2025. On ne joue plus
Les premières conséquences des blocages de 2024 imposent de ne plus tergiverser : la mobilité sociale et décarbonée nécessite des choix clairs et engageants. Sinon…
La parenthèse n’est toujours pas refermée. Presque un an jour pour jour après avoir congédié Elisabeth Borne, le Président de la République persiste à troubler l’ordre politique en (ab)usant de ses pouvoirs constitutionnels. Il lui a fallu six mois pour reconnaître publiquement, mardi dernier, ce que tous les Français ou presque savaient : sa dissolution de juin 2024 fut tragique. Et maintenant, place aux référendums ! L’article 16, c’est pour quand ?
La situation pourrait être risible si l’instabilité politique et gouvernementale ne produisait tant d’effets néfastes – voire catastrophiques – pour l’économie et la société. Les premières restrictions budgétaires tombent, aussi bien en fonctionnement (baisse de l’offre de transport dans les collectivités) qu’en investissement (reports/renoncements à certains projets). Pour l’appareil d’Etat, c’est plus insidieux, même si le nouveau ministre des Transports Philippe Tabarot affirme s’inscrire dans la continuité de son énergique prédécesseur : mise à l’arrêt de la mécanique réglementaire, suspension des projets en attendant les nouvelles consignes etc.
Et maintenant, on fait quoi ?
On arrête de jouer. A défaut d’une grande ambition politique qui ne reviendra qu’avec des majorités consistantes, il paraît indispensable de privilégier quelques dossiers sensibles en matière de mobilité. Entre les marrons et la bûche, Mobilettre a pensé à sept priorités pour 2025.
Clarifier la relation avec les collectivités locales. L’Ile-de-France a été stabilisée par l’accord Pécresse/Beaune de 2023 : il serait bon d’en faire de même pour les autorités organisatrices de province, qui ont beau jeu d’accuser l’Etat de tous les maux alors qu’elles ne résistent pas toutes, loin s’en faut, à papillonner sur des sujets qui ne sont pas de leur première compétence.
Préparer la succession de Jean-Pierre Farandou. Qu’on ne s’y trompe pas : le départ de JPF, c’est plus qu’un défi de gouvernance, c’est le passage d’une génération à une autre, d’un contexte à un autre. Jean-Pierre Farandou a su stabiliser un groupe marqué par la loi de 2018 et engager sa transformation, malgré les turbulences (Covid, retraites, pouvoir d’achat etc). La suite est très acrobatique, avec la généralisation de la concurrence en vrai sur les activités en exploitation et les problèmes de financement des infrastructures (y compris les gares).
Garantir l’état et la pérennité des infrastructures. Rabâchons-le: quel que soit le mode, la qualité de service et la sécurité des circulations tiennent beaucoup à l’état de l’infrastructure. C’est évident pour le ferroviaire, mais ça l’est aussi pour la route, le fluvial et l’aérien. Le changement climatique, par ses alternances d’épisodes pluvieux et de canicules, met à l’épreuve toutes les infrastructures, et ce n’est qu’un début. Ne pas s’attaquer dès maintenant à leur résilience, c’est prendre le risque de fermetures imposées et impopulaires, et de dépenses de plus en plus gigantesques.
Miser sur la dynamique concurrentielle et plus généralement solliciter l’épargne privée. L’état des finances publiques et les énormes besoins de régénération imposent réalisme et pragmatisme. Certes, l’argent privé a tendance à n’aller que sur les investissements les plus rentables – privatisation des profits, socialisation des pertes. Mais renoncer à l’orienter vers de nouveaux projets (services et infrastructures), c’est se priver d’une manne considérable. Aux architectes de la finance de mettre au point des mécanismes gagnants pour tous.
Accélérer l’anticipation de la fin des concessions autoroutières. Puisqu’on parle de manne, il est essentiel de préparer le futur cycle de gestion des autoroutes, en pérennisant le principe des péages et en assurant au mieux la fin des contrats en cours et la mise au point des suivants, qui sont étroitement liés du fait des dégradations des infrastructures (cf ci-dessus).
Accepter la croissance massive des déplacements en transports collectifs. A de nombreuses reprises en 2024 Mobilettre a énuméré les ressorts de long terme d’une augmentation de la demande de transports collectifs : hausse du nombre des déplacements de loisirs, vieillissement de la population, évolution du rapport à la voiture individuelle etc. Ne pas adapter les infrastructures et l’offre à cette nouvelle donne tendancielle et pérenne, c’est prendre le risque d’un déclassement territorial et national.
Pacifier l’espace public. Les tensions entre usagers de la voirie ne peuvent plus être ignorées. On peut rêver d’un retour à la concorde sociale, ou à tout le moins à une plus grande attention à l’autre, mais en attendant, il semble indispensable de faire respecter quelques règles de base ignorées par une bonne partie des usagers : alcoolémie, stupéfiants, priorités, vitesse, feux rouges, smartphone etc. A défaut, les drames se multiplieront.
Sur notre lancée, on aimerait bien aussi que le «tout pour la com’» s’amenuise, tout comme la démagogie d’Etat, qui a amplifié la détérioration des finances publiques. On pense aux généreuses distributions de Jean Castex, aux dispendieux PGE (prêts garantis par l’Etat) du Covid – qui ne seront pas remboursés à 100%, loin de là -, aux ristournes sur le prix de l’essence (10 milliards d’euros !), et maintenant aux SERM pour tous. Mais on s’arrêtera là : il serait déjà bien que l’année qui commence se déroule sans drames internationaux, sociaux ou politiques.
C’est dans cet état d’esprit d’optimisme raisonnable ou de pessimisme mesuré, au choix, qu’au nom de l’équipe de Mobilettre je vous souhaite une excellente année 2025 !
Gilles Dansart