Mobitelex 363 – 13 février 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Impasses partout?

Combien êtes-vous à ne pas savoir pour qui voter en avril prochain? A refuser de succomber à des plates-formes économiques radicales? Le tout-libéral des candidats d’extrême-droite, le tout-écologiste de Jadot, le tout-dirigiste de Mélenchon?

Il faudrait donc se résigner en faveur des moins extrémistes. Macron, Pécresse, Hidalgo? Le problème, c’est que leur «identité» en matière économique et sociale est plus que jamais indéterminée. Sous les promesses, qui commencent à s’accumuler, quelles gouvernances, quelles ressources?

Qu’à l’implacable logique majoritaire succède le sens de l’intérêt commun et des responsabilités

L’écroulement de la social-démocratie tient largement à l’absence de choix clairs des présidents successifs, Sarkozy, Hollande et Macron. Les trois ont laissé prospérer les forces du marché comme jamais, avec une aggravation historique des inégalités, les trois ont laissé filer les dépenses publiques sans réformer vraiment les structures de l’Etat – on en voit les dégâts aujourd’hui. Les Français s’apprêtent à sanctionner encore plus durement qu’en 2017 les divagations idéologiques et les excès d’opportunisme.

La personnalisation du pouvoir voulue par les gaullistes et renforcée de fait par le quinquennat et le calendrier électoral (la présidentielle avant les législatives) oblige à voter davantage pour des représentations que pour des programmes. Pourtant, en juin prochain, vu l’affaiblissement des partis et l’atomisation des forces, c’est possiblement à une coalition politique que le ou la futur(e) président(e) de la République devra confier les clés du gouvernement.

Il serait donc souhaitable que les uns et les autres se préparent à la discussion ouverte et au compromis, comme en Allemagne. Qu’à l’implacable logique majoritaire succède le sens de l’intérêt commun et des responsabilités. G. D.

POLEMIQUE

Fipeco-Les Echos, des chiffres glissants

«La SNCF coûte 17 milliards d’euros par an aux contribuables»: ce papier des Echos du 5 janvier, sur la base d’une «étude du site Fipeco», mérite quelques commentaires.

On a d’abord choisi de ne pas traiter l’«info», si tant est qu’elle en méritât l’appellation. Mais le bruit qu’elle fit dans le Landerneau médiatique la semaine dernière nous incite à en décrypter les ressorts. BFM TV, le Journal de 20 heures de TF1, RMC, Capital, Valeurs actuelles, quelques titres de presse régionale ont abondamment repris et commenté ce chiffre: 16,7 milliards d’euros d’argent public vont chaque année à la SNCF.

A l’origine de l’effervescence, un papier des Echos du 5 janvier qui reprend «une étude réalisée par le site spécialisé en finances publiques Fipeco». Qu’est-ce que Fipeco? Une association présidée par François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, qui compile notes d’analyse et commentaires d’actualité sur les Finances publiques et l’Economie. Ses ressources? Des dons, effectués aux deux tiers par… François Ecalle, mais qui restent modestes: 24010 euros en 2020. Seule une subvention publique de 3000 euros a été versée en 2019 par… le ministère des Finances – on n’est jamais mieux servi que par ses obligés. Les dépenses? La location de bureaux, et la rémunération… du président Ecalle.

L’article de notre confrère des Echos s’appuie donc sur une compilation de chiffres – autrement dit des choux, des carottes et des topinambours

L’«étude», maintenant, ou plutôt la mise à jour d’un «billet» de décembre 2019 sur «le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprise), sans chercher à en apprécier les justifications» (sic). L’article de notre confrère des Echos s’appuie donc sur une compilation de chiffres – autrement dit des choux, des carottes et des topinambours. Car pour en arriver au total – 16,7 milliards -, Fipeco additionne les contributions publiques à l’exploitation des TER, les subventions d’exploitation de l’Etat, les subventions d’investissement de l’Etat et des régions, la subvention d’équilibre du régime des retraites.

Mon Dieu, 16,7 milliards, c’est quand même beaucoup! Surtout quand on ne qualifie pas les sommes. Les lecteurs savent-ils que s’ils ne paient leur TER qu’à hauteur d’un quart en moyenne des coûts d’exploitation, c’est parce que les collectivités publiques financent les trois autres quarts? Et que le niveau de la subvention d’équilibre du régime des retraites est la conséquence mécanique de la démographie: les cheminots étaient 254 000 en activité en 1980, et encore 207 000 en 1990 (contre 136000 en 2020)?

Un amalgame peut en cacher un autre. «En fin d’année 2021 l’Etat a fait cadeau à la SNCF de 10 milliards d’euros», souligne notre confrère en guise d’introduction. Décidément, ça fait plus que beaucoup, tous ces «cadeaux»! Peut-être devrait-on rappeler que ces milliards de dettes proviennent essentiellement de la construction des lignes à grande vitesse, et n’ont donc pas «enrichi» la SNCF?

«Etude» fragile, amalgames faciles, contextualisation défaillante… N’en jetons plus, et précisons même, s’il en était besoin, que cette critique ne remet pas en cause la liberté éditoriale des Echos.

Ajoutons aussi que cette charge de la cavalerie libérale n’a d’égale que l’argumentaire parfois grossier, en défense, de la SNCF. A Mobilettre nous persistons à dire que les coûts de la SNCF, malgré ses efforts, restent bien trop élevés (en exploitation comme en développement) – et que les subventions publiques d’investissement restent trop faibles au regard de l’état du réseau et des infrastructures.

Dit autrement, on ne cautionne ni le grand mélange des ultra-libéraux ni le statu quo des conservateurs de toutes obédiences (lire aussi notre éditorial ci-dessus).


FERROVIAIRE

Les régions s’attaquent au contrat de performance de SNCF Réseau

Carole Delga et Jean Rottner co-signent une lettre au Premier ministre, que Mobilettre s’est procurée: contre l’orientation financière du projet de contrat, mais en faveur d’une refonte des péages et du modèle de financement du réseau.

Les parties prenantes avaient deux mois pour se prononcer sur le projet de contrat de performance de SNCF Réseau. Son principal client, les autorités organisatrices de transport régional, ont choisi une voie politique pour le faire. Dans un courrier adressé au Premier ministre Jean Castex et co-signé de la présidente Carole Delga et du président de la commission Mobilité, Transports et infrastructures Jean Rottner, les Régions de France disent tout le mal qu’elles en pensent.

Dans ce courrier de deux pages que Mobilettre a pu consulter, le ton est donné d’emblée avec un rappel de la position du collège des AOM (l’ensemble des régions et Ile-de-France Mobilités) qui avaient déploré « l’orientation financière du projet de contrat, au détriment d’une vision stratégique ambitieuse pour l’amélioration de la performance, de la qualité de service, et de l’exécution des travaux de régénération et modernisation du réseau, au profit d’une croissance de tous les trafics ferroviaires de voyageurs et du fret ». Bref, d’un réseau ferroviaire digne de ce nom.

Un milliard d’euros d’écart entre les trajectoires financières du projet de contrat et les préconisations de l’audit Rivier

Mais même si l’on veut ne parler que trajectoire financière, le compte n’y est pas: le courrier des Régions cite Luc Lallemand, le président de SNCF Réseau, devant ce même collège des AOM qui admettait qu’il restait « à ce jour plus d’un milliard d’euros d’écart entre les trajectoires financières du projet de contrat et les préconisations de l’audit Rivier de l’Ecole polytechnique de Lausanne qui en 2005 préconisait un besoin de 3,5 milliards d’euros pour assurer le maintien du seul réseau structurant.» Et de souligner que sur cette même période de 10 ans (durée du contrat de performance), l’Allemagne a réussi à dégager 3 milliards d’euros supplémentaires par an auxquels s’ajouteront 450 millions par an aux Länder pour l’exploitation des trains régionaux.

Que demandent les Régions au Premier ministre ? Ni plus ni moins une « refonte du modèle de financement de SNCF Réseau dans lequel les péages ne devraient couvrir que les seuls coûts marginaux de circulation. » Elles demandent aussi que le contrat de performance intègre de « réels mécanismes incitatifs ». Enfin, elles insistent sur la nécessaire sécurisation de la contribution de l’Etat sur tous les segments de ligne, y compris les dessertes fines du territoire.

Enfin les régions souhaitent prendre le Premier ministre au mot après ses déclarations du mois dernier à l’occasion de la réouverture de la ligne Epinal-Saint-Dié : vous avez exprimé votre « souhait d’expérimenter un mécanisme pour diminuer le montant des péages des trains régionaux, au regard des engagements des régions en matière d’investissement et de développement de l’offre », disent-elles. Et bien chiche, travaillons-y ensemble: « Nous vous proposons d’engager un travail commun pour dépasser les carcans posés par l’actuel projet de contrat de performance » (une augmentation de près de 30% des péages d’ici à 2030) « et envisager collectivement un modèle pérenne pour le développement du réseau ferroviaire français ».

Le Sénat fourbit ses armes

En attendant la transmission officielle par l’Etat du contrat de performance de SNCF Réseau, dans quelques semaines, à l’issue du retour des parties prenantes et de l’avis de l’ART, les sénateurs de la Commission du développement durable ont décidé de préparer le terrain en auditionnant le PDG Luc Lallemand, le mercredi 16 février prochain, après avoir organisé, probablement le 9 février, une table ronde sur la concurrence ferroviaire.

Les sénateurs Longeot (Union centriste), Mandelli et Tabarot (LR) ont d’ailleurs commencé à s’inquiéter spécifiquement d’un décalage entre les promesses de développement du fret et ledit contrat de performance du gestionnaire d’infrastructures: «Il serait dommage que la version du contrat qui sera transmise au Parlement, après les consultations prévues par la loi, ne soit pas à la hauteur des ambitions pour le fret ferroviaire et se cantonne à une vision strictement budgétaire.»

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RECIT

Une idée géniale: faire payer le stationnement des trains la nuit en gare

89 euros la nuit, une recette supplémentaire très modeste, et comme conséquence probable une baisse des redevances pour stationnement sur voies de service… La maison brûle et la croisière ferroviaire s’amuse. Que dira le régulateur?

89 euros: le prix d’une nuit à l’hôtel Ibis de Part-Dieu ou du stationnement d’un train, la nuit, en gare. Pour le service horaire 2023, il faudra en effet payer une redevance à SNCF Réseau pour laisser les trains stationner la nuit en gare sur les voies principales. C’est la nouveauté du Document de Référence Réseau (DRR) 2022 modifié – 2023. Enfin, si l’ART, l’Autorité de Régulation des Transports, valide la mesure d’ici le mois prochain.

Cette idée a-t-elle été soufflée par Bercy pour alléger sa facture ou SNCF Réseau a-t-il désormais suffisamment d’imagination pour inventer ces petits profits et redorer son budget? Toujours est-il que Réseau a décidé d’introduire « une nouvelle redevance pour la prestation de remisage de matériel roulant voyageurs de nuit sur les voies principales des gares de voyageurs. Jusqu’à présent SNCF Réseau a toléré cet usage de l’infrastructure du réseau sans contrepartie.

Trois éléments incitent à mettre en place cette redevance », explique le document de consultation sur le DRR: « Le remisage peut contraindre l’usage de capacités destinées à d’autres besoins ; la plupart des gestionnaires d’infrastructure tarifient cette prestation ; l’ouverture à la concurrence du marché voyageurs nécessite une clarification des conditions dans lesquelles cet usage peut être accordé, à la fois sur le plan des règles de partage entre opérateurs mais aussi sur le plan tarifaire. » Mais le plus beau reste à venir: « Le projet de redevance est fixé à 89 euros par nuit et par voie occupée, qui correspond à une évaluation de l’économie de facturation de la redevance pour l’usage courant de voie de service ainsi qu’à l’économie de temps d’un agent de conduite ou d’un jockey pour assurer les mouvements techniques du train entre les gares de voyageurs et les installations de service. » Et comme le précisait le document de pré-consultation, la prestation ne prévoit « pas de gardiennage du matériel »!

Autrement dit, Réseau justifie le montant de la redevance par l’économie que ferait l’opérateur par rapport au système actuel et non par rapport à un coût qu’il supporterait, ce qui est pourtant le principe de la redevance. La nouvelle mesure a beau avoir été « camouflée » dans les mesures diverses du DRR, il y a peu de chance qu’elle échappe à la vigilance de l’ART qui risque de ne pas se contenter de cette explication sommaire.

Certes, les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais ce n’est de toute façon pas avec cela que Réseau allait relever la trajectoire financière de son contrat de performance si mal nommé: appliquée à ses principaux clients, les autorités régionales de transport, qui ont le plus grand nombre de trains à faire stationner, cette redevance lui rapporterait au mieux 30 à 40 millions d’euros par an, ce qui représenterait une goutte dans l’océan de ses besoins. D’autant que cela pourrait être au bout du compte un jeu à somme nulle puisque les trains qui ne sont pas remisés sur les voies de service passeront seulement d’une catégorie de redevance à une autre et que les redevances pour stationnement en gare viendront en déduction des redevances pour stationnement sur voies de services. Il serait temps que SNCF Réseau réalise que ce n’est pas à coup de redevances supplémentaires qu’il maintiendra le réseau, mais en gagnant de nouveaux clients et en faisant des efforts de productivité.


ECOLOGIE

L’avion sera désormais plus cher

En ce début d’année, voici au moins un motif de satisfaction pour le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou qui demandait récemment à ce que l’avion soit plus cher. Air France vient en effet d’annoncer qu’une « contribution carburant aviation durable » serait intégrée à partir du 10 janvier dans le prix du billet d’avion. Elle sera de 1 à 4 euros en cabine Economy, et de 1,50 à 12 euros en cabine Business en fonction de la distance. La règlementation française impose en effet depuis ce début d’année une incorporation moyenne de 1% de carburant d’aviation durable pour les vols au départ de la France. Or le coût du carburant durable est aujourd’hui de 4 à 8 fois supérieur au coût du kérosène classique. La contribution a pour but de compenser ce surcoût.

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