MobiAlerte 111 – 3 octobre 2023

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MobiAlerte 111 – 3 octobre 2023

Les Français prêts au report modal

Le nouvel Observatoire de la mobilité de l’UTP réalisé avec l’Ifop confirme chiffres à l’appui la disponibilité d’une majorité d’urbains motorisés à modifier leurs pratiques de déplacements. Surtout, c’est bel et bien l’amélioration de l’offre réelle qui est susceptible de les inciter à utiliser bus, trams, métro et RER. La contrainte publique (restrictions d’accès, coût du stationnement, etc) et la prise de conscience écologique sont des moteurs secondaires mais probablement importants. La tarification? Beaucoup moins… Une enquête de Transdev avec Ipsos sur la mobilité des Français en régions, quelle que soit la densité de leur territoire de résidence, établit parallèlement qu’une majorité d’automobilistes souhaiteraient moins utiliser leur véhicule, aux mêmes conditions: une offre améliorée et accessible.

Ce sont des études qui tombent à pic, alors que se creuse avec de plus en plus d’évidence le fossé entre l’exécutif et les professionnels de la mobilité. D’un côté, un Président de la République pour lequel des voitures électriques pour tous et quelques RER métropolitains suffiront à se rapprocher de la neutralité carbone, et un gouvernement qui mégote ses investissements malgré un flot de paroles, de l’autre, tous ceux qui ont compris que l’ampleur du défi de la décarbonation impose un profond changement systémique. Avec, au milieu, l’équilibriste Clément Beaune, qui concède mercredi dernier à Saint-Malo devant les présidents de régions que la question de l’offre est première – loin devant la question tarifaire et le Pass Rail.

L’UTP a décidé de rentrer avec vigueur dans le champ dynamique du report modal

Le nouvel Observatoire de l’UTP * tombe d’autant mieux qu’il succède à ses précédents qui avaient tendance à nous tomber… des mains, du fait d’une litanie de constats et de chiffres descriptifs, certes instructifs mais si peu prescriptifs ou éclairants pour la suite. Un peu comme des fresques panoramiques foisonnantes, mais où aucun détail n’accroche. Cette année, l’UTP a décidé de rentrer avec vigueur dans un champ plus dynamique, celui du report modal. Pourquoi, jusqu’à maintenant, les changements sont-ils si lents et périphériques ? Qu’est-ce qui pourrait les accélérer ?

A la question posée aux utilisateurs de voiture : «Quels sont les freins au recours aux transports publics ?» (réponses multiples), la première réponse est : «Cela rallonge trop mes temps de trajet» (46%), devant «Les contraintes horaires sont trop importantes» (39%), «Les arrêts/stations sont trop éloignés du domicile/de la destination» (23%/19%). «Le prix des abonnements ou des tickets est trop élevé» ? Seulement 20%. «Améliorer l’offre réelle de transport public est un enjeu majeur pour convertir le maximum d’urbains à leur utilisation», conclut sagement l’Ifop. On ne saurait mieux le dire.

Le potentiel de report modal atteint son maximum : 63% !

Mais l’enquête ne s’arrête pas là et identifie les leviers du changement d’habitude. Plus d’un tiers des urbains utilisateurs de voiture se disent prêts à utiliser les transports publics au regard du contexte actuel (inflation, crise énergétique, urgence climatique), mais ils sont 52% à l’envisager si l’offre de transport publics est améliorée (avec un supplément maximum de 10 minutes de temps de trajet). Alors quand on ajoute les contraintes publiques, le potentiel de report modal atteint son maximum : 63% !

Qu’entendent exactement les «automobilistes» par amélioration de l’offre réelle ? Outre les fréquences et l’amplitude horaire, c’est la question du temps d’accès à pied au transport public qui semble constituer une sorte de seuil psychologique en milieu urbain : au-delà de 10 minutes, la perception de l’accessibilité diminue, au-delà de 15 minutes elle s’effondre. Quand on sait qu’en moyenne la moitié des urbains ont accès à au moins une offre de transport public à moins de 5 minutes à pied de chez eux, il y a du boulot en perspective, pour informer voire communiquer sur la bénéfice de la marche à pied pour la santé…

Plus l’offre réelle est dense, mieux elle est perçue

Le décalage entre la perception des utilisateurs des réseaux denses et moins denses est riche de perspectives : plus l’offre réelle est dense, mieux elle est perçue – sauf au-delà de 35 km/hab, où la perception ne s’améliore plus : c’est alors la qualité de service qui prime. «Deux tiers des urbains envisagent les transports publics pour leurs déplacements du quotidien. S’ils ne sont qu’un tiers à les utiliser, cela laisse un grand potentiel à convertir», conclut l’Ifop, en insistant sur l’importance de la potentialité d’une offre aux yeux des automobilistes.

Ces enseignements plutôt encourageants en faveur du report modal atténuent l’approche classique voire paresseuse qui se limite à établir la réputation des différents modes de transport. Sans surprise, la voiture est vue comme symbole d’évasion, de liberté et de plaisir, quand le transport public est associé à la contrainte, à l’insécurité et aux stress – même si la voiture est en voie de ringardisation chez une partie des plus jeunes. Mais l’ambition d’une politique publique – et écologique – consiste à ne pas s’arrêter à cette question quasi-émotionnelle, pour chercher les voies d’autres mobilités. Par sa nostalgie de la «bagnole», Emmanuel Macron est à contretemps d’une majorité de Français qui pratiquent quotidiennement les transports publics, ou qui envisagent de le faire, par réalisme ou par contrainte, ou les deux.

«Quelle image avez-vous des modes de transport suivants ?», a demandé l’Ifop aux urbains. Réponse pour les transports publics : très bonne et bonne à 66% (72% pour leurs utilisateurs). Les mobilités motorisées : très bonne et bonne à 64% (idem pour les utilisateurs). En tête des véhicules appréciés : la voiture thermique ou hybride (80%), le tramway (79%) et le train national (77%). Une preuve supplémentaire qu’en améliorant les offres, tout est possible.

* L’Observatoire de la mobilité 2023, une étude réalisée par l’Ifop pour l’UTP auprès d’un échantillon de 4007 répondants âgés de 18 ans et plus résidant dans des agglomérations de 20 000 habitants et plus.

En périurbain et en rural aussi…

Coïncidence du calendrier, Transdev révélait la semaine dernière la deuxième vague de son baromètre des mobilités du quotidien en régions * (c’est-à-dire hors Ile-de-France). Si la photographie diffère sensiblement de celle de l’UTP car elle ne se limite pas aux urbains, les conclusions sont similaires à celles de l’UTP, y compris pour les automobilistes davantage identifiés comme captifs : 68% d’entre eux souhaiteraient moins utiliser leur véhicule pour emprunter d’autres modes de transports. «Le développement de l’offre de transports en commun (lignes, arrêts, horaires adaptés) est le principal levier pour faire passer une partie des automobilistes vers des modes de transports alternatifs au quotidien, notamment dans les zones périurbaines et rurales», explique Ipsos.

Les conditions du report modal sont également concordantes dans les deux enquêtes : « En termes de solutions concrètes pour moins prendre la voiture, 72% citent la fréquence plus élevée de passage de bus, cars ou trains, 71% un meilleur respect des horaires de passage, 63% la modernisation des lignes de transports collectifs et 62% une meilleure sécurité sur les lignes. […] Pour utiliser une gare ferroviaire au quotidien, il faudrait ainsi qu’elle se situe au maximum à 15 minutes de leur domicile ; ce chiffre est de 11 minutes pour une aire de vélos en libre-service, de 10 minutes pour une station de tramway ou métro et de 7 minutes pour un arrêt de bus ou car.»

* Le Baromètre des mobilités du quotidien, une enquête réalisée du 31 mai au 8 juin par Ipsos, auprès de 11 033 Français âgés de 18 ans et plus, constituant un échantillon représentatif de cette population.

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