Mobitelex 163 – 9 novembre 2016

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre

Voyages en France

Six mois avant l’élection présidentielle, la désindustrialisation et les désordres des banlieues alimentent déjà les débats politiques. Mais les grandes métropoles ne sont pas toute la France… Deux livres de grande qualité viennent de paraître qui décrivent utilement d’autres territoires où habitent près d’un Français sur deux: les petites et moyennes villes, les territoires hyper-ruraux, dans lesquels les problèmes de mobilité, d’aménagement et d’urbanisme créent des fractures profondes.

razemonL’un est journaliste, l’autre écrivain. Le premier a arpenté les villes françaises, le second les territoires dits hyper-ruraux. Les deux ont un immense mérite: dresser le portrait authentique et vivant d’une France violemment perturbée, qui s’est donnée aux grandes surfaces et à la voiture individuelle. Après les durs diagnostics du géographe Christophe Guilluy, en 2014, ces balades passionnantes de Saint-Etienne à La Ferté Macé, en passant par Saint-Hilaire du Harcouët ou le Bas-Vivarais, évitent les métropoles paravents et provoquent l’électrochoc: en trente ans, de quels désastres collectifs les courses à la modernité ont-elles accouché? Osons le parallèle avec l’Amérique traumatisée: la déstructuration des espaces urbains et la marginalisation des contrées plongent les citoyens déboussolés dans les bras d’une contestation primaire.

On conseille donc de lire notre confrère Olivier Razemon, passionné d’urbanisme et de transport – ça tombe bien, les deux sont si imbriqués. Son dernier livre, Comment la France a tué ses villes *, est un voyage au cœur de ces villes petites ou moyennes qui dépriment Catherine Deneuve et Johnny Halliday. Mais il est aussi une explication de leurs grises destinées: commerces fermés, voiture omniprésente, logements vides ou insalubres… Nul nouveau plan jacobin, fait de mots creux et de slogans martiaux, ne pourra, selon Olivier Razemon, endiguer la soumission à la grande distribution et aider à retisser des liens sociaux dans ces villes abîmées.

Les bourgs et les villages donneraient-ils l’exemple? A Saillans, dans la Drôme, 1200 âmes, on s’est mobilisé contre la volonté du maire d’implanter un supermarché à un kilomètre du bourg. Casino a donc renoncé, les élections ont amené une nouvelle équipe qui encourage les circuits courts et met au point un nouveau PLU. A La Chapelle-Glain, à Bussière-Nouvelle ou Chédigny, on ménage des parcours piétonniers, on bichonne les petits commerces. Résultat: la vie reprend…

chemonsnoirsLe parcours de Sylvain Tesson, Sur les Chemins noirs **, est d’un style tout différent, il n’ordonne aucune explication. A l’inverse même, il célèbre certaines permanences. On a l’impression d’être dans ses pas, à la sortie de Marvejols quand il erre sur «le plateau de La Cham, quadrillé de murets granitiques, verrouillé de bories», à Glion, dans l’Indre, avec une banderole sur la mairie: «Ruraux: sous-citoyens de la République». «Dans les campagnes comme au sommet de l’Etat, l’institué vacillait. Nul n’avait prévu la suite», écrit-il. Son voyage vaut manuel de géographie. Conçu pendant une longue convalescence, après une grave chute de chalet à Chamonix chez l’ami Guillebaud, un soir de saoulerie, il se pare de vertus sauvages et rédemptrices. «Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l’aménagement qui est la pollution du mystère.»

Razemon et Tesson sont tous les deux de grands marcheurs, et c’est grâce à cela que leurs deux voyages sont si instructifs pour comprendre la France contemporaine. Ni l’un ni l’autre ne parleront de rapports où figurent le «droit à la pérennisation des expérimentations efficientes» ou l’impératif de «moderniser la peréquation et de stimuler de nouvelles alliances contractuelles», comme s’en moque Sylvain Tesson. A chacun son boulot: le leur nous emmène loin des métropoles et des zones touristiques, et nous ramène à certaines réalités. G. D.

* Comment la France a tué ses villes. Olivier Razemon, ed. Rue de l’Echiquier. 190 p., 18 €.
** Sur les chemins noirs. Sylvain Tesson, ed. Gallimard. 144 p., 15 €.


RATP: mouvements d’automne

En choisissant de remplacer au 1er décembre Eric Dyèvre, directeur du département gestion des infrastructures (DGI), la PDG de la RATP Elisabeth Borne provoque cinq mouvements au sein du comité de direction. Son successeur, Olivier Duthuit, sera remplacé à la tête du département maintenance des équipements et systèmes des espaces (M2E) par Jean Rouzaud, actuel délégué du directeur du département Bus en charge du tramway. Xavier Léty, délégué général au contrat Stif, désireux de faire de l’opérationnel, lui succédera donc au tramway, tandis que l’expérimenté Frédéric Dupouy devra préparer le prochain contrat avec les équipes de Valérie Pécresse et Laurent Probst. Pour boucler la boucle, c’est Eléonore Lacroix, actuelle secrétaire Générale de la Fondation Groupe RATP, qui remplace Frédéric Dupuy comme déléguée du directeur de DIT (Innovation et territoires).

Le départ d’Eric Dyèvre, désormais chargé de mission en charge des processus de gestion de crise auprès de la PDG, était attendu. C’est l’occasion de donner un nouvel élan à la gestion de l’infrastructure, confrontée aux changements que les nouveaux outils numériques induisent dans les processus opérationnels.

Par ailleurs, selon nos informations, Thien Tran Thong, directeur de SIT (systèmes d’information et de télécommunications) a décidé de quitter la RATP dans les mois qui viennent.


DISPARITION

Philippe Naudi, Systra lui doit beaucoup

naudiLa chapelle de l’Hôpital Saint-Louis était bondée, samedi dernier, pour une dernière cérémonie en mémoire de Philipe Naudi, décédé le 1er novembre d’une longue maladie à l’âge de 58 ans. Anciens de Sofretu et de RATP Dev, collègues de Systra ou directeurs de la SNCF et de la RATP, ils étaient nombreux à honorer autant un ingénieur de grande qualité qu’une belle personne.

En pareille circonstance les mots paraissent souvent superflus ou convenus. Ceux de Pierre Verzat, PDG de Systra, ont ému et impressionné, tellement ils ont touché juste pour tous ceux qui connaissaient Philippe Naudi, membre du directoire de Systra jusqu’en 2014. Ils ont raconté un homme franc et loyal, qui sentait tellement bien les situations et les personnalités qu’il savait quand accélérer ou ralentir, imposer ou négocier. Opiniâtre, il a trouvé le moyen d’amener le tramway de Bordeaux jusqu’à la place des Quinconces, qui en est devenue unique, et emblématique d’une autre façon de voir la ville. Visionnaire tout autant que pragmatique, il a su mener à bien, tambour battant et sans gros dégâts, une fusion Inexia-Xelis-Systra qui mettait fin à des années de rivalités larvées et stériles entre les deux actionnaires RATP et SNCF.

Mobilettre partage cet hommage sincère à un homme qui a si bien servi le métier souvent discret, toujours décisif, de l’ingénierie française. G. D.


Pourquoi Albi a dit oui à Google

Pour se déplacer, les quelques 80 000 habitants de l’agglomération d’Albi peuvent compter sur leur réseau de bus urbains, et ses 16 lignes qui parcourent l’ensemble du territoire… Du très classique pour un réseau de transports dans une agglomération moyenne. Mais pour préparer leur itinéraire en transports en commun, les Albigeois ont à leur disposition un outil plutôt moderne et universel : le fameux Google Maps. Pourquoi les pouvoirs publics ont-ils fait ce choix pour leurs administrés ? Comment un tel outil, rejeté par les grandes métropoles, se retrouve dans une petite agglomération du sud de la France?

Selon la direction de la Régie de transports, il s’agit plus d’un effet d’aubaine qu’autre chose. Cette dernière travaillait avec la société Mecatran (la même qui aurait diffusé les données de Paris sur Google Maps) sur un projet de SAEIV. Celle-ci lui a proposé de diffuser ses données théoriques sur Google Maps, gratuitement (dans un premier temps, avant de passer au temps réel). Une belle opportunité pour un tel réseau. «Nous ne sommes ni la RATP ni la SNCF, ni le STIF, explique la Régie. Eux possèdent les ressources pour créer leurs propres applications, pas nous. La solution proposée par Google, via Mecatran, était une possibilité de créer un calculateur d’itinéraires fiable, performant, pour un coût très faible. Un outil qu’en règle générale, nous serions incapables de nous payer». Effectivement, les tarifs affichés par Mecatran sont plutôt accessibles: 10000 euros au lancement, puis 5000 euros par an pour l’exploitation. Mais la Régie n’est pas dupe: «Bien sûr, il s’agit d’une solution de compromis. Plus notre offre est visible, plus nos autobus seront remplis. Google nous y aide. Mais demain, avec l’open data, ce pourrait être Citymapper ou Moovit, nous ne sommes pas contre».

Alors que les grandes métropoles (Paris en tête) se battent pour protéger certaines de leurs données, ou en monétiser l’accès, la réalité des petits réseaux de province semble toute autre. Leur priorité est de rendre visible leur offre, au coût le plus faible possible. Google Maps devient alors la solution idéale car simple, peu onéreuse et connue de tous… sans avoir besoin d’attendre l’open data! De là à penser que le géant américain pourrait profiter de cette situation pour tisser progressivement sa toile, sans bruit…


Micro-transit: Padam ferme à Paris,
Slide ouvre à Bristol

Vendredi 28 octobre, la start-up Padam, connue pour son offre de «micro transit» déployée à Paris, annonçait sur Twitter la suspension de son service Padam Daily. La réaction du cabinet d’études Chronos (en référence notamment à la fermeture au mois de juin d’une initiative similaire à Helsinki, le projet «Kutsuplus») résumait bien l’ambiance: «Le cimetière du transport à la demande s’agrandit». Alors, pourquoi est-il si difficile pour de telles offres d’émerger en France? Comment les startup peuvent elle rebondir?

Un accès au marché difficile en France
Cela fait maintenant quelques mois que Mobilettre s’intéresse à la thématique du «micro transit» (lire Mobitelex n°138). Cette niche, encore peu investie par les opérateurs de transports, a créé des opportunités pour quelques start-up, comme Padam, qui avait lancé son service 100% privé dans la capitale courant 2016 (lire Mobitelex n°146). A l’époque déjà, son co-fondateur, Grégoire Bonnet était conscient du challenge que représentait un tel projet: «En France le paysage des transports est concurrentiel mais vraiment étroit». Quelques mois plus tard, il revient pour Mobilettre sur les différentes raisons qui expliquent l’arrêt du service. Le modèle économique d’abord: «Celui que nous proposions pouvait tenir la route, mais il fallait atteindre un volume financier important très rapidement; cela fut compliqué». La capacité à proposer des offres B2C, ensuite, dans un contexte français oùu les marges de manœuvre sont très étroites: «Le marché du transport collectif en France est subventionné et en réalité très peu accessible pour un petit acteur. Une startup n’est pas armée pour répondre à des appels d’offres!». La concurrence enfin: «Uber occupe une très grande place sur le marché du transport urbain, tout en focalisant le regard des investisseurs. Il faut donc réussir à se démarquer totalement».

Des opportunités naissantes
Néanmoins, l’entrepreneur reste optimiste: «Le marché du transport en zone dense reste immense et les opportunités très importantes». A Paris, vu que le marché du B2C est difficile d’accès, Padam va se lancer sur le marché du B2B: «On s’intéresse beaucoup aux navettes d’entreprises. Nous avons testé notre technologie avec Padam Daily, nous souhaitons la mettre en avant comme un service auprès des entreprises, mais désormais sans affréter de véhicules. C’est pour le moment plus sage». La start-up envisage également de travailler avec des grands groupes de transports. Mais Grégoire Bonnat est lucide: «C’est un risque à prendre pour eux. Il leur faut une volonté d’innover, mais aussi de travailler avec une jeune start-up». La première expérience menée avec Ratp Dev à Bristol pourrait donner une belle légitimé à la start-up. Les deux entreprises ont signé un contrat pour y lancer un service de micro-transit baptisé «Slide». Ratp Dev met sur la table son expérience de l’exploitation, Padam sa technologie. Lancé en juillet, le service ferait un «beau démarrage», selon Grégoire Bonnat. Avant d’ajouter: «Bristol est une ville de taille similaire à Bordeaux ou Nantes, mais culturellement c’est très différent, car la population accepte naturellement et rapidement un nouvel acteur». Il faut dire que contrairement à la France, le marché y est déréglementé, plus souple.

Un modèle d’affaires à inventer
Gabriel Plassat, spécialiste des nouvelles mobilités à l’Ademe et tête pensante de la Fabrique des Mobilités, analyse ainsi la situation: «Le modele d’affaire entre Uber & Co et les transports publics est très compliqué à trouver, précisément parce qu’en France les silos sont encore très présents». Cela signifierait-il qu’une telle offre ne peut se développer qu’avec des subventions publiques? Selon lui, cela mérite d’élargir la réflexion : «Il ne faut plus opposer une vision privé/sans aide vs public/avec subvention. Il est possible d’inventer une nouvelle voie. Imaginons que les services de mobilité produisent les données d’usage et de performance énergétique. Imaginons que cela soit même obligatoire et que ces données soient utilisées a posteriori pour designer des contraintes ou récompenses. Nous pourrions inventer un nouveau système de taxe/subvention ou contraintes/récompenses basées sur les données produites. Il s’agit donc de permettre, de laisser faire, peut-être même de subventionner ces initiatives au début de l’aventure, pour ensuite récolter suffisamment de données et assoir le modèle ».


La première rencontre Rail 2020 Fnaut/Mobilettre

Guillaume Pepy, l’économie numérique et les mobilités

gpyrail2020C’est au cœur de la première école de formation au multimédia créée à Paris, l’Ecole multimédia, rue Saint-Martin, que la Fnaut et Mobilettre ont choisi de tenir le premier débat thématique de #Rail 2020. Questionné par vingt adhérents de la Fnaut et vingt abonnés de Mobilettre, Guillaume Pepy a pu détailler et expliquer la stratégie digitale de la SNCF. Bien au-delà de la transformation de la relation client par les nouveaux outils, ce sont bien la conception de l’offre de mobilité et les méthodes de l’exploitation industrielle qui se trouvent bouleversées par la révolution numérique.

Les contenus de ces rencontres nourriront un document à destination des candidats à l’élection présidentielle.

Prochain invité, le 6 décembre à 8h30, Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux Transports
Inscriptions impératives sur contact@mobilettre.com, nombre de places limité.


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Les Editions de l’Equerre,
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