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Ça débloque fort !
Après le chef d’œuvre de la dissolution de 2024 par Emmanuel Macron, voici le bijou du sabordage par François Bayrou, un an plus tard. La situation est critique, y compris pour le secteur de la mobilité.
On saura peut-être un jour pourquoi le Président de la République a accepté de convoquer le Parlement en session extraordinaire le 8 septembre, à partir de la proposition solitaire et suicidaire de son Premier ministre de solliciter un vote de confiance. Parce qu’il n’en voulait plus et trouvait là une occasion de s’en débarrasser à bon compte ?
Toujours est-il qu’avant les deux prochaines tempêtes annoncées, les discussions budgétaires et les mobilisations sociales, voilà la France plongée dans l’incertitude de son futur exécutif. La cohorte des désabusés ne cesse de grossir, et on verra le 10 septembre si celle des énervés est aussi massive qu’annoncé par certains. De ce point de vue rien n’est sûr, d’autant que les organisations syndicales des transports, dont le pouvoir de blocage n’est plus à démontrer, ont préféré appeler à la grève le 18 septembre, en bon ordre.
Du 8 au 18 septembre, il y aura donc dix jours d’intenses mobilisations politiques et sociales qui pourraient ébranler les dernières fondations d’un macronisme qui n’en finit plus de se fissurer. Emmanuel Macron, 15% d’opinions favorables, quand François Hollande était tombé à 13%. N’oublions pas Nicolas Sarkozy et son appel à donner Matignon au RN : désormais 0% d’honneur, 100% d’indignité.
Tout cela est d’autant plus navrant qu’à l’issue d’une conférence Ambition France Transports digne et constructive, on pouvait espérer d’ici la fin de l’année quelques clarifications et engagements d’avenir. Car cet été a montré une fois de plus l’extrême sensibilité des Français aux questions de mobilité, au cœur des enjeux sociaux et environnementaux. La chute d’un rocher sur deux jeunes passagers d’une automobile, entre Saint-Gervais et Chamonix en Haute-Savoie, a tout particulièrement stupéfait l’opinion publique, et accéléré la prise de conscience de l’urgence de l’adaptation au réchauffement climatique, qui doit aller de pair avec la décarbonation. Mais comme tant de sujets d’avenir majeurs, les grandes décisions en la matière devront probablement attendre 2027.
Morale provisoire de cette rentrée, que nous vous souhaitons par ailleurs excellente dans vos propres activités : si les uns bloquent et les autres débloquent, cela risque fort de finir par un mauvais choc. G. D.
SNCF, hypothèses de succession
«Wait and sea», nous permettions-nous d’écrire le 24 juillet, impatients de piquer une tête dans l’océan, à propos de l’éventualité de la nomination de Jean Castex à la tête de la SNCF. Que nous a-t-on interrogés sur notre réticence à la considérer comme inéluctable, cette nomination, malgré l’avalanche de promesses de communiqués élyséens. Un peu plus d’un mois plus tard, on n’a rien vu du tout. Wait and see nothing.
Il est donc permis de douter à nouveau de l’intention réelle du Président Macron de laisser son ancien Premier ministre jouer au train, comme, désormais, de la faisabilité politique d’une telle nomination après le probable départ de François Bayrou. A mesure que monte la grogne sociale et politique, ce n’est probablement pas ou plus l’idée du siècle. Le Parlement n’a plus vraiment de raison de se montrer docile devant les initiatives présidentielles, et les salariés de la RATP semblent vouloir eux aussi battre fort le pavé.
Alors, qui à la tête de la SNCF ? On en revient à cette question lancinante depuis qu’au printemps 2024, le gouvernement avait cru bon de lâcher le maître des lieux pour de très mauvaises raisons. Les plus ou moins candidats ayant plus ou moins disparu, pour de multiples raisons, il n’en reste qu’un au moment où l’on écrit ces lignes, qui ressemble de plus en plus à un vainqueur de Koh-Lanta, rescapé de l’orientation et résilient de l’épreuve des poteaux : Jean-Pierre Farandou.
Fidèle au poste jusqu’à cette fin 2025, voudra-t-il encore dépanner quelques mois supplémentaires ou même davantage, avec le renfort d’un ou une DG, dans l’hypothèse où pour un gouvernement forcément fragile, l’impératif de stabilité primerait sur toute autre considération ? Par construction la question se pose. Wait and see.
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FERROVIAIRE
Le bel été de SNCF Voyageurs
Les chiffres de toutes les activités confirment l’engouement des Français et des Européens pour le train. L’automne sera consacré à la poursuite de la transformation de la SA.
Les trafics de l’été 2025 furent meilleurs que ceux de l’été 2024 : +2,4% pour l’activité longue distance, soit 25 millions de passagers transportés. Principales explications : un calendrier favorable (les ponts du 14 juillet et du 15 août) et un double effet Jeux Olympiques, un an après. Paris, boosté par le succès de la manifestation sportive, a attiré de nouveaux touristes, et les voyageurs Pros, qui avaient évité la capitale pendant les JO, sont revenus en force cette année. En toile de fond, la persistance d’un très fort appétit pour le train, qui reste contrarié par la saturation de l’offre. La preuve : sur Paris-Marseille, où Trenitalia a assuré cinq allers/retours par jour pendant l’été, la progression a été très supérieure à la moyenne de 2,4% – elle a atteint +9%. La croissance de l’offre génère la croissance de la demande. Et les taux d’occupation progressent.
Les chiffres sont donc logiquement encore meilleurs sur l’Europe où la croissance de l’offre est plus forte qu’en France : +13%, à 7 millions de passagers, grâce notamment à l’Espagne, avec plusieurs nouvelles lignes ouvertes, l’Allemagne et la Suisse. Objectif de SNCF Voyageurs pour 2030 : 30% de ses trafics longue distance en Europe, contre 22% aujourd’hui. Avec comme perspective principale un développement en Italie en 2027, encouragé par le gouvernement de Giorgia Meloni.
Le TER n’est pas en reste dans ce paysage ensoleillé : +4% en moyenne. Cette rentrée pourrait même être radieuse pour cette activité : selon nos informations SNCF Voyageurs est entrée en négociations exclusives avec la région Sud pour l’attribution du lot 3 (ligne Est-Provence et ligne des Alpes Marseille-Briançon).
Dans ce contexte Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, et ses équipes affrontent un double défi pour les années qui viennent:
- se donner les moyens d’une augmentation des offres en volume et en qualité de service sur la longue distance, avec l’arrivée attendue des TGV-M à partir de 2026 et le passage en rénovation Botox d’une centaine de rames, sans oublier la poursuite de la rationalisation de l’utilisation du parc (liée en partie à l’avenir des TGV d’aménagement du territoire)
- adapter l’organisation et le management de SNCF Voyageurs à la nouvelle fragmentation des marchés ferroviaires (SLO, DSP, Matériel, Distribution), à partir de cet automne.
Transdev sur Marseille-Nice, deux mois sous pressions
Mobilettre va se garder de tout bilan global prématuré sur l’exploitation de la ligne du littoral Marseille-Toulon-Nice par le nouvel exploitant Transdev, depuis le 30 juin, pour plusieurs raisons :
les deux mois d’été sont assez particuliers et il faut au moins un ou deux mois d’exploitation dans des conditions «normales» pour évaluer la performance d’un nouvel opérateur qui succède à un très ancien monopole. L’ampleur du changement ne doit pas être sous-estimé.
le matériel neuf, les rames Omneo, n’est pas encore livré en totalité. En fin d’année il y aura moins d’excuses pour des compositions non respectées ou des fiabilités approximatives.
surtout, il faut prendre un peu de recul par rapport aux surenchères publiques des anti et pro-concurrence.
C’est au demeurant le premier enseignement de ces deux premiers mois : Transdev a paru dans un premier temps assez démuni face aux premières opérations de déstabilisation menées par des syndicalistes, notamment de Sud-Rail et de la CGT nationale, pour lesquels l’allotissement des services TER est une atteinte fondamentale à l’unité ferroviaire et entraîne un possible affaiblissement syndical. Restons par conséquent au plus près des chiffres. Du point de vue de la régularité et de la qualité de service, non seulement les statistiques (95,52% de ponctualité à cinq minutes sur les deux mois, 97% en août) et les expériences voyageurs sont très correctes, mais un tel basculement d’opérateur justifie un peu de clémence sur certaines scories – surtout au regard des années précédentes. Encore faut-il pouvoir réagir rationnellement aux critiques, ce qu’a d’ailleurs très bien fait l’expérimenté Jean-Pierre Serrus, vice-président de la Région.
Le franchissement d’un carré a donné lieu à un déchaînement de critiques sans mesure. Il fait effectivement désordre – selon les statistiques de l’EPSF il s’en produit entre 15 et 25 par an sur le réseau. Mais le conducteur en cause n’est pas un petit jeune mal formé par le méchant Transdev : plutôt expérimenté, il vient de la SNCF. La CGT locale, qui adopte une ligne plutôt raisonnable, a elle-même calmé le jeu. L’EPSF (Etablissement public de sécurité ferroviaire), comme il se doit pour toutes les nouvelles sociétés dédiées exploitantes, va rendre un rapport très attendu sur ces questions essentielles de sécurité. Cette semaine, par l’intermédiaire de son directeur Laurent Cebulski dans les colonnes de notre confrère La Lettre ferroviaire, il ne s’est pas montré alarmiste.
En toute hypothèse il faut encore un peu de temps à Transdev pour consolider son exploitation et ses process, et améliorer des temps de réaction en situation de panne, comme aux Arcs Draguignan le 3 août. Les prochaines semaines seront très importantes pour confirmer les améliorations entrevues en août et stabiliser le service nominal qui, il faut le rappeler, est marqué par un doublement de l’offre avec seize trains disponibles. Il faudra aussi demander aux salariés eux-mêmes ce qu’ils pensent des conditions de travail proposées par leur nouvel employeur.
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ACCIDENT
Funiculaire de Lisbonne, l’effroi
16 morts et 23 blessés, le bilan de l’accident de funiculaire mercredi 3 septembre à Lisbonne est très lourd. Il marque d’autant plus les esprits qu’un tel moyen de transport n’est à juste titre pas considéré comme dangereux, au regard de la simplicité de sa conception, de sa vitesse de déplacement et du faible taux d’accident depuis la seconde guerre mondiale – hormis le terrible incendie de Kaprun en Autriche en 2000 (155 morts). Les enquêteurs devront déterminer pourquoi, selon les premières constatations, le câble de traction s’est détaché de la rame et les freins de secours n’ont pas fonctionné.
MOUVEMENT
L’Afra change de président
La règle d’alternance a été respectée : le président de Trenitalia France Marco Caposciutti a succédé hier à Alexandre Gallo, PDG de DB Cargo France, comme président de l’Afra, l’Association française du rail qui représente les opérateurs altrenatifs à la SNCF. Le président sortant devient vice-président, tout comme Raphaël Doutrebente (Europorte) et Claude Steinmetz (Transdev).