Mobitelex 176 – 8 mars 2017

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre


Transport et présidentielle: les ingrédients du débat sont sur la place publique

Les acteurs de la mobilité ont le sens du timing. Contrairement à la plupart des secteurs économiques, ils ont attendu que soient officialisées les candidatures à l’élection présidentielle pour exprimer leurs constats et leurs demandes: les 70 propositions des Etats généraux de la mobilité durable, dévoilées hier à Paris, s’ajoutent à la plate-forme de TDIE et au manifeste de la Fnaut. Tout est maintenant en place pour que s’expriment les candidats et leurs représentants, lors du Grand Débat Transport du 22 mars à Paris.

marieEst-ce un pas décisif vers la fin des silos? Mardi 7 mars au Sénat, la séance de clôture des Etats généraux de la mobilité durable, si elle prenait des allures logiques de cahier de doléances des élus, professionnels et usagers, a révélé l’amorce d’un basculement vers une conception plus ouverte des questions de mobilité. La prise de parole de Marie Chéron (photo), chargée de projet à la Fondation Nicolas Hulot, a tranquillement installé l’évidence: une mobilité plus sociale et respectueuse de l’environnement doit s’appuyer sur l’ensemble des acteurs publics et privés, qu’il s’agisse des bailleurs sociaux, des entreprises ou des associations. Mathieu Flonneau, professeur à l’Université Paris I, pouvait alors analyser ces Etats généraux comme une nouvelle étape d’une révolution qui consiste à vraiment remettre en cause les conceptions verticales et modales, au bénéfice de l’intermodalité et des solutions innovantes. On verra dans les mois à venir si les organisations professionnelles, et notamment l’UTP, consacrent cette ouverture, en direction pourquoi pas des gestionnaires de parkings, opérateurs de télécommunications et autres acteurs des nouvelles mobilités.

En attendant, les candidats à la présidentielle et leurs spécialistes ont sous les yeux un matériau considérable pour affiner leurs propositions politiques en vue de l’élection. Le moment est bien choisi: pas trop tôt (c’est-à-dire après la catharsis politique de ces dernières semaines), pas trop tard (avant l’emballement final).

Sur la table, les 70 propositions rassemblent les grands acteurs: UTP, Gart, FNTV, Fnaut, Régions de France et Think Tank TDIE. Elles émanent des réponses à un questionnaire et des six réunions publiques organisées en province l’automne dernier, au cours desquelles les revendications classiques ont côtoyé des envies plus radicales. Les futurs gouvernants doivent entendre le besoin de sérieux et d’écoute, qui pourrait se résumer par le tryptique: un ministre, une loi, une sécurisation fiscale et industrielle.

vidaliesEn demandant un ministre des Transports de plein exercice, les acteurs du transport public signifient surtout qu’ils veulent tourner la page Ségolène Royal, qui soumettait de fait la mobilité à l’écologie, laissant au très méritant Alain Vidalies (photo) la gestion quotidienne et l’ingratitude des arbitrages difficiles. On n’est pas certain qu’un ministre des Transports certes autonome mais pas très compétent soit préférable à un ministre de l’Environnement puissant et conscient des enjeux de mobilité, mais le message porte: la mobilité mérite un vrai engagement politique, lors de l’attribution des portefeuilles et au moment des choix stratégiques.

La demande d’une loi de programmation financière va dans le même sens: il serait bon d’en finir avec les aléas du clientélisme politique et de planifier sérieusement les investissements, y compris en dédiant les ressources et en les indexant sur les externalités négatives. Les gestionnaires d’infrastructures pourront alors concentrer leurs efforts, leurs moyens et leurs compétences sur des projets sécurisés. Autrement dit, en finir avec Poitiers-Limoges pour se concentrer sur le sauvetage du RER C…

Enfin, les revendications d’une TVA à 5,5%, d’un quatrième appel à projets TCSP et d’une transition énergétique réaliste soulignent le besoin d’un soutien clair et sécurisé de la puissance publique pour obtenir des résultats probants. Il ne peut y avoir de politique de mobilité ambitieuse sans entreprises ni collectivités en bonne santé.

Mais la synthèse des Etats généraux ne se limite pas à ce consensus attendu.

En demandant de revoir les conditions d’exercice du droit de grève et du droit de retrait, ainsi que l’expérimentation de la concurrence dans le transport ferroviaire régional, les six organisations font un grand pas en avant. En osant aborder ces deux thèmes difficiles voire polémiques, elles coupent l’herbe sous le pied des idéologues du débat politique (pour ou contre le droit de grève, pour ou contre la concurrence) et portent le débat sur l’optimisation du service aux citoyens. Quel progrès…

gomezD’ailleurs, la CGT elle-même a semblé touchée par une telle posture constructive: «Nous savons que la concurrence sera ouverte en 2023, nous n’avons pas l’intention de nous y opposer», a admis Hervé Gomet (photo), de la CGT Cheminots. L’assistance n’en croyait pas ses oreilles… Son collègue de la CFDT n’a pas non plus fermé la porte à une pratique du droit de retrait plus respectueuse des voyageurs, qui ne peuvent accepter d’être surpris par un mouvement spontané. Seule une menace avérée pour les conducteurs ou les contrôleurs justifie un droit de retrait: «Un risque n’est pas un danger grave et imminent», résume Bruno Gazeau, président de la Fnaut.

Les quatre grandes fédérations d’élus (Gart et Régions de France) et d’opérateurs (UTP et FNTV) s’étaient lancées dans les Etats généraux sous l’impulsion d’un Jean-Pierre Farandou soucieux d’augmenter la visibilité du secteur au moment de la mère des batailles (l’élection présidentielle), vite rejoint par un Louis Nègre convaincu de l’opportunité politique. Pourtant elles n’étaient guère outillées au départ pour élargir le débat à tous les nouveaux acteurs de la mobilité. Mais en agglomérant les usagers (via la Fnaut) et les grands experts (via TDIE), elles ont en réalité ouvert le débat, par une nouvelle transparence des questionnements.

Le manifeste de la Fnaut et la plate-forme présidentielle de TDIE constituent en effet de précieux apports de fond à cette action collective, parfois agitée, pas toujours simple, mais finalement féconde au sceau d’une évidence: l’union fait la force.

Du coup, le Grand débat Transports du 22 mars, organisé par Mobilettre et TDIE, apparaît aujourd’hui comme la dernière pierre de l’édifice: quelles réponses les candidats vont-ils donner à de telles interrogations et suggestions?

Nous leur donnerons la parole, au Palais Brongniart, sur leurs visions d’une politique de mobilité ambitieuse, et en permettant ensuite à leurs représentants de préciser leurs intentions sur des points plus précis. Ce sera notre contribution à l’élévation du niveau d’une campagne électorale qui pour l’instant, a quelque peu manqué de hauteur et d’ambition…

  • Le Grand débat Transport du 22 mars: informations et inscriptions. Attention, il ne reste qu’une petite centaine de places.
  • Les vidéos TDIE/Mobilettre: regardez et écoutez les acteurs de la mobilité exprimer leurs priorités à l’attention des candidats. Déjà en ligne: Bruno Gazeau, Frédéric Baverez, Patrick Jeantet, Claude Cham, Michel Savy, Philippe Duron, Louis Nègre.


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    Contrat de performance Etat-SNCF Réseau:
    les propositions de l’Afra

    Dans l’attente de l’avis juridico-économique du régulateur, le 29 mars prochain, la contribution de l’Afra (l’association française du rail, c’est-à-dire les opérateurs alternatifs) au contrat de performance Etat-SNCF Réseau apporte plusieurs idées intéressantes. Au-delà des regrets (pas assez d’argent, pas assez d’ambition, pas assez de qualité de service), les propositions ont le mérite de poser le problème sur le terrain du réel. Mobilettre a retenu les suivantes:

  • adapter les référentiels «petites lignes» aux voies de service. Objectif: optimiser le coût de leur entretien et leur renouvellement,
  • mise en œuvre d’un indicateur de vitesse réelle (à comparer à la vitesse commerciale),
  • établissement d’un plan de déploiement de l’ERTMS,
  • mise en œuvre d’un chantier de simplification de la réglementation ferroviaire,
  • création de deux indicateurs relatifs à la capacité réelle utilisée par les demandeurs de capacité travaux, et à la qualité de l’allocation et de l’utilisation des plages-travaux.
  • D’une manière plus générale, un consensus se dégage dans la communauté ferroviaire pour souhaiter que l’avenir s’organise autour des quatre priorités suivantes: une meilleure maintenance, un réseau plus innovant, une meilleure qualité de service, un meilleur gestionnaire d’infrastructure. Il n’y a plus qu’à…


    CDG Express: l’AMO pour Egis,
    Transdev candidat à l’exploitation

    Les choses se précisent pour le projet CDG Express. Alors que l’association Non au CDG Express poursuit sa mobilisation (ce jeudi en gare du Nord), le contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage vient d’être attribué à Egis. Particulièrement important pour un projet complexe qui interagit avec le réseau ferroviaire existant et les installations aéroportuaires, il inclut des revues de conceptions techniques (avant-projet et projet) mais aussi des assistances financières lors de la levée des fonds, un suivi des travaux et pendant la mise en place de l’exploitation.

    Justement, cette même semaine Transdev a officialisé sa candidature à l’exploitation du futur service, un mois après celle du groupement RATP-Keolis. Les travaux devraient débuter fin 2018 pour une mise en service en 2023, soit juste avant les Jeux Olympiques… si la France en obtient l’organisation.


    SNCF: une autre façon de recruter les conducteurs

    Changement de méthode. Devant la difficulté de recruter des conducteurs, la SNCF mise désormais sur les nouveaux outils digitaux pour augmenter l’attractivité du métier et aiguiller des candidats vers la formation classique. En l’occurrence, le Mooc Destinations Conduite (http://sncf-mooc.fr/), ou encore Clom (cours en ligne ouvert et massif) propose plusieurs séquences (présentation de l’entreprise, quiz, simulateur, témoignages…) destinées à améliorer la connaissance du métier. Un certificat peut être décerné à ceux qui suivent l’intégralité du parcours numérique – il leur donnera le droit à une inscription prioritaire pour les sessions de recrutement.

    Selon la SNCF, 10000 personnes se sont déjà inscrites en un mois sur ce Mooc. En 2017, ce sont 1000 conducteurs qui devront être recrutés pour faire face aux départs en retraite.


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