Mobitelex 416 – 9 juin 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

Episode 2

Ils ont changé de mode de transport

C‘est une affaire d’habitudes, souvent tenaces. Les trajets du quotidien façonnent nos vies et nos villes. Mais ces dernières années, et a fortiori depuis la crise Covid, un mouvement s’accélère. Avec le télétravail, au revoir (ou presque) les heures de pointes, bonjour les «jours de pointe» dans les transports en commun. A Paris, les pistes cyclables, parfois construites à la hâte, sont prises d’assaut. Et plus largement, en petite couronne, de nouvelles manières de se déplacer se répandent à mesure que la circulation en voiture se complique. Mais cette vue d’ensemble cache bien sûr des disparités.

Ce deuxième épisode de «Trafic» s’intéresse donc à celles et ceux qui ont changé de mode de transport à Paris et dans les trois départements limitrophes. Quelles sont les conditions et le contexte à l’origine de ce changement ? Pour éclairer les témoignages recueillis par Valentin Bertrand, deux experts : Olivier Razemon, journaliste spécialiste des transports et en particulier du vélo, et Dominique Riou, ingénieur-urbaniste à l’Institut Paris Région. Bonne écoute ! *

Ecoutez Trafic

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CONCURRENCE

Pays-de-Loire, le geste commercial de SNCF Voyageurs en plein appel d’offres

C’est une phrase au milieu d’un chapitre de la délibération de la Commission permanente des Pays-de-la-Loire consacré à la restitution par la SNCF de 11,5 millions d’euros du fait de ses achats par contrat à terme de l’énergie, qui l’ont mise à l’abri de la hausse et de la volatilité des prix. Jusque-là, le texte est technique et assez banal, cela fait partie des ajustements habituels dans le cadre des conventions entre la SNCF et les régions. Et puis, donc, cette phrase :

«De plus, dans le cadre de discussions serrées avec SNCF Voyageurs, celle-ci a accepté d’effectuer un geste commercial complémentaire indépendamment de l’énergie à hauteur de 6 millions d’euros»

Au moment même où se dénouait la procédure de choix du délégataire sur le lot tram-train Sud Loire, la région négociait donc un «geste commercial» de 6 millions d’euros avec son opérateur TER, candidat à sa propre succession. Sans aucune précision sur sa justification : compensation d’irrégularité ou restitution de recettes supplémentaires, par exemple. C’est cadeau !

Un tel cadeau n’est pas anodin, vu la taille modeste de la région Pays-de-la-Loire en matière ferroviaire, et en pleine attribution d’un contrat d’allotissement. Il fragilise l’autorité organisatrice et nourrira les suspicions des opérateurs alternatifs sur le respect d’une stricte équité concurrentielle.

Sollicitée par Mobilettre, la direction TER SNCF confirme l’existence de ces gestes commerciaux: « Ils sont concédés par SNCF Voyageurs, ou encore en négociation, dans toutes les conventions pluriannuelles. Ces gestes commerciaux sont accordés fréquemment par les opérateurs aux AO en fonction de l’équilibre contractuel trouvé.» Disons qu’a minima le le moment est particulièrement mal choisi…

Egalement contactée jeudi 8 juin, la région Pays-de-la-Loire n’avait pas répondu au moment de notre publication.

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Pleine croissance

C’était évident pour le ferroviaire à Innotrans 2022, en septembre dernier à Berlin, puis dans la plupart des salons transport et logistique, notamment à Munich il y a un mois : la très forte dynamique de l’après-Covid dope le moral des acteurs du transport. Et bien ce fut assez similaire cette semaine à Barcelone, lors du congrès de l’UITP qui a mis en exergue la forte demande de transports collectifs, sur tous les continents.

Dans la ville même de Barcelone, où le mauvais résultat de la maire sortante Ada Colau à l’élection du 28 mai chamboule la future gouvernance de la ville, les chiffres sont éloquents : la fréquentation des transports en commun est déjà à 105% par rapport à l’avant-Covid, malgré quelques premières timides restrictions au tout-tourisme AirBnB. Ce qui est moins avoué, c’est que les coûts ont eux aussi bondi : +25%…

Mais cette inflation due principalement au prix de l’énergie, ajoutée aux problèmes de recrutement, ne tempère pas l’enthousiasme des professionnels venus du monde entier, ou presque – les Australiens, qui avaient dû annuler l’édition de 2021, ont clairement boudé Barcelone. N’y aurait-il qu’en France où la croissance de la demande provoque quelques sueurs, du fait de l’archaïsme des mécanismes de financement des exploitations ?

Il n’était pas évident de prévoir un tel rebond post-Covid – même si Ben Smith à Air France l’a remarquablement anticipé. Mais depuis au moins un an le phénomène est tel, sur la longue distance comme sur la plupart des trajets du quotidien, qu’il appelle une mobilisation générale des pouvoirs publics et des opérateurs en faveur d’une croissance rapide et massive des offres. Pour l’instant, on est loin du compte. G. D.


CONGRES DE L’UITP

Les bruits de Barcelone

Loin du tumulte parisien, les acteurs hexagonaux partagent volontiers leurs analyses des marchés et des tendances… et quelques confidences.


La RATP, le paradoxe

La RATP comme à chaque congrès de l’UITP a mis les petits plats dans les grands à Barcelone : un stand impressionnant (photo), une petite centaine d’invités maison (c’est moins qu’à Montréal il y a quatre ans), et une réception VIP au musée d’art catalan sur la colline de Montjuich avec un discours de Jean Castex intronisant la nouvelle présidente de l’UITP (lire ci-dessous).

Bref, le groupe ne lésine pas sur les moyens, alors même que sa présence à l’étranger pose questions : quelle stratégie de développement, quels effectifs détachés ? Jean Castex ne fait pas mystère qu’il considère comme prioritaire sa mission hexagonale, à la fois pour retrouver une offre et une qualité de service meilleures, et pour relever le défi des Jeux Olympiques. Selon nos informations, de nombreux expatriés ont récemment été priés de revenir au pays prêter main forte. Pas facile dans ces conditions pour Hiba Farès, la patronne de RATP Dev, de trouver une cohérence à ses projets de développement, d’autant que la crise a achevé de fragiliser certaines implantations (les bus à Londres, l’Afrique du Sud), ou en a condamné d’autres (l’Algérie).


Les inquiétudes d’IDFM

Mises en exergue publiquement dès le mois de janvier, les impasses des futurs budgets d’Ile-de-France Mobilités ne sont toujours pas résolues : le rapport IGF/IGEDD sur le sujet est, pour l’instant, aussi bien protégé qu’un secret d’Etat, et les négociations de coulisses s’éternisent entre le gouvernement, Valérie Pécresse et Laurent Probst.

Parallèlement, les services de l’autorité organisatrice semblent s’inquiéter d’une éventuelle baisse de l’intensité concurrentielle sur les futurs marchés franciliens des modes lourds. Alors que l’attribution des lots d’Optile touche à sa fin, avec pour chaque lot de trois à quatre concurrents au minimum, c’est plus compliqué pour Transilien. Par exemple sur la ligne L à Saint-Lazare, ça se bousculerait moins au tourniquet. Question de cahier des charges ? Prudence d’opérateurs échaudés par la mise en concurrence des TER ?


Les problèmes de cash d’Alstom

Il se confirme que la reprise de Bombardier est très compliquée d’un point de vue financier. Les problèmes de cash de l’entreprise canadienne ont été d’une certaine manière transférés au nouvel ensemble suite au rachat. Le cours de Bourse s’en ressent. Est-ce une explication aux retards de livraison qui affectent nombre de commandes dans le monde ? Il semble qu’il s’agisse plutôt de problèmes d’approvisionnement et de main d’œuvre. Mais les clients d’Alstom mettent tous une pression forte car ils sont eux-mêmes sous la pression d’une très forte augmentation de la demande (lire ci-dessus)


Keolis, Transdev : dynamiques internationales

Les rivaux hexagonaux se retrouvent cette année à Stockholm pour une bataille au sommet sur l’exploitation du métro, face au sortant MTR qui a connu quelques déboires. Mais globalement, à part ce type de «rencontres» sur des appels d’offres ici et là, ils suivent des trajectoires singulières : forte croissance sur tout le Continent américain pour Transdev (rachat réussi de First, métro de Quito, bus de Bogota etc), poursuite des implantations et des ambitions de Keolis sur ses zones prioritaires (Australie, Europe du Nord, Moyen-Orient, Etats-Unis etc). Consigne commune aux deux groupes : bien choisir ses cibles, car les moyens affectés aux réponses aux appels d’offres, aussi bien en termes financiers qu’en ressources humaines, s’avèrent de plus en plus précieux.


Une tectonique française

Cette sélectivité des cibles vaut aussi sur le territoire hexagonal. Ainsi Transdev a-t-il choisi de ne répondre que sur l’appel d’offres du Sytral, laissant Keolis et RATP Dev se disputer le lot modes lourds. Faut-il aussi en conclure que Thierry Mallet et ses équipes se lassent de challenger Keolis sur ses gros réseaux, après l’amère défaite de Bordeaux ? Transdev ne répondra pas à Lille… Avec un marché français qui va passer sous les 30% du chiffre d’affaires, Transdev choisit manifestement de se concentrer sur ses points forts : l’interurbain, l’Ile-de-France, ses réseaux vitrines (Rouen, Saint-Etienne). A Nîmes, où il est sortant, il a choisi d’ores et déjà de ne pas être candidat à sa succession, considérant que la contribution annuelle fixée par la collectivité à 44 millions d’euros est très insuffisante.

Cette évolution inquiète d’ores et déjà des élus qui craignent de se retrouver seuls face à Keolis. Jusqu’où iront les ambitions de RATP Dev ? Vainqueur de Transdev à Toulon avec le soutien remarqué de Jean Castex, la filiale de la RATP nourrit de fortes ambitions dans l’Hexagone, d’autant qu’en Ile-de-France le bilan de l’ouverture des marchés d’Optile est jusqu’ici assez médiocre pour Cap Ile-de-France.


L’ouverture du capital de Systra

C’est l’annonce du salon de l’UITP : Systra cherche à ouvrir son capital à un ou des actionnaires minoritaires, de façon à l’aider dans sa croissance (900 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, 13,9 millions de résultat net, 8900 salariés). Pour Pierre Verzat, président du Directoire, pour prolonger la croissance régulière depuis dix ans (+10% en moyenne par an), «il est nécessaire d’accélérer sur les marchés porteurs, en croissance organique et par acquisitions.» D’où la validation par les actionnaires SNCF et RATP de cette stratégie d’ouverture du capital.

Avec un siège réduit à 350 personnes (stratégie, Finances, juridique, RH), Systra entend développer ses plateaux à l’international (Canada, Etats-Unis Brésil, Australie, Scandinavie, Arabie Saoudite…) de façon à répondre à toutes les sollicitations sur les projets transports (rail, ponts, tunnels, route etc), voire au-delà si l’occasion se présente.


Renée Amilcar, une canadienne à la tête de l’UITP

Elle dirige depuis deux ans le réseau de transport public d’Ottawa, après avoir passé dix-neuf ans au réseau de Montréal, essentiellement aux bus. Renée Amilcar vient d’être élue présidente de l’UITP. L’ascension de cette ingénieure qui tire sa légitimité d’une longue expérience de terrain dans l’exploitation a été unanimement saluée par ses pairs.


ANALYSE

Les CPER 2023-2027, pas si mal mais à confirmer dans chaque région

Faute de ventilation précise région par région, un verdict global sur les contrats de plan Etat-régions 2023/2027 est difficile. Certaines s’en tireraient mieux que d’autres…

Prudence… L’argumentaire du gouvernement en faveur des 8,6 milliards d’euros des CPER 2023/2027 est très lacunaire. +50%, pourquoi pas, mais par rapport à quoi ? Rappelons-nous que sur la génération précédente de contrats (2015-2020), le taux de réalisation global n’avait pas dépassé 45% à leur terme. Seuls l’ajout de 2021-2022 (+1,7 milliard), le plan de relance et les budgets «loi LOM» (+2,9 milliards) avaient sauvé la mise. Donc si l’on compare les 8,6 milliards d’euros de 2023 aux 7,1 milliards initiaux de 2015, cela ne fait qu’un peu plus de 20%, soit 250 millions d’euros supplémentaires par an.

«Les Régions attendent de l’Etat une mobilisation beaucoup plus puissante […] pour espérer produire un « choc d’offres » en faveur du train et des mobilités décarbonées», a réagi Carole Delga, présidente de Régions de France. « Nous devons aller plus vite désormais ».

Surtout, on ne dispose pas aujourd’hui des répartitions région par région. Sous réserve d’analyse plus poussée, certaines semblent plutôt satisfaites, d’autres assez déçues. Les préfets viennent tout juste de recevoir leurs mandats, et ont entamé des discussions avec les exécutifs régionaux à la fois pour préciser les intentions du gouvernement et pour mettre de l’huile dans les rouages. Et manifestement, il en faudra.

Les priorités aux mobilités décarbonées et aux transports du quotidien semblent respectées. C’est au moins un peu de continuité bienvenue dans le désordre de ces dernières années.

Arriva se lance sur le ferroviaire en open access

Alors que l’ouverture à la concurrence en open access ne se traduit pour l’instant en France que par les dessertes de Trenitalia sur Paris-Lyon et Paris-Milan, un nouvel acteur se positionne désormais sur des liaisons transfrontalières avec Paris comme terminus : il s’agit d’Arriva Netherlands.

La filiale de la DB Arriva a créé la surprise cette semaine en annonçant avoir déposé une demande de desserte de Groningue vers Amsterdam, aéroport de Schipol, Rotterdam, Anvers, Bruxelles et Paris. Un service quotidien sera assuré dès 2026, avec un trajet d’un peu plus de cinq heures : Groningue 5h30, Paris 10h40, retour Paris 19h15 Groningue 0h30. Une troisième connexion quotidienne relierait seulement Paris et Amsterdam en milieu de journée.

Ce type de desserte s’inscrit dans la droite ligne des encouragements de la Commission à multiplier les dessertes transfrontalières. Elle s’inscrit formellement dans le cadre d’une demande à l’autorité néerlandaise de régulation (ACM, Consumers and Markets Authority), et devrait permettre de simplifier l’homologation des matériels. Mike Cooper, PDG du groupe Arriva, n’exclut pas «à l’avenir» de poursuivre ce type de création de dessertes vers la Belgique et la France.

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