Mobitelex 385 – 15 septembre 2022

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Crises et chuchotements 

Comment faire baisser les tensions sur les budgets et les projets, notamment en Ile-de-France

C’est un mois de septembre très chaud. La forte augmentation des coûts de l’énergie et l’inflation déstabilisent les budgets des collectivités, la pénurie de personnels se confirme un peu partout jusqu’à réduire l’offre de transport. Et comme si cela ne suffisait pas deux entreprises sont en difficulté: SNCF Réseau, pris entre l’enclume du cash flow libre et le marteau de ses clients, et la RATP, à la direction décimée par les prochains départs de Catherine Guillouard et Philippe Martin, dans un contexte de forte inquiétude sociale.

Prenons le cas de l’Ile-de-France: il manque 950 millions à Ile-de-France Mobilités pour boucler son budget 2023 (lire ci-dessous), c’est vraiment la crise ouverte avec SNCF Réseau sur les projets en cours (Eole, Nexteo, T12), et la RATP peine de plus en plus à assurer la fréquence nominale de ses bus par manque de personnel.

Que pourra obtenir Clément Beaune de Bercy pour ne pas désespérer les Français du quotidien, les élus et la planète?

Sur tous ces sujets les tractations en coulisses sont intenses, d’autant qu’en toile de fond la lutte contre le réchauffement climatique imposerait de soutenir les offres de transport collectif et/ou décarbonées. Oui mais voilà, le budget de la Nation est ce qu’il est, après la générosité des deux années Covid et du fait des boucliers tarifaires sur l’énergie, et Bercy n’a guère envie de changer de paradigme au bénéfice du transport public et ferroviaire. Que pourra obtenir Clément Beaune pour ne pas désespérer les Français du quotidien, les élus et la planète ?

Il se chuchote qu’un geste pourrait être fait en PLF 2023, d’abord pour accompagner les autorités organisatrices dans leur prochain budget fortement impacté par l’inflation, ensuite pour corriger un peu les intenables contrats de performance imposés à SNCF Réseau et à Gares & Connexions. Surtout, l’hypothèse d’une loi de programmation ferroviaire pourrait faire office de perspective nouvelle. Pourquoi pas ? Il serait temps, notamment au regard des investissements massifs de nos voisins. Mais il ne faudrait pas que son élaboration soit une énième occasion de gagner… du temps.

Bercy a pris en main le recrutement de celui ou celle qui succédera à Catherine Guillouard, via un cabinet qui reçoit de nombreuses candidatures externes, et au moins une interne. En sera-t-il bientôt de même à SNCF Réseau ? La rigidité de Luc Lallemand, dont le seul gouvernail semble être le cash flow libre en 2024, génère des crises à répétition avec les régions – et tout particulièrement l’Ile-de-France -, qui ont exprimé leur courroux auprès de la Première ministre. A force, cette absence de sérénité commence à inquiéter en haut lieu. G. D.

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BUDGETS

IDFM en 2023: presque un milliard supplémentaire à trouver

Parmi les hypothèses envisagées par Valérie Pécresse, une restitution d’une part des bénéfices des opérateurs. La SNCF ne serait pas contre, la RATP voudrait s’en tenir à la lettre du contrat sur les «surperformances».

C’est un tableau noir à deux colonnes que Valérie Pécresse a récemment présenté à Elisabeth Borne et Clément Beaune. Dans celle de gauche, les dépenses supplémentaires attendues par Ile-de-France Mobilités en 2023, soit 950 millions d’euros : hausse des coûts de l’énergie et effets de l’inflation, accroissement des offres, premiers financements des futures exploitations du Grand Paris Express et d’Eole etc.

Dans la colonne de droite, un premier chiffre, 200 millions d’euros, qui provient d’économies de fonctionnement d’IDFM (dont la réfaction d’offre non réalisée) et d’une perception très dynamique du Versement Mobilités. Du coup, il reste à trouver 750 millions.

Voici les solutions proposées par la présidente de la Région et d’IDFM :

  • Passage de la TVA à 5,5 % : 150 millions d’euros. Mais le gouvernement n’y est pas du tout favorable.
  • Augmentation du Versement Mobilités, notamment pour les entreprises qui ont les moyens de se maintenir en zone dense: 250 à 300 millions.
  • Hausse des «cotisations» des collectivités (départements, ville de Paris et conseil régional): 100 millions.
  • Restitution d’une part des bénéfices attendus de la RATP et de la SNCF: 200 millions.

Les premières prévisions de résultats des opérateurs laissent augurer cette année encore de substantiels bénéfices. Selon nos informations la SNCF, qui a fait de gros efforts de rationalisation en interne, ne serait pas opposée à un tel scénario, probablement agrémenté d’une prolongation de son contrat (un ou deux ans). En revanche la RATP voudrait s’en tenir aux dispositions de son propre contrat, qui ne prévoit une restitution qu’en cas de «surperformance».

Et le tarif du Pass Navigo dans tout ça ? Il paraîtrait logique, sans qu’il bondisse à 100 € (contre 75,20 € aujourd’hui) pour générer les 750 millions nécessaires à IDFM, que les usagers soient mis à contribution, d’autant que depuis plusieurs années l’augmentation de l’offre se fait sans augmentation des tarifs. Problème : cette augmentation du Pass Navigo solliciterait à nouveau la trésorerie des employeurs (qui remboursent leurs salariés à hauteur de 50%), déjà assujettis au Versement Mobilité. Et politiquement, Valérie Pécresse n’a guère envie d’apparaître comme insensible aux questions de pouvoir d’achat des Français, protégés par les boucliers tarifaires du gouvernement. Ah, si l’on pouvait inventer le tarif unique à zones… !!!

Les discussions ne font que commencer. C’est le calendrier du Projet de loi de Finances 2023 qui dictera les arbitrages, notamment en ce qui concerne le Versement Mobilité. Elisabeth Borne et Clément Beaune auraient affiché leur volonté constructive. A peine sortis du Covid, voilà donc l’Etat et les collectivités à nouveau en négociations…

Avec SNCF Réseau, rien ne va plus

Et un et deux et trois psychodrames… Ce mardi 13 septembre, c’est la troisième fois en un an qu’une rencontre entre les élus franciliens et le PDG de SNCF Réseau Luc Lallemand se passe mal. Une telle répétition exclut désormais le malentendu ou le hasard : les protagonistes ne semblent plus en mesure de dialoguer ensemble.

Les élus ont surtout compris qu’on leur demanderait probablement encore plus d’argent

En juillet dernier, Luc Lallemand avait surpris l’état-major d’IDFM en annonçant l’abandon du projet Nexteo, en instance de Bafo (best and final offer) au motif, pêle-mêle, des risques financiers, des incertitudes techniques et des priorités stratégiques de SNCF Réseau. Ni les élus, ni la RATP, ni Jean-Pierre Farandou n’avaient apprécié une telle improvisation… Après quelques semaines de vacances et de réflexion, plus question manifestement d’abandon, mais les élus n’ont pas très bien compris mercredi dernier ce qu’on leur proposait, suspension ou report du marché, puisque l’état d’avancement juridique interdit manifestement tout terme trop explicite… Surtout, Luc Lallemand n’a pas su sortir de son équation juridico-budgétaire, alors que des arguments techniques existent pour calmer le jeu. Bref, les élus ont surtout compris qu’on leur demanderait probablement encore plus d’argent, alors même qu’ils avaient considérablement augmenté lors d’un précédent conseil d’administration et leur contribution au projet et la provision pour risques. Si on ajoute à cela que la RATP, partenaire du projet Nexteo, a lâché son partenaire SNCF en rase campagne en se disant tout à fait prête à signer la Bafo, la confusion fut certaine.

Ce fut le cas aussi sur le prolongement à l’ouest du RER E. Luc Lallemand, arc-bouté sur l’équilibre financier que lui impose la loi de 2018, s’est refusé à garantir des dates de mises en service. Money first… Du coup, plus personne ne semble comprendre ce qui se passe, aucun calendrier ne semble stabilisé… à l’exception du report de l’arrivée à Mantes-la-Jolie au-delà de mi-2025. Alstom ayant,lui, garanti plus tard dans la matinée un calendrier de livraison des matériels roulants à peu près en phase avec les calendriers initiaux de mise en service (même si ce sera tendu pour les phases d’essais et de déverminage), SNCF Réseau est apparu comme un perturbateur déphasé. Les élus ne veulent même plus entendre parler des problèmes d’attractivité pour la main d’œuvre en Ile-de-France : «Le constat était déjà le même en 2016 !», rappelle Stéphane Beaudet. Cette effervescence permanente n’est pas compatible avec l’importance des enjeux pour les territoires… et la Nation. Dans deux ans, les Jeux Olympiques, censés être une vitrine attractive.

Les équipes de SNCF Réseau semblent elles-mêmes décontenancées par cette nouvelle crispation publique avec leur premier client, après un été assez exemplaire du point de l’avancée des travaux malgré des conditions caniculaires. La stratégie de la tension n’est manifestement plus tenable. Valérie Pécresse en appelle quant à elle au réengagement de l’Etat.


FERROVIAIRE

x2: Jean-Pierre Farandou insiste

A l’attention de ceux qui auraient pu penser que les vicissitudes du moment (crise Covid, guerre en Ukraine et crise énergétique qui s’ensuit) l’auraient conduit à adoucir son discours sur l’avenir ferroviaire, Jean-Pierre Farandou a bien au contraire réaffirmé son credo, hier mercredi devant la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable du Sénat: il tient bel et bien à un «choc d’offre». Encore plus clairement, il a exprimé le risque d’un statu quo : «On est en train de devenir le mauvais élève européen faute d’investir dans les nouvelles technologies».

«L’ambition forte, c’est le X 2 : il faut prendre 10 points (de part modale) à la route. 10 + 10 (que nous avons déjà) = 20 = x2 », résume Jean-Pierre Farandou. Pour y parvenir, cela suppose un effort sur le réseau physique qui, aujourd’hui, ne serait pas capable de l’absorber. Les 2,8 milliards d’euros sur fonds propres de SNCF Réseau ne sont pas suffisants. Il faut plus d’argent si l’on veut fiabiliser les circulations. Loin de le décourager, la crise énergétique a renforcé les convictions du PDG de la SNCF: que les préoccupations de court terme (lire ci-dessous sur les coûts de l’électricité) ne nous fassent pas oublier demain, c’est-à-dire la préoccupation écologique.

Le président de la SNCF semble s’être fait une raison de l’indigence de la version actuelle du contrat de performance de SNCF Réseau

X2 ou 50×2, c’est aussi l’équation pour parvenir aux 100 milliards d’euros sur quinze ans d’investissements que le président de la SNCF juge indispensables pour doubler la part modale du rail. 50 milliards sont demandés à l’Etat. Le reste est à trouver. La SNCF peut contribuer mais pas seulement elle. Jean-Pierre Farandou évoque l’utilisation de la plus-value foncière autour des LGV et cite l’exemple du Grand Paris avec la taxation sur les bureaux ou l’application du principe pollueur-payeur, et un rééquilibrage concurrentiel notamment lors de la renégociation des contrats autoroutiers.

Quid du contrat de performance, qui était le thème de départ de cette audition ? Le président de la SNCF semble s’être fait une raison de l’indigence de la version actuelle qui a été préparée et rédigée dans l’esprit de la loi de 2018, c’est-à-dire sans envisager de « développement massif du ferroviaire ». Du projet de loi de Finances 2023 il attend au moins que l’on efface l’effet de l’inflation et aussi que le gouvernement fasse un geste. En réponse aux sénateurs, il a indiqué qu’il serait évidemment favorable à une loi de programmation sur dix ans au moins, durée nécessaire pour organiser l’industrie (achat de suites rapides par exemple) et pour recruter.

Qu’a-t-on appris d’autre de cette audition ?

Fret : «Il y a ceux qui y croient – dont moi- », a-t-il assuré, « et ceux qui n’y croient plus ». Et de rappeler qu’une tonne/train coûte six fois moins d’énergie qu’une tonne transportée par camion à cause du frottement permanent du pneu sur la route, ce qui dans le contexte énergétique actuel est loin d’être neutre. Mais le fret aussi a besoin de développements d’infrastructures car aujourd’hui «il ne passe plus». Il faudrait au moins 2 à 3 milliards d’euros pour les triages, les évitements et l’aménagement des ports.

RER Métropolitains : là aussi il y croit. Il croit au train tous les ¼ d’heure lorsque l’on est à 20 ou 30 kilomètres d’une métropole. « Environ 1 milliard par projet, c’est accessible ».

Prix du billet de train : une répercussion stricte de la hausse du coût de l’énergie se traduirait par 10% d’augmentation du prix du billet, ce qui ne serait pas acceptable. Est-ce que l’on augmente ou pas ? Rien n’est décidé. Pour les TGV, l’excellent été laisse des marges de manœuvres. Pour les TER, les régions sont appelées à compenser. Quant à répercuter une baisse de la TVA sur le prix du billet, il préférerait que cela aille aux investissements.

Conducteurs: en l’absence de formation pendant un an pour cause de Covid, il en manque aujourd’hui globalement 1% (avec des disparités régionales comme dans les Hauts-de-France où la SNCF «s’est plantée») soit 120. Le choix de confier la formation au privé est temporaire pour répondre à l’urgence, car les formateurs SNCF sont aussi des conducteurs dont elle a besoin.

Production d’électricité à partir de panneaux photovoltaïques : la SNCF a d’énormes possibilités, soit le long des voies, soit dans les « délaissés ferroviaires » qui, a-t-on appris, ne sont aujourd’hui pas recensés…. Pour ce faire, un « cadastre solaire » est en cours d’élaboration.

Financement des projets de LGV : une part de financement pourrait être apportée par le privé mais avec un contrôle public «pour éviter de reproduire l’expérience Lisea et les niveaux de péages qu’elle engendre». La hâche de guerre n’est toujours pas enterrée.

Le président de la SNCF a beau être d’un naturel optimiste, il est un point sur lequel il n’a pas pu cacher sa préoccupation, c’est le digital, «le vrai», celui de l’infra, qui permet la maintenance prédictive. Et là, a-t-il admis, «on est en train de devenir le mauvais élève européen faute d’investir dans les nouvelles technologies». Il a cité l’exemple des postes d’aiguillage et assuré que si tout le réseau était digitalisé, la SNCF pourrait atteindre 97 à 98% de régularité. Mais on en revient toujours au nerf de la guerre, à l’argent qui manque, notamment dans le contrat de performance pour le développement d’ERTMS ou la Commande Centralisée du Réseau. Les sénateurs l’ont bien compris qui feront tout ce qu’ils pourront dans le PLF 2023. Ce n’est pas gagné.

Energie, la facture qui grimpe

La facture énergétique de la SNCF passera de 300 à 600 millions d’euros cette année, et en 2023 devrait atteindre 1,6 à 1,7 milliard. C’est l’énergie de traction qui représente l’essentiel de la consommation du groupe, via SNCF Voyageurs qui confie à la filiale SNCF Energie le soin d’acheter et de contractualiser avec les fournisseurs. C’est une chance, d’une certaine façon, de pouvoir compter en cette période troublée sur un prestataire interne qui connaît le marché. Pour autant, si des contrats pluriannuels permettent de garantir des prix, ils ne protègent pas éternellement des hausses spectaculaires du marché ouvert. Ainsi, en 2022, si 95% de la fourniture d‘électricité était couverte, 5% ont dû être achetés aux prix du marché spot, qui ont atteint certains jours 1000 € le MWh. En 2023, cette part couverte devrait tomber à 80%, du fait de l’arrivée à terme progressive des contrats, ce qui explique l’envolée de la facture globale. A noter que les contrats de long terme de mix énergétique (20 à 25 ans) ne représentent encore qu’une très faible part des consommations.

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REGULATION

L’ART, adulte malgré l’Etat…

La date de la fin du contrat de Bernard Roman à la tête de l’Autorité de régulation des transports, le premier août dernier, était connue depuis six ans. Et pourtant, son successeur ne sera pas connu avant des semaines, le candidat favori Laurent Saint-Martin ayant décliné le poste. Heureusement, en attendant, elle poursuit son travail. Dernière publication en date, une étude sur les systèmes de sécurité.

On va à nouveau vanter le bilan de l’ART. C’est une maison en bon état et qui fonctionne bien que trouvera le successeur de Bernard Roman : l’Autorité de Régulation des Transports est bel et bien dans l’âge adulte, après près de douze ans d’existence.

Si l’on prend sa compétence historique, le ferroviaire, elle distille ses avis comme le veut la loi. Elle joue les juges de paix comme dans les récents différends entre la Région Hauts-de-France et SNCF ou certains nouveaux opérateurs et Fret SNCF. Elle n’hésite pas non plus à être force de proposition dans toutes les composantes de ses compétences : selon l’article L.2131-1 du code des transports, elle « concourt au suivi et au bon fonctionnement, dans ses dimensions techniques, économiques et financières, du système de transport ferroviaire national, notamment du service public et des activités concurrentielles, au bénéfice des usagers et clients des services de transport ferroviaire. »

C’est dans ce cadre qu’elle vient de publier une étude sur les systèmes de sécurité dont doivent être équipés les trains pour circuler sur les lignes à grande vitesse et a formulé des recommandations « pour lever un frein majeur à l’entrée sur le marché français. » Elle mérite que l’on s’y arrête.

Plusieurs nouveaux entrants souhaitant proposer des SLO à grande vitesse sur le marché français ont fait part à l’Autorité de leurs difficultés à acquérir les systèmes de sécurité embarqués nécessaires

L’ART rappelle que « la sécurité et les performances (fréquence et vitesse commerciale, notamment) de l’exploitation d’un réseau ferroviaire reposent en grande partie sur les systèmes de contrôle-commande et de signalisation. Ces derniers permettent un dialogue entre l’infrastructure et les trains ; la transmission au conducteur de consignes (notamment de vitesse) et, le cas échéant, l’arrêt du train en cas de mise en cause de la sécurité. Ils reposent sur des équipements au sol et à bord des trains et constituent des éléments essentiels des réseaux ferroviaires dont ils permettent d’assurer la sécurité d’exploitation ».

En France les systèmes de sécurité développés sont le contrôle de vitesse par balise (KVB) pour circuler sur lignes classiques et la transmission voie-machine (TVM) pour circuler sur les lignes à grande vitesse (systèmes de classe B). Les lignes à grande vitesse les plus récentes ont été équipées du système européen de gestion unifié du trafic, l’ERTMS (European rail traffic management system), système de classe A. Or, relève l’ART, « plusieurs nouveaux entrants souhaitant proposer des services librement organisés (SLO) à grande vitesse sur le marché français ont fait part à l’Autorité de leurs difficultés à acquérir les systèmes de sécurité embarqués nécessaires et à en assurer la mise en œuvre dans de bonnes conditions en vue de l’obtention des autorisations requises pour réaliser des services de transport sur le réseau ferroviaire. »

Le déploiement d’ERTMS prendra du temps : l’achèvement de l’équipement du réseau central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), qui en France comprend notamment les lignes à grande vitesse n’est prévu qu’en 2030. Quant au réseau global, ce ne serait que pour 2050. Et encore ne s’agit-il que d’objectifs. Dans l’intervalle, les Etats membres doivent « faire le nécessaire » pour mettre à disposition, notamment des nouveaux entrants étrangers, des modules de transmission spécifique (STM) externes pour les systèmes de protection existants de classe B, soit en France KVB et TVM. En l’absence de dispositions prises en ce sens par la France, l’ART formule pour sa part un certain nombre de recommandations.

L’EPSF plutôt que SNCF Réseau

En premier lieu, désigner un « chef de file » responsable de la mise en œuvre des systèmes de sécurité historique en France : à court terme, il serait chargé d’accompagner les nouveaux opérateurs. A plus long terme, il assurerait l’ouverture des systèmes de classe B et s’assurerait que les produits disponibles répondent aux enjeux d’interopérabilité et aux besoins des nouveaux entrants. L’ART a envisagé deux options : que ce rôle d’entité responsable soit confié à SNCF Réseau ou à l’EPSF (Etablissement public de sécurité ferroviaire), sous la forme d’une entité dédiée rattachée à cette dernière. Elle affirme clairement sa préférence pour l’option EPSF. On ne sait pas si c’est pour des raisons d’efficacité ou si elle estime que SNCF Réseau pourrait ne pas se montrer trop zélée dans la facilitation de l’accès au réseau aux nouveaux entrants. D’autant qu’ouvrir les systèmes de classe B, c’est soit récupérer auprès de SNCF Voyageurs les anciens systèmes d’équipement de bord KVB qu’Alstom ne commercialise plus, soit accéder à un éventuel futur équipement STM français, intégrant à la fois KVB et TVM.

«Penser le rôle de l’EPSF dans le nouveau contexte concurrentiel»

L’ART estime aussi nécessaire de s’assurer que les nouveaux entrants aient un accès transparent et non discriminatoire aux savoir-faire et compétences en matière d’équipement de sécurité détenus aujourd’hui par le centre d’ingénierie du matériel (CIM) de SNCF Voyageurs. A plus long terme, elle estime qu’il faut « penser le rôle de l’EPSF dans le nouveau contexte concurrentiel dans lequel le recours aux expertises du groupe public ferroviaire est susceptible de faire peser des risques en matière d’accès au réseau. »

Enfin, l’ART préconise d’«inscrire dans le contrat pluriannuel de performance entre l’Etat et SNCF Réseau, dès sa prochaine actualisation (prévue en 2024) les engagements pris en matière de déploiement de l’ERTMS et en assurer le financement ». Pour ce faire, il faudrait « mobiliser, dans la mesure du possible la tarification de l’accès au réseau ferré national (tarification fondée sur les coûts de long terme) afin de générer des ressources pour le financement de l’ERTMS. » Tiens, cela nous fait penser qu’un ancien Premier ministre nommé Jean Castex s’était engagé, peu avant son départ, à réfléchir à une réforme de la tarification de l’usage de l’infrastructure ferroviaire, autrement dit des péages. Qu’en pense Matignon? Dans le cadre d’une réflexion stratégique sur les modes de transports ce ne serait pas totalement décalé, non?


MOUVEMENTS

Keolis Lyon: Laurence Eymieu s’en va, Thomas Fontaine arrive

Est-elle la première victime de l’allotissement voulu par le Sytral? Laurence Eymieu, moins de deux ans après son arrivée à la tête de Keolis Lyon en remplacement du chevronné Pascal Jacquesson, est contrainte de laisser la place à Thomas Fontaine, jusqu’alors directeur de Keolis Dijon, qui connaît bien l’entreprise puisqu’il en fut directeur adjoint. Sera-ce suffisant pour réchauffer les relations avec les élus de la Métropole et les dirigeants du Sytral, qui ne veulent plus d’un contrat unique avec un seul opérateur?

Par ricochet le réseau de Dijon sera confié à Laurent Calvalido, jusqu’alors directeur adjoint des services de la région Ile-de-France, chargé du pôle Logement, aménagement et transports, dès que la HATVP aura validé son transfert. 38 ans, X-Ponts, il connaît bien les transports pour être aussi précédemment passé par la direction des routes d’Ile-de-France et Systra. Il fera l’apprentissage du management d’un réseau de transport public dans une agglomération qui fait figure de référence de l’innovation à bien des égards, notamment digitaux.

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