Mobitelex 428 – 13 octobre 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Parler clair

Les Rencontres nationales du transport public, la semaine prochaine à Clermont-Ferrand, pourraient être l’occasion de ne plus tourner autour du pot: les modèles économiques du secteur sont en souffrance.

On a connu une époque de grande convenance. Dans les messages adressés en public à un ministre, n’affleuraient sous des tonnes de banalités que de bienséantes et prudentes requêtes ; les réponses étaient elles-mêmes policées. Et tout le monde attendait avec impatience le cocktail. Les vrais échanges avaient lieu en coulisses.

Depuis quelques années les débats ont tendance à gagner en franchise. Les professionnels supportent de moins en moins les tergiversations, louvoiements et dérobades de la puissance exécutive. Surtout, les séances publiques ont pris une telle importance qu’elles pèsent vraiment sur la suite des événements – à ne rien dire on y risque la banalisation. Et puis l’Etat n’a jamais récompensé quiconque de sa docilité. «J’ai été trop gentil, trop c…», nous a avoué récemment un ancien patron, qui avait cru au renvoi d’ascenseur.

La semaine prochaine à Clermont-Ferrand les RNTP (Rencontres nationales du transport public) devraient confirmer la tendance au parler clair. Le ministre Clément Beaune, plutôt que de délivrer un long discours, se prêtera lui-même le 18 octobre à un échange avec Louis Nègre et Marie-Ange Debon, qui président le Gart et l’UTP, sur les principaux sujets du moment en matière de transport public. Très attendu aussi, le débat du 17 octobre sur l’avenir des modèles économiques du secteur, en grande difficulté.

«Après les déclarations d’amour de la Première ministre au printemps dernier, nous avons désormais besoin de preuves d’amour», s’est échauffée Marie-Ange Debon il y a dix jours devant la presse. La semaine dernière c’est Alexandre Gallo, le nouveau président de l’Afra, qui a conclu son colloque annuel par des mots simples et percutants : «Nous voulons de l’équité !» (lire ci-dessous).

On ne s’en plaindra pas : les échanges francs contribuent à repousser les accusations de connivence voire de complotisme. Se parler, plus que jamais, pour éviter les conflits et les catastrophes. G. D.

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FRET, CONCURRENCE, DECARBONATION…

L’automne des colloques

En octobre et novembre les feuilles tombent mais les colloques poussent, eux, comme des champignons, de l’Afra le 4 octobre dernier à Objectif OFP le 28 novembre prochain.


L’AFRA, le 4 octobre : «Comment renforcer le rail pour réussir la transition énergétique ?»

Alexandre Gallo a la réputation de dire les choses. Président depuis un an de l’Afra, l’Association française du rail, qui regroupe les opérateurs ferroviaires alternatifs, il n’a pas tardé à imprimer sa marque. Il n’hésite pas à mettre en exergue les différences de traitement qui pénalisent le mode ferroviaire, plutôt qu’à trop arrondir les angles avec un lobby routier qui, lui, n’hésite guère à prendre l’Etat à parti.

Son discours de clôture, jeudi 4 octobre, dépassait le simple cadre d’un fret qui souffre et d’une concurrence voyageurs qui peine à se concrétiser. «Nous demandons l’équité de traitement», a-t-il martelé dans une anaphore appuyée. «Quand une nouvelle zone logistique s’implante on la relie bien à la route, non ? Alors pourquoi ne la relie-t-on pas également à la voie ferrée ? Nous demandons l’équité de traitement.

Quand un éboulement majeur survient en vallée de la Maurienne, on rétablit en une semaine la circulation routière, et pour la circulation ferroviaire il faudra 52 semaines (52 !). Ce n’est pas le première fois, et on n’a toujours pas statué sur les accès du Lyon-Turin. A qui profite le crime ? Nous demandons l’équité de traitement.»

Regarder l’intégralité du discours ici


Mais l’Afra, ce n’est pas seulement le fret. Une table ronde intitulée «Pourquoi la concurrence met-elle du temps à arriver en régions ?» a permis à Roch Brancour, vice-président de la région Pays-de-la-Loire, et Alix Lecadre, directrice des offres et métiers de Transdev, avec Gilles Dansart de Mobilettre, de revenir sur le récent appel d’offres de la région remporté par SNCF Voyageurs. A l’image du colloque, les questions qui fâchent ont été posées avec sérénité : les AO ont-elles peur de l’alternance ? Le couple AO/AMO est-il mature ? SNCF Voyageurs prend-elle des engagements tenables ? Les opérateurs alternatifs prennent-ils suffisamment de risques ?

Manifestement, SNCF Voyageurs se défend bien, après de très gros moyens dédiés, quand la recherche d’une autre façon d’exploiter, en lien avec le gestionnaire d’infrastructures, se heurte à l’inertie d’un système et aux difficultés à disposer d’un tableau de bord ordonné. «C’est d’une certaine façon à porter au crédit des challengers de SNCF Voyageurs de ne pas gagner à n’importe quel prix», a analysé Gilles Dansart. On se souvient que dix ans après avoir gagné des contrats en Allemagne en cassant les prix, Keolis a dû se retirer d’Allemagne sous le poids des pertes – car ce n’était pas à cause uniquement de la pénurie de conducteurs, qui touchait tous les opérateurs.

L’ouverture à la concurrence est donc un peu plus laborieuse qu’espérée par certains, du fait d’une préparation tardive des autorités organisatrices et du temps nécessaire aux acteurs (gestionnaire d’infrastructures, assistants à maîtrise d’ouvrage, opérateurs) pour envisager les choses autrement. La façon dont Transdev sur Marseille-Nice et SNCF Voyageurs en Hauts-de-France et en Pays-de-la-Loire tiendront leurs promesses d’offre et de qualité, dans le respect des budgets, sera attentivement scrutée par les autres régions. Mais il va falloir encore attendre un peu.

Regarder l’intégralité de la table ronde ici


Forum décarbonation SNCF/FIF, le 5 octobre : «Etre encore plus exemplaire»

Oubliées les litanies sur la décarbonation, place aux mises en œuvre. Le temps d’une matinée à Saint-Denis l’écosystème ferroviaire a été invité à aborder tous les aspects de la décarbonation au cours de trois tables rondes : l’accélération du rythme du changement, la minimisation des impacts sur l’infrastructure, le verdissement des matériels et des bâtiments. Pas de grand discours, mais une succession d’exemples, de projets et de programmes, des plus ambitieux aux plus modestes, relevant tous d’une même dynamique positive.

Mine de rien, par cette initiative les présidents de la SNCF et de la FIF (Fédération des industries ferroviaires), Jean-Pierre Farandou et Louis Nègre, ont avec leurs équipes combattu deux maladies assez infantiles du mode ferroviaire : la lenteur du changement et l’autosatisfaction.

Après tout, le ferroviaire est déjà si exemplaire (seulement 1% des gaz à effet de serre émis par le secteur des transports), alors pourquoi le rendre encore plus vertueux écologiquement ? Ce serait oublier trois choses :

La décarbonation est une responsabilité collective dont la réussite est nécessairement basée sur une dynamique de filière. Les meilleurs ne doivent pas être exempts d’efforts.
Il n’y a pas que les motorisations diesel qui posent problème : l’exploitation ferroviaire génère encore beaucoup de gâchis énergétique par des surconsommations et des process industriels dépassés. Décarboner, c’est aussi systématiser la sobriété.
La décarbonation est un puissant outil de management, et pas seulement pour les jeunes générations ; elle est de nature à fédérer des équipes et susciter des… énergies.

En conclusion, l’économiste Patrice Geoffron a achevé de boucler la boucle de l’évidence en détaillant le coût de l’inaction, ou même plutôt les coûts de l’inaction : économiques, financiers, sociaux…


Rendez-vous

A Paris le 16 octobre.
Décarboner les transports

A l’initiative de Vinci avec La Fabrique de la Cité, l’Ecole des Ponts et Mobilettre.

Invitation au colloque

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A Paris le 26 octobre.
La journée du transport combiné

«Le report modal au cœur de la stratégie des chargeurs et des transporteurs»

Organisé par le GNTC, animé par Mobilettre

Inscriptions

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A Paris, le 28 novembre.
Les Rencontres du fret ferroviaire

«Tous les feux sont au vert, mais est-ce bien parti pour doubler la part modale du fret ferroviaire ?»

Organisé par Objectif OFP, co-animé par Mobilettre. Parmi les nombreux intervenants déjà confirmés, citons Clément Beaune, Jean-Marc Zulesi, Jean-François Longeot, Matthieu Chabanel…

Inscriptions

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DEVELOPPEMENT

Communauto et Modulauto sont dans la même auto

Le leader nord-américain de l’autopartage et l’entreprise montpelliéraine s’associent pour augmenter leur offre en Occitanie et en Ile-de-France, mais ce n’est pas une alliance capitalistique classique. Explications.

D’un côté, le plus important service d’autopartage au Canada (et le plus ancien en Amérique du Nord), présent dans 18 villes y compris à Paris, avec un parc de 5500 véhicules pour des services en boucle et en free-floating. De l’autre, un service accessible à Montpellier et dans onze villes d’Occitanie (Nîmes, Montpellier, Sète…), avec 120 voitures et 90 stations. Et que croyez-vous qu’il advint ? Eh bien non, l’un n’a pas mangé l’autre tout cru : ils se trouvent désormais dans le même bateau, ou plutôt la même auto, pour booster les offres d’autopartage en France.

A Montréal, 12% des ménages sont abonnés aux services d’autopartage de Communauto

Certes, le canadien Communauto va apporter ses capitaux à Modulauto, via une prise participation dans Flexauto qui permettra d’acheter des véhicules et d’augmenter la masse critique. Mais Benoït Robert, président et fondateur de Communauto, refuse d’entrer dans la logique de concentration capitalistique qui a saisi les acteurs du secteur depuis quelque temps : «Nous ne voulons pas tirer sur l’herbe pour aller plus vite», explique-t-il dans une formule très québécoise, «nous travaillons dans la durée. Maximiser les profits n’aide pas à s’implanter durablement et à convaincre». Outre quelques dollars, il apportera des outils et des compétences pour faire décoller vraiment l’autopartage à Montpellier et en Occitanie. Il faut dire qu’à Montréal, 12% des ménages sont abonnés aux services d’autopartage de Communauto, notamment via un couplage avec le transport public – dans certains quartiers cela va jusqu’à 30%. On en est encore loin en France.

Justement, comment Communauto voit-il le marché français ? «Des subtilités nous échappent», admet Benoît Robert. Comprendre : certaines collectivités ne jouent pas le jeu d’une intégration vertueuse entre transport public et autopartage. Attribution des espaces en voirie, stationnement, tarification des bornes de recharge, les problèmes sont nombreux. «Les expressions politiques en faveur de l’autopartage ont des traductions insuffisantes sur le terrain», constate-t-il sobrement.

De fait, leurs nouveaux alliés de Modulauto, qui ont su prospérer sur le territoire montpelliérain, devraient aider à convaincre les élus franciliens d’en faire davantage pour l’autopartage, et apporter leur propre retour d’expérience, notamment via des formules diverses de tarification. Car Communauto et Modulauto en conviennent : le défaut de notoriété de l’autopartage en Ile-de-France, s’il s’explique en partie par la mauvaise image héritée de l’échec d’Autolib, tient aussi à une perception insuffisante du bénéfice de l’usage par rapport à la possession. Près de 40% des utilisateurs de Modulauto à Montpellier ont renoncé à l’achat d’un véhicule individuel : «L’adhésion à un tel service induit un changement de comportement qui pousse à la multimodalité et à l’utilisation modérée et réfléchie de la voiture». Tout est dit.


NOMINATION

Priscille Garcin, retour en com

L’histoire est simple. Karen Levy, directrice de la communication et de la marque de Gares & Connexions depuis deux ans et demi, a décidé de quitter l’entreprise pour se tourner vers une autre marque. «Je la remercie très vivement pour l’énergie qu’elle a apportée, j’ai été ravie de travailler avec elle», a tenu à préciser Marlène Dolveck, DG de G&C, qui se souvient notamment de la bataille d’influence et de communication gagnée lors de la déchéance prononcée à l’encontre de Ceetrus, sur le dossier de la gare du Nord.

Pourtant, en pleine année olympique, un départ n’est pas anodin à un tel poste. Sauf qu’une solution était toute prête : Priscille Garcin, à la fois grande professionnelle de la communication et de la presse, à la SNCF depuis 2010, a rejoint Gares & Connexions en 2020 comme directrice des gares de Paris-Lyon et Paris-Bercy. En mars dernier, elle avait pris en charge la coordination des grands événements. Tout s’enchaîne donc bien : le 15 novembre prochain la transition entre les deux femmes devrait s’effectuer en douceur. Priscille Garcin cumulera direction de la communication et coordination des grands événements.

DISTINCTION

Guy Le Bras, à l’honneur

Il prendra sa retraite le 1er juin prochain mais avant de profiter à plein de sa Mayenne et de sa capitale Laval, le directeur général du Gart Guy Le Bras a pu mesurer le 3 octobre dernier à quel point son incessant travail, auprès de tout ce que la mobilité compte de décideurs et d’interlocuteurs divers et variés, lui avait valu d’amitiés et de fidélités.

C’est des mains de Dominique Bussereau qu’il a reçu l’insigne de chevalier de la Légion d’Honneur, mais il y avait aussi dans la salle l’actuel ministre des Transports Clément Beaune, l’ancienne ministre Anne-Marie Idrac, et un parterre de patrons, élus et fonctionnaires ayant croisé l’impétrant durant leur carrière – on ne pourrait les citer tous.

Au Gart, la dernière étape de sa carrière commencée chez Renault et poursuivie notamment chez Veolia Transport, Guy Le Bras a fait parler pendant treize ans son art de l’entregent, du compromis et de la responsabilité. Pas simple, au vu des tensions entre élus pas toujours alignés, et avec un exécutif pluriel (Bercy, l’Intérieur, les Transports…). S’il fallait, pour notre part, attribuer un tableau d’honneur à Guy Le Bras, ce serait sans nul doute la dépénalisation du stationnement, résultat d’un long et patient travail de lobbying.


BILLET

La course folle du TGV

La panne de SNCF Connect consécutive à un afflux de requêtes pour les billets de train de fin d’année, mercredi 4 octobre, révèle une fois de plus la trajectoire insensée du TGV. Une grande partie des Français, en tout cas ceux qui souhaitent se déplacer en train sur la longue distance, sont confrontés depuis un an à la pénurie de places et conséquemment à l’envolée des prix. Avec 40% de trains complets et un taux de remplissage moyen de 84%, l’été 2023 a accumulé tous les records. Et croyez-vous qu’il advint en ce début octobre ? Une grande campagne de pub pour mettre en scène la vente des billets de Noël !

La demande est très forte par rapport à l’offre ? Eh bien on en rajoute, on crée les conditions d’un afflux toujours plus fort qui va faire monter encore plus vite les prix. Les marchands n’hésitent pas à la démagogie : précipitez-vous pour obtenir les prix les plus bas! Quel cynisme… Et quel décalage. Le TGV populaire est mort. Même la segmentation marketing Inoui/Ouigo ne résiste pas dans les faits au yield management.

Les dirigeants de SNCF Voyageurs se dédouanent : nous suivons la feuille de route financière. C’est exact: c’est bien l’Etat et Bercy qui exigent toujours plus de contributions du TGV – et donc des voyageurs! – à l’effort en faveur du système ferroviaire, donc plus de marges. Si les voyageurs sont prêts à payer cher, pourquoi s’en priver? Mais est-on bien obligé de faire du zèle et de pousser la logique au maximum ? G. D.

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PODCAST

Une nouvelle série de Trafic, le podcast de Mobilettre, consacrée aux femmes et à la mobilité. Six épisodes à la rencontre des voyageuses qui racontent leur quotidien, mais aussi de celles qui travaillent dans les transports, en première ligne ou dans l’encadrement.


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