Mobitelex 372 – 8 avril 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Que s’est-il passé?

Le débat n’a pas eu lieu. Quelques escarmouches, et puis c’est tout. Chacun dans son couloir, malheur à celui qui fait une erreur. La campagne de premier tour de cette élection de 2022 fut une guerre de position, stérile et meurtrière. Peu d’enthousiasmes, sinon celui des troupes de première ligne. Le dynamitage des idéologies a créé un champ de ruines politiques.

Après trois mois de campagne électorale, un champ de ruines politiques

La question des mobilités est révélatrice. Les deux favoris pour le deuxième tour n’ont pas dit grand-chose sur le sujet. Le président sortant n’a pas publié de programme transports, faute de ligne directrice et d’arbitrages, Marine Le Pen n’a assumé elle-même publiquement aucune des quelques mesures radicales qu’elle promeut dans sa réponse au questionnaire de TDIE. Les partis «traditionnels» ont fait l’effort de concevoir une politique cohérente, mais leurs hérauts ne se sont pas risqués sur le sujet. A la hausse du prix de l’essence ils ont tous imaginé des mécanismes d’amortissement de la crise. Aucun n’a vraiment osé encourager un peu plus de transport public, un peu moins d’autosolisme, sauf à prôner des gratuités partielles ou temporaires qui n’ont pas d’effet de report modal, comme le raconte The Conversation. L’occasion était pourtant belle de promouvoir un dessein alternatif pour les mobilités de demain, de nature à donner des indications aux Français pour leurs comportements futurs et leurs investissements à l’heure de la décarbonation.

On pourrait comprendre que des candidats à l’élection présidentielle essaient d’échapper à l’accumulation de programmes sectoriels et particuliers, influencés par les lobbies, pour privilégier une vision générale, un discours de la méthode, quelques grands objectifs. Mais la confusion de cette campagne n’a rien fait éclore de consistant en matière de politique publique. Le brouillage est complet.

Il y aura pourtant un vainqueur le 24 avril, qui ne pourra pas faire grand-chose avant les législatives de juin. Espérons, pour le secteur de la mobilité comme pour toutes les questions majeures de la vie publique, que cette deuxième campagne électorale du semestre sera plus franche et plus féconde. G. D.

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GOUVERNEMENT

Djebbari, Tik-Tok et tic-tac

Le champion des vidéos punchy a depuis quelques mois déclenché le compte-à-rebours de son départ du ministère, comme en témoigne son emploi du temps.

Pour Jean-Baptiste Djebbari, devenu le roi des courtes vidéos Tik-Tok avec des chiffres à faire pâlir d’envie tout artiste contemporain, le compte-à-rebours de la libération a commencé depuis longtemps: tic-tac, tic-tac… Entre de très nombreuses escapades aériennes (lire ci-dessous), plusieurs absences remarquées au banc du gouvernement et en réunions interministérielles, et une gestion disons assez distanciée des urgences du moment, le ministre a choisi une fin d’exercice en roue libre. Tout juste a-t-il fait le service minimum avant la période de réserve, quand il fallait distribuer les bonnes nouvelles en province: une rapide annonce, la poignée de mains devant les caméras, et retour à Paris Tik-Tok.

Quelques exemples? Après un voyage en Polynésie annulé au dernier moment, au début du mois de décembre dernier, pour cause de Covid local, en catastrophe il a fallu monter pour le ministre un déplacement… au Canada. Rien de bien marquant sur place, pourtant, qui justifiât une telle escapade improvisée, et donc un programme très léger: une rencontre avec le ministre canadien des Transports, un peu d’OACI (organisation de l’aviation civile internationale, dont le siège est à Montréal), quelques échanges avec les entreprises françaises qui n’avaient pu déléguer que des seconds en si peu de temps, deux visites au pas de charge. Rebelote en début de cette semaine au Mexique, les 4 et 5 avril, pour des échanges sur «les enjeux de l’électro-mobilité et des transports durables» (sic). On passe quelques autres voyages, en Grèce en décembre, aux Etats-Unis avec une rencontre avec son homologue Pete Buttigieg… en visio, et dans les pays baltes en janvier, sans grand argument d’actualité – contrairement au Liban le 10 mars, où il s’agissait de signer plusieurs contrats d’importance au nom de l’Etat.

Dernier échec en date, le refus du gouvernement en réunion interministérielle d’aider les professionnels du fret ferroviaire à hauteur de 54 millions d’euros

En ce qui concerne les affaires courantes, il s’agit manifestement de les expédier, au grand dam d’autorités organisatrices courroucées d’avoir reçu un courrier ministériel le 16 mars dernier, à propos de la hausse des prix des carburants. «Le mécanisme habituel de révision annuelle des prix classiquement appliqué […] ne permettra vraisemblablement pas de prendre en compte une hausse aussi brutale et importante que celle que nous vivons, explique le ministre. Aussi, je vous invite à étudier au cas par cas les adaptations nécessaires […] en revoyant par exemple le rythme de révision des prix prévus dans les marchés publics, en privilégiant par exemple temporairement une révision mensuelle.» Non seulement cette suggestion semble contraire aux règles en vigueur (une récente note de la direction des affaires juridiques de Bercy rappelle le caractère intangible des prix, sauf à revoir les termes des contrats), mais elle n’est accompagnée d’aucune promesse d’aide gouvernementale. L’élu d’une autorité organisatrice s’indigne: «Nous savons combien les opérateurs ont besoin d’être aidés. Mais nous aurions nous aussi besoin d’être aidés, plutôt que conseillés». Enfin, dernier exploit en date, le verdict défavorable hier jeudi d’une réunion interministérielle (RIM) sur une aide de 54 millions d’euros demandée par les professionnels du fret ferroviaire, une sorte d’équivalence aux 400 millions d’euros obtenus par les transporteurs routiers pour faire face au renchérissement du prix des hydrocarbures.

Parvenu à la tête du ministère des Transports grâce à un indéniable sens politique, Jean-Baptiste Djebbari semble progressivement s’être davantage épanoui dans ses communications extérieures que dans l’abnégation du travail de fond. Il a publiquement avoué penser à une suite de carrière en dehors de la politique, puisqu’il est désormais titulaire d’un Executive Master de Polytechnique… malgré quelques absences lors des sessions de formation. La quille est proche. Tic-tac tic-tac.


NOMINATION

Alix Lecadre, nouvelle recrue de Transdev

La conseillère de Jacqueline Gourault et Joël Giraud devient directrice Offre et métiers ferroviaires.

Longtemps la SNCF a fait son marché dans les cabinets ministériels, y compris celui des Transports. Mais voilà que coup sur coup, c’est Transdev qui recrute à haut niveau de l’Etat. Il y a dix jours Alice Lefort, conseillère technique de Matignon et de l’Elysée, était autorisée par la HATVP à devenir directrice de la Stratégie de l’opérateur, ce qui suscita une certaine indignation de la part de fonctionnaires dont le parcours est beaucoup plus strictement encadré (lire Mobitelex 371). Aujourd’hui c’est au tour d’Alix Lecadre, conseillère mobilités et infrastructures au sein du cabinet de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, de rejoindre Thierry Mallet et sa direction ferroviaire, en tant que «directrice offre et métiers ferroviaires».

C’est un renfort de valeur pour Claude Steinmetz, directeur ferroviaire France, au moment où se multiplient les appels d’offres consécutifs à l’ouverture des marchés TER. Alix Lecadre cumule une authentique expérience de terrain et une solide formation en politique publique. Cheminote d’origine (elle a fait ses classes à Reims), elle s’est aguerrie aux côtés du regretté Jacques Auxiette, à Régions de France puis à Nantes au sein du Conseil régional des Pays-de-la-Loire. Revenue dans le groupe public en 2014, elle entre à l’ENA en 2017 par la voie du troisième concours (et démissionne donc de la SNCF). Après un court passage à Bercy à la DGFIP à l’issue de sa formation à Strasbourg, elle rejoint Jacqueline Gourault et Joël Giraud en 2020.

L’avis favorable de la HATVP ne comporte que des réserves d’usage quant à ses relations avec ses ex-ministres et collaborateurs de cabinet. Vu les nouvelles occupations de Jacqueline Gourault au Conseil constitutionnel, cela ne devrait guère entraver son travail… Surtout, la HATVP s’en est tenue à un examen strict du cas d’Alix Lecadre, sans céder à la tentation d’une «compensation» après l’avis polémique concernant Alice Lefort.


RAPPORT

Infrastructures: les libéraux poussent à une nouvelle décentralisation

L’Institut Montaigne a confié à Jacques Gounon, président de Getlink, et Patrick Jeantet, senior advisor de Vauban Infrastructures Partners et ancien PDG de SNCF Réseau, un rapport sur les infrastructures de transport. Verdict: il faut une rupture radicale et une révolution de gouvernance.

Jacques Gounon et Patrick Jeantet sont d’authentiques libéraux et d’expérimentés dirigeants d’entreprises, et il n’est pas étonnant que ce soit à eux deux que l’Institut Montaigne ait confié un rapport sur les infrastructures de transport, rendu public mardi dernier, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle.

Enfin! est-on tenté de dire, enfin une réflexion sur l’organisation et la gouvernance de la mobilité, après des semaines de promesses chiffrées avancées par les équipes de candidats qui font ressembler la politique des transports à une grande épicerie gavée de dépenses publiques. Et si l’on parlait de l’efficacité des politiques publiques? A commencer par la lutte contre le changement climatique: «Au-delà des ambitions affichées, le bilan est préoccupant», cinglent les duettistes, qui accumulent les chiffres inquiétants sur l’état des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, insistent: «Les politiques de transport n’ont pas porté leurs fruits.» La route est toujours largement majoritaire, aussi bien pour les marchandises que pour les voyageurs, malgré quelques progrès ici et là – on y reviendra -, malgré de lourds investissements. Alors, pourquoi?

Pour Jacques Gounon et Patrick Jeantet, c’est l’action publique qui est inefficace: les subventions aux transports collectifs n’engendrent que peu de transfert modal, les investissements se concentrent là où les offres alternatives à la voiture individuelle sont déjà les plus fortes (à l’exception notable du Grand Paris Express), l’éclatement des compétences et des responsabilités rend impossible l’organisation d’une intermodalité efficace, l’Etat échoue à toute mesure contraignante (de l’écotaxe à l’augmentation de la taxe carbone).

Pour Jacques Gounon et Patrick Jeantet, le salut passera par une révolution de gouvernance et de financement

Que faire? A cette question posée en son temps par Lénine, Gounon et Jeantet répondent à leur manière par une rupture et une double révolution. «Pas de transformation molle», insiste Patrick Jeantet: pour tenir les engagements en matière de gaz à effet de serre et de décarbonation, il faut une rupture qui ne sera pas spontanée – sans pour autant tomber dans l’écologie punitive à coups de ponctions fiscales brutales décidées à Paris. L’Etat accusé de faiblesse et d’inefficacité, quand des agglomérations ont montré leur aptitude à faire croître la part des transports collectifs: pas besoin de dessin, le salut passera par une double révolution de gouvernance et de financement.

Il en faut un certain courage pour affirmer, après cinq de centralisation macronienne et en pleine élection présidentielle qui encourage les muscles jacobins, qu’il faut transférer de nombreuses compétences aux AOM: gestion des routes et pouvoirs de police et de stationnement, services ferroviaires métropolitains dans les grandes agglomérations, urbanisme des métropoles etc. Dans un même élan, il faudrait élargir le périmètre des métropoles à l’ensemble de l’aire urbaine, et engager une deuxième révolution: le remplacement partiel de la TICPE (5% des impôts, 3% des prélèvements obligatoires) par une taxe locale sur les véhicules, recentrée uniquement sur la lutte contre le réchauffement confiée aux AOM. Initialement à 0,38€/litre, elle pourrait atteindre progressivement 1,1€/litre en 2040 puis 1,8 €/litre en 2050. Une taxe locale de financement des transports, qui viendrait abonder le budget des collectivités locales, pourrait être mise en place pour tous les véhicules motorisés jusqu’à 12 tonnes (elle serait de 350 € en moyenne par an pour une voiture particulière, mais pourrait être modulée selon les enjeux de mobilité locale et un certain nombre de critères sociaux).

Jacques Gounon et Patrick Jeantet vont assez loin dans l’imagination d’un dispositif alternatif (lire l’ensemble de leurs constats et préconisations par la consultation de leur rapport intégral, ci-dessous). On a compris leur logique: les crises répétées de légitimité de l’Etat central obligent à décentraliser les responsabilités, les compétences et les financements, au prix d’une révolution fiscale inédite au bénéfice des collectivités territoriales, et notamment des agglomérations qui ont fait la preuve de leur capacité à faire évoluer leurs mobilités. «Le système est à bout de souffle depuis les années 90», concluent-ils, «il est temps d’en changer». Pourquoi pas?

Lire le rapport intégral


DECRYPTAGE

Le principe de la tarification différenciée

Trenitalia a-t-il bénéficié d’un cadeau de la part de SNCF Réseau? C’est la question que pose notre confrère Le Parisien, en révélant les réductions de péages envisagées par le gestionnaire d’infrastructures pour deux années (et une troisième en option).

Le principe de la tarification différenciée mérite d’être détaillé. Il est garanti dans la directive 2012/34 de l’Union européenne: «Les négociations entre les candidats et un gestionnaire de l’infrastructure concernant le niveau des redevances d’utilisation de l’infrastructure ne sont autorisées que si elles ont lieu sous l’égide de l’organisme de contrôle». Dans le Code des transports, les termes sont un peu différents: «L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières est informée par tout gestionnaire d’infrastructure de son intention de négocier des redevance d’infrastructure avec un candidat. Les tarifs négociés sont transmis à l’Autorité, qui peut s’y opposer s’ils méconnaissent les dispositions du premier alinéa de l’article L. 2131-3 et celles de l’article L. 2131-4. NDLR: dispositions sur l’absence d’entraves à la concurrence et le caractère équitable et non-discriminatoire de la fixation des redevances.»

On connaîtra au plus tard mi-mai le verdict de l’Autorité de régulation: accord par absence d’opposition, accord sur la proposition ou demande d’ajustement?

Logiquement le DRR (document de référence du réseau) se réfère au Code des Transports puis fixe les modalités: «Six mois avant le début de l’exploitation de début de service envisagée par le client, le client adresse sa demande de tarification différenciée et adresse à SNCF Réseau les éléments minimum requis suivants: projet d’offres d’origine-destination, volume de trains.km, taux de remplissage, chiffre d’affaires prévu, niveau et nature de charges, niveau de résultat prévisionnel en pluriannuel sur cinq ans. Après analyse des perspectives de l’entreprise selon le modèle normatif d’un nouvel entrant, SNCF Réseau proposera un niveau de tarification différenciée pour une période transitoire (deux ans + une année selon réexamen). Ce processus sera conduit sous l’égide de l’ART (l’absence d’opposition dans un délai de deux mois vaut accord de l’Autorité)».

Voilà pour le droit, qui confirme le caractère provisoire de la tarification différenciée et l’encadre d’un certain nombre de règles. Faut-il s’en offusquer, à l’instar d’un cadre de SNCF Réseau cité par notre confrère? L’arrivée sur un nouveau réseau fait office de parcours du combattant pour un opérateur alternatif, et la tarification différenciée est censée accompagner sa montée en puissance. Si la concurrence aboutit à plus d’offre, tout le monde en bénéficiera, y compris le gestionnaire d’infrastructures qui verra le volume des péages augmenter. Est-ce inéquitable vis-à-vis de l’opérateur historique? Oui, si le bilan final sur une liaison se traduit par un simple transfert de voyageurs de l’opérateur historique vers le concurrent. Non, si le nombre de trains et de voyageurs augmente, y compris par l’amélioration du service et des tarifs différents. Il s’agit surtout d’être cohérent: si on ouvre à la concurrence, autant faciliter l’arrivée de nouveaux acteurs. Sinon, à quoi bon? En revanche, poser la question du versement des éventuels bénéfices de SNCF Voyageurs au fonds de concours n’est pas aberrant…

Selon nos informations, le dossier de tarification différenciée a été transmis par SNCF Réseau à l’ART à la mi-mars. On connaîtra donc au plus tard mi-mai le verdict de l’Autorité de régulation: accord par absence d’opposition ou avis motivé? Et dans cette deuxième hypothèse, probable car l’ART milite plutôt pour une transparence pédagogique de ses décisions, accord sur la proposition ou demande d’ajustement? Notons que le régulateur a dans ses missions la responsabilité d’encourager le développement des trafics et de garantir une concurrence saine et équilibrée; on peine à imaginer dans ces conditions qu’il rejette le principe d’une aide limitée au démarrage. Peut-être insistera-t-il sur les conditions du réexamen au bout de deux ans? Si ça continue à très bien marcher pour Trenitalia, au vu des premiers chiffres de fréquentation et des taux de remplissage, alors la tarification différenciée pourrait ne plus être nécessaire.

En revanche, le calendrier de la saisine semble étonnant. SNCF instruit la question depuis a minima l’automne dernier, à partir d’une demande transmise par Trenitalia. Pourquoi attendre mars pour transmettre une proposition à l’ART? Comme nous le révélions il y a quelques semaines, l’octroi d’une tarification différenciée n’est pas allée de soi au sein du gestionnaire d’infrastructures, mais s’est imposée logiquement au vu du droit (et du DRR). Si l’on calcule bien, la validation du régulateur interviendrait cinq mois après les premiers trafics. Décidément, le ferroviaire est toujours aussi long.


FRET FERROVIAIRE

Mercredi à Villepinte, le fond de l’air était très fret

Le dessinateur Jul ne nous en voudra pas de récupérer le titre d’une BD humoristique et pédagogique qu’il vient de commettre pour le compte de 4F, «Le fond de l’air est fret »*. Car mercredi dernier au SITL (salon international du fret et de la logistique), en matinée, l’ambiance était en effet très favorable au fret ferroviaire… en même temps qu’il faisait frisquet dehors.

Car sait-on parfois ce qui nous prend au moment de concevoir nos trajets de la journée, ce mercredi d’avril nous avons décidé de rallier Villepinte depuis Paris en vélo. Une sorte de journée à zéro carbone ou presque, l’impatience de voir arriver le vrai printemps, ou plus simplement l’envie de se confronter à un itinéraire a priori fait pour le RER B.

Du coup, quelle surprise d’arriver tranquillement à l’entrée véhicules du Parc des Expositions, après 25 km d’un parcours presque intégralement sur pistes cyclables, hormis quelques dizaines de mètres au Vert-Galant. Avec en prime une petite ola des personnels d’accueil du Parc, qui n’avaient pas vu de vélo à cet endroit depuis… Ils en discutent probablement encore. C’est après que ça s’est compliqué: comment rejoindre le hall 6 en vélo? Après moult détours, nous fûmes aiguillés vers le hall 1 et l’entrée de la SITL, où nous n’avons trouvé aucun arceau de stationnement vélo à proximité. Dommage.

Les acteurs de la filière fret ont su taire leurs rivalités pour mieux peser sur les pouvoirs publics

Bon, fin de la digression et passage aux choses sérieuses: le fret ferroviaire, auquel la SITL consacrait une matinée de débats conçue et animée par Mobilettre, suivie par un public attentif et très nombreux, jusqu’à 240 personnes selon les organisateurs. Les acteurs de la filière, qui ont su taire leurs rivalités pour mieux peser sur les pouvoirs publics, se sont réjouis d’une conception un peu différente des tables rondes. D’abord des témoignages sans filtre de deux chargeurs (Kronenbourg et Michelin) et d’un commissionnaire (Alainé), qui ont raconté comment et pourquoi ils sont passés au fret ferroviaire (et dans le cas de Kronenbourg comment ils ont accru leurs dessertes fer qui représentent désormais 90% de leurs trafics aval). Où l’on retrouve la pression du transit time, l’obsession de la régularité pour ne pas avoir à gérer d’impossibles stocks supplémentaires, mais aussi une vraie détermination à poursuivre sur le fer même si c’est un parcours difficile. Pour Michelin, l’échec provisoire de la liaison Calais-Orbassano avec Viia n’est que partie remise: il faut réduire la part de la route, pour améliorer le bilan carbone et répondre à la crise des recrutements de chauffeurs routiers. Surtout, Kronenbourg explique que ses expéditions massifiées par fer lui reviennent deux fois moins cher que par la route! Il y avait longtemps que l’on n’avait entendu un tel bilan économique favorable.

La demande de croissance des trafics a été manifestement entendue par les opérateurs, Frédéric Delorme et Nicolas Gindt (RLE), Brice Devinoy (Eurorail), Thibaut Fruitier (Novatrans): priorité à la fluidité et à la performance, à la recherche de solutions, à l’amélioration des outils digitaux. Mais assez vite, la question des capacités vient sur la table, aussi bien celle du réseau circulé que des installations terminales. Paul Mazataud, directeur fret de SNCF Réseau, a esquissé une typologie des efforts à réaliser: sauver les capacités (notamment le capillaire), optimiser les capacités existantes, et à échéance plus lointaine (2030), hormis quelques chantiers en cours comme sur l’axe Atlantique, de nouveaux projets.

Le gestionnaire d’infrastructures, qui est aussi le partenaire quotidien en exploitation, a été globalement épargné – tout le monde sait que la décision sur les investissements appartient à l’Etat, qui continue malgré les paroles du Premier ministre à tergiverser (lire ci-dessus l’arbitrage défavorable sur les compensations de la hausse du prix de l’énergie). Mais les acteurs présents, qu’il s’agisse d’Ivan Stempezynski (GNTC), Denis Choumert (AUTF) ou Franck Tufferau (AFRA) ont tenu à rappeler que le respect des ambitions fixées (X2 pour le fret, X3 pour le combiné en dix ans) ne se ferait pas sans investissements massifs, à court terme. L’optimisation de l’existant ne suffira pas. «L’évaluation du potentiel de croissance de l’offre en fonction des investissements disponibles est en cours», a répondu Paul Mazataud. On ne prend guère de risques en avançant que sans concrétisations financières rapides, la stratégie nationale de fret ferroviaire sera déceptive, une fois de plus. C’est maintenant ou jamais…

* Le fond de l’air est fret, par Jul, avec 4F

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