Mobitelex 414 – 26 mai 2023

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Eviter le pire ne suffit plus 

C’est presque un titre à la James Bond… A une différence près : notre film à nous, ici en France, risque de ne pas très bien se finir.

Le point de départ de cette drôle d’analogie, c’est le plan de discontinuité en cours de négociation entre la Commission et l’Etat sur Fret SNCF (lire ci-dessous). Finalement, la sanction aurait pu être pire : liquidation ou démantèlement plus radical. Et l’on se prend à parler de soulagement, voire de remerciements envers des négociateurs qui vont probablement éviter un sort similaire à celui d’Alitalia. En la matière Clément Beaune a gagné quelques galons de démineur social.

Fret SNCF, ou le paroxysme d’une gouvernance publique défaillante.

Et puis hier matin sur France Culture, Guillaume Erner nous pose une question toute simple: «Comment en est-on arrivé là ? Les marchandises sur les trains c’est quand même une évidence ?» On rembobine. On fait l’inventaire du gâchis à tous les niveaux (financier, écologique, économique, social), et une nouvelle évidence s’impose : il ne faut plus se contenter de sauver de plus en plus fréquemment la patrie. Car cela ne règle pas grand-chose sur la durée et porte en germe des crises plus graves, faute d’une construction solide.

Cela s’applique à tellement de situations et à la plupart des secteurs (l’Education, la Santé, la Justice…) : des lois de circonstance, des subventions d’urgence, des promesses à milliards et des annonces parapluie qui ne trompent plus personne. Pour le fret ferroviaire, c’est probablement le pompon : des plans stratégiques, des déclarations d’amour, des procrastinations, pour de si piètres résultats. Et que de temps perdu…

On se rapproche tout autant du précipice pour le ferroviaire en général. L’annonce des 100 milliards ? «Je ne sais pas où ils sont. C’est la première fois qu’un gouvernement annonce un programme d’investissements qu’il ne peut pas financer», s’est exclamé Alain Rousset lors du colloque de la Fnaut «Osons le train!» (lire ci-dessous). Sa liberté de parole et son expérience apparaissent si précieuses. Car tout le monde, ou presque, est obligé de faire semblant.

«Un jour la centralisation s’opposera à la démocratie», a conclu le même Alain Rousset. Sombre prédiction dont on perçoit avec effroi quelques prémices. Il ne sera bientôt plus possible d’éviter le pire? G. D.

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RESTRUCTURATION

Fret SNCF : voici le plan de discontinuité

Comment soustraire Fret SNCF au remboursement des 5,3 milliards d’aides d’Etat sans le dépecer façon Alitalia ? Bruxelles et Paris inventent un nouveau type de discontinuité économique et juridique, basé sur un abandon d’activités, des transferts et des cessions d’actifs.

L’entrée en négociations avec la Commission fut difficile cet hiver. Vu la matérialité établie des aides d’Etat à Fret SNCF depuis 2007 (5,3 milliards d’euros), l’Etat français s’est retrouvé face à une option injouable (le contentieux juridique, qui aurait retardé l’échéance d’une liquidation à terme) et à une autre catastrophique : un démantèlement quasi intégral de la structure, façon Alitalia. Il lui a donc fallu, alimenté en permanence par la SNCF, convaincre la Commission que le marché ferroviaire n’était pas similaire à l’aérien, et que la priorité environnementale, y compris sous sa forme juridique de droit de l’environnement, imposait de ne pas prendre le risque d’un report modal inversé.

Clément Beaune a rajouté deux autres impératifs qu’il a présentés comme autant de lignes rouges : zéro licenciement, pas de privatisation de l’activité «résiduelle» de Fret SNCF.

Le résultat des argumentations et des discussions est donc le suivant : au sein d’une nouvelle structure dont la SNCF restera l’actionnaire majoritaire, seront sauvegardées les activités dites de gestion capacitaire – autrement dit, l’appareil industriel permettant de produire des convois après regroupements de capacités (le wagon isolé mais pas seulement). C’est aujourd’hui 80% du chiffre d’affaires et 90% des emplois. A l’inverse, l’activité de trains dédiés (trains entiers complets, majoritairement du combiné, excepté Arcelor à Dunkerque et le train des Primeurs), estimée à 23 flux de contrats de commerciaux, devra être remise sur le marché à partir du 1er janvier 2024.

Ouf ? Au regard du point de départ (et de la tricherie à grande échelle de la France), certainement. La SNCF a convaincu qu’elle était la seule à pouvoir opérer cette gestion capacitaire, de par sa présence territoriale unique. La sacrifier et le tissu agricole et industriel en aurait pâti sérieusement.

Mais cette option sera sévèrement surveillée, avec plusieurs dispositions imposées par Bruxelles :

  • le nouveau Fret SNCF (il y aura changement de nom) sera interdit de retourner sur le marché des trains dédiés pendant dix ans
  • cette société devra s’ouvrir à un actionnaire minoritaire, public ou privé, dans deux ans
  • les autres sociétés du groupe (au sein de Rail Logistics Europe) ne pourront prétendre reprendre les trafics abandonnés avant cinq ans. On les estime à 150 millions d’euros, sur 740 millions d’euros de chiffre d’affaires de Fret SNCF.

L’effort de discontinuité ne s’arrête pas là : il faudra transférer certains actifs (la maintenance, par exemple, à Rail Logistics Europe), céder des locomotives aux concurrents et certains actifs immobiliers.

Le calendrier

Une concertation avec les syndicats a débuté pour deux mois (avec les IRP cette semaine, lors d’un CSE la semaine prochaine), jusqu’à la fin juillet; la nouvelle société héritée de Fret SNCF sera créée au 1er janvier 2025 après élaboration des statuts, transfert des actifs, des contrats etc. Les conditions sociales du transfert des personnels, dans le groupe et vers d’autres opérateurs, devront être précisées avec les syndicats. A partir du 1er janvier prochain les concurrents pourront reprendre les activités abandonnées – mais d’ores et déjà, plusieurs chargeurs inquiets ont entamé avec eux des discussions à ce propos.

Osera-t-on écrire que ces discontinuités satisfont tout le monde ? Pour des cheminots, tous niveaux confondus, qui ont largement contribué depuis plusieurs années à redresser Fret SNCF (qui a connu deux années consécutives à l’équilibre en 2021 et 2022), ce serait très exagéré. Même «soft», un démantèlement induit tant d’incertitudes – plus que tout autre, le cheminot n’aime pas évoluer dans un contexte de changements.

«C’est une bonne nouvelle pour les clients», commente sobrement Raphaël Doutrebente, président d’Europorte. On se permettra d’ajouter «pour les opérateurs privés aussi», qui vont probablement se partager les 23 flux de contrats, et qui ont au passage engrangé quelques annonces de Clément Beaune pour l’ensemble de la filière. Il était temps, après des mois d’un silence gouvernemental incompréhensible : pour assurer l’objectif toujours proclamé de doublement de la part modale, il va bien falloir faire autre chose que des discours et des saupoudrages. En d’autres termes, le pire est évité, mais le plus dur reste à faire : favoriser par des investissements pérennes et l’amélioration du réseau le report modal en faveur de chargeurs qui n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir diversifier leurs flux logistiques.


COLLOQUE

Fnaut: un débat éclairant, puis la confusion

Les syndicalistes de Sud-Rail ont interrompu un colloque organisé par des usagers qui sont les premiers défenseurs du ferroviaire. Ou comment marquer contre son camp.

C’était bien parti. Intitulé «Osons le train!», le colloque de la Fnaut (Fédération nationale des usagers des transports) présidée par Bruno Gazeau réunissait plusieurs centaines de personnes, en présentiel rue de Berri près des Champs-Elysées, au siège de la FNTP, et en distanciel. Une première table ronde (animée par Mobilettre) sur la croissance de l’offre, accueillait une nouvelle venue dans le secteur, Sophie Auconnie, vice-présidente de l’ART (autorité de régulation des transports), entourée de briscards (Jean-Pierre Farandou, Matthieu Chabanel, Roberto Rinaudo, Alain Rousset, David Valence) qui avaient tous bien préparé leur affaire. Bref, un débat de bonne facture, avec sa dose de spectacle (lire ci-dessous «Le grand numéro d’Alain Rousset»).

Visionner les débats sur la chaîne You Tube de la Fnaut

Suivre le débat


Le ministre Clément Beaune est ensuite arrivé pour délivrer un discours alerte mais sans surprise, excepté, en réponse à une question, sur sa disponibilité à travailler à la baisse de la tarification de l’infrastructure. Cela favoriserait une baisse des prix pour le voyageur et les collectivités, et donc un accroissement de l’offre – « sous réserve du maintien des ressources de SNCF Réseau», a précisé le ministre. Bercy entend tout.

On s’arrêta là. L’intervention de Patricia Pérennes (Trans-Missions), auteure pour le compte de la Fnaut d’une étude de qualité sur «l’unité ferroviaire», en préambule à une deuxième table ronde sur une «convention collective des usagers» chère à Bruno Gazeau, fut vite interrompue par des slogans et des fumigènes, ceux des cheminots de Sud-Rail venus dire que «la SNCF n’est pas à vendre». Une bonne cohue, sans plus, affrontée avec sang-froid par le ministre. Il engagea le dialogue dans le hall, après s’être probablement demandé ce qui avait pu distraire les services de renseignement: le cortège de Sud-Rail dans la matinée sur les Champs-Elysées passait aussi inaperçu qu’une pathétique narration érotique dans un livre de Bruno Le Maire. Ces échanges aboutirent assez vite au repli des impétrants. Mais les débats ne reprirent pas – fumée, constatations de police, et désaffection d’une partie du public.

Deux commentaires

Sur la forme, s’il apparaît légitime qu’un syndicat interpelle un ministre le jour même de la révélation du sort de Fret SNCF, l’interruption des débats d’une association d’usagers est plus que maladroite. A fortiori quand les membres de cette dernière sont des défenseurs sincères du mode ferroviaire et de son unité !

Sur le fond, les syndicalistes de Sud-Rail continuent à refuser toute concurrence, près de vingt après la libéralisation du fret. Faut-il rappeler une nouvelle fois que la chute du fret est bien antérieure à l’ouverture à la concurrence, que la puissance publique montre jour après jour qu’elle ne pourra financer seule la croissance de l’offre longue distance du fait des très lourds investissements en matériel roulant, et que les DSP (délégations de service public) en régions ne sont pas des privatisations ? Une forte croissance de l’offre ferroviaire, demandée par une majorité de nos concitoyens et de plus en plus de chargeurs, passera par la sollicitation et le concours de tous, dans un cadre régulé. Et elle profitera à tous, y compris les cheminots du groupe SNCF.

Le grand numéro d’Alain Rousset

Une première répartie au moment de l’intervention de David Valence («Je ne suis pas déçu d’être venu») a donné l’alerte : débarqué le matin même de Bordeaux, Alain Rousset tenait la grande forme. La suite le prouva.

Elu expérimenté, l’un des rares à posséder une authentique culture économique, homme définitivement libre, le président de la Nouvelle-Aquitaine ne s’est pas contenté de faire le show sur la forme, avec un style et une pointe de provocation qui sont l’apanage des grands politiques. Il a devant un public largement conquis dressé un tableau féroce de la gouvernance publique en général et ferroviaire en particulier.

Ce fut dit avec des mots forts et imagés. Florilège, si vous n’avez pas le temps de visionner son intervention principale.

Regarder sur YouTube


«Nous ne sommes pas de vraies autorités organisatrices […] Dans le modèle économique du système français les régions sont des cochons de payeurs»

«L’Etat nous a filé le ballon sans ressource affectée. Pourtant on a envie d’être une vraie autorité de gestion»

«Depuis Giscard on a perdu toute capacité d’anticipation. Je dis bien, toute»

«La décentralisation égale la dispersion de l’action publique. L’Etat a inventé le saupoudrage. Et rien ne s’est passé, notamment sur la modernisation technologique [de la SNCF]»

A Jean-Pierre Farandou : «Vous n’avez pas assuré la transparence totale de la SNCF. Tu as amélioré les choses. Mais peut mieux faire»

A Sophie Auconnie : «Comment pouvez-vous laisser passer +25% sur les péages TER et +0,6% sur les TGV ? Nous avons besoin de protection et vous ne nous l’apportez pas»

A Matthieu Chabanel: «Non seulement M. Chabanel me met + 25% [sur les péages TER] mais il ne met pas un rond sur la LGV [GPSO]»

«100 milliards d’euros, on s’est dit ça va être le pactole. Mais on n’a pas le premier centime. Aucune info. C’est un pur scandale politique, c’est que de l’annonce. Le quoi qu’il en coûte n’a même plus de consistance»

A l’attention de Clément Beaune : «J’ai amené ma baguette de sourcier pour savoir où étaient tes 100 milliards»

«Un jour la centralisation s’opposera à la démocratie»

Au-delà de sa forme punchy, cette intervention d’Alain Rousset démontre comment la mobilité en général, et le ferroviaire en particulier, sont devenus des objets politiques. A la faveur des enjeux sociétaux, économiques et écologiques, le transport est sorti de son pré-carré technique et organisationnel pour rentrer de plain-pied dans le champ politique.

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DEVELOPPEMENT

Billet unique : les Pays-Bas, lentement mais sûrement

Dix ans pour aboutir à l’OV-Chipkaart, la carte unique, et maintenant le passage progressif à l’OV-Pay, le paiement par carte bancaire. Voici comment les Néerlandais sont devenus les champions de la simplification au service des usagers. Clément Beaune, lui, veut aller beaucoup plus vite…

En février dernier, suite à un hackaton organisé par l’Agence de l’Innovation pour les Transports à la Cité des Sciences et de l’industrie, le ministre des Transports confirmait son intention de lancer «un billet unique pour tous les réseaux de transports de France». Les obstacles techniques et d’harmonisation tarifaire ? «Quand j’ai émis cette idée, on m’a dit qu’il fallait au moins dix ans pour faire ça, expliquait-il au quotidien Le Monde. Mais je suis convaincu qu’en l’espace de deux ans, on peut développer le billet unique partout en France». Au colloque de la Fnaut, mardi dernier, il a réitéré son credo, en évoquant sa référence aux Pays-Bas : «Ils ont mis dix ans, nous en mettrons deux.»

Méthode Coué, volontarisme, intox, illusion ? Mobilettre a interrogé ces champions européens du ticket unique, les Néerlandais, pour mieux comprendre le sujet, la méthode et les enjeux.


Aux Pays-Bas, on n’évoque pas le ticket unique ou encore le MaaS. En revanche, depuis plus de dix ans, tous les habitants peuvent utiliser une carte de transport unique pour accéder, à l’échelle nationale, à tous les réseaux de bus, de trams ainsi qu’à la totalité du réseau ferroviaire. Ce sésame, très connu des experts, s’appelle OV-Chipkaart (OV signifie transports publics). La carte permet également de louer des vélos (OV-Fiets) dans plus de 200 gares, ou de stationner sa propre monture dans les presque 400 gares que compte le pays.

Techniquement, le dispositif est relativement simple. L’OV-chipkaart repose sur une tarification «pay as you go», c’est-à-dire proportionnelle à la distance parcourue ou au nombre de zones traversées. Ce n’est pas très différent de l’Oyster Card à Londres, avant l’épopée Open Payment. Concrètement, quand on utilise la Chipkaart, il s’agit de valider au début de chaque trajet (check-in) et à la fin de ce(s) dernier(s) (check-out). Chaque trajet est décompté du solde restant sur la carte. Il s’agit donc de la recharger régulièrement! On peut aussi y associer des abonnements ou des discounts lorsqu’ils sont disponibles. Un système basique, mais efficace : en 2023, 14,6 millions de cartes étaient actives (le pays compte 18 millions d’habitants). Mais malgré sa simplicité de façade, le dispositif a mis six ans pour être totalement généralisé (entre 2005 et 2011). Et ce malgré une gouvernance spécifique.

TLS, le facilitateur

Derrière l’OV Chipkaart il y a un acteur majeur: Trans Link Systems (TLS). Cette co-entreprise a été créée en 2001 par les cinq opérateurs des principaux réseaux de transports du pays (on les appelle les PTO, Public Transport Operator) : la compagnie ferroviaire nationale NS, l’entreprise Connexxion (rachetée en 2007 par Transdev), GVB à Amsterdam, HTM à La Haye et RET à Rotterdam. TLS a été créée spécifiquement pour développer, mettre en place, puis exploiter l’OV-chipkaart, de manière neutre, pour les opérateurs. Concrètement, la co-entreprise fabrique et fournit les cartes, gère et contrôle la répartition quotidienne des revenus entre les transporteurs ainsi que la connexion entre les différentes parties de la chaîne (depuis les bornes et les barrières jusqu’à la banque émettrice du voyageur), le tout pour les 2,6 milliards de transactions enregistrées chaque année.

En 2016, quinze ans après sa création, la gouvernance de TLS a quelque peu évolué. Toutes les entreprises de transport public (Arriva, Transdev, EBS, GVB, HTM, Keolis, NS, Qbuzz et RET) sont devenues membres d’une Coopérative des Entreprises de Transport Public (Coöperatie Openbaar Vervoerbedrijven). Et en tant que membres de cette coopérative, elles sont copropriétaires de TLS. Cette coopérative permet un partage de compétences opérationnelles, une gouvernance partagée, mais aussi la capacité de prendre en charge de lourds investissements, à grande échelle, avec la collaboration des gouvernements nationaux et locaux (unis au sein de NOVB). C’est très utile, au moment où OV-Chipkaart évolue vers OV-Pay !

OV-Chipkaart est morte, vive OV-Pay ?

OV-Chipkaart a vieilli. Et au moment où tout le monde veut passer à l’Open Payment, elle cumule quelques défauts :

  • l’obligation d’être rechargée (et le coût des machines associées)
  • le fait de devoir posséder « une carte en plus »
  • les limitations en termes de tarification dynamique liées à la technologie ancienne de la carte
  • la nécessité pour les touristes et les visiteurs de réaliser des démarches (parfois considérées comme un frein à l’usage des transports en commun) pour accéder au sésame.

C’est pourquoi la coopérative s’est lancée dans un nouveau projet baptisé OV-Pay, avec l’ambition de le déployer une nouvelle fois à l’échelle nationale. Et si en France on allait directement à l’open payment au lieu de passer par la case billet unique ?


ENTRETIEN

Bas van Weele : «Nous passons de la carte transport à la carte bancaire»

Le secrétaire de la coopérative des entreprises de transport public néerlandais, directeur du projet OV-Pay et cadre dirigeant chez Arriva, met en garde : «Toutes les évolutions doivent être progressives. Nous devons observer les effets, avant de systématiser les modifications à l’échelle nationale.»

Mobilettre. Pouvez-vous décrire le projet OV-Pay ?

Bas van Weele. OV Pay ambitionne de répondre aux nouveaux besoins des utilisateurs, en intégrant ce que peuvent offrir les technologies actuelles. C’est une évolution naturelle, car lorsque OV-Chipkaart a été lancée, les technologies telles que l’Open Payment et même les smartphones n’étaient pas la règle. Concrètement, le passage d’OV-Chipkaart à OV-Pay, c’est celui de la billettique à la monétique, de la carte de transport à la carte bancaire. L’idée est de pouvoir valider son trajet avec sa carte de crédit/débit, ou depuis son smartphone lorsque la carte est embarquée. Le coût est alors débité du compte en une seule fois le lendemain, ou enregistré sous forme de paiement par carte de crédit. Grâce à une page web ou une app, l’utilisateur peut suivre sa consommation quotidiennement.

Mobilettre. Quel est le rôle de la coopérative ? Sa philosophie ?

B. v. W. Notre philosophie est simple, mais ambitieuse : proposer un dispositif aussi plébiscité qu’OV-Chipkaart, toujours à une échelle nationale, interopérable, le tout avec le même niveau de satisfaction des utilisateurs. En intégrant l’open payment et le smartphone, nous souhaitons pousser encore plus loin l’expérience de paiement. En réalité, ça n’est pas un projet technique que l’on pilote, même si, en back office, la technologie officie. Notre objectif est d’abord celui de la satisfaction client.

Mobilettre. Un projet ambitieux, mais coûteux !

B. v. W. Avec la coopérative, ce sont les PTO qui prennent en charge le coût. Par ailleurs, des économies sont attendues en termes d’exploitation : à terme, plus besoin de distributeurs de cartes, plus de cartes à vendre, un processus plus universel pour les touristes, et une augmentation des recettes.

Mobilettre. Quel est votre agenda de travail ?

B. v. W. Nous prévoyons une période de transformation. Le projet OV Pay a débuté en 2018. On s’est donné cinq ans pour déployer massivement. On a débuté avec les PTO qui étaient les plus à même de porter le projet. Désormais, comme le montre notre carte (actualisée en permanence), un très grand nombre de villes acceptent déjà OV-Pay. Le déploiement est progressif en termes territoriaux, mais aussi en termes de fonctionnalités. Dans un premier temps, OV-Pay va cohabiter avec OV-Chipkaart et d’autres dispositifs temporaires. OV-Pay permet déjà l’accès aux réseaux de transports collectifs, puis intégrera le vélo (OV-Fiets et stationnement en gare) et in fine des innovations tarifaires. C’est un sujet majeur pour nous.

Mobilettre. La réforme de la tarification après la révolution du support ?

B. v. W. Nous souhaitons évoluer petit à petit sur la politique tarifaire. D’une part, parce qu’il s’agit de vérifier territoire par territoire comment les abonnements, ou les discounts, peuvent être associés à Ov-Pay. D’autre part, car nous souhaitons proposer des dispositifs de capping (plafond quotidien, hebdomadaire ou mensuel, quel que soit le nombre de trajets réalisés). Mais il faut bien comprendre que ce type de dispositif est très complexe à déployer à une échelle nationale. Doit-on le proposer dans une logique municipale, provinciale, régionale, nationale ? La coopérative souhaite aussi utiliser le projet OV Pay pour créer des tarifications plus dynamiques, plus innovantes. Mais il faut garder en tête que toutes ces évolutions doivent être progressives. Nous devons observer les effets, avant de systématiser les modifications à l’échelle nationale.


BILLET

Mauvaises descentes à l’Ascension

Une fois n’est pas coutume, on va succomber à la facilité de parler de sa propre expérience voyageur, en l’occurrence pour stigmatiser deux inerties récurrentes des opérateurs publics RATP et SNCF, sur l’information et le dimensionnement de l’offre. Une sorte d’écho à tous les récits de déconvenues que nous recevons. On prend bien soin de limiter celui-ci à sa valeur d’exemple, loin de tout amalgame facile, et de promettre de futures anecdotes «positives», révélatrices d’une meilleure réactivité…

Paris, mardi 16 mai, 7h45, première descente, métro Pyrénées ligne 11.

Beaucoup de monde dans les deux sens, ce matin. On comprend pourquoi 31 mètres plus bas, à l’arrivée sur le quai, bondé. Une annonce, qu’on a grand peine à entendre distinctement : «Dégagement de fumée à la station République, circulation interrompue entre Belleville et Arts et Métiers, reprise du trafic à 10h30».

Pourquoi, a minima dans ce type de station profonde, ne pas avertir le voyageur au niveau de la rue voire au premier palier ? Cela éviterait à quelques centaines de personnes de descendre, puis de remonter, en l’occurrence avec des bagages. A quoi sert la souplesse et la réactivité vantée des dispositifs numériques d’affichage? Ne parlons même pas des recommandations d’itinéraires alternatifs. Va pour les habitués du matin, qui ont pu reconstruire leur parcours via Belleville ou le bus 20 en surface. Mais les autres?

On a regardé autour de nous : très peu d’énervement, quelques désarrois, beaucoup de fatalisme.

Lyon, jeudi 18 mai, jour de l’Ascension, 10 heures, deuxième descente, gare La Part-Dieu.

Le TER pour Valence-Ville part avec vingt minutes de retard : il est bondé, avec notamment trop de cyclistes équipés de leurs vélos. Il a fallu en faire descendre un certain nombre, qui n’avaient pas réservé.

Pourquoi ne pas avoir prévu une deuxième rame aboutée, voire un deuxième train ? Le scénario est si prévisible : l’Ascension, c’est tous les ans un jeudi du mois de mai, avec son lot de voyageurs supplémentaires. Il n’est donc pas question en l’occurrence d’une impossible souplesse du mode ferroviaire. A fortiori, le nombre d’achats de billets au préalable, même s’il n’y a pas de réservations obligatoires, devait constituer une alerte supplémentaire quant au taux de remplissage.

Tout le monde est perdant : les voyageurs, entassés, la contrôleuse, débordée et invectivée – elle fut calme et professionnelle, mais dut recourir à la Suge pour faire sortir des cyclistes. Que font, en amont, l’AO et son exploitant ? G. D.

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