: 1/3 des jeunes sans diplôme (c’est-à-dire ayant au maximum le brevet des collèges) ont renoncé à accepter un emploi pour ce motif; chez les jeunes chômeurs la proportion monte à 44%.

Alors que 29% des jeunes disent utiliser les transports publics pour se déplacer, ils invoquent comme premier frein le coût du transport. Mais pour un jeune sur dix, le transport et en particulier le transport public est aussi source d’angoisse. Un autre frein à la mobilité…

Aux Assises de la mobilité à prendre en compte ces réalités de vie quotidienne avant d’aller se perdre dans des inventions peut-être plus excitantes intellectuellement, mais qui risquent de laisser de côté ceux qui auraient le plus besoin d’un coup de pouce… à condition de savoir les entendre.


Rencontres Fnaut/Mobilettre

Jean-Baptiste Schmider, directeur général de Citiz

Le 7 décembre prochain, à 8h30 à Paris dans le 14è arrondissement, la Fnaut et Mobilettre commencent leur cycle de rencontres consacrées aux nouvelles mobilités en recevant Jean-Baptiste Schmider. Quel avenir pour l’autopartage? Comment mieux insérer cette solution dans la palette de solutions alternatives à l’autosolisme? Quel rôle peuvent jouer les autorités organisatrices? A ces questions et à bien d’autres, le directeur général de Citiz apportera son excellente connaissance des mobilités nourrie d’une expérience d’entrepreneur.

Pour vous inscrire, merci d’envoyer un mail à redaction@mobilettre.com. Vous recevrez par retour le lieu de la Rencontre.


La Nouvelle Aquitaine et l’Aragon
enjambent les Pyrénées

Aujourd’hui vendredi 1er décembre, à Canfranc, Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle Aquitaine, et Javier Lambán, président de l´Aragon, doivent signer la convention de financement pour le programme d’études sur la ligne ferroviaire entre Pau et Saragosse.

Jusqu’au dernier moment, les nerfs des cadres de la Région Nouvelle Aquitaine et de sa représentation à Bruxelles auront été mis à rude épreuve: une grève des cheminots et la neige s’invitaient au spectacle de l’inauguration. Ils pensaient pourtant avoir fait le plus dur: obtenir le feu vers de l’Europe pour le financement de l’étude de la ligne ferroviaire Pau-Sagarosse. Un enjeu de taille, puisque l’on parle d’une prise en charge de plus de 7 millions d’euros sur les 14 millions engagés pour le programme d’études 2017-2020. Le travail technique et de lobbying engagé par la Nouvelle Aquitaine et l’Aragon avait débuté en octobre 2016. Ils avaient reçu un premier «go» en février 2017, avant la finalisation de la convention de financement en septembre. La forte présence de la Région à Tallin, en Estonie, n’était donc pas anodine…

Il passe plus de camions à Biriatou, le poste-frontière de la façade Atlantique, qu’à travers tout le massif alpin entre la France et l’Italie!

La signature publique prévue ce vendredi est une opération de communication à dessein – les deux Régions sont déjà sûres de toucher les fonds. Car le message politique se veut fort. Le cachet de l’Union européenne donne de l’importance et de la légitimité au projet. Herald Ruijters, qui « détient la clé du coffre » et qui est venu sur place au côté des deux Présidents, le rappellera. Car la bataille est loin d’être terminée. Si les études sont financées à 50% par le MIE (mécanisme d’interconnexion européen), qu’en sera-t-il des travaux? Le prochain MIE débutera en 2020 et commencera à être discuté dès le début de l’année prochaine. Aujourd’hui, personne ne saurait dire comment sera traité le tronçon Pau-Saragosse, alors qu’il ne fait pas partie du corridor européen.

Alain Rousset rêve de cette ligne depuis presque cinquante ans. En aurait-il fait une affaire personnelle? Probablement. Après avoir œuvré pour la remise en service du tronçon Oloron-Bedous, inauguré à l’été 2016, il annonce aujourd’hui une liaison totale entre Pau et Saragosse à l’horizon 2024 – secrètement, il rêverait d’une date antérieure.

Mais quelques réalités alimentent son obstination et font vaciller les plus sceptiques: la saturation des axes routiers entre la France et l’Espagne, le besoin de solutions plus écologiques que des couloirs à camions, la pertinence d’un nouvel axe économique avec Saragosse. Il passe plus de camions à Biriatou, le poste-frontière de la façade Atlantique (2,9 millions de véhicules), qu’à travers tout le massif alpin entre la France et l’Italie (2,55 millions).

Que faire? Un nouveau tunnel de base entre Toulouse et Saragosse? Il rappellerait tellement le difficile Lyon-Turin. Et pourquoi pas une liaison, certes modeste en termes de trafics, mais bien moins coûteuse, qui relierait Pau à la puissante capitale aragonaise, Saragosse?

Confrontée aux rivalités stériles des Etats, l’Europe aurait bien envie d’encourager des programmes régionaux transfrontaliers. La Nouvelle Aquitaine et l’Aragon pourraient profiter de l’opportunité. Dans le train qui les emmenait à Bedous avant d’emprunter le tunnel routier vers Canfranc, Alain Rousset et Herald Ruijters se félicitaient mutuellement: «Heureusement qu’il y a l’Europe! Heureusement qu’il y a les régions!» Après tout, quand l’Etat français transfère aux Hauts-de-France la responsabilité du canal Seine-Nord, ne dit-il pas la même chose?


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