BILLET

Je me suis présenté, intrigué, un mardi après-midi de septembre, au Palais de Tokyo. J’étais invité par SNCF Voyages au vernissage d’une exposition intitulée Avant-première classe, ou les coulisses de la conception du futur siège TGV 1ère classe. Je ne fus pas déçu.

J’ai laissé décanter avant d’écrire, histoire d’interroger autour de moi, de vérifier que mes premières impressions n’étaient pas mues par une réticence instinctive et primaire aux paillettes. Le temps n’a rien fait à l’affaire: ce siège-là m’a bel et bien coupé les jambes.

siege

Non pas qu’il fût raté, bien au contraire. Je le trouve mieux adapté à mon gabarit que son prédécesseur, dans lequel je me sens perdu (je précise que je ne joue pas dans la catégorie de Teddy Riner). Il est confortable, bien dessiné. Surtout, l’environnement créé est séduisant, on se sent comme à sa table de travail.

Mais je ne reviens toujours pas d’une telle débauche de moyens et de mots creux, de faire tout un plat d’un simple siège. J’illustre. Au commencement de l’exposition est le tunnel, «espace inspirationnel» (sic), où sont répertoriées, à grands renforts de verbatim, les attentes d’usage. «Laissez-vous envahir par les pensées et les réflexions de celles et ceux, qui, allant toujours de l’avant, ont su nourrir et enrichir, sans précédent, l’expérience à bord.» Je passe sur les étapes intermédiaires du voyage qui nous emmène, fatalement, vers une conclusion mythique, un pur chef d’œuvre créatif: «Les formes recherchées se conceptualisent, la simplexité (sic) voit le jour. C’est la contraction d’une simplicité apparente et d’une complexité sous jacente…» Et dire qu’il y a encore tout le reste de la voiture première classe à raconter…

Les moyens alloués à une telle expo sont considérables. Sur scène, un siège en image holographique, dont la «personnalité» (sic) est vantée par Rachel Picard. En face, quelques centaines d’invités, des extérieurs très dubitatifs voire incrédules, des «cheminots du quotidien» un peu abasourdis par le dispositif, et puis, manifestement, le monde de Voyages et des agences, habitués à la mousse et aux habillages. Un autre monde.

On ne va pas non plus faire tout un fromage de cette expérience. On a même rigolé… Mais on s’interroge sur la pertinence de prolonger à ce point le mimétisme avec l’aérien, voire la voiture, qui usent et abusent de ce type de marketing. Est-on bien certain que cette pente-là concourt à la croissance du chiffre d’affaires? Ou qu’elle aide à rendre l’entreprise SNCF plus populaire?
Gilles Dansart

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