Mobitelex 181 – 28 avril 2017

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre

Avec Robustesse, la SNCF prépare l’après-élections

Ils sont sept et auscultent l’offre ferroviaire de la SNCF. Le nom du projet qu’ils mènent: Robustesse. Ou comment formuler constats et propositions sur les meilleures façons de consolider et fiabiliser les circulations ferroviaires, à la demande de Guillaume Pepy.

A leur tête, Alain Thauvette, débarqué l’année dernière d’ECR (la filiale fret de la DB) et Yves Ramette, ex-RATP et SNCF Réseau, tout jeune retraité, qui a remplacé Marie-Line Meaux, priée par l’Etat de se désister pour cause de conflit d’intérêt – elle était jusqu’à il y a peu administratrice de la SNCF. Ils sont accompagnés de deux grands experts internationaux, un anglais, Vince Lucas, qui a travaillé dans de multiples franchises outre-Manche, et un Suisse, Yves Putallaz, consultant et membre du conseil de la prestigieuse EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne). Jacques Damas, probablement le dernier haut dirigeant de la SNCF à maîtriser tous les aspects de la production ferroviaire, aujourd’hui à Keolis, fait figure de fédérateur de par son expérience. Noël de Saint-Pulgent, qui dirige la mission de contrôle économique et financier des transports, et Bruno Gazeau, président de la Fnaut et ancien délégué général de l’UTP, complètent l’équipe.

Difficile d’en savoir plus sur leurs travaux, sinon que ces sept-là se voient depuis le début de l’année une fois par mois et s’entretiennent chaque semaine en visio-conférence. Ils sont assistés par Isabelle Delobel, une cadre expérimentée venue de Transilien et du CNO (centre national des opérations), et doivent remettre leur rapport en juin.

L’objet de leurs réflexions est éminemment louable et correspond manifestement à des lacunes avérées de la SNCF ferroviaire contemporaine – par bien des aspects, le patchwork des solutions, des matériels et des process provoque de sévères dysfonctionnements. Mais il ne faut pas avoir fréquenté madame Irma pour deviner l’intention stratégique derrière cette mobilisation de têtes pensantes: fournir au prochain gouvernement et plus particulièrement au futur ministre des Transports une étude crédible sur les améliorations à apporter au système ferroviaire, de façon à éviter des rapports venus d’ailleurs.

Le ministre Alain Vidalies s’étant occupé à juste titre de la sécurité ferroviaire et du réseau, il est probable que la prochaine équipe au pouvoir s’intéressera de plus près à la qualité de l’exploitation ferroviaire. Ainsi va Guillaume Pepy, expert en l’art d’anticiper les priorités politiques.


AERIEN

Les leçons de la crise d’Alitalia

Quel que soit leur statut ou leur secteur d’activité, les grandes entreprises nationales sont mortelles. C’est le cas d’Alitalia, au bord de la faillite.


Triste fête de la Libération pour Alitalia. Le conseil d’administration en a pris acte: pas de recapitalisation (2 milliards d’euros) possible puisque la majorité des quelque 12000 salariés a rejeté l’accord passé entre la direction et les syndicats. Les actionnaires réunis hier jeudi 27 avril (essentiellement Etihad Airways, la compagnie nationale des Emirats qui détient 49% du capital depuis 2015, et parmi les autres les deux principales banques Intesa San Paolo et Unicredit) ont fait le même constat. A partir de là, le gouvernement italien ayant exclu la nationalisation, il a déclenché la procédure dite d’«administration extraordinaire»: nomination d’un ou plusieurs commissaires (jusqu’à trois) qui ont six mois pour proposer un nouveau plan industriel, trouver un ou des acquéreurs ou… prononcer la faillite. Pendant ce temps les créances sont gelées (sauf le remboursement des crédits leasing sur les appareils) et on ne procède qu’aux dépenses indispensables (achat de carburant, paiement des salaires…). Un prêt de l’Etat de 400 millions d’euros, déjà plus ou moins accepté par Bruxelles car Alitalia dans sa structure actuelle n’a pas reçu d’aide d’Etat dans les dix dernières années, permettra de tenir.

Comment en est-on arrivé là, c’est-à-dire à 400 millions d’euros de pertes estimées en 2016 (soit plus d’1 million par jour), alors que le trafic européen a cru de 5,1% et que dans le même temps Air France/KLM présente un résultat net de 792 millions? Comment la compagnie nationale florissante des années 70-80, à la pointe de la technologie, la première à avoir une flotte composée uniquement d’avions à réaction, avec un service à bord cité en exemple, est-elle arrivée au bord de la faillite, après la privatisation et deux tentatives de sauvetage (par les «capitaines courageux» des grandes entreprises comme Benetton en 2009 puis avec Etihad en 2015)?

Positionnée sur le court et moyen courrier, Alitalia a subi de plein fouet la concurrence des low cost

Certes, on peut reprocher au personnel de refuser les efforts nécessaires, aux syndicats de faire semblant de croire à la nationalisation, mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Réduire les coûts à tout prix ne sert pas à grand-chose si les recettes commerciales ne sont pas au rendez-vous. Alitalia paie aujourd’hui le prix d’un certain nombre d’erreurs industrielles. En premier lieu, elle a progressivement délaissé le long courrier et les vols intercontinentaux où la clientèle buisness est beaucoup plus sensible à la flexibilité de l’offre qu’aux prix. Positionnée surtout sur le court et moyen courrier, elle a pris de plein fouet la concurrence des low cost. Longtemps écartelée entre deux hubs, Milan et Rome, elle a aussi pâti de la gestion de Fiumicino (Rome) qui a trop voulu accueillir les low cost alors que l’aéroport n’en n’avait pas les moyens et créé la congestion. Et pourtant Alitalia est actionnaire de la société de gestion de Fiumicino!

Aujourd’hui, à Alitalia, couper les coûts, injecter de l’argent, c’est comme arroser le sable. Ce qui manque c’est un plan industriel digne de ce nom. Sans recettes commerciales, point de salut. Les civilisations sont mortelles, les entreprises nationales aussi et quel que soit leur statut. Cela ne vaut pas que pour Alitalia, que pour l’Italie et que pour l’aérien….

Impair à la SGP?

Mobilettre annonçait il y a quelques semaines le départ de Catherine Barrot-Pèrenet du directoire de la SGP (Société du Grand Paris). Elle vient d’être remplacée par Frédéric Brédillot, 42 ans, chef du pôle économique du cabinet économique du premier ministre Bernard Cazeneuve. Conseiller des services de l’Assemblée nationale, ce diplômé de Sciences Po Paris a fait toute sa carrière en cabinet (Manuel Valls à Matignon, Bernard Cazeneuve et Jérôme Cahuzac au Budget) ou au sein de l’Assemblée nationale, jamais en collectivité ou en entreprise. C’est donc un financier, plutôt tendance fiscaliste, qui vient compléter le directoire à trois de la SGP.

Ce choix du premier ministre Cazeneuve surprend: le profil de Frédéric Brédillot est-il bien adapté aux priorités du moment? Les principaux défis de la SGP sont plutôt d’ordre organisationnel et relatifs à la maîtrise d’ouvrage. Gérer les appels d’offres, veiller à l’équité des procédures, harmoniser le travail des prestataires et des équipes permanentes: à côté d’un Philippe Yvin qui préside et définit les grands objectifs et d’un Bernard Cathelain qui porte les ambitions techniques, le profil d’un métronome de la méthode, du management et des process s’imposait – là-même où Catherine Barrot-Pèrenet avait semblé pécher.

On croit comprendre que les premiers emprunts de la SGP, en 2017, nécessitent une belle maîtrise financière, d’où le choix de Frédéric Brédillot. Mais n’est-ce pas suffisant d’avoir un bon directeur financier?

On ne va pas faire un procès d’intention au sus-nommé ni aux recasés en général. Mais n’est-il pas sain d’imposer la compétence en adéquation avec le poste recherché, comme premier critère de nomination?

Selon nos informations les profils de qualité ne manquaient pas – y compris des profils féminins. Mais il faut croire qu’en fin de quinquennat, certaines urgences l’emportent sur quelques principes et exigences.

Mobilités digitales: quid de la fiabilité des outils?

Il y avait cette semaine deux rendez-vous instructifs sur l’avenir digital en matière de mobilité: une conférence de presse de voyages-sncf.com et la présentation de l’Observatoire international Keolis/Nexexplo. A priori, quel rapport entre une offensive smart tourisme et une analyse smart cities?

Nous reviendrons plus longuement sur les deux sujets, et notamment sur l’Observatoire des mobilités digitales qui a le mérite de poser un certain nombre de constats: le retour de la voiture dans la projection des mobilités de demain, la redéfinition du rôle et de la responsabilité des acteurs historiques du transport public (AOT, opérateurs) confrontés aux nouveaux acteurs digitaux (Gafa, pure players, start up etc) ou encore la nécessité d’un retour à une forme de simplicité low tech.

Mais il apparaît d’ores et déjà, à la lumière de la course effrénée à la performance digitale que révèlent la stratégie de vsc et l’Observatoire Keolis/Netexplo, qu’une nouvelle étape s’impose à tous les acteurs: veiller à la qualité et à la fiabilité des outils digitaux.

Exemple: en installant un module de recherche porte-à-porte, voyages-sncf.com répond à une demande réelle. Mais que vaut la simulation donnée si elle n’intègre pas des informations prédictives sur le temps réel de transport et la marge de sécurité nécessaire? De la rue de Bretagne dans le Marais à la gare Montparnasse, le moteur de vsc tel qu’il sera disponible à l’été indique 16 mn en voiture et 28 mn en transport public. Mais le voyageur voudrait surtout savoir à quelle heure il devra partir pour être quasi-certain d’avoir son TGV qu’il réservera deux mois à l’avance…

Idem pour les applis qui fleurissent dans toutes les villes du monde: la performance n’est pas toujours au rendez-vous, loin de là. L’évidence est si forte que Keolis et Netexplo ont déjà prévu de consacrer leurs prochaines enquêtes clients à la perception de l’offre (la profusion d’outils non intégrés est-elle contreproductive?) et à l’évaluation de sa fiabilité. En d’autres termes, il serait sain que l’exigence de qualité de service soit identique pour les exploitants et les fournisseurs d’information, a fortiori quand ils se confondent.

Apple vs Open Street Map

Après Google Maps en juin 2016, c’est au tour d’Apple d’ajouter à son application «plans» (installée par défaut sur tous les iPhones) les données des transports collectifs parisiens. C’est donc la dernière méta-application – après le géant de la Silicon Valley mais aussi Moovit et Citymapper – à s’être lancée à la pêche aux données ouvertes par le Stif. Cela montre à nouveau à quel point les GAFA sont friandes de ces données, pour proposer un maximum de service à leurs utilisateurs.

Ces données pourraient aussi demain être générées par d’autres acteurs que les autorités organisatrices. C’est en tous cas le pari d’un ex de la SNCF, Florian Lainez, qui a lancé cette semaine l’application Jungle Bus. Sa particularité? Elle permet à n’importe quel usager de cartographier des réseaux de transports collectifs, directement sur Open Street Map (l’alternative libre au dispositif Maps de Google). Une source de données supplémentaire – et fiable? – qui intéresse déjà Cityway et Kisio : les géants des calculateurs d’itinéraires accompagnent le projet.

MOUVEMENT

Sûreté SNCF: Christian Lambert part, Céline Sibert arrive

Il était arrivé à la tête de la sûreté SNCF en novembre 2015, en période d’extrême tension suite aux attentats de Paris. Nanti de sa longue expérience de préfet, Christian Lambert a largement contribué à ajuster les dispositifs de la sûreté SNCF au nouveau contexte de la lutte anti-terroriste. A 70 ans, atteint par la limite d’âge, il tire sa révérence, même s’il pourrait encore apporter de façon circonstancielle son concours à l’entreprise.

Il est remplacé par Céline Sibert, arrivée à la sûreté le premier mars dernier, ex-directrice régionale Transilien Paris-Nord et portée par les bons résultats de la ligne H. Elle avait déjà fait montre de ses capacités de management et de sa rigueur en matière de gestion de crise et de sûreté à Eurostar.

Mais le choix de cette cheminote qui connaît bien l’entreprise correspond surtout à la volonté des dirigeants de la SNCF de préparer la concurrence. Il faudra en effet convaincre les futurs opérateurs alternatifs de recourir aux services de sûreté de l’opérateur historique, qui a mis au point un catalogue de prestations tarifées. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le document de référence de la sûreté (DRS) exigé par le régulateur, la sûreté n’est pas un monopole régulé et ne fait pas partie des services essentiels tels que déterminés par les textes européens.


Pourquoi Transilien va déménager

Dans un an, en mai 2018, les équipes de direction de Transilien, aujourd’hui logées à Montparnasse dans l’ancien siège de la SNCF, auront rejoint Saint-Denis, non loin de l’actuel siège de la maison-mère. Destination, des locaux laissés vacants par SFR, qui est en train de se séparer de plusieurs de milliers de salariés.

Alain Krakovitch, directeur de Transilien, voit trois principaux avantages à ce déménagement qui concernera un millier de personnes:

  • le regroupement d’équipes disséminées, et notamment la concrétisation du rapprochement avec les agents travaux de l’infrastructure,
  • l’organisation des futurs bureaux en fonction des process et non pas des structures,
  • une économie estimée à deux millions d’euros par an.
  • Les locaux de Montparnasse seront principalement réaffectés aux équipes chargées de l’axe Atlantique et des lignes C, U et N.


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