MobiEdito – 4 janvier 2024

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par Gilles Dansart


2024. Des Jeux et du pain sur la planche

Une année allégorique de nos enjeux hexagonaux : la vitrine qui brille et la maison qui brûle. Il est urgent de ne plus regarder ailleurs.

L’horrible année 2023 valait bien une transgression de la part de Mobilettre : ne pas en faire la rétrospective. A quoi bon rappeler toutes les perturbations qui l’ont émaillée ? Quant à donner un peu de sens au désordre politico-économique, à son paroxysme dans les derniers jours de la session parlementaire… Il y a des jours où la plume sèche. Quand un gouvernement demande au Conseil constitutionnel de censurer une loi qu’il a lui-même contribué à élaborer, c’est à peu près aussi cohérent qu’un élu qui se désole de voir des maisons inondées dans des zones inondables.

Passons donc à 2024.

Elle commence aussi bien que la précédente avait fini. Il pleut des bombes et des hallebardes, mais les quartiers généraux préparent fébrilement leur rédemption politique. Dans six mois, les Jeux Olympiques de Paris, la parenthèse enchantée !

Restons calmes : il y aura une vie avant et une vie après les Jeux – et même une vie pendant, si l’on en croit le désintérêt croissant des Français. Les communicants stratèges de Paris 2024 ont beau donner de la trompette et du pipeau, pour un spectateur non francilien qui ne dormira ni chez des potes ni sous les ponts, et ne voudra pas regarder une épreuve à la jumelle ou se contenter d’une qualif matinale en taekwondo, le coût global logement-restauration-places est d’ores et déjà ahurissant. En refuser l’évidence, c’est creuser encore davantage le fossé social.

Quoi qu’il en soit, sauf cataclysme général, et ce début d’année exhale ô combien les remugles d’une volonté d’en découdre un peu partout dans le monde et ici même, ils auront bel et bien lieu, les JO. La plus élémentaire sagesse commande de ne pas en gâcher les bénéfices collectifs… et de ne pas s’en contenter.

Réconciliation durable et ressentiments sociaux

Plaidons donc pour la réconciliation durable, entre les préposés à la mobilisation exceptionnelle et les soutiers du quotidien. Ce ne sera pas facile : les odes trop vite oubliées de la période Covid, à la gloire des premières lignes, ont accru les ressentiments sociaux.

Plus largement, qu’est-ce qui se joue cette année, une fois encore ? La capacité d’une élite dirigeante à affronter les crises et à vraiment préparer l’avenir, et donc à ne pas se contenter de projeter à intervalles rapprochés son image fantasmée sur la grande scène mondiale. Les JO d’hiver 2030 dans les Alpes, est-ce bien sérieux ?

Comment protéger les citoyens contre les crises climatiques et accélérer la grande transition des mobilités ? Comment résister à la surenchère des promoteurs immobiliers et des BTPistes qui veulent artificialiser toujours plus au lieu de réhabiliter ? Comment sortir l’Education nationale de l’ornière et atténuer les tensions sociales ? L’Etat français champion de l’impôt est surpuissant en matière de budgets publics, et bien en peine d’investir dans les infrastructures et solutions d’avenir qui portent l’espoir collectif. Quel paradoxe, qui révèle les coûts et dégâts d’une centralisation et d’une gouvernance archaïques et inefficaces.

On en vient strictement aux mobilités…

Il faut investir massivement dans toutes les infrastructures de transport, non pas forcément pour en construire de nouvelles, mais surtout pour doper l’usage des existantes, encourager toutes les intermodalités et les lieux d’intermodalité, décarboner à grande vitesse, bref donner des signes tangibles aux Français qu’un autre rapport aux déplacements est possible. Et pourtant, nous nous trainons encore en queue des pays européens en matière d’investissements ferroviaires, nous connaissons une crise inédite de l’offre de mobilités collectives au regard d’une demande qui explose, nous peinons à installer suffisamment de bornes de recharge pour les véhicules électriques. Ce qui n’empêche pas les slogans officiels du gouvernement : X2 pour le fret et les voyageurs, fin des moteurs thermiques en 2035. «J’aime la bagnole», avouait le président Macron en 2023. Et pourtant elle ne pourra être la solution universelle du 21è siècle.

La défiance augmente car les promesses non tenues s’empilent. On avait cru un peu naïvement que l’édification d’une stratégie de la régulation permettrait aux énormes capitaux privés disponibles de participer à l’effort collectif. Bien au contraire, le gouvernement fait de la popol et de la com, l’Etat profond résiste, Bercy gère la trésorerie.

Voilà où nous en sommes en ce début d’année. Ce n’est guère brillant. Nous nous en voudrions pourtant de ne pas relever quelques frémissements au sein, respectivement, d’une élite et d’une société civile effrayées de la mise en place progressive du quadrille souverainiste et identitaire. Contre les évidences proclamées par la plupart des médias d’information en temps réel, on s’aperçoit enfin que les salariés d’origine étrangère sont indispensables à des pans entiers de l’économie et aux citoyens les plus vulnérables, que l’insécurité et la violence résultent très majoritairement de détresses sociales, que la marginalisation de territoires mal desservis n’est pas une fatalité, que la redistribution et la peréquation sont d’indispensables facteurs de solidarité, à rebours des strictes logiques verticales et comptables. La prise conscience d’un funeste précipice va-t-elle favoriser l’émergence d’idées neuves ? Le pire ne serait donc pas si sûr. G. D.

Bonne année 2024 à vous tous


Légion d’honneur

Quelques mots un peu particuliers pour cette première parution de l’année. Deux fois par an nous faisons état des promotions dans l’Ordre de la Légion d’honneur qui concernent des hommes et des femmes du secteur de la mobilité. Et il se trouve qu’en ce 1er janvier, en compagnie de Pierre-Alain Roche, au rôle majeur dans les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, désormais Officier, de Bruno Cavagné président de la FNTP pendant dix ans jusqu’en octobre dernier, et d’Alexandre Gallo PDG de DB Cargo France et président de l’Afra, j’ai été promu Chevalier. Me voilà donc en situation très temporaire d’autopromotion de ma promotion… Les mots que je vous adresse sont sincères : c’est parce que vous témoignez régulièrement de votre attachement aux informations, à l’indépendance et au style de Mobilettre, que la République a souhaité reconnaître ma contribution au débat public – que vous soyez d’accord ou pas avec certaines de nos analyses. Merci.

C’est un très bel encouragement à continuer. 2024, de l’info et du pain sur la planche !

Gilles Dansart

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