Notre tour de France du vélo en ville, 2ème partie

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Notre tour de France du vélo en ville, 2ème partie

Notre tour de France du vélo en ville, 2ème partie


Les capitales du vélo et les autres

PAR OLIVIER RAZEMON

La ville la plus «cyclable» de France, Strasbourg, culmine à 16% d’actifs utilisant le vélo. C’est encore loin de Copenhague ou Amsterdam, mais l’examen attentif des aménagements et solutions mis en œuvre dans de nombreuses villes françaises atteste d’une prise de conscience des élus: le vélo devient un élément structurant de la mobilité urbaine, voire périurbaine. Alors que Lille et Paris connaissent les premières expériences hexagonales de free floating (lire dans notre prochain Mobitelex), voici la fin de notre tour de France. Livrez-nous commentaires et compléments sur contact@mobilettre.com


Quelles villes peuvent prétendre au titre de «capitales du vélo»? L’enjeu, pour les municipalités, n’est plus négligeable. Il s’agit d’apparaître comme une ville modèle, agréable, voire «smart». De justifier ses propres efforts auprès de services parfois réticents. Et de donner du «grain à moudre» aux coriaces associations pro-vélo locales. Lorsque l’Insee a révélé, en janvier 2017, les chiffres du recensement de 2015, Strasbourg a eu chaud. Ces données montraient que 15,2% des Grenoblois se rendent au travail sur une bicyclette, contre 16% des Strasbourgeois. A quelques décimales près, la ville alsacienne «perdait son statut de numéro 1», s’est-on inquiété dans les couloirs de l’Eurométropole.

Pour mieux se connaître, les municipalités se raccrochent aux traditionnelles «enquêtes ménages déplacement» du Cerema, basées sur des questionnaires poussés «en face à face». Les données obtenues permettent notamment une comparaison européenne des «parts modales», recensée par la plate-forme sur le management de la mobilité (Epomm). Mais ces outils coûtent cher et il n’est pas possible de les renouveler souvent.

Depuis quelques années fleurissent divers palmarès des «villes cyclables», qui intègrent plusieurs critères, la qualité des aménagements, l’engagement des pouvoirs publics ou l’accidentologie. Ces classements, comme celui produit par l’agence immobilière en ligne Se loger, ne sont pas toujours fiables. Le plus contestable est sans doute le «top 20» à prétention planétaire du consultant danois Copenhagenize, qui consacre chaque année des villes différentes, oubliant les lauréats des années précédentes, comme si la pratique du vélo y avait disparu. Les critères manquent de précision, les annonces des municipalités sont relayées sans nuance et le consultant admet que certains impétrants font partie de ses clients.

Le recensement de l’Insee fournit des données fiables et comparables d’une ville l’autre

Le recensement de l’Insee présente en revanche un grand intérêt. Dans le questionnaire remis aux enquêtés figure une question sur le principal mode de déplacement qu’ils utilisent pour se rendre au travail. Depuis 2015, l’Insee a consenti à proposer une réponse «vélo», distincte du «deux-roues» qui englobait aussi les motos et scooters. L’observation des seuls trajets domicile-travail est certes insuffisante, mais celle-ci structure l’ensemble des déplacements.

Surtout, le recensement de l’Insee, qui sonde 8% des foyers dans chaque ville, fournit des données fiables et comparables. Parmi les 40 communes de plus de 100000 habitants pour lesquelles les chiffres ont été publiés, trois villes se distinguent, nettement au-dessus du lot : Strasbourg, avec 16% des actifs utilisant le vélo, Grenoble (15,2%) et Bordeaux (11,8%).

Pour en savoir plus, les municipalités sont de plus en plus nombreuses à installer des compteurs, boucles fixées dans le sol ou totems posés le long des grands axes. La société eco-counter, qui siège à Lannion (Côtes d’Armor) a disposé huit totems dans des villes de France (166 dans le monde), dont les données sont consultables en temps réel sur le site eco-public.com. A Rouen, Nantes, Mulhouse ou Lyon, ces statistiques montrent une augmentation de la fréquentation, au-delà des pics saisonniers.

A ce matériau s’ajouteront, en décembre, les données très attendues du « Baromètre des villes cyclables » de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui réunit 260 associations locales. La fédération pro-vélo invite chaque personne se déplaçant, même occasionnellement, à bicyclette, à remplir, d’ici le 30 novembre, une consultation en ligne. Sur le modèle d’une opération comparable menée par l’ADFC, l’homologue allemande de la FUB, les cyclistes évaluent les conditions de «cyclabilité» de leur ville: aménagements, respect, communication, travaux, etc. En Allemagne, jusqu’à 120000 personnes participent à ces sondages, réalisés tous les deux ans ; en France, fin septembre, 23400 réponses avaient déjà été enregistrées. Paris, Nantes, Lyon, Toulouse et Bordeaux fournissaient les plus gros contingents.

velhop

Les bonnes pratiques

On ne prétendra pas établir ici un énième palmarès des villes « bike-friendly ». En revanche, on peut lister une ou plusieurs initiatives qui pourraient être reproduites ailleurs (le chiffre qui accompagne le nom de la ville est celui de la part modale selon l’Insee).

STRASBOURG 16%

Le vélo est une affaire sérieuse à Strasbourg (16% de part modale selon l’Insee), au point d’occuper pleinement un adjoint au maire, ainsi que quatre chargés de mission à temps plein, sans compter les équipes techniques. Au-delà de l’administration du Velhop ou de l’extension du réseau en périphérie, la municipalité doit gérer un héritage encombrant des municipalités précédentes, gauche et droite confondues : les pistes cyclables matérialisées sur les trottoirs. Ces aménagements, conjugués à une hausse de la fréquentation, provoquent de fréquents conflits d’usage entre cyclistes et piétons. L’adjoint Jean-Baptiste Gernet (PS) veut inciter les cyclistes à éviter le cœur de ville aux heures de forte affluence. Pour cela, il les encourage à stationner leurs montures à proximité des rues piétonnes, ou à contourner cette zone par des itinéraires adaptés. Pour « remettre les vélos sur la chaussée », la Ville teste en outre des « vélorues », d’inspiration néerlandaise, où les cyclistes sont prioritaires sur les véhicules motorisés.

Parmi les solutions pour les livraisons en zone pîétonne, la Ville encourage le recours aux vélo-cargos

La Ville mise moins sur un discours rationnel et culpabilisant à base de CO2 ou de pollution, que sur le plaisir. Un soir de juin 2016 s’est déroulée – sous la pluie battante – une « parade de nuit », colorée et en musique, similaire au « Tour de la nuit » de Montréal. Le challenge « Au boulot à vélo », organisé par la métropole, récompense les entreprises dont les employés se sont montrés le plus assidus sur leur selle.

Enfin, Strasbourg est l’une des rares villes à prendre à bras le corps la délicate question des livraisons en zone piétonne, qui, avec le développement de l’e-commerce, ne se limitent plus aux boutiques mais concernent aussi les particuliers. Parmi les solutions, la Ville encourage le recours aux vélo-cargos.

GRENOBLE15,2%

A Grenoble, le vélo est l’un des attributs du projet de société promu par la majorité municipale à dominante écologiste. Le maire Éric Piolle (EELV), qui se déplace dans toute l’agglomération sur son vélo à assistance électrique, porte une attention particulière aux détails qui facilitent l’usage de la bicyclette: « autoroutes à vélo » confortables, stationnement en masse à la gare comme à proximité des principaux pôles, pose des arceaux sur la chaussée et non plus sur le trottoir, goulottes le long des escaliers ou encore possibilité donnée aux cyclistes d’emprunter les voies du tramway. Cette pratique, répandue dans les villes du nord de l’Europe, n’est, selon le Cerema, ni accidentogène, ni susceptible de ralentir les transports publics.

Au-delà du vélo, la métropole grenobloise généralise la ville à 30 km/h, piétonnise une partie du centre-ville, modifie la synchronisation des feux rouges, s’attaque à l’« autosolisme », transforme des arrêts de bus en « lieux de multimodalité ». Un programme qui ressemble beaucoup aux préconisations que l’on entend depuis des années dans les colloques consacrés aux déplacements.

BORDEAUX11,8%

Sans attirer démesurément l’attention, Bordeaux poursuit sa transition, sous la houlette d’un maire revenu de ses ambitions nationales. L’interdiction, depuis le 1er août, de la circulation motorisée sur le pont de Pierre, fait de ce principal point de franchissement de la Garonne un axe cyclable majeur, tout en remettant en cause un urbanisme hérité des années Chaban.

Mais l’enjeu est aussi ailleurs. Le plan vélo, porté par l’élue socialiste Brigitte Terraza, dans le cadre de la « cogestion » à la bordelaise, s’attaque désormais aux communes de la périphérie, marquées par une congestion légendaire. Tous les attributs d’une politique cyclable sont convoqués : réseau express, déploiement du VCub, supports de communication, « grande fête annuelle » ou encore cinq « maisons des mobilités alternatives » disposées dans l’agglomération.

Par ailleurs, la cohabitation d’une culture vélo et d’un environnement technologique a favorisé à Bordeaux l’émergence de start-ups. La société Qucit, qui s’est spécialisée dans la prédiction des comportements urbains, s’est développée en calculant la probabilité de trouver un VCub à une station, selon l’heure de la journée.

RENNES7,3%

La municipalité rose-verte de Rennes ne saurait limiter sa politique des transports au gigantesque chantier du réaménagement de la gare. La métropole s’est engagée dans un plan vélo à l’échelle de son territoire et, depuis la fin 2016, on trouve en ville des stations de réparation en libre-service, dotées de bras de maintenance, tournevis ou démonte-pneu, utilisables à volonté. Miracle, ces bornes n’ont pas subi de dégradation majeure, comme on aurait pu le craindre.

TOULOUSE7%

Sur les bords de la Garonne, le mandat Moudenc avait mal commencé. Dans la Dépêche du Midi, Jean-Michel Lattes, adjoint (LR) aux déplacements à Toulouse, ne manquait jamais l’occasion de déclarer qu’« on n’est plus dans la sacralisation du vélo » ou que « le tout-piéton ou le tout-vélo posent des problèmes aussi forts que le tout-voiture d’autrefois ». Et pourtant, piano piano, la capitale occitane poursuit sa conversion aux modes actifs. Un plan a été voté, des rues sont apaisées, des zones de rencontre créées. L’application Velobs, créée à l’initiative de l’association Deux pieds deux roues, permet aux cyclistes de signaler aux services de la métropole les aménagements mal conçus, le stationnement gênant ou le défaut d’entretien.

NANTES6,2%

Depuis le succès du congrès mondial Velocity, en 2015, Nantes s’est hissée dans la liste des élèves attentifs. Tâchant de poursuivre sur sa lancée, et aiguillonnée par l’association Place au vélo, elle tente de se poser en cité innovante. Depuis juillet, à un carrefour urbain, un radar pédagogique d’un nouveau genre a été installé : il repère les véhicules motorisés présents dans le « sas cyclable », cet espace sécurisé entre le feu et le carrefour, et signale l’infraction aux conducteurs.

La ville est aussi devenue la capitale des « boîtes à vélo », ces artisans qui travaillent à bicyclette. Le collectif, constitué dès 2013, dialogue avec les élus et essaime en-dehors de la métropole.

MONTPELLIER6,2%

A Montpellier, malgré une évidente propension des habitants, et notamment des étudiants, à utiliser le vélo, la métropole peine encore à le considérer comme un mode de déplacement d’avenir. D’après l’association Vélocité, on n’y trouve à peine plus de double-sens cyclables qu’à Béziers.

LYON5,9%

Après des années de réticence, Lyon s’est enfin convertie aux double-sens cyclables. On en comptera dans la métropole longtemps dirigée par Gérard Collomb 180 km d’ici 2020, contre seulement 90 km aujourd’hui. Mais ce n’est qu’un rattrapage. La ville de la confluence s’est en revanche engagée dans la résorption des «coupures urbaines», en installant des tunnels ou passerelles dédiés aux «modes acifs», et montre une certaine avance en matière d’ouverture des données publiques. Les comptages sur voirie, effectués dans 55 points du Grand Lyon, sont disponibles en ligne et mis à jour quotidiennement, ce qui permet aux associations de s’en emparer, et de réclamer des aménagements en conséquence.

LILLE5%

A rebours de la tendance nationale, Lille a orienté ses aides, 25% du prix d’achat jusqu’à 150€, vers l’ensemble des bicyclettes, et non seulement celles qui sont dotées d’une assistance. Après un « plan de (restriction de la) circulation » très contesté, la MEL ne semble toutefois plus décidée à entreprendre, d’ici la fin du mandat, d’action pouvant donner l’impression d’avantager des usagers non motorisés. L’association Droit au vélo fait le reste, en publiant par exemple une carte recensant les axes les plus pratiques, d’après les observations cyclistes eux-mêmes.

PARIS4,2%

Autoproclamée un peu vite « capitale du vélo », Paris poursuit, sous les projecteurs des médias nationaux, la matérialisation du plan voté en 2015. Une fois réalisé, ce réseau soulèvera des enjeux jusqu’ici négligés, comme la continuité des itinéraires et la verbalisation des usages abusifs. Pour y parvenir, la maire dispose désormais des pouvoirs de circulation et de 3400 agents de surveillance de la voirie de Paris (ASVP), arrachés au préfet de police sous la mandature Hollande.

Paris ne manque pas de faire valoir qu’elle continue de subventionner, pour un tiers du prix, et un maximum de 400€, l’achat d’un vélo à assistance électrique. Un signal, au moment où le gouvernement Philippe vient de décider de ne pas reconduire le bonus de 200€ octroyé par Ségolène Royal au début de l’année. Dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, on est parfaitement conscient que la prime bénéficie aussi à des acheteurs qui ne sont domiciliés à Paris que pour la circonstance.

ROUEN2,8%

Après des années de tergiversations, Rouen ambitionne un véritable plan, qui s’inspire davantage des petits pas à la bruxelloise plutôt que des aménagements grandioses à la parisienne. L’atmosphère était empoisonnée, ces dernières années, non seulement par la pollution, mais aussi par la fronde de la compagnie de transports publics, hostile par principe à la circulation des vélos sur les voies réservées du Teor, le bus à haut niveau de service qui traverse le centre. L’association pro-vélo Sabine a fini par trouver, en juillet, un accord avec les conducteurs de bus, afin de proposer aux pouvoirs publics un nouvel aménagement.

NICE2,3%

L’horizon niçois ne se limite pas à la piste dessinée sur la Promenade. Le Vélo bleu, malgré sa vétusté, séduit des travailleurs saisonniers ou des étudiants, tandis que les jeunes cadres préfèrent le VAE dernier cri pour monter les routes qui mènent aux start-ups de Sophia-Antipolis.

Au chapitre des bonnes idées, on peut même citer Marseille (1,5%), où la durée du trajet est indiquée sur le flanc du VLS local, Le Vélo. En 5 minutes, du Vieux Port, vous serez au Mucem, soit trois fois moins qu’en voiture, stationnement illégal compris.

Parmi les villes moyennes, rares sont les municipalités sans aucun aménagement, ni aucune position publique sur le sujet.

Lors des débats microcosmiques sur la piste cyclable de la rue de Rivoli, à Paris, l’association Place au vélo Angers a rappelé opportunément l’existence dans la préfecture du Maine-et-Loire, sur le Pont de la Haute chaîne, d’une bande cyclable qui sert également de voie d’accès pour les véhicules de secours se dirigeant vers le CHU. Un exemple destiné à rappeler que le vélo permet de désengorger la circulation.

A Poitiers, pourtant construite sur des collines, la bicyclette devient tendance. Pour soulager Cap sur le vélo, dispositif de location de vélos à assistance électrique (VAE), le Grand Poitiers distribue des chèques de 250€ permettant l’achat d’un cycle, assorti d’une maintenance régulière. Un système équivalent existe à Mulhouse.

C’est à Dunkerque que l’on peut admirer le dernier-né des dispositifs en libre-service de France, le DK vélo, qui demeurera toutefois payant lorsque les transports en commun seront gratuits, en septembre 2018. La Ville a fait installer, dans le centre, des panneaux indiquant les temps de trajet à pied et à vélo.

Plus de 40 ans après les « vélos jaunes » de Michel Crépeau, ancêtres des VLS à la française, La Rochelle continue de miser sur le vélo. Le Vieux port a été réservé aux piétons et aux cyclistes, un budget conséquent permet d’aménager des axes en périphérie, et la Ville, située le long de deux axes très fréquentés, la Vélodyssée et la Vélo Francette, devient une destination pour les cyclotouristes.

Grâce à la dynamique association Mon Cher Vélo, les élus de Bourges ne peuvent plus ignorer la demande.

Pour terminer ce tour de France nécessairement non exhaustif, il reste à saluer les valeureux cyclistes se déplaçant à Limoges, Saint-Etienne, Argenteuil ou Saint-Denis, où la part modale ne dépasse pas, selon l’Insee, 1% des déplacements.

O. R.


Le vélo aux RNTP de Marseille

Les Rencontres nationales du transport public, qui s’ouvrent demain mardi 10 octobre, sont largement ouvertes au vélo. Seront présents la FUB (fédération des usagers de la bicyclette), le Club des Villes cyclables mais aussi de nombreux entreprises exposant leurs solutions pour une meilleure intégration du vélo dans la ville (Koboo, Geovelo, T-Bird, Smoove, JC Decaux, Addbike, Altinnova, Arcade Cycles…).

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