
Chaque jour jusqu’au 31 décembre:
ils ont marqué l’actualité de la mobilité
8. Ils font bouger les lignes
Patrick Jeantet. Déterminé
Son arrivée à la tête de SNCF Réseau au printemps 2016 est un film en accéléré. Sollicité alors qu’il était en déplacement en Asie pour ADP, il a hésité un court instant, puis il a foncé. Avec son énergie habituelle et les idées claires, qui lui ont permis d’emporter l’adhésion d’interlocuteurs pas forcément conquis d’avance. Deux petits mois pour sortir d’une forme d’impasse à ADP, et plonger dans l’aventure du ferroviaire…
Patrick Jeantet est stratège mais ses réflexions ne perturbent pas son expression. Quand il a décidé d’avancer, il le fait sans états d’âme. Guillaume Pepy en a fait l’expérience, quand il a appris quelques instants avant publication l’interview de son camarade du directoire, dans les Echos, le 16 novembre dernier: «Plusieurs régions veulent expérimenter la concurrence dans le transport de passagers. J’ai proposé de leur apporter notre expertise.» Peut-on faire plus net?
Dans le camp des modernes, pour sortir le ferroviaire de ses appréhensions
Ainsi avance le président du gestionnaire d’infrastructures, forcément indépendant. Innovation à tous les étages, remise en cause des process les plus paralysants, ouverture aux ingénieries privées, préparation active à la concurrence… Tout se passe comme si, d’ores et déjà, c’était le réseau qui commandait le ferroviaire français. Elémentaire: sans infrastructure de qualité, le transporteur peut toujours s’évertuer, il n’ira pas bien loin. A chacun son rôle: d’un côté un monopole d’Etat, garant de l’équité d’accès au réseau et de sa performance, de l’autre des entreprises de mobilité, agiles et proches du consommateur.
Mais avant de passer à cette étape, qui prendra quelques longues années, il faudra encore améliorer la maîtrise d’ouvrage et la gestion des circulations, transformer un management trop souvent bureaucratique, fluidifier le dialogue avec les opérateurs. La signature d’un contrat de performance, même insuffisant, peut aider à travailler davantage dans la sérénité et le moyen terme. Doucement mais sûrement, de nouvelles têtes vont apparaître dans le top management.
Patrick Jeantet, c’est un homme issu d’une autre culture que la culture cheminote, qui peut faire plus de bien au ferroviaire que les plus ferrovipathes. Il n’est pas prisonnier des préjugés, des pesanteurs, des appréhensions. Dans la querelle des anciens et des modernes, il a clairement choisi son camp, il connait sa place et il a déjà démontré qu’il savait où il voulait aller.
Yves Crozet. Engagé
Il en dérange encore certains, nostalgiques d’universitaires en économie tellement en prise de recul qu’ils en disparaissaient du champ public. Lui a choisi de s’exprimer, de provoquer, de jouer le débat et la controverse, à partir de travaux sérieux et d’une expérience multiformes. Ancien administrateur de RFF, il a aussi entrevu l’envers du décor…
En septembre dernier, à l’invitation de la Fnaut et de Mobilettre, il a même, à notre sens, franchi un degré dans l’exercice de la prise de parole. Brillant, il invite l’auditoire à réfléchir, à suivre ou à contester. La parole délivrée n’est pas prescriptive: chacun son rôle. Mais elle en dit tellement sur l’état du monde, et du monde ferroviaire en particulier.
D’autres approches de la mobilité pour faire évoluer les politiques publiques
Contre la folie des infrastructures nouvelles à tout prix, pour que la mobilité soit bien autre chose qu’une affaire de transport: Yves Crozet n’hésite pas à pourfendre les dogmes résistants du plus vite et du moins cher. Ne vaut-il pas mieux investir dans les gares et les nœuds d’interconnexion plutôt que dans les nouvelles lignes? Une idée: oser une autre tarification sur la base d’un nouvel indicateur, la «vitesse généralisée sociale» qui intègre les coûts sociaux de la mobilité.
Le 20 janvier prochain à Lyon, avec son complice Alain Bonnafous du Laet (Laboratoire Aménagement Economie Transport), Yves Crozet organise un colloque sur la concurrence dans les TER. Cela fait des années qu’il porte cette ambition de réforme pour redynamiser un secteur ferroviaire perclus de rhumatismes. On y arrive doucement mais sûrement…
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