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La vérité si j’ai menti
L’exécutif essaie de sauver des finances publiques qu’il a lui-même mises à mal. Anthologique.
«La vérité permet d’agir» : en projetant ce slogan lors de son intervention mardi dernier sur l’état des finances publiques, François Bayrou a achevé ce qu’il pouvait rester de crédible dans la parole de l’exécutif. La semaine même où la Commission d’enquête sur le dérapage des Finances publiques établissait clairement les responsabilités (une surévaluation des recettes et une inflation des dépenses), le Premier ministre et Bercy auto-amnistient la majorité au pouvoir depuis 2017 avec un aplomb proprement extraordinaire.
On achète la paix civile par la dépense publique
Qui a généralisé les «quoi qu’il en coûte», les généreux transferts sociaux, les massives aides aux entreprises et la démagogie de la subvention, alors que les recettes ne suivaient pas ? Mettons de côté la période Covid, dont on peut convenir qu’elle était suffisamment dystopique pour justifier quelques emballements. Depuis, Jean Castex, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, chacun dans son style, ont suivi la route tracée par le Président de la République : on achète la paix civile et le soutien des entreprises par la dépense publique. Cette évidence a été en partie masquée par le conflit sur les retraites, qui a alimenté le récit d’un exécutif responsable des deniers publics.
Alors oui, tout le monde ou presque a suivi le mouvement car la distribution a été très large. Mais du fait de l’échec de la dissolution de 2024 et de l’absence de re-légitimation du pouvoir macronien dans les urnes, l’exécutif est durablement disqualifié dans son entreprise de rétablissement des comptes. L’espoir d’une rédemption politique miraculeuse est une lubie à laquelle s’accrochent des sortants qui ne veulent pas sortir.
Voilà où nous en sommes. Il n’y a effectivement pas d’autre choix que de s’atteler à la dépense publique. Mais il paraît de plus en plus improbable qu’un gouvernement aussi faible et son Premier ministre peut-être bientôt accablé par l’affaire Bétharram, prisonniers des choix d’Emmanuel Macron, réussissent à convaincre à la fois le Parlement et l’opinion publique d’accepter la sueur et les larmes. G. D.
Jean Castex: «Je ne suis pas candidat à la succession de Jean-Pierre Farandou»
Lors d’un conseil d’administration de la RATP, hier jeudi 17 avril, le PDG Jean Castex a démenti se porter candidat à la succession de Jean-Pierre Farandou. «Je n’ai jamais écrit à l’Elysée, ni à une autre autorité», a-t-il précisé selon l’AFP, alors que l’APE (Agence des Participations de l’Etat) a engagé un processus d’auditions via un cabinet de recrutement.
Pouvait-il faire autrement, alors que la négociation du contrat avec IDFM est très délicate et que les syndicats mettent la pression sur l’accompagnement des mises en concurrence de la RATP (lire Mobitelex 484) ? Cela étant, dans l’hypothèse où le Président de la République lui demanderait, pourrait-il refuser d’y aller ? Le feuilleton de la succession n’est pas terminé. Rappelons qu’il appartient au seul Président de la République de pressentir un candidat qui sera ensuite auditionné par les commissions parlementaires compétentes.
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SOCIAL
Contrôleurs SNCF, vrais irritants et surenchères catégorielles
Les revendications du Collectif National ASCT (CNA), reprises par Sud-Rail et la CGT, sont à l’origine de l’emballement médiatique sur le scénario d’une paralysie ferroviaire lors de la semaine du 8 mai prochain. Essayons d’y voir un peu plus clair.
L’avant-garde revendicative des ASCT, le fameux collectif CNA, mène trois combats, repris par les fédérations syndicales Sud-Rail et CGT – qu’il ne nous en veuille pas de cet exercice de clarification.
1) La résolution des irritants du quotidien. Les ASCT du CNA dénoncent à la fois un excès de notifications du logiciel de commande des plannings (souvent pour des modifications très mineures) et un excès de modifications «structurantes» de leurs services, alors que les circulations ferroviaires sont planifiées très à l’avance. Manifestement les défauts du logiciel ont été sous-estimés, et depuis trop longtemps, alors même que la qualité de vie au travail (QVT) est devenue une priorité pour des roulants qui ne peuvent prétendre au télétravail de leurs collègues. Sur ce sujet SNCF Voyageurs a d’ores et déjà promis de réduire de 25% lesdites notifications, considérées comme stressantes, d’apporter une réponse en sept jours aux demandes de congés non protocolaires et d’assurer une visibilité six mois à l’avance sur les repos des agents en roulement.
2) L’amélioration des calculs de rémunération pour la retraite. Attention ! c’est technique… Le CNA souhaite qu’un maximum d’ASCT partent à la retraite en position de rémunération 21, c’est-à-dire la position maximale, créée il y a quelques années. Problème : la position maximale précédente (la 18) n’était atteinte que par 23% des effectifs. Autant demander des frites à la cantine pour tous… Cette revendication très «générationnelle» des quinquas leaders du CNA n’est pas forcément partagée par tous les ASCT, les plus jeunes étant sensibles à d’autres perspectives d’évolutions de carrière et de métier, par exemple vers la conduite (une centaine d’entre eux sont devenus agents de conduite en trois ans).
3) Une augmentation de la prime de travail. Revendiquée par Sud-Rail à 100 euros (et potentiellement liquidable pour la retraite), elle pose un problème majeur à l’entreprise car elle ferait partie des dispositions susceptibles d’être «contagieuses» à l’ensemble des cheminots (au même titre que les dispositions statutaires). SNCF Voyageurs se borne donc à promettre un groupe de travail en septembre sur la simplification et la lisibilité de la prime de travail spécifique aux ASCT – pas question d’empiéter sur la NAO 2026. Les organisations syndicales ont par ailleurs reçu un calcul réalisé par la SA : entre 2022 et 2024, la rémunération brute annuelle des ASCT a crû en moyenne de 8 000 euros, pour atteindre, pour une présence à temps plein toute l’année, 45 000 euros bruts, hors allocations de déplacements (50 000 euros pour un chef de bord).
Récapitulons. Un Collectif d’ASCT bien organisé (surtout en Sud-Est) et audible médiatiquement du fait de quelques succès antérieurs aligne les revendications catégorielles et cherche l’appui des syndicats représentatifs. Une première mobilisation (pour ce week-end de Pâques) échoue, puis le soutien de Sud-Rail avec un préavis à partir du 7 mai donne de la visibilité au mouvement. La CGT n’entend pas rester en lisière et pose son propre préavis à partir du… 5 mai. Parallèlement, les cinq échelons de négociation (Etablissements, Axe, et surtout TGV, SA Voyageurs et Groupe) sont mobilisés pour essayer d’enrayer la dynamique du conflit. La CFDT, qui compte beaucoup chez les ADC (agents de conduite) n’embraye pas, l’Unsa non plus. Le corps social cheminot ne semble pas considérer, à cette heure, que les ASCT constituent leur avant-garde revendicative, au regard de la NAO 2025 et du contexte économique général. Il reste deux semaines de discussions.
SNCF Voyageurs, opération structuration
Pendant ce temps-là, la SA Voyageurs présidée par Christophe Fanichet prépare activement sa mue en vue de l’accélération de sa mise en concurrence sur ses différents marchés. Pour tenir la trajectoire des investissements (Matériel roulant, Technicentres et stations TGV, digital etc), il semble impératif à ses dirigeants de mener à bien la transformation annoncée à l’automne. Si le chiffre d’affaires 2024 a continué de croître à +5,8% (c’est beaucoup), la masse salariale a elle aussi bondi (+10%) du fait, pêle-mêle, des Jeux Olympiques, des augmentations salariales et de la croissance des effectifs.
Lors d’un CSE qui s’est tenu cette semaine, plusieurs préfigurateurs ont donc été nommés afin de poser dès le début 2026 les bases des futures entités constitutives de SNCF Voyageurs : Jean-Aimé Mougenot pour la BU (Business Unit) «DSP», qui regroupera Transilien, TER et une partie d’Intercités, Alain Krakovitch pour la BU «Europe Open Access» (la grande vitesse et une partie d’Intercités), Xavier Ouin pour la Service Line «Matériel», Tanguy Cotte-Martinon pour la direction générale de la SA (finances, RH, Sûreté, achats, juridique, communication, RSE etc). Les dénominations ne sont pas définitives. Il reste encore à fixer le cadre de structuration pour la Tech et la Distribution.
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ILE-DE-FRANCE
ATM, quelle différence ?
L’opérateur public milanais qui vient de gagner son premier appel d’offres en Ile-de-France entend assurer les fondamentaux exigés par IDFM mais aussi apporter sa propre touche.
Jean-Arnaud Puig, directeur général France, et Arrigo Giana, président du groupe ATM, lundi 14 avril à Paris. © Mobilettre
L’exercice était attendu cette semaine. Soumis au cadre strict des appels d’offres d’IDFM, ATM lauréat du lot bus 40 peut désormais sortir du bois et prouver publiquement, avant même de passer à l’opérationnel, sa compétence. Mais l’exercice devient délicat quand des élus de gauche (PCF) et des syndicats passent à l’attaque et entendent discréditer le nouvel entrant (lire ci-dessous).
Passons sur les éléments de langage attendus : le bastion de crédibilité professionnelle à Milan, les expériences réussies à l’étranger (Copenhague, Riyad, Thessalonique), le respect d’IDFM – «la Champion’s League du transport public» -, la courbe d’apprentissage (cinq échecs en Ile-de-France avant de gagner ce lot 40 de Fontenay). «Nous avons prouvé à IDFM et à son directeur général Laurent Probst que nous étions là pour rester et pour réussir», explique Arrigo Giana, président du groupe ATM. «Notre obstination à comprendre le processus d’appel d’offres et à progresser dans nos réponses a été récompensée.»
Arrivons à l’essentiel: comment ATM s’est-il différencié, au-delà du prix et des fondamentaux (sécurité, relations institutionnelles, gestion sociale) ?
«Nous voulons supprimer l’offre non réalisée qui est un véritable fléau et augmenter la régularité», affirme le directeur général français Jean-Arnaud Puig, qui a passé dix ans chez Transdev Ile-de-France avant une expérience de trois chez ISS Group puis son recrutement par ATM en 2022. «C’est effectivement notre ADN : nous ferons porter nos efforts sur la réussite opérationnelle qui résultera de la qualité de nos recrutements, de notre organisation et de la performance des fonctions support», confirme Arrigo Giana.
Dans moins d’un an, le 1er mars 2026, ATM prendra donc les commandes des 18 lignes de la Croix-du-Sud (environ 750 salariés). D’ici là, il aura reçu, en mai prochain, la liste des salariés transférés, puis engagé le processus RH. «Nous planifions l’embauche d’une centaine de personnes», avance Jean-Arnaud Puig à Mobilettre. Est-ce à dire qu’ATM anticipe des départs massifs voire d’éventuels licenciements ? Elus communistes à la Région et CGT RATP n’hésitent pas à franchir le pas en soupçonnant ATM «de planifier le départ des plus expérimentés», les jeunes recrues étant embauchées à des conditions moins favorables, ce qui ferait baisser la masse salariale. Une plainte a même été déposée par les élus communistes devant l’Autorité de la concurrence. IDFM dément officiellement tout encouragement au dumping social et s’émeut, selon nos informations, de la divulgation des documents confidentiels d’analyse des offres, qui donnent lieu à des interprétations orientées.
Les autres c’est l’enfer ?
La violence de la défiance des élus communistes à la région Ile-de-France (et de plusieurs syndicalistes de la RATP) à l’encontre du milanais ATM pose problème. Jusqu’à maintenant, l’ennemi c’était par définition l’opérateur privé concentré sur le profit. Soit. Désormais c’est aussi l’opérateur public étranger. Si ce n’est pas du nationalisme un peu rance… Les autres c’est toujours l’enfer?
Analysons cette offensive anti-ATM : la RATP gagnerait donc des appels d’offres en province et à l’étranger (y compris en Italie, en Toscane) toujours à la loyale quand ses concurrents étrangers, y compris comme lui à capitaux 100% publics, l’emporteraient en Ile-de-France par du dumping social ? C’est faire fi subitement de la capacité d’analyse d’IDFM, qui a singulièrement accru depuis les premiers allotissements d’Optile son attention sur la dimension sociale des réponses aux appels d’offres. Et si l’ouverture à la concurrence des réseaux historiques de la RATP mettait aussi en évidence quelques archaïsmes organisationnels, des sureffectifs dans les fonctions transverses et autres laxismes de gestion RH ?