Mobitelex 396 – 16 décembre 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Trêve générale ?

Avant Noël, quelques situations conflictuelles. Après les fêtes, l’embrasement avec les retraites?

La sagesse a-t-elle fini par atteindre Emmanuel Macron ? Ou plus sûrement, la Première ministre, pas du tout emballée à l’idée d’une double fronde, dans la rue et au Parlement, l’a-t-elle convaincu de lui laisser un peu de temps? Point n’était besoin d’en rajouter avant Noël à un contexte social déjà tendu par les NAO (négociations annuelles obligatoires) et plusieurs situations conflictuelles: l’annonce relative à la réforme de retraites est décalée au 10 janvier. Les Français (et les acteurs économiques) pourraient donc passer des fêtes de fin d’année sans perturbations majeures, ça ne s’était pas vu depuis cinq ans: 2018 les gilets jaunes, 2019 les retraites, 2020 et 2021 le Covid et ses confinements à géométrie variable.

Le tableau social semble aussi confus qu’une artère parisienne en fin de journée

Trêve générale, alors? Pas si sûr. Des salariés de première ligne poussent leurs revendications, assorties de menaces de grève: contrôleurs, conducteurs et aiguilleurs de la SNCF, hôtesses et stewards d’Air France et de quelques autres compagnies, opérateurs de plusieurs réseaux urbains de province. Le ministre Clément Beaune s’est dit à nouveau confiant ce jeudi matin sur la circulation de la plupart des trains et des avions, les directions des entreprises font le forcing pour faire aboutir les négociations, avec des propositions consistantes mais difficiles à vulgariser vu la complexité des dispositifs de rémunération (salaire de base, primes, avancements etc).

A la SNCF l’émergence de mouvements revendicatifs en marge des organisations syndicales complique la situation. La CGT s’en méfie ouvertement, Sud-Rail cherche plutôt à les accompagner, mais leur radicalité un peu hors système désarçonne tout le monde, à commencer par des directions RH façonnées par les négociations classiques avec les OS.

Si on ajoute à cela que la stratégie de la direction consistant à cajoler les syndicats les plus durs (CGT et Sud-Rail) commence à échauffer les réformistes (surtout l’Unsa), lassés d’être pris pour des supplétifs qui finissent toujours par signer, on obtient un tableau social aussi confus qu’une artère parisienne en fin de journée.

D’un problème l’autre : si une paralysie générale semble évitée en cette fin d’année, les lacunes d’offre liées à la pénurie de conducteurs et à la disponibilité des matériels ne sont pas prêtes d’être résolus. Il est urgent d’y remédier, partout, au risque d’une sur-sollicitation des premières lignes à même de déclencher de nouvelles contestations, comme on le constate dans les hôpitaux. L’un nourrit l’autre, et inversement, ou le syndrome de l’œuf et de la poule. Avec les retraites en guise de mèche, la rentrée de janvier pourrait réserver quelques surprises.

La trêve sera-t-elle brève ? G. D.

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RATP

Jean Castex, la possibilité d’une ambition

Pourra-t-il desserrer la triple contrainte managériale, technologique et sociale, qui complique singulièrement la tâche de tout président de la RATP ?

Les premiers jours d’un PDG sont toujours instructifs, au-delà des images «terrain» qui ne racontent qu’une partie de l’histoire – Jean Castex à la rencontre des agents, Jean Castex au PC sûreté, Jean Castex au recueil social: à quand Jean Castex sur les pistes de ski ? En l’occurrence, le parcours et le pedigree de l’impétrant lui évitent d’avoir à prouver quoi que ce soit, si ce n’est sa capacité d’écoute pour commencer, d’analyse et de décision dans les semaines et les mois qui viennent… et d’influence, de manière générale, pour débloquer quelques situations.

ECOUTE. Pour synthétiser les appréciations de nombre de ses interlocuteurs, tous niveaux hiérarchiques confondus, «c’est plutôt agréable d’échapper aux novlangues» de tous acabits. Avec Jean Castex, les constats sont clairs : globalement, et les Franciliens peuvent en témoigner chaque jour ou presque, «ça ne marche pas» du côté de l’exploitation des métros et des bus. C’est déjà un pas en avant, pour une maison qui préfère souvent face aux difficultés se réfugier dans le déni ou la diversion : cette transparence-là devrait être appréciée de l’autorité organisatrice. Jean Castex sait aller à la rencontre des uns et des autres, y compris sans l’aréopage habituel, en plein week-end, ou comme simple voyageur, même si le masque ne lui garantit pas l’anonymat.

ANALYSE. Mine de rien le successeur de Catherine Guillouard marque déjà sa différence. Il serait bon, a-t-il souhaité, de disposer de statistiques fines sur l’absentéisme, histoire de comprendre ce qui se joue chez les premières lignes et de corriger le tir – car du côté des recrutements ça s’améliore. Selon nos informations il aurait également mesuré les effets conjugués du départ de Philippe Martin et du renouvellement accéléré des membres du Comex: à ce niveau l’expérience est un bien précieux. En revanche, il est possible que sur les questions techniques et technologiques, il lui faille encore plusieurs mois et quelques consultations externes pour relativiser certains récits maison, par exemple sur l’information voyageurs (lire aussi ci-dessous sur l’automatisation du métro). Sa prudence sur ces questions peut se comprendre: il s’était offusqué des délais de mise en service des nouvelles lignes du Grand Paris Express, en tant que délégué interministériel aux Jeux Olympiques, avant de devoir les accepter comme Premier ministre. Il a d’ailleurs déjà dû être affranchi des difficultés sur le prolongement de la ligne 14 au sud, qui pourraient obliger à des mises en service dégradé. Quant au financement et à la gouvernance générale du système, les scories ne semblent pas lui échapper. «Si Ile-de-France Mobilités n’a pas suffisamment de moyens, ce n’est bon pour personne et surtout pas pour la RATP», répète-t-il à ses interlocuteurs. On comprend que la guerre avec Valérie Pécresse ne doit pas avoir lieu.

DECISIONS. On n’imagine pas Jean Castex se contentant de régler les affaires courantes. Si la question sociale figure en haut de ses priorités, c’est logique, la qualité de service et la capacité de développement de la RATP sont ses priorités, du moment que les diversifications ne sont pas aventureuses (comme les taxis volants), ou trop éloignées du cœur de métier, ou non rémunératrices (les tramways algériens, par exemple). Il y a là, d’ailleurs, quelques similitudes avec les rationalisations voulues par Jean-Pierre Farandou à son arrivée à la tête du groupe SNCF. Il faut donc s’attendre au premier semestre à quelques décisions stratégiques et managériales: sinon, à quoi bon ?

INFLUENCE. Pour le reste, c’est-à-dire tout ce qui ne ressort pas strictement du domaine de décision d’un PDG de la RATP, il est probable que Jean Castex ne restera pas spectateur des lacunes, erreurs ou lâchetés passées, en matière de financement mais aussi d’organisation et de gouvernance. Rien ne semble exclu, y compris en matière de gestion de l’infrastructure : trop d’interfaces nuisent à l’efficacité du système. La pérennisation d’un modèle économique, social et institutionnel pour les transports du quotidien en Ile-de-France, incluant le Grand Paris Express, fait figure de priorité (lire ci-dessous, les Assises d’IDFM). Cela tombe bien, l’ex-Premier ministre Jean Castex a des amis à peu près partout.

On va le dire quant à nous sans barguigner: la RATP est en crise. Rassurée par Pierre Mongin qui avait négocié brillamment le calendrier d’ouverture de ses réseaux à la concurrence à partir de 2025, elle a été perturbée par le passage d’Elisabeth Borne, au management techno-distancié, mélange de proclamations martiales et d’hyperprudence managériale, puis traumatisée par les transformations brutales de Catherine Guillouard. Résultat, pour de nombreux cadres maison, IDFM est toujours l’ennemi qui prétend faire autre chose que sortir son carnet de chèques, et pour une bonne partie des salariés, la concurrence est vécue comme un horizon cauchemardesque. Projeté au centre du jeu, Jean Castex pourrait reconstituer le fil d’un récit d’entreprise interrompu. Ni monopole éternel trop sûr de lui, ni opérateur banal amnésique de son histoire et de ses grandes capacités, la RATP doit trouver un chemin original, au-delà des formules creuses de consultants. C’est, manifestement, une partie essentielle de l’ambition de Jean Castex.

Automatisation de la ligne 13 : vraiment indispensable?

Est-il judicieux de consacrer 837 millions à un projet qui aboutira en 2035 et perturbera significativement le quotidien des voyageurs pendant huit ans, pour un bénéfice final pas si consistant?

C’est une délibération qui vient de passer à peu près comme une lettre à la poste au conseil d’administration d’Ile-de-France Mobilités et dans l’espace public: l’automatisation intégrale de la ligne 13 du métro parisien, dans une version d’études d’avant-projet. Deux chiffres la résument: 837 millions d’euros hors matériel roulant, 2035 comme date d’achèvement. Formidable ?

Serait-on les seuls, à Mobilettre, à s’interroger sur le bien-fondé d’un tel investissement, sur son coût et son calendrier ? A bien chercher, on a trouvé un tweet de l’AUT IDF (association des usagers des transports d’Ile-de-France), demandant poliment «des garanties sur un gain de capacité tangible, et de minimiser les impacts travaux». On va faire plus brutal : est-il de bonne gestion des deniers publics de dépenser une telle somme pour les bénéfices attendus ?

L’automatisation réduit les risques inhérents à un certain nombre de complexités d’exploitation

837 millions d’euros pour 22,5 kilomètres, cela fait plus de 37 millions d’euros par kilomètre – soit le coût d’un kilomètre de nouveau tramway. A ce prix-là, très considérable (et hors surcoûts…), que les économies d’exploitation nettes envisagées (14 millions d’euros par an) ne pourront compenser qu’en soixante-dix ans, quel est le gain de confort pour les futurs usagers ? Il faudrait qu’il soit considérable. Le rapport d’IDFM sur l’avant-projet rame un peu sur le sujet, si l’on ose dire : l’intervalle de pointe permis par l’automatisation passera de 95 secondes à 90 secondes. En réalité, le gain de confort tient surtout à la réalisation optimale de l’offre théorique, grâce une meilleure gestion des incidents et, surtout, à la sécurisation des circulations par l’implantation des portes palières. Ce n’est pas une surprise : l’automatisation réduit les risques inhérents à un certain nombre de complexités d’exploitation, y compris celle spécifique, sur la 13, de la Fourche… et aux mouvements sociaux.

Le jeu en vaut-il pourtant la chandelle ? En réalité, il faut décomposer les 837 millions. En effet, 208 millions sont consacrés aux investissements pour accueillir les nouveaux matériels MF19 à partir de 2027; le reste, 629 millions, va à l’automatisation proprement dite. Quel est le gain attendu entre l’injection de ces nouvelles rames et l’automatisation intégrale des circulations ? + 13% de capacité seulement, sachant que les MF19 seront déjà plus capacitaires que les actuelles MF77.

Tout ça pour ça ? Ne vaudrait-il pas mieux se contenter des nouvelles rames MF19 et de l’amélioration des systèmes existants de signalisation et de conduite ? D’autant que l’impact voyageurs du projet automatisation n’est pas neutre: 650 nuits longues (quelle perspective…) et seize interruptions totales de circulation de plusieurs jours. Manifestement le cabinet Egis n’a rien trouvé à redire sur le dossier présenté par le maître d’ouvrage RATP, maître en son royaume de l’automatisation de lignes existantes. On aurait pu attendre, grâce aux expériences d’automatisation des lignes 1 et 4 (cette dernière est toujours en cours) quelques améliorations de process et de coûts. A peu de choses près, c’est la maquette finale de la ligne 4 qui a été copiée, avec ses 80% de surcoûts par rapport au protocole de financement de 2014, alors même que la 13 est déjà semi-automatique et dotée de plusieurs stations sécurisées par des portes palières. A noter que les études d’avant-projet incluent déjà une provision pour risques de 14%.

Valérie Pécresse tient manifestement à sa promesse de campagne électorale. C’est respectable. L’ensemble des élus, toutes tendances confondues, sont quant à eux plus préoccupés à donner dès aujourd’hui une nouvelle perspective miraculeuse aux damnés de la 13 qu’à expertiser le rapport coûts/bénéfices et à privilégier une solution médiane et raisonnable. La mise au point du protocole de financement pourrait-elle poser problème?

D’autres lignes mériteraient une automatisation rapide. Mais plus l’on avance, plus l’horizon recule : au rythme d’une automatisation tous les dix ans, considéré comme indépassable par la RATP, l’automatisation du métro parisien serait terminée en… 2135. L’espoir fait-il vivre très longtemps ?

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Des Assises pour le financement des transports franciliens 2024-2030

Valérie Pécresse et Laurent Probst, directeur général d’IDFM, veulent maintenir la pression après les 200 millions d’euros accordés par l’Etat pour le budget 2023. Ils organisent dès le 23 janvier prochain des Assises destinées à pérenniser les budgets d’exploitation de l’autorité organisatrice francilienne, qui devra notamment faire face aux coûts des mises en service du RER E à l’ouest et des lignes du Grand Paris Express, soit à terme un milliard d’euros par an. Ces Assises rassembleront «des représentants des collectivités franciliennes, des usagers, des entreprises, de l’Etat ainsi que des universitaires», précise IDFM.

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Transdev prend de la hauteur

Si la RATP prend son temps sur l’automatisation du métro parisien, Transdev prend de la hauteur un peu partout. A Quito d’abord, la capitale de l’Equateur, 2800 mètres d’altitude, 2,5 millions d’habitants, c’est une ligne de métro de 22,5 kilomètres que l’entreprise dirigée par Thierry Mallet exploitera au sein d’un consortium où elle est majoritaire (51%) aux côtés de son partenaire Metro de Medellin. Le contrat est signé pour six ans; l’exploitation commerciale commencera au cours du premier semestre 2023.

En Ile-de-France, c’est l’exploitation du premier téléphérique régional C1 entre Créteil et Villeneuve-Saint-Georges qui a été attribuée à Transdev, conjointement à 18 lignes de bus du sud-est du Val-de-Marne. La mise en service de cette nouvelle infrastructure est prévue pour 2025.

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Un plan et 150 millions pour le covoiturage

Trois ministres (Béchu, Pannier-Runacher et Beaune) ont présenté mardi dernier le nouveau plan du gouvernement en matière de covoiturage, pour la période 2023-2030, dans la continuité du premier plan élaboré fin 2019 par Elisabeth Borne. Objectif : 3 millions de déplacements quotidiens réalisés en covoiturage, soit plus qu’un triplement du nombre actuel, 900000. Mais il s’agit là d’une estimation non traçable du covoiturage «informel» à partir d’études dont le gouvernement ne donne pas les sources. Le covoiturage «intermédié», réalisé via des plates-formes et tracé par les données officielles du Registre de preuves de covoiturage (RPC), représente quant à lui 660000 trajets mensuels (chiffres du mois de novembre), soit environ 30000 trajets quotidiens avec une majorité de domicile-travail.

Pour Julien Honnart, PDG de Klaxit, première plate-forme de covoiturage en France avec environ 50% du marché devant BlablaCar Daily et Karos, «les incitations financières sont indispensables au développement du covoiturage», au regard de ce qui se passe dans les différentes collectivités. La baromètre mensuel Klaxit détaille collectivité par collectivité les évolutions du covoiturage quotidien, à partir des données des opérateurs disponibles sur data.gouv. A Rouen ou Beauvais, gratuité pour les passagers et meilleure rémunération pour les conducteurs alimentent une croissance plus forte qu’ailleurs (+ 15% et +17%). «L’incitation financière publique au covoiturage quotidien peut être considérée équivalente aux subventions au transport public», plaide Julien Honnart.

Manifestement, c’est l’esprit qui sous-tend les trois principales incitations financières contenues dans le plan gouvernemental, plafonnées chacune à 50 millions d’euros :
une prime de 100 euros aux nouveaux conducteurs co-voitureurs, reversée par les plateformes de covoiturage, sous la forme d’un versement progressif : une première partie au 1er covoiturage (25€ minimum) et le reste au 10e covoiturage, dans un délai de 3 mois à compter de son premier covoiturage.
un accompagnement des collectivités qui incitent conducteurs et passagers au covoiturage, sur la base du principe 1€ de l’État pour 1€ de la collectivité.
une mobilisation du Fonds vert à hauteur de 50M€ en 2023 pour soutenir les collectivités (aires et lignes de covoiturage, études préalables)

Ce genre de dispositions incitatives est éminemment préférable aux compensations financièrement exorbitantes à la hausse du prix de l’essence. Les prochains mois devraient permettre de vérifier si le potentiel de croissance affiché par le gouvernement est crédible, puisque hausse du prix de l’essence «réel» et accroissement des aides publiques au covoiturage se conjugueront pour rendre plus attractive l’alternative à l’autosolisme quotidien.


PROJET

LNPCA, de l’intérêt de faire de belles phases

Comment le projet préparé par SNCF Réseau et Gares & Connexions sur l’axe Marseille-Nice allie modernisation de l’infrastructure ferroviaire et développement de la mobilité quotidienne.

L’objectif principal des travaux ferroviaires sur la ligne côtière consiste à augmenter à la fois l’offre et la régularité des circulations TER, sans sacrifier le fret tout en renforçant les dessertes directes.

La nouvelle gare souterraine de Marseille Saint-Charles permettra de mieux «ranger» les voies de surface avec cinq blocs dédiés pour éviter, notamment, les cisaillements.

C’est une bonne surprise. Mobilettre en était resté à un projet de LGV Marseille-Nice aussi dispendieux qu’éloigné des nécessités de la mobilité quotidienne. Mais la consultation des phases 1 et 2 de LNPCA (ligne nouvelle Provence Alpes Côte d’azur), dont les différents partenaires viennent de valider le financement des études avant-projet suite à la DUP accordée le 13 octobre dernier, raconte une toute autre histoire. C’est du trois-en-un: on résout des problèmes de saturation effective, à commencer par la gare Saint-Charles à Marseille, on dope l’offre et la fréquence des TER, on améliore l’intermodalité avec les transports urbains. D’ailleurs, les termes employés dans les tout récents communiqués publics parachèvent la transformation du projet : «Pour la mobilité du quotidien, on avance tous ensemble vers un RER métropolitain à Marseille, Toulon et Nice!», s’enthousiasment les partenaires, Région, départements, métropoles et maîtres d’ouvrage (SNCF Réseau et Gares & Connexions).

Le morceau de choix du projet : une gare souterraine à Marseille Saint-Charles

Ces deux premières phases censées s’achever en 2035 n’allaient pas de soi – selon nos informations il a fallu convaincre la région Sud un peu réticente au départ de passer à la deuxième, qui comprend le morceau de choix du projet, une gare souterraine à Marseille Saint-Charles. Mais la création d’une société locale de financement (SLNPCA, Société de la ligne nouvelle Provence Côte d’azur), présidée par Renaud Muselier et dotée de ressources fiscales par la loi de finances 2023, a fait passer le projet définitivement en mode réalisation. L’Etat devra financer 40% des 3,64 milliards d’euros (avant inflation et hors mise en service), comme les collectivités, l’Europe étant sollicitée à 20%.

Les bénéfices attendus sont consistants: 6 TER par heure et par sens entre Cannes et Menton (contre 4 aujourd’hui), 4 TER entre Saint-Cyr et La Pauline (2 aujourd’hui), 3 TER omnibus entre Marseille et Aubagne (2 aujourd’hui) et 4 TER sur les voies littorales entre Saint-Charles et l’Estaque (2 aujourd’hui), sans compter l’augmentation du nombre de liaisons rapides sur l’axe Marseille – Vintimille ou la réalisation de projets complémentaires sur l’étoile ferroviaire marseillaise.

Marseille Saint-Charles, justement, qui est encore aujourd’hui un casse-tête en matière d’exploitation – 60% des circulations y seraient des haut-le-pied. Pour augmenter la capacité et éviter les cisaillements, un maître-mot: la séparation des flux. Pour ce faire, les quatre voies de la nouvelle gare souterraine permettront de faire circuler des trains (TGV, TER) en transit. Du coup, en surface, cinq blocs bien identifiés permettront de fluidifier les entrées/sorties. Si l’on ajoute la création d’une galerie piétonne sous voies afin de mieux relier le quartier de la Belle de mai et divers travaux d’intégration urbaine, c’est une transformation urbaine qui se prépare dans le quartier de la gare.

Il faudrait beaucoup plus que ces quelques lignes pour détailler les autres aménagements du nœud marseillais, y compris du côté de La Blancarde, et pour présenter les restructurations des sites à l’ouest, de Saint-Cyr à Nice (Mobilettre y reviendra dans un Mobizoom en 2023). Toujours est-il que les bénéfices attendus (+35% du nombre de voyageurs, +66% du nombre de trains) ne suffisent pas à rendre compte de la révolution de méthode induite par ce projet LNPCA. L’obsession LGV a vraiment laissé la place à une co-construction avec les collectivités locales. Certes les phases 3 et 4 prévoient toujours la construction d’une ligne nouvelle à grande vitesse, mais dans un éventuel second temps, après 2040. D’ici là, la mobilité urbaine et côtière devrait considérablement s’améliorer.


Billet

POLT, le CAC se rebiffe

Une grande entreprise plus efficace que des élus et des collectifs de citoyens/usagers : c’est une des leçons de la récente polémique sur les dessertes de la fameuse ligne POLT (Paris Orléans Limoges Toulouse). Il a suffi que l’entreprise Legrand, l’une des deux entreprises du CAC 40, avec Michelin à Clermont-Ferrand, à n’avoir pas son siège social en région parisienne, se fâche publiquement de la dégradation de l’offre cet hiver et menace de quitter Limoges, pour que les pouvoirs publics se saisissent enfin du sujet.

Car si la SNCF exploite cette ligne, c’est l’Etat qui en est l’autorité organisatrice. Et manifestement, il a jusqu’ici validé sans problème les choix de la SNCF, jusqu’au coup de gueule de Legrand, relayé par les médias puis soutenus par les élus, Alain Rousset en tête, tout heureux de trouver enfin un écho à leurs récurrentes revendications. Selon nos informations, la DGITM planche dur désormais pour redonner un peu de lustre à une desserte depuis longtemps négligée voire sacrifiée.

On ne va pas se plaindre d’une telle mobilisation vertueuse. Mais on comprend aussi l’amertume de celles et ceux qui un peu partout en France, militent et plaident pour plus de trains classiques longue distance, et ne recueillent souvent que des audiences polies. G. D.

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