Mobitelex 484 – 10 avril 2025

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On touche le fond (de l’air) 

La qualité de l’air s’améliore dans de nombreuses métropoles grâce aux politiques menées mais une partie des parlementaires veut en finir avec les ZFE.

C’est une expression française intraduisible : le fond de l’air est frais. Manifestement sa variante – «Le fond de l’air est meilleur» – est inaccessible à une partie des députés qui sont prêts à envoyer un signal anachronique en supprimant les ZFE (zones à faibles émissions). Le sort de ces dernières se joue en cette fin de semaine dans le cadre de l’examen de la loi sur la simplification: les amendements d’assouplissement du gouvernement sauveront-ils le dispositif?

Airparif, organisme indépendant, vient de publier sa dernière étude sur la qualité de l’air en Ile-de-France. En vingt ans, entre 2005 et 2024, «les concentrations des polluants de l’air réglementés les plus nocifs pour la santé humaine, à savoir les particules fines et le dioxyde d’azote, ont été divisées par deux (respectivement -55 % et -50 %). Ces baisses sont dues à la combinaison de réglementations et de politiques publiques européennes, nationales et locales, en lien avec l’air, l’énergie et le climat.»

L’amélioration de la qualité de l’air, c’est moins de pathologies graves et une augmentation de l’espérance de vie.

Et c’est quantifié : «Le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l’air a baissé d’un tiers entre 2010 et 2019», précise Airparif. Le respect des normes préconisées par l’OMS (organisation mondiale de la Santé) permettrait d’éviter 7 900 décès prématurés. Logiquement, il faudrait donc continuer et amplifier les efforts engagés.

Il ne s’agit pas ici de défendre sans nuances les ZFE et les ZTL – comme nous l’écrivions la semaine dernière, laissons les collectivités territoriales gérer leur mise en œuvre. Le rapport Pompili de 2023 liste d’ailleurs très bien les facteurs d’équité indispensables à leur acceptabilité, dont celui-ci : «Une ZFE ne pourra être acceptée que si la collectivité sait construire le récit de la ville de demain, dont elle sera l’un des éléments : cette question du récit est essentielle pour replacer cette politique dans un contexte plus global, dans lequel des enjeux tels que le changement climatique, la préservation de la biodiversité ou la lutte contre les pollutions peuvent devenir les moteurs d’un nouveau développement économique, de nouveaux modes de vie et de nouvelles relations sociales.» Au centre des enjeux, la mobilité et la nécessité de construire une offre alternative à l’autosolisme : transports collectifs, vélo, marche à pied…

La généralisation des ZFE en Europe (près de 300, dont Milan, Stuttgart, Bruxelles, Madrid) ne s’accompagne pas du déchaînement de contestations que l’on constate ici en France, incarnées par l’écrivain Alexandre Jardin, auquel il est si difficile d’opposer des éléments rationnels puisqu’il exacerbe le débat avec un présupposé de départ, à savoir une volonté politique délibérée d’exclusion sociale. Ecoutons-le, dans Le Point : « Vous savez comment ils [NDLR «les gens», sans autre précision de sa part…] appellent les parkings pour la multimodalité ? Des « parcs à gueux ». Quand vous êtes pauvre, vous laissez votre bagnole au parking, vous devez continuer en bus, et vous voyez des mecs avec leur Tesla qui vous passent sous le nez. »

Voilà comment le débat public touche le fond par l’instrumentalisation partisane et intéressée du principe d’égalité. Une élite conservatrice pétrie de l’idéologie de l’individualisme (quelle horreur, le bus !) se sert sans vergogne du désarroi d’une partie de la population, au lieu d’encourager à la mutation des pratiques et de travailler de façon constructive à un autre modèle urbain et périurbain.

«Les travaux prospectifs menés par Airparif dans le cadre du Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) estiment que le respect des politiques déjà mises en place, notamment la ZFE métropolitaine, permettrait de poursuivre l’amélioration de la qualité de l’air sur l’ensemble du territoire francilien»: que valent encore de tels arguments rationnels dans un débat public polarisé ? C’est tellement plus simple d’envoyer des étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon et de laisser prospérer des Zones à Fortes Emissions… G. D.

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EXCLUSIF

Photo : Transdev

Thierry Mallet futur président de l’UTPF

La place n’a pas été voulue par Jean Castex. Depuis, les spéculations vont bon train sur les projections d’avenir de l’actuel PDG de la RATP.

C’est aujourd’hui même jeudi 10 avril que le PDG de Transdev s’est porté candidat à la succession de Marie-Ange Debon comme président de l’UTPF (Union des Transports Publics et Ferroviaires), dès juin prochain. Selon un principe d’alternance non écrit mais garant d’une forme de convivialité patronale, c’était soit Thierry Mallet soit Jean Castex. Ce dernier n’ayant pas souhaité devenir le premier PDG de la RATP à prendre la tête de l’organisation patronale, la voie était libre pour celui qui a déjà occupé le poste de juin 2017 à juin 2019, et d’octobre 2019 (après la nomination de Jean-Pierre Farandou à la tête de la SNCF) à juin 2021.

Engagé dans l’évolution de l’actionnariat de Transdev (l’allemand Rethmann va passer à 66% et la Caisse des Dépôts à 34%, avec des droits renforcés), Thierry Mallet pourra faire parler son expérience du secteur et de la négociation, alors que le rythme de l’ouverture à la concurrence va s’accélérer dans les années qui viennent, aussi bien dans le ferroviaire conventionné (TER, Transilien et Intercités) qu’en Ile-de-France (les bus de Paris).

Le renoncement de Jean Castex fait d’ores et déjà beaucoup parler. Est-ce pour ne pas être en porte-à-faux sur des sujets de concurrence qui sont totalement assumés par l’UTPF, lui le PDG d’une entreprise toujours nostalgique de sa culture monopolistique malgré la multiplication des allotissements de ses marchés bus et tram par IDFM ? Ou tout simplement parce qu’il n’avait guère envie de présider une fédération à laquelle par ailleurs il ne rechigne pas à donner quelques coups de main ?

Ou bien est-ce le prélude à sa prochaine candidature à la succession de Jean-Pierre Farandou ?


Photo : AFP/Ludovic Marin

Cette dernière hypothèse, soufflée en très haut lieu, a échauffé les états-majors parisiens depuis le début de la semaine, à partir d’un constat largement partagé : si Jean Castex, adorateur du chemin de fer, prétendait effectivement devenir PDG de la SNCF, Emmanuel Macron et François Bayrou ne lui refuseraient probablement pas, trop contents de trouver un successeur à Jean-Pierre Farandou aussi apte que lui à pacifier une entreprise syndicalement dynamique – à défaut de mettre en piste un patron industriel expérimenté à même de projeter la SNCF dans le monde d’après.

Etant entendu que le président de la République comme à son habitude ne se montrera guère respectueux des formes du recrutement déjà lancé par l’APE (Agence des Participations de l’Etat), l’hypothèse d’un transfert de Jean Castex à la SNCF nécessite pourtant au préalable que l’exécutif étudie une situation et résolve un problème.

La situation, c’est la faisabilité juridique et l’opportunité «morale» d’un tel transfert. On passe sur la HATVP, qui n’a aucune raison d’être plus sourcilleuse qu’à l’automne 2022 lors de la nomination de Jean Castex à la tête de la RATP, d’autant plus que formellement, le 16 mai prochain, trois ans se seront écoulés depuis la démission de Jean Castex Premier ministre, qui ne relèvera donc plus de restrictions déontologiques – au demeurant les quelques réserves posées par les équipes HATVP de Didier Migaud en 2022 ont été aussi bien respectées que l’interdiction du portable au volant. On pense surtout à l’Autorité de la concurrence – le contexte n’est plus celui de 2005 quand Anne-Marie Idrac était passée de la RATP à la SNCF : est-ce un problème pour le PDG d’un groupe ayant deux filiales (CAP Ile-de-France et RATP Dev) engagées sur des marchés concurrentiels communs avec la SNCF et ses propres filiales (Keolis et la SA SNCF Voyageurs) de passer «à l’ennemi»? Rien ne dit que l’Autorité ait de quoi formuler un avis ex-ante, mais mieux vaudrait anticiper certaines situations. Scénario potentiellement cocasse et inédit : c’est en juin que l’on saura à qui IDFM attribue la ligne L de Transilien. Si c’est à la RATP, Jean Castex serait donc à la fois l’ex-PDG du gagnant et le nouveau PDG du perdant…

Le problème, c’est la succession de Jean Castex à la RATP. Il est adoré par la plupart des syndicats qui lui sont reconnaissants de son style et de ses gestes salariaux, jusqu’à produire des communiqués de soutien inédits lors de sa récente garde à vue à Montpellier dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des soupçons de «faux et usage de faux en écriture, soustraction et détournement de fonds publics sans enrichissement personnel», du temps où il était président de la communauté de communes Conflent Canigo dans les Pyrénées Orientales. Renouvelé en septembre dernier avec le soutien quasi-unanime des parlementaires, il quitterait donc la «PME» RATP pour la prestigieuse SNCF ? De quoi susciter quelque amertume chez les salariés de la RATP et leurs syndicats, qui pourraient avoir envie d’en découdre plus durement, par exemple sur l’ouverture à la concurrence des bus parisiens ? A minima, il faudrait trouver à Jean Castex une ou un successeur au plus vite.

N’en déplaise à un exécutif qui aime toujours autant les mercatos symboles de son pouvoir quasi discrétionnaire (on voit mal le Parlement repousser une candidature du populaire Jean Castex), le contexte et le calendrier sont quelque peu contraignants. A les ignorer, et à privilégier une solution entre amis, ils pourraient avoir résolu un problème mais en faire émerger un ou plusieurs autres.


SOCIAL

SNCF, le dernier déminage de Jean-Pierre Farandou

Pour éviter une grève lors du long week-end du 8 mai, le PDG de la SNCF a multiplié les engagements en ce début de semaine.

Jusqu’au bout… A quelques semaines de son départ programmé de la présidence exécutive du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou a dû retrousser une nouvelle fois ses manches pour, selon ses propres termes employés dans une lettre envoyée mardi dernier aux trois syndicats CGT, UNSA et CFDT, «éviter un conflit dont personne ne sortirait gagnant dans le contexte politique, économique et international que nous connaissons.»

Première ironie de la séquence, c’est sans Sud-Rail, qui est de loin le plus allant dans la menace de grève des ASCT du mois de mai, qu’a eu lieu la réunion du 7 avril autour du PDG. Le syndicat «acte la rupture complète du dialogue social avec la direction SNCF. […] SUD-Rail ne participera plus à l’ensemble des instances représentatives, aux réunions organisées par la direction et décide durcir les contacts avec la direction.» Une telle radicalité alimente l’hypothèse d’une double stratégie, de s’attirer les soutiens des roulants et de faire monter la pression avant le choix du successeur de Jean-Pierre Farandou.

Deuxième ironie en forme de paradoxe, le climat social dans le groupe SNCF n’est guère à la conflictualité généralisée.

Comme depuis la fin de la crise Covid, c’est au sein de la SA SNCF Voyageurs qu’ont émergé les nouvelles revendications les plus dures (ASCT puis ADC). Et à nouveau, devant le risque complaisamment relayé par des médias alléchés par l’odeur du conflit, c’est au PDG du groupe de prendre le relais de la SA pour tenter d’enrayer le mouvement.

Dans son courrier Jean-Pierre Farandou annonce plusieurs rendez-vous : une table ronde emploi dès mardi dernier avec le DRH groupe et les cinq DRH sociétés, un bilan des notations 2025 dès hier mercredi 9 avril, une commission de suivi et d’action issue de l’accord sur le temps de travail (aujourd’hui 10 avril), une table ronde sur l’encadrement le 15 avril, et enfin un audit indépendant mené par SNCF Voyageurs sur des sujets d’application de la réglementation du travail, qui concernera aussi les ASCT et les ADC.

Cette salve de rendez-vous à très court terme s’accompagne d’autres engagements, d’ici l’été, relatifs à la formation, aux conditions de travail et à la préparation de la future NAO 2026 (négociation annuelle obligatoire).

L’objectif stratégique semble bel et bien de décrocher la CGT de l’aspiration conflictuelle de Sud-Rail. Mais sur le fond, c’est la situation à la SA SNCF Voyageurs qui semble concentrer le plus d’attention. Sur le terrain, la persistance de dysfonctionnements dans la gestion des plannings de travail des roulants continue à alimenter leur amertume, eux qui n’ont pas, par définition, le droit au télétravail qui ravit leurs collègues. Par ailleurs, la mise en place des sociétés dédiées s’accompagne de tensions sur les conditions de travail – ce fut le cas en Pays-de-la-Loire en décembre dernier. Pour faire simple, c’est facile de prendre des engagements pour gagner un contrat, mais c’est après que les problèmes commencent quand les responsables chargés des opérations se heurtent à la faisabilité des promesses et, surtout, à leurs coûts induits.


PUBLICATION

Nicolas Samsoen, à contre-courant

Avec «D’excellents français» *, l’ancien directeur de la stratégie de la SNCF et de Transdev et actuel maire UDI de Massy reprend le flambeau de Bernard Stasi qui affirmait que «l’immigration est une chance pour la France».


On a envie de conseiller à tous les bateleurs d’estrade et de plateaux télé obsédés par l’identité et l’immigration de lire le livre de Nicolas Samsoen. C’est à la fois un témoignage engagé d’un maire qui vit dans sa commune – Massy, 50000 habitants – et la production originale d’un homme qui réfléchit. Le mélange des deux est instructif : la réalité du terrain protège des embardées faciles et les convictions humanistes garantissent l’honnêteté du propos.

Le parcours de Nicolas Samsoen (directeur de l’Epamsa de 2004 à 2009, directeur de la stratégie de la SNCF puis de Transdev, maire à plein temps de Massy depuis 2017) illustre d’ailleurs à lui seul une forme de dualité du personnage, qui revendique tout à la fois de «dire, ressentir et agir», les trois parties de son ouvrage destiné à prolonger le fameux essai du centriste Bernard Stasi il y a quarante ans, qui portait si mal son nom pour un authentique libéral. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette filiation : «D’excellents français», c’est avant tout une plongée dans le quotidien d’une ville de diversité comme si vous y viviez, pour éviter les erreurs et les amalgames.

Difficile de résumer un tel voyage, qui commence par une question astucieusement formulée : «Comment faire bien vivre ensemble Pierre, Elisabeth, Tama, Bouchra, Olivier, Beatriz, Mustapha, Véronique, Benjamin, Hawa, Franck, Caroline, Hakim, Hélène, Yann, Anne, Cécile ?» Nicolas Samsoen poursuit: «Je n’ai pas choisi ces prénoms au hasard. Ce sont les prénoms de mes adjointes et mes adjoints à Massy.» On découvre une ville où coexistent plutôt harmonieusement toutes les religions, avec une communauté musulmane en forte progression. Un jour une quinzaine de mamans, la majorité d’entre elles voilées, à la sortie d’une école : «Monsieur le maire, on veut des blancs !» Nicolas Samsoen : «Ces mères ne s’embarrassent pas de politiquement correct. Elles savent bien que leurs enfants sont les premières victimes de la non-mixité et que cela se voit aussi par la couleur de peau».

Alors, «que faire ?», se demandait Lénine. «Pour faire de la diversité une chance pour la France», se demande Nicolas Samsoen qui n’est pas vraiment un révolutionnaire mais plutôt un bon centriste qui s’est senti trahi par Emmanuel Macron sur sa gouvernance verticale, «nous devons nous atteler à plusieurs sujets qui sont la substance même de l’action politique : l’éducation, l’emploi, le logement, l’égalité, la sécurité, la laïcité, la culture, le sport, l’économie. […] Et pourtant, nous n’y arrivons pas.» La faute à… «ce maudit jacobinisme !» «Ce sont nos institutions qui sont en panne», assène Nicolas Samsoen, qui rappelle aussi la formule de Bernard Bosson («Les Français, les hommes politiques et les journalistes se méritent réciproquement») et la commente : «Rien ne nous interdit d’élire des gens courageux.»

Ni catastrophiste ni angélique, «D’excellents français» offre matière à réflexion et à espoir, tout en incitant à combattre les vérités projetées : «La description apocalyptique que certains font des banlieues n’est pas conforme à la réalité. Peut-être devraient-ils s’y rendre plus souvent ?»

«D’excellents français», Nicolas Samsoen, Ed. Grasset, 288 p., 22€.


Fier de la ligne V entre Massy et Versailles-Chantiers

Le transport et la mobilité restent des sujets majeurs d’intérêt pour Nicolas Samsoen, qui sait combien la qualité de vie et l’attractivité d’une commune dépendent de la qualité de ses dessertes. Particulièrement bien dotée avec le RER B et la gare TGV, Massy attend prochainement l’ouverture de la ligne 18 entre Orly et Saclay (avec une nouvelle gare à Massy Opéra), tout en disposant depuis la fin 2023 d’une liaison ferroviaire dédiée Massy-Versailles Chantiers, officiellement baptisée ligne V à la fin de l’année dernière.

Nicolas Samsoen est particulièrement fier d’avoir contribué à la «désolidarisation» du RER C de cette portion historique de la ligne de Grande Ceinture, consécutivement à la mise en service du T12. Ce choix fiabilise l’exploitation d’une ligne (95,1% de ponctualité pour l’année 2024) qui relie Massy à Versailles en une vingtaine de minutes et cinq gares intermédiaires, en attendant la réalisation d’une nouvelle gare dite du Pileu, à l’ouest de Massy vers Jouy-en-Josas. A proximité d’un site de l’industriel Safran, du nouvel écoquartier Vilgénis et de plusieurs quartiers d’habitations, elle coûterait selon une première estimation de Gares & Connexions 15 millions d’euros au maximum (+ l’élargissement à 600000 euros du pont-route de la RD 117 pour une piste cyclable) et ferait l’objet d’une consolidation avant l’été pour une convention de financement de l’avant-projet à un CA d’IDFM à l’automne.

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