Pourquoi et comment Euro Cargo Rail va supprimer 300 postes

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Pourquoi et comment Euro Cargo Rail va supprimer 300 postes


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Il a fallu moins de six mois à Gottfried Eymer, nommé PDG d’Euro Cargo Rail en juillet dernier, pour analyser les causes des pertes de son activité de fret ferroviaire, puis décider d’une nouvelle stratégie et d’un plan social. La partie émergée de l’annonce faite aujourd’hui devant les représentants du personnel, révélée par Mobilettre, va focaliser les attentions: 300 postes supprimés, aussi bien dans les agences (260) qu’au siège parisien (40), et dont une partie pourrait être récupérée par… la SNCF. Explications d’une restructuration devenue inéluctable.

Tout part de l’évolution du chiffre d’affaires de la filiale de DB Cargo. Prévu à 220 millions d’euros pour cette année 2016, il ne devrait pas dépasser les 180 millions, ce qui occasionnera 25 millions de pertes au bas mot. Alors que 2012 et 2013 avaient été à l’équilibre, 2016 est la troisième année consécutive de pertes, après 2014 (25 millions) et 2015 (13 millions). Du coup, l’actionnaire allemand a posé deux questions à son nouveau directeur, envoyé l’été dernier en urgence: le fret ferroviaire en France a-t-il encore de l’avenir? Peut-on y gagner de l’argent?

Oui, mais à quelques conditions, répond en quelque sorte Gottfried Eymer D’abord restructurer l’entreprise ECR, qui semble dimensionnée pour un volume d’activités bien supérieur à celui réalisé. L’organisation est aujourd’hui très segmentée, elle sera demain adaptée à la concentration sur de grands corridors: Méditerranée, Atlantique et Nord (vers Anvers et Calais-Angleterre). ECR va donc densifier les volumes, standardiser sa production de trains, et par conséquent se désengager des trafics «isolés», comme les céréales de Bretagne. Outre les réductions d’effectifs, cette stratégie industrielle induira d’autres organisations, d’autres managements: rationalisation des process, simplification, responsabilisation… Fini les équipes spécialisées dans la commande de sillons, la gestion des conducteurs ou le suivi des trafics, demain les équipes seront dédiées de bout en bout sur les axes prioritaires. «Nous allons réinventer la production des trains», s’exclame Gottfried Eymer.

Cela se traduira par une nouvelle baisse du chiffre d’affaires (160 millions d’euros en 2017, en vue d’un retour à l’équilibre en 2018) et par un plan social conséquent: 300 postes seront supprimés sur un effectif total de 1100 personnes. Mais selon nos informations, ECR essaiera de diminuer les effets de cette réduction de voilure par des procédures de désengagement de certains trafics en concertation avec d’autres opérateurs, et par des efforts de reclassement des conducteurs… à la SNCF!

Guillaume Pepy serait prêt à saisir l’occasion de récupérer des conducteurs déjà formés (environ 120), alors que depuis un an les pénuries d’effectifs engendrent suppressions de trains… et colère des régions. Ce n’est pas la moindre des surprises de ce dossier, qui inclurait donc une bonne part d’innovation sociale. Car le process est assez compliqué, entre les acceptations des conducteurs, les autorisations de la Dirrecte, les validations des syndicats, les process d’embauches par la SNCF… Objectif: obtenir une habilitation du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) pour la fin juin, au moment d’une indispensable augmentation de capital de 150 millions d’euros pour reconstituer les fonds propres.

La deuxième condition posée à la poursuite des activités d’ECR ne dépend pas de l’entreprise elle-même, mais de SNCF Réseau et de l’«encadrement politique». ECR attend une amélioration de la qualité des sillons. «Nous demandons 100000 sillons par an, le taux de réponse est de 85%, mais seulement 30% sont exploitables!», déplore Gottfried Eimer. Si on ajoute la mauvaise gestion des plages-travaux, avec imprévus et restitutions tardives, les réquisitions de locomotives et les évolutions tarifaires prévues dans les DRR 2017 et 2018, le tableau n’est guère positif. Pourtant, ECR va persister car le potentiel du marché du fret ferroviaire en France est réel. «A condition de vite stabiliser la gestion des sillons», insiste Gottfried Eymer, à destination de Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau.

Avant même la clôture des comptes, voilà donc le premier opérateur privé français qui met la pression sur les pouvoirs publics. L’avertissement semble clair. Après ECR, d’autres suivront-ils? Car tous les opérateurs fret connaissent de fortes difficultés financières, à l’issue d’une très mauvaise année 2016 marquée par les grèves du printemps. C’est donc un sujet supplémentaire sur la table du prochain président de la République: au-delà des conférences techniques qui permettent d’avancer un peu sur quelques questions compliquées, faut-il et peut-on relancer énergiquement le fret ferroviaire français? En pleine période de pollution atmosphérique, il serait fâcheux d’oublier que le trafic poids lourds longue distance n’est pas des plus vertueux.


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