Mobitelex 389 – 14 octobre 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Logique

La crise des raffineries punit les erreurs de Total et révèle les lacunes récurrentes de la gouvernance d’Emmanuel Macron

On se gardera de tout pronostic sur la suite du mouvement de grève dans les raffineries : reprise progressive ou contagion à d’autres secteurs, dont la SNCF et la RATP à partir de mardi prochain? La plupart des mobilisations sociales résistent aux modèles et aux injonctions – ce qu’a semblé oublier la députée Sandrine Rousseau, toute à sa stratégie de surenchère permanente, en lançant avant-hier un appel à la grève générale.

En revanche, on peut dire que la dramaturgie de cette semaine est éloquente de la faiblesse politique de l’exécutif actuel. Certes, le blocage des raffineries est d’abord le résultat d’une provocation d’Exxon et Total, qui ont repoussé depuis des mois et des mois de vraies discussions sur les rémunérations alors que les bénéfices et les dividendes tombaient par milliards, sans retard. Mobilettre n’est pas le dernier à critiquer la culture conflictuelle de la CGT; en l’occurrence, elle s’explique assez facilement par les radicalités de Total, qui peine à sortir de sa toute-puissance.

Quoi qu’il en soit, au moins deux erreurs d’analyse ont été commises par le gouvernement qui expliquent aussi le scénario d’amplification de la crise

La première est de nature politique. En préférant le ruissellement économique des bénéfices et dividendes de Total à une taxe exceptionnelle sur ses hyperprofits, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont ignoré une fois de plus le sentiment d’injustice sociale que peuvent ressentir leurs compatriotes. On ne gouverne pas un pays contre ce qu’il est, quoi qu’on en pense.

La deuxième a consisté à se tromper d’«adversaire». Depuis le début de la crise énergétique, la peur d’un retour des gilets jaunes est obsessionnelle – des dizaines de milliards d’euros ont été «cramés» pour enrayer toute jacquerie consécutive à une trop forte hausse des prix de l’essence. Pendant ce temps-là, une colère sociale plus «classique» montait…

A ces deux erreurs s’ajoutent deux choix qui ont contribué à la dégradation rapide de la situation en moins de deux semaines

Sans capteurs au plus près du terrain, ou inattentifs aux rapports des préfets, trop sûrs d’eux, plusieurs ministres se sont dans un premier temps enfermés dans des dénis de réalité (Olivier Véran, Agnès Pannier-Runacher, Gérald Darmanin), un peu comme au temps des masques Covid. L’abus de communication positive a encore frappé.

En voulant discréditer les grévistes («ils gagnent 5000 euros nets») puis en montrant les muscles via la réquisition, quasi inédite sous la Vè République s’agissant de personnels privés non soumis à obligation de service public, le gouvernement a pris le risque d’exacerber les tensions sur le terrain.

Le résultat est un exploit politique : le feu couve à la fois du côté des stations services, si d’aventure la pénurie de carburants s’étend et se poursuit, et chez les salariés d’un certain nombre de secteurs (chimie, nucléaire, ferroviaire, aéronautique, éducation…), en quête d’une revalorisation de leur pouvoir d’achat et désireux de défendre le droit de grève. Ou comment alimenter et fusionner les contestations…

Gardons-nous pourtant, à nouveau, de tout pronostic, y compris parce que sous la pression tout est possible : «Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires», s’est exclamée Elisabeth Borne, qui se souvient probablement du conflit des routiers en 2000 quand elle était au cabinet de Lionel Jospin Premier ministre. Vingt ans plus tard, les conflits sociaux la paniquent tout autant.

Ainsi commence le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, dans le bruit et le désordre. Ces accès d’effervescence sociale ne sont pas dénoncés par une majorité de Français qui voient leur pouvoir d’achat baisser, même si le risque de désordres publics liés à la pénurie d’essence remet en mémoire les gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites du premier quinquennat. La faiblesse de la majorité, elle-même en voie de désagrégation interne au sein du Parlement, et les lacunes gouvernementales achèvent de rendre la situation politiquement périlleuse. Demain, la réforme des retraites ? G. D.

Photo Damien Meyer / AFP

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MOBILISATION

Jeux Olympiques : et si on pensait davantage au transport ?

Un comité stratégique des mobilités est mis en place, un référent transport devrait être prochainement nommé par le gouvernement.

La pénurie de conducteurs de bus en Ile-de-France et les bruits de conflictualité liés à la mise en place de la concurrence sur le périmètre RATP vont-ils perturber les Jeux Olympiques de 2024 ? En cette rentrée 2022, à moins de deux ans de l’événement, certains semblent soulagés que soit enfin prise au sérieux par tous les acteurs la question des transports, qu’il s’agisse des spectateurs, des bénévoles, des officiels, des athlètes ou encore des journalistes.

Et si la pénurie actuelle de conducteurs se prolongeait jusqu’en 2024?

Certes, et Mobilettre s’en était fait l’écho en juin dernier à l’occasion d’une table ronde au salon de la mobilité de la Porte de Versailles, IDFM et Paris 2024 œuvrent de concert à l’élaboration d’un plan de transport robuste et efficace, basé sur une desserte en transports collectifs d’une très grande majorité des voyageurs. Mais de là à ce qu’il soit considéré comme prioritaire et stratégique par les pouvoirs publics et le comité d’organisation lui-même… Anticipation des flux, mise en place de plans B ou C en cas de perturbations, création de dessertes spécifiques pour certains sites éloignés : non seulement la liste des courses est aussi longue que la dernière ligne droite du 1500 mètres d’un décathlon, mais elle nécessite la mobilisation d’effectifs et de matériels conséquents. D’où l’inquiétude subite : et si la pénurie actuelle de conducteurs (voire de matériels) se prolongeait jusqu’en 2024? Et s’ils se montraient peu intéressés à renoncer à tout ou partie de leurs congés estivaux ? «Et s’ils en profitaient pour faire grève ?», redoutent même certains.

Lors de la dernière réunion sur les JO qui s’est tenue le 29 septembre à l’Elysée en présence du Président de la République, et qui associait les collectivités locales, ces questions ont été évoquées, une fois confirmée la livraison dans les délais de la prolongation de la ligne 14. Il était temps, car depuis le grand n’importe quoi de la finale de la Champions League Real Madrid / Liverpool au stade de France, ce sont surtout les dispositifs et process de sécurité qui avaient focalisé l’attention des pouvoirs publics. En réalité, tout est un peu lié, et la fluidité des accès facilite grandement la sécurisation des flux.

Le premier comité stratégique des mobilités vient d’être mis en place par Clément Beaune, qui le réunira toutes les six semaines, tandis qu’un référent transport serait prochainement nommé par le gouvernement. C’est un signal important : la réussite des Jeux Olympiques ne se joue pas seulement dans les stades et à la télévision.


BUDGETS

Les AO face aux conséquences des crises

Covid, énergie, inflation… Comment boucler les prochains budgets quand certaines recettes baissent et la plupart des dépenses augmentent ?

Il n’y a pas qu’IDFM à avoir des problèmes pour boucler ses prochains budgets… Lors d’un webinaire organisé par le Cerema mardi dernier, Patricia Varnaison-Revolle , la directrice générale du Sytral Mobilités, dexuième plus grosse AO de France, a chiffré la perte de recettes sur la prochaine décennie, due notamment aux conséquences de la crise sanitaire, à 850 millions d’euros. De quoi contrarier les desseins d’une majorité politique qui voulait accélérer le report modal, et qui doit d’ores et déjà renoncer à une nouvelle ligne de métro.

Clément Beaune: «Que Valérie Pécresse prenne ses responsabilités»

Il faut ajouter à ces problèmes de recettes (heureusement la perception du Versement Mobilité est plutôt dynamique dans les métropoles) les conséquences de la crise énergétique et de l’inflation sur les dépenses. En Ile-de-France Valérie Pécresse répète ces chiffres à l’envi : il manque 950 millions pour le seul budget 2023. En début de semaine elle a haussé le ton à l’attention du gouvernement : si vous ne nous aidez pas (avances remboursables Covid transformées en subventions, hausse du Versement Mobilité etc), alors nous n’apporterons ni les 100 millions nécessaires à la préparation de l’exploitation des lignes du Grand Paris Express ni une contribution à l’offre spéciale JO…

«Que Valérie Pécresse prenne ses responsabilités», lui a répliqué le ministre des Transports Clément Beaune, sans évoquer spécifiquement ce que tout le monde a en tête et que la présidente d’IDFM voudrait éviter comme la grande majorité des élus du conseil régional : la hausse du Pass Navigo, bloqué à 75 € depuis près de cinq ans.

Cette hausse du Pass Navigo peut paraître logique au regard de l’inflation, de l’accroissement des offres de transport collectif en Ile-de-France et de son niveau très faible pour l’offre globale à disposition des Franciliens, mais la baisse de l’offre bus du fait de la pénurie de conducteurs rend la mesure particulièrement difficile en ce moment. Surtout, le gouvernement semble mal placé pour la suggérer, même à demi-mots, vu les milliards qu’il a lui-même engloutis pour compenser de façon indifférenciée la hausse du prix de l’essence et de l’électricité. Les titulaires de Pass Navigo ne sont pas, a priori, eux, les plus fortunés… A chacun ses boucliers, en quelque sorte.


RATP

A vos marques…

Les candidatures à la succession de Catherine Guillouard sont nombreuses.

S’agissant de la succession de Guillouard à la tête de la RATP, Mobilettre ne fera pas de name dropping, à ce stade. D’abord parce que la première liste de candidat-e-s est tellement longue qu’il nous faudrait presque un numéro spécial à y consacrer, et sans assurance d’exhaustivité, ensuite parce qu’un certain nombre d’entre eux – d’entre elles occupent actuellement des fonctions exécutives. La situation sera probablement différente lors d’une probable short list – nous en reparlerons.

Pilotée par l’APE (agence des participations de l’Etat), la procédure des premières auditions a été confiée au cabinet Jouve & Associés ; elle se poursuit encore, vu le nombre de candidatures. La démission de Catherine Guillouard, le départ en retraite de Philippe Martin et un contexte social assez tendu rendent la nomination d’un-e PDG assez urgente, même si les cadres et les équipes en place s’attachent à assurer une transition de bonne qualité. Avec les auditions parlementaires, et malgré une probable accélération du processus dans les prochains jours, une nomination effective en conseil des ministres n’interviendrait qu’en novembre.

Catherine Guillouard de son côté n’a pas tardé à retrouver une occupation, ce qui n’est pas une surprise – sa démission était «facilitée» par une proposition qui lui fut faite au début de l’été. Elle a donc pris la présidence du conseil de surveillance d’Ingenico dès le 4 octobre, après avoir quitté la RATP le 30 septembre (elle avait averti ses autorités de tutelle de sa démission dès le mois de juillet). Elle tient ainsi son engagement à ne pas solliciter de nouvelle fonction exécutive.


AGENDA

TDIE fait le point sur la révision du règlement RTE-T

Le mardi 25 octobre prochain à Paris, maison de la Chimie, de 10 heures à 13 heures (28 Rue Saint-Dominique, 75007 Paris).

Inscriptions

Le 5 décembre prochain, un an après la présentation par la Commission du projet de révision du règlement RTE-T, la présidence tchèque de l’Union européenne espère aboutir à un accord lors du conseil des ministres des Transports. D’ici là, les députés Dominique Riquet Barbara Thaler auront présenté leur rapport devant la Commission TRAN du Parlement, le 26 et 27 octobre.

Le débat organisé par TDIE et animé par Giles Dansart de Mobilettre permettra d’entendre plusieurs protagonistes de l’élaboration de cette révision, à commencer par Dominique Riquet. Seront également présents Herald Ruijters (DG Move), Peter Balazs et Carlo Secchi, coordinateurs de deux des trois corridors qui traversent la France, les parlementaires Jean-Marc Zulesi et Jean-François Longeot, présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’experte Barbara Lenz, un-e représentant-e de la DGITM, Jean-Luc Gibelin (Régions de France) et Dariush Kowsar (SNCF Réseau).

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