A NOS LECTEURS
Rodolphe Saadé (CMA-CGM) rachète Mobilettre
Après BFM TV et RMC, l’armateur marseillais poursuit ses acquisitions et s’attaque à la presse indépendante. C’est une information qui nous et vous concerne au plus haut point, mais nous avons décidé de la traiter à notre manière habituelle – le récit et son décryptage.
Le conteneur à médias de CGA-CGM est donc en train de se remplir à grande vitesse. Enrichi à dizaines de milliards par l’explosion des prix du fret maritime transcontinental, CMA-CGM continue ses emplettes dans la presse hexagonale et prend le contrôle de Mobilettre. Rodolphe Saadé imite le tchèque Daniel Kretinsky (Marianne, Elle, Libération etc) et le prend même de vitesse dans un secteur jusqu’ici préservé de l’appétit des grands magnats, la presse confidentielle indépendante.
La question était d’ailleurs sur toutes les lèvres des patrons de la mobilité ces dernières semaines : qui allait mettre la main sur Mobilettre ? Le Marseillais Saadé a probablement bénéficié du soutien avisé de quelques amis spécialistes du transport pour employer les bons arguments et garantir sa trajectoire éditoriale. Une période de transition d’un an devrait permettre de trouver un système de gouvernance compatible avec les ambitions de Rodolphe Saadé, qui compte poursuivre sa campagne de rachats.
Pour l’analyste Jacques Strat, «cette opération confirme le mouvement de recherche de compétence et de crédibilité des médias audiovisuels, accusés de superficialité ou d’insuffisance». A moins qu’elle annonce une extension du domaine d’intervention éditoriale de Mobilettre?
Pour Mobilettre, créé en février 2011, il s’agit en effet d’une reconnaissance d’un savoir-faire éditorial récompensé par une audience majoritaire dans le secteur des mobilités. Qui aurait pu prévoir il y a quinze ans que les transports allaient devenir un des tout premiers sujets de l’actualité politique française ?
Le propriétaire de Mobilettre n’a pas souhaité commenter cette annonce ni apporter des détails sur l’opération. Pourtant, cette dernière pose questions sur la pérennité du style et des informations Mobilettre. «Nos contenus valent davantage que ses conteneurs», ont déjà réagi plusieurs collaborateurs de Mobilettre, attachés à la culture d’indépendance du titre. De nombreux lecteurs nous ont fait part de leur surprise et de leur inquiétude. Quelques autres, en off, paraissaient soulagés au regard de leur espoir de n’être plus «épinglés» dans Mobilettre, à l’occasion d’un échec commercial, d’une stratégie aventureuse ou d’une turpitude quelconque.
Selon nos informations, Vincent Bolloré, très déçu d’avoir «raté» Mobilettre et qui enrage d’avoir mauvaise presse sur ses activités de transport, serait allé se recueillir dans sa chapelle favorite près de Quimper, à Kerdévot, avant de partir en mer. Pêchera-t-il d’aussi beaux poissons que Mobilettre ?
