: Mobitelex 47 – 21 mars 2013

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

Jacques Auxiette, ses premières préconisations

Il tient sa promesse. Malgré pas mal de manœuvres pour l’en dissuader, Jacques Auxiette s’apprête à délivrer quelques solides préconisations sur l’ensemble de la réforme ferroviaire, et pas seulement sur la place accordée aux régions/autorités organisatrices. Dopé par l’exercice d’une parole libre sur Notre-Dame-des-Landes, le président de la région des Pays-de-la-Loire et vice-président de l’ARF persiste et assume un positionnement volontariste, indépendant, celui d’une reprise en main de la politique ferroviaire par les collectivités publiques. Voici une première esquisse des points saillants d’un rapport en cours de finalisation, que Mobilettre s’est procurée.

Cela commence par la maîtrise intégrale et unifiée du foncier ferroviaire, y compris les gares. C’est « le patrimoine de la Nation », un socle solide de service public qui installe la pérennité d’une politique pro-ferroviaire. On sent la référence aux Anglais, qui ont renationalisé leur réseau, beaucoup réinvesti et mis en place une régulation de qualité, après des années d’errances et de dramatiques gouvernances. C’est aussi une garantie donnée face aux scénarii d’un démantèlement des patrimoines ferroviaires brandis par les syndicats.

Cela se poursuit, pour l’Epic-structure faîtière du futur système ferroviaire, par un pilotage clair et affirmé de l’Etat et des AO. Les politiques et des personnalités qualifiées seraient notamment appelés à administrer cet Epic. Finie «l’irresponsabilité des hauts fonctionnaires»! Selon nos informations, Jacques Auxiette proposera d’introduire une responsabilité pénale et civile pour ces administrateurs. En clair, il veut mettre en place les structures et instruments d’une vraie politique ferroviaire nationale, en prise avec le Parlement qui votera une loi de programmation pluri-annuelle. Au sein de cet Epic de tête, dont dépendront deux autres Epic (SNCF et GIU), des fonctions transverses qui font déjà consensus (RH, recherche et innovation, formation audit, politique européenne et développement international), mais aussi deux domaines plus stratégiques : la performance économique et la politique industrielle.

Car in fine, Jacques Auxiette place la réduction des coûts et la clarification des ressources en tête des priorités. Le système et le schéma organisationnel doivent servir des objectifs de fond, à savoir la maîtrise des équilibres financiers et économiques par la transparence des comptes et une judicieuse identification des finalités (il faut réhabiliter le principe de la dette positive !). La concurrence ne doit pas être la pierre angulaire de la réforme, car l’essentiel réside bien dans la capacité des pouvoirs publics à fixer les équilibres économiques du système ferroviaire.

Selon nos informations, Jacques Auxiette devrait présenter son rapport formel dans le même timing que Jean-Louis Bianco, qui prévoit une remise officielle de son rapport le 10 avril avant un colloque à l’Assemblée nationale le jeudi 11 avril.

La tonalité des préconisations du président Auxiette tranche avec une sorte de glissement naturel qui conduirait à confier l’ensemble du nouveau système à Guillaume Pepy. Le président de la SNCF, officiellement reconduit mercredi 20 mars, le lendemain de ses auditions devant les commissions du Parlement (lire ci-dessous), ne l’a d’ailleurs pas caché, au cours du premier séminaire commun des dirigeants RFF-SNCF, ce même jour à Paris : en plus de la SNCF, il veut présider aussi le fameux PPU (pôle public unifié), cette structure faîtière qui focalise tellement d’enjeux.

On a donc aujourd’hui trois conceptions du futur système ferroviaire, au-delà du GIU dont tout le monde accepte les principes et contours:

  • celle de Jacques Auxiette, qui revient aux sources des principes de l’action publique. Son option plaira à une gauche orpheline d’instruments de politique volontariste, à des syndicats conscients du désinvestissement actuel de l’Etat et des régions étranglées par la crise des ressources et l’inflation ferroviaire.
  • celle de Guillaume Pepy, qui plaide de fait pour un système très intégré, y compris à travers les dispositifs de gouvernance. L’acceptation des directives européennes apparaît assez formelle, l’objectif stratégique étant de dissuader la concurrence par un cadre social harmonisé assez proche de celui des cheminots et par un découragement des initiatives alternatives. L’Etat confie de fait le destin de sa politique ferroviaire à la SNCF, avec l’inéluctable dose d’opacité que cela implique.
  • une troisième, plus en phase avec les principes européens, à mi-chemin entre la nécessité d’un meilleur pilotage de l’Etat, le respect de l’identité et de la puissance de la SNCF, et les indéniables acquis de RFF. La difficulté consiste à tout concilier : concurrence, efficacité économique, paix sociale, transparence etc. Une sorte de défi social-démocrate, pas facile à assumer dans une ambiance de fragilité du pouvoir politique.
  • Jean-Louis Bianco se retrouve donc plongé au cœur de ces options, soumis à l’influence des uns et des autres, et à la lecture des cabinets ministériels. Saura-t-il faire une synthèse qui ne ressemble pas à un compromis bancal ? Que lui-même et le gouvernement s’inspirent des arbitrages du Grand Paris : propres, clairs, lisibles. C’est tout ce qu’espèrent élus, professionnels, usagers et cheminots, pour sortir d’une mêlée ferroviaire confuse et mortifère.

    Au Parlement, l’aisance et la prudence de Pepy

    Enchaînées mardi 19 mars, les deux auditions de Guillaume Pepy par les commissions parlementaires se sont achevées par l’annonce de… 17 questions de députés. Auparavant, le président de la SNCF, devant des parlementaires globalement conquis par son aisance, avait déroulé bilan chiffré et prudentes pistes de développement, dans l’attente d’une lettre de mission qui pourrait être écrite, cette fois-ci, par la tutelle publique. Pourtant, trois éléments ont retenu notre attention :

  • l’annonce d’un plan de performance industrielle, en plus de la réduction déjà annoncée des frais de fonctionnement à hauteur de 700 millions d’euros. Ce nouveau plan, «sur quatre ou cinq ans», est chiffré entre 1,5 milliard et 2 milliards. Il doit faire «baisser les coûts pour faire baisser les prix». Pas plus précis que ça, il est une réponse opportune à l’inquiétude des autorités organisatrices et aux voix de plus en plus nombreuses qui demandent un accroissement de la compétitivité de l’entreprise en temps de crise.
  • la méthode de définition du projet stratégique. Mobilettre avait annoncé en juillet 2012 le plan «Ambition 2020», pour l’automne. Finalement, il y aura débat du projet stratégique actuellement concocté par Sophie Boissard, pendant quatre ou cinq mois, dans l’entreprise et avec les élus.
  • l’affirmation du principe de co-construction. Fini les offres ficelées, vive les produits semi-finis, itératifs et participatifs ! Mine de rien, c’est une petite révolution interne que s’apprête à proposer Guillaume Pepy à ses équipes, en phase avec l’évolution générale des solutions de mobilité partagées.
  • Grenoble : VTD va rempiler

    Selon nos informations, Grenoble s’apprête à renouveler sa confiance à Veolia Transdev. Il s’agit d’un « petit » contrat, environ 1 million d’euros dans le cadre de la SEM, mais ô combien symbolique pour Jean-Marc Janaillac, ses équipes et la renommée de l’entreprise. La perte du contrat d’assistance technique à Strasbourg avait été durement ressentie, et Jérôme Gallot avait d’ailleurs déposé une plainte contre la SNCF devant l’autorité de la concurrence, au motif que des élus avaient expliqué que les efforts de la SNCF sur l’activité TER avaient pesé dans la balance… Rien de tel cette fois-ci à Grenoble, où la qualité de la réponse de Veolia Transdev, sa maîtrise des SEM et l’influence de Jean-Marc Janaillac ont manifestement fait la différence.

    C’est une bonne nouvelle pour le nouveau PDG de Veolia Transdev, à quelques jours de la présentation du plan stratégique, lundi prochain 25 mars devant ses cadres, mardi devant la presse. Sont attendues, notamment, les décisions sur la rationalisation des présences et activités à l’étranger, mais aussi l’annonce d’un nouveau nom. Il s’agira, selon nos informations, de… Transdev. Ce choix a l’avantage d’être assez économique et de ne pas déstabiliser, à la différence d’un nom entièrement nouveau, l’identité d’un groupe traumatisé par une fusion ratée – même si cela peut laisser un goût amer aux ex-Veolia. Symboliquement, il marque une nouvelle prise de distance avec le désormais actionnaire minoritaire Veolia Environnement, qui ne devrait finalement pas s’en plaindre puisque les analystes ont toujours considéré que son investissement dans le transport public n’était pas assez rentable.

    RATP-DEV/Grande-Bretagne.

    Belle opération de croissance externe, avec l’acquisition de Selwyns Travel, une entreprise de transport interurbain et TAD : 200 salariés, 17 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. RATP Dev devrait ainsi dépasser les 300 millions d’euros au Royaume-Uni, qui devient une place forte du groupe. L’augmentation de sa présence (et de sa légitimité d’opérateur auprès des autorités organisatrices) lui permet aussi d’espérer désormais le gain d’une franchise de transport lourd.

    KEOLIS/Wuhan.

    Premiers pas en Chine pour le groupe de Jean-Pierre Farandou. Keolis profite de l’annonce de la future exploitation, en joint-venture avec une société municipale locale, du hub intermodal de l’aéroport de Wuhan, pour ouvrir des bureaux dans cette capitale régionale (province du Hubei). Le double parrainage de Bordeaux (jumelé avec Wuhan) et de la SNCF a aidé à la concrétisation d’une intention de développement qui date de 2009.

    KEOLIS/Déménagement.

    C’est rue Le Peletier, dans le neuvième arrondissement de Paris, que la filiale de la SNCF a choisi d’installer ses futurs locaux, non loin des futurs-anciens locaux de l’UTP (qui part rue d’Anjou à l’automne), des locaux du Gart (rue Joubert), et tout près du siège du Stif (rue de Chateaudun).

    GIE OBJECTIF TRANSPORT PUBLIC/Présidence.

    Bernard Soulage ne rempilera pas à la tête du GIE chargé notamment de l’organisation du salon de la porte de Versailles, conformément aux statuts qui prévoient l’alternance de la présidence avec les opérateurs. Selon nos informations, Michel Bleitrach et Jean-Pierre Farandou seraient sur les rangs pour lui succéder, le premier nanti d’une image intacte de compétence et d’autorité naturelle, le second voulant accroître son réseau dans le transport public et particulièrement son audience à l’international.

    PATRONS/Social.

    En amont des futures négociations avec les syndicats sur le ferroviaire, les patrons d’opérateurs ferroviaires essaient en ce moment de se mettre d’accord entre eux sur des objectifs. Selon nos informations, les discussions seraient très dures, la SNCF ne proposant que très peu de marges de négociations à ses homologues qui ne veulent pas s’aligner sur les conditions actuelles des cheminots.

    ANI/Conséquences.

    Inquiétudes des transporteurs et élus après l’adoption en conseil des ministres du projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) dans le Code du travail. Les dispositions sur le temps de travail des conducteurs (essentiellement en transport scolaire) pourraient se traduire mécaniquement par un surcoût évalué à plus de 100 millions d’euros. C’est désormais au Parlement de se saisir de la question.

    Acte III: la valse des versions

    Les moutures de l’avant-projet de loi dit «Acte III de la décentralisation» se succèdent: version 6 mi-février, version 7… A leur lecture, deux principales constats se dégagent : ce document n’est toujours pas stabilisé, et les principales évolutions depuis les précédentes moutures sont en faveur de la Région. Mais déjà on annonce une nouvelle version, et encore moins de dispositions sur les transports… Mobilettre décrypte pour vous les principaux sujets à suivre.

    RENDEZ-VOUS MOBILETTRE

    La semaine prochaine au SITL, à Villepinte, du mardi 26 au jeudi 28 mars, Mobilettre anime les Journées européennes du fret ferroviaire (JEFF), avec six débats :

  • Améliorer la compétitivité du fret ferroviaire
  • Transport combiné : la France est-elle à la traîne ?
  • Le fret ferroviaire st-il vraiment écologique ?
  • Comprendre l’offre de fret ferroviaire ?
  • Sauver le réseau capillaire français
  • Ports et fret ferroviaire, une nécessaire complémentarité
  • Renseignements et inscriptions

    Le 8 avril de 17h à 20 heures, à L’ASTROLABE, au Petit-Quevilly (10 rue Jacquard)
    Fret, Rail Et Territoire Normand, un colloque sur l’avenir du fret ferroviaire dans les régions normandes, organisé par le CER SNCF de Normandie. Entrée gratuite. Pour s’inscrire: cersncfnormandie@wanadoo.fr

    Mobilettre anime trois heures d’échanges entre élus, partenaires territoriaux, chargeurs, opérateurs, gestionnaire d’infrastructures, cheminots. En introduction, les cabinets Samarcande et Transversales présenteront une étude, « Analyse et enjeux du fret ferroviaire sur les régions normandes ». La présentation des contextes géographiques et des infrastructure existantes précède une très fine analyse des trafics, des activités et des opérateurs, ce qui permet d’avoir une vue très complète de la situation, et de nourrir les débats sur les possibilités de développement du fret ferroviaire normand, en liaison notamment avec le port du Havre.
    Trois tables rondes suivront :

  • pourquoi et comment les territoires normands expriment des besoins permanents de revitalisation par le fret ferroviaire. Des vertus environnementales du transport ferroviaire à l’évidence des flux multimodaux, en passant par l’équilibre économique de l’usage de l’infrastructure ferroviaire.
  • comment lever les obstacles et concrétiser les enjeux ? Il y a l’infrastructure, mais pas seulement : la fluidité des trafics, d’un mode à l’autre, d’une région à l’autre, est indispensable pour assurer une qualité de service exigée par les chargeurs.
  • comment mobiliser les acteurs publics ? Les collectivités sont de plus en plus appelées au chevet d’une activité essentielle pour l’économie de leur territoire, mais comment peuvent-elles entrer dans une donne ferroviaire compliquée et un marché désormais très concurrentiel ?
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