Mobitelex 426 – 22 septembre 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Gribouille

Les employeurs publics doivent désormais prendre en charge 75% du coût des abonnements transport public de leurs salariés. C’est Noël en septembre, alors que le secteur manque cruellement de ressources.

Le décret est paru le 26 août dernier : les agents publics se verront désormais rembourser par leur employeur, et ce dès le salaire de septembre, 75% de leur abonnement transport, au lieu de 50% jusqu’à maintenant. Sont concernés «les fonctionnaires et autres personnels civils de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986, les agents publics des groupements d’intérêt public ainsi que les magistrats et les militaires.»

Concrètement, par exemple en Ile-de-France, le Pass Navigo ne coûtera plus à ces agents publics que 21€, les 63€ restants étant désormais à la charge de leur employeur public. Rappelons que pour les employeurs privés, ce taux de prise en charge à 75% est possible mais facultatif depuis la fin 2022.

L’effort supplémentaire consenti aurait pu être consacré à consolider les budgets des autorités organisatrices

C’est un coup terrible porté à l’économie du transport public, à la recherche de ressources pour faire face à la croissance de ses coûts d’exploitation (énergie, salaires) et à ses développements d’offre. L’effort supplémentaire consenti par la puissance publique aurait pu contribuer à consolider les budgets des autorités organisatrices consacrés à la mobilité décarbonée. Faisons un calcul rapide pour l’Ile-de-France : 21€ supplémentaires de la part de l’employeur, cela porterait le Pass Navigo à 105 € (au lieu de 84€). Et la part du voyageur ne baisserait qu’à 40%, alors qu’elle tombe, avec ce décret, à 25% pour les fonctionnaires.

Cette initiative gouvernementale est contraire à toutes les leçons données par le gouvernement aux autorités organisatrices, en faveur d’un effort partagé de tous les contributeurs : Versement Mobilité des entreprises, contributions des collectivités et des usagers, participation des employeurs. Gribouille est à la manœuvre. La prochaine étape sera-t-elle l’extension obligatoire de ce taux de 75% aux employeurs privés ? Va-t-on doucement mais sûrement vers la gratuité ?

Il est même possible qu’un abonnement devenu aussi peu cher – un Pass Navigo à 21€ ! – déclenche un effet d’aubaine chez des salariés amenés à prendre rarement le transport public. Les incitera-t-il à délaisser la voiture ? Rien n’est moins sûr : les freins au report modal en matière de transports du quotidien, ce sont le niveau d’offre et la qualité de service, et pas la tarification (lire ci-dessous l’enquête de la région Sud).

Rares sont les responsables politiques qui ont le courage de contester cette décision assez démagogique «en faveur du pouvoir d’achat». Nicolas Samsoen, maire de Massy (UDI) et grand connaisseur de l’économie du transport public, estime qu’«on pourrait au moins laisser le choix aux employeurs, de verser les 21€ directement à leurs salariés ou pour l’amélioration des transports. Personnellement, si ce choix m’était laissé, je verserais l’argent à IDFM et je l’expliquerais aux salariés concernés.» Voilà une proposition originale et disruptive, qui consiste à impliquer les citoyens-voyageurs dans l’économie publique, plutôt qu’imposer d’en haut une mesure démagogique à contre-temps des besoins de croissance des transports du quotidien. G. D.

L’offre plutôt que les tarifs !

Le projet de Pass Rail (hors TGV) du Président de la République et la baisse conséquente à 25% de la contribution des salariés du public à leurs abonnements transport correspondent-ils aux demandes exprimées par les voyageurs en général? Pas vraiment, avons-nous avancé la semaine dernière, vu les besoins de croissance de l’offre (lire Mobitelex 425). Une étude de la région Sud vient spectaculairement confirmer cette analyse.

Les usagers du TER ont été consultés par voie numérique au début de l’année 2023. 74% des 166 commentaires portent principalement sur l’offre (67% en 2022) et 14% sur la fiabilité/régularité. La tarification ? 5%… Horaires, cadencement et fréquence, capacité des rames, dessertes et amplitude de service sont en tête des priorités exprimées. Edifiant.

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EXCLUSIF

Budget d’IDFM 2024 : tous à contribution !

Un protocole d’accord avec l’Etat sur le Versement Mobilité et la taxe de séjour est en cours de finalisation en vue du conseil d’administration d’Ile-de-France Mobilités mardi prochain. Valérie Pécresse propose par ailleurs aux collectivités d’augmenter leur contribution «à l’inflation + 2%», pour limiter l’augmentation de la part usagers à la seule inflation.

Manifestement l’Etat et la région Ile-de-France veulent éviter un nouveau psychodrame automnal autour du pass Navigo. Alors que le PLF (projet de loi de Finances) 2024 transmis au Conseil d’Etat ne semble pas contenir de dispositions relatives à l’augmentation du Versement Mobilité en Ile-de-France, un protocole d’accord est actuellement en cours de finalisation entre Clément Beaune et Valérie Pécresse, sur la base de la lettre envoyée en juillet dernier qui engageait le gouvernement à abonder les ressources de l’autorité organisatrice francilienne pour éviter une explosion de la part usagers. Selon nos informations, une augmentation du Versement Mobilité figure dans ce protocole, hors grande couronne, de même que la récupération d’une part de l’augmentation de la taxe de séjour et la réduction de la contribution à la SGP. On imagine que le gouvernement procédera par amendement lors du vote final du budget (par 49.3 ?), après un arbitrage favorable de Matignon contre l’avis de Bercy qui cherche à éviter toute augmentation de la fiscalité sur les entreprises.

Parallèlement, Valérie Pécresse a engagé un dialogue avec les départements et la ville de Paris pour augmenter leur contribution «à l’inflation +2%», soit au total 4,8% selon les prévisions actuelles de l’Etat pour l’inflation 2024 (elles s’établissent à +2,8%). Concrètement, la région, qui représente 51% de la somme versée par les collectivités, devra trouver environ 34 millions d’euros, et Paris une quinzaine de millions. La justification liée à cette proposition, en dehors du fait que tendanciellement depuis dix ans, la part des collectivités dans le budget d’IDFM a baissé : cela permettrait de limiter la hausse de la contribution des voyageurs à l’inflation, après la hausse de 9 euros de l’année dernière.

Avec cette esquisse de budget, Valérie Pécresse revient à la notion d’effort partagé par tous, d’autant plus justifié que les prochaines années seront marquées par des augmentations substantielles d’offres – dès 2024, les prolongements du RER E à l’ouest, de la ligne 11 du métro vers l’est et de la ligne 14 au sud vers Orly et au nord vers Saint-Denis Pleyel.

En toute logique, vu le déblocage en cours avec l’Etat, sera donc aussi voté mardi prochain lors du conseil d’administration d’IDFM le renfort d’offre des lignes régulières RATP et SNCF pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Fin d’un long bras de fer, et place à la préparation des opérations.


TGV

Botox ne fera pas de miracle

La confirmation par SNCF Voyageurs d’un programme de prolongation de la durée de vie de plus d’une centaine de rames à grande vitesse contribuera à une augmentation d’offre de 10 à 15% à l’horizon 2032 sur le marché domestique.

On a bien compris, lors d’une conférence de presse consacrée en grande partie au programme Botox de prolongation de la durée de vie de certaines rames TGV, jeudi 21 septembre, que les dirigeants actuels de SNCF Voyageurs sont tributaires d’un héritage et d’une contrainte.

L’héritage, c’est un parc TGV réduit à 368 rames aujourd’hui, contre 410 rames en 2018 et 464 en 2013, hors Thalys. Mais cela aurait pu être bien pire ! Selon un plan de flotte d’avril 2017 que nous avons récupéré, seules 324 rames devaient rester disponibles en 2023, et 302 en 2027 ! Et les dirigeants de SNCF Mobilités à l’automne 2017 de conclure, après avoir établi que le besoin en nombre de rames devait baisser de 35% entre 2013 et 2027 : «La baisse du nombre de places/kilomètre offerte ne serait que de l’ordre de -3% à -5% entre 2014 et 2027», grâce à la plus grande capacité des rames aujourd’hui (double niveau et aménagements Ouigo) et à l’optimisation de la circulation des trains.

Le 28 juin 2018, cette trajectoire est confirmée : -27% de rames entre 2017 et 2027, soit 305 rames radiées, y compris 16 rames Duplex. Ce n’est qu’un an plus tard, le 26 juin 2019, en conseil d’administration de SNCF Voyages, que du fait de «prévisions de trafic encourageantes», décision est prise de garder en circulation les 45 dernières rames TGV A jusqu’à leur fin de vie, en 2027, alors qu’elles étaient promises au démantèlement. Au passage, on apprend que le taux d’occupation sur l’axe Atlantique est en hausse de 7 points en deux ans et atteint 95% en pointe…

Les décisions de radiation anticipée prises sous la pression des financiers de l’entreprise et de l’Etat à partir de 2013 ont spectaculairement obéré l’offre disponible pour deux décennies, malgré le revirement salutaire opéré en 2019. Mais on ne dispose toujours pas d’un tableau clair et officiel de l’âge des rames radiées : nul doute que les comptables de la République seront capables de justifier les massives dépréciations d’actifs et les radiations qui s’en sont suivies, au motif que les rames étaient amorties.

La contrainte, c’est l’exigence par l’Etat d’une contribution très élevée de SNCF Voyageurs au fonds de concours pour SNCF Réseau : selon nos informations, dix milliards d’euros d’ici 2032. Soyons clairs, en l’état actuel des forces, ce ne sont ni TER, ni Transilien qui sont en situation de fournir les sommes en question. Donc on peut considérer que la capacité d’investissement en nouvelles rames TGV est de fait limitée par la tutelle publique.

Dans ces conditions, et vu le niveau de la demande, SNCF Voyageurs est contraint de «bricoler» avec son programme Botox. Etonnant : on doit prolonger des rames au-delà de leur durée de vie théorique quand on en a radié quelques années plus tôt des dizaines bien avant leur fin de vie.

Sur 104 rames concernées par cette «obsolescence déprogrammée», 75% sont des rames à un niveau et 25% à deux niveaux, ces dernières pouvant être prolongées de dix ans, après une expertise qui durera trois ans (et quatre à six mois de travaux en ateliers).

Au total, si le planning est respecté, en 2032 l’offre supplémentaire par rapport à aujourd’hui sera de 10 à 15%, en comptant bien évidemment la livraison des 115 nouvelles rames TGV-M à partir de 2025.

En toute hypothèse, dans dix ans, on sera donc très très loin des proclamations du X2, tout au moins en matière de grande vitesse hexagonale – sauf à compter sur un développement rapide de l’offre des concurrents, Trenitalia, Renfe, Le Train etc. Alors même que les chiffres des TGV cet été, transmis ce jeudi, sont spectaculaires et confirment s’il en était besoin le hiatus demande/offre : 82% de taux de remplissage moyen, 40% de trains pleins ! Les trois prochaines années seront difficiles pour les voyageurs, et fécondes pour les comptes de la SNCF… et les finances de l’Etat.

Péages, mission : impossible ?

Il a fallu huit mois et quelques brouillons à Bruno Le Maire et Clément Beaune pour écrire puis signer une lettre commune confiant à l’IGF (Inspection générale des Finances) et à l’IGEDD (Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable) une mission sur la tarification de l’infrastructure ferroviaire. La réticence de Bercy à faire bouger son «modèle» de consolidation de l’économie ferroviaire fixé par la loi de 2018 n’a pas résisté à l’été. La tension sur l’offre TGV a fait surgir dans les médias la part moyenne des péages dans le prix des billets : 40%. Difficile de ne pas ouvrir le dossier.

Ouvrir, c’est pourtant un grand mot, puisque les ministres s’empressent de recommander à «veiller à ne pas réduire en valeur absolue les recettes issues des péages et à garantir le retour à l’équilibre économique de SNCF Réseau.» Autrement dit, même s’ils envisagent que «le niveau de la tarification et sa structuration pourraient encore être optimisés pour davantage favoriser à terme le développement de l’offre», ils exigent d’avoir des certitudes : «La mission simulera les effets de plusieurs scénarios possibles de tarification, notamment d’une diminution significative des péages en contrepartie d’un engagement de hausse des trafics des entreprises ferroviaires.» La demande des Français d’une offre ferroviaire améliorée, sur tous les segments, et la priorité écologique n’ont pas franchi les murailles de Bercy. Aucune trace d’une éventuelle ambition de valoriser économiquement les baisses d’émissions de CO2. Aucune ouverture sur une évolution des investissements ferroviaires publics, comme chez quelques-uns de nos voisins. L’hypothèse d’une réforme, oui, mais avec ceintures et bretelles : bon courage à celles et ceux qui vont réaliser l’exercice.

Leur tâche sera d’autant plus délicate que les trois pages de la lettre de mission exhalent une vraie défiance à l’égard du régulateur, l’ART, voire même un sérieux grignotage de ses prérogatives propres. Dès le troisième paragraphe, le ton est donné : «L’appréciation [NDLR de l’ART sur le montant brut des redevances en France, le plus élevé d’Europe] est à relativiser car le coût des péages s’avère plus faible lorsqu’il est rapporté au nombre de voyageurs transportés.» Et les ministres de solliciter un nouveau parangonnage européen des tarifications… en trois mois, alors que c’est un travail très ardu qui a demandé à l’ART et à IRG-Rail plus d’une année d’intense travail collectif. Mission : impossible ?


Colloque de Nantes

Un événement LE TRAIN avec la participation de Mobilettre


Les nouveaux horizons du rail: relever le défi de la croissance

Colloque le 7 décembre 2023 à Nantes.
Accueil et café à partir de 9h15.
Titan | 21, Quai des Antilles (Hangar à Bananes) | 44200 Nantes


Pour réserver d’ores et déjà votre place au colloque de Nantes, merci de remplir le formulaire d’inscription en cliquant sur le lien ci-dessous.

Inscriptions

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Décarbonation de la filière ferroviaire

Forum, le 5 octobre à Saint-Denis
2, rue Jean-Philippe Rameau, 93210 Saint-Denis


Pour consulter le programme et réserver votre place au Forum de Saint-Denis, cliquer sur le lien ci-dessous.

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