Mobitelex 434 – 1er décembre 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Une semaine à l’envers

Mauvaise polémique, silences piteux, retour indécent.

Il paraît que les têtes pensantes de l’exécutif se demandent pourquoi tant de Français se détournent de plus en plus du débat public. Et si la sagesse populaire commandait de se protéger non seulement d’une actualité violente, mais aussi d’un traitement pour le moins stupéfiant de certains sujets?

Les transports pendant les JO ? Non seulement ce sera le bordel, puisque Anne Hidalgo le dit et que si elle le dit c’est que c’est ça doit être plutôt vrai – quelle rigueur dans la vérification ! -, mais en plus ils coûteront le double, là c’est Valérie Pécresse qui l’a dit. Enfin, pas tout à fait comme ça, et pas pour tout le monde, mais peu importe la nuance…

La privatisation des profits et la socialisation des pertes!

Des places pour les épreuves olympiques qui coûtent bonbon et des logements inabordables, ça passe, mais des spectateurs étrangers ou provinciaux que l’on sollicite un peu plus pour leur transport afin de ne pas pénaliser le budget des Franciliens du quotidien, ce serait un scandale. Autant admettre une bonne fois pour toutes la privatisation des profits et la socialisation des pertes! Les transports pendant les JO : mauvaise polémique.

Une bonne polémique consisterait à demander aux artisans du dossier de candidature en 2016 pourquoi ils ont écrit des promesses qu’ils n’ont pas tenues : gratuité et mise en service des lignes du Grand Paris Express, notamment. Faut-il gagner par tous les moyens ?

Cette fois-ci la France n’aura pas à forcer pour gagner les Jeux d’hiver 2030 : elle reste seule en lice. Et pour cause. Qui a relevé l’incongruité d’organiser de telles épreuves de sports d’hiver en pleine priorité écologique ? Comme si la grandeur de la France ne tenait plus qu’à ces spectacles en mondovision.

En attendant, les Français, eux, pourront y aller, cette année, à la montagne, puisque les cheminots ne feront pas grève. Y ont-ils seulement pensé collectivement, à la grève de Noël, les cheminots ? Les médias prompts à inquiéter la France au moindre communiqué de Sud-Rail n’ont pas épilogué dès l’annonce de l’intersyndicale. Nulle remise en cause d’un emballement sans fondements. Silences piteux.

Et pour finir Jérôme Cahuzac qui balance tranquillement une foireuse morale kantienne, un matin sur France Inter, pour justifier ses nouvelles ambitions politiques. Retour indécent.

La rationalité et le recul ont déserté l’espace public. La semaine prochaine sera meilleure. G. D.

Retour sur la dernière publication de Mobilettre
(lire Mobitelex 433).

Nos révélations sur les causes de l’irrégularité de nombreuses lignes du métro parisien ont spectaculairement contredit le récit de la RATP d’un retour à la normale depuis septembre. IDFM et sa présidente Valérie Pécresse ont de fait confirmé publiquement nos analyses en sommant la RATP d’améliorer au plus vite les fréquences du métro (et des bus), en échange d’une aide de 125 millions en 2023 et de 160 millions en 2024 «pour que les salariés ne se découragent pas (sic)». Argent contre qualité ? On verra en décembre si le problème était bien là.

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TRANSPORT TERRESTRE DE PERSONNES

Avis de l’Autorité de la concurrence : plus c’est gros moins ça passe

Nous avons lu l’avis de l’Autorité de la concurrence sur le transport terrestre de personnes. Mais comment traiter journalistiquement 256 pages d’analyses et de remarques qui s’appliquent aussi bien au transport urbain qu’au ferroviaire, aux cars Macron et aux taxis et VTC ? Quand l’exhaustivité nuit à la visibilité du travail de fond.


Qu’y a-t-il de commun entre l’ouverture à la concurrence du T3P (transport public particulier de personnes) et celle du ferroviaire ? Pas grand-chose… sinon l’avis de l’Autorité de la concurrence! En s’obligeant à compiler dans son avis l’analyse de toutes les activités de transport terrestre de personnes, l’Autorité de la concurrence dissémine un peu façon puzzle (1 002 paragraphes !) et s’interdit tout propos d’ordre général et transversal. Du coup, ça sent le calage d’armoire, ou l’archivage dans le cloud, alors même que l’analyse de chaque marché est sérieuse et argumentée, nourrie par un gros travail d’auditions et d’expertise – en première lecture nous n’avons déploré qu’une erreur manifeste, l’omission de la relance de l’appel d’offres TET Nantes-Bordeaux et Nantes.

L’Autorité aurait-elle dû choisir l’option «Série» de Netflix ou Canal ? Premier épisode les SLO ferroviaires, deuxième épisode le ferroviaire conventionné, troisième épisode les Cars Macron, quatrième épisode les transports urbains, cinquième épisode le T3P, sixième épisode les gares intermodales… Au lieu de ça, on a un Napoléon d’Abel Gance, 5h30. Epique, mais long.

Bon, trêve de prélude, venons-en à l’essentiel : que peut vous dire Mobilettre de cet avis, si l’on exclut un résumé du résumé de l’avis ?

Aucune leçon d’ordre général, sinon que la concurrence est un combat permanent contre les réflexes colbertistes et qu’il faut renforcer la régualtion, ni rien de croustillant au sens d’une infraction manifeste au droit de la concurrence : il s’agit bel et bien d’une analyse de situation, et pas d’une enquête. L’Autorité y viendra peut-être, dans un autre cadre, mais là n’était pas son objectif. Outre le choix de tout traiter, c’est l’autre cause de la difficulté à résumer un tel avis foisonnant.

Dans l’immédiat, nous avons donc choisi de porter notre attention sur le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, relativement à son rôle dans l’ouverture à la concurrence des SLO (services librement organisés) *.

De manière générale, l’Autorité n’en démord pas : «L’intégration verticale de SNCF Réseau n’est pas la plus à même de favoriser la concurrence sur le marché des SLO ferroviaires», même si elle prend acte de la décision du législateur de rattacher le GI au groupe public unifié. Elle recommande par conséquent un certain nombre de dispositions de gouvernance et un code de conduite de nature à éviter les suspicions de favoritisme.

Elle liste longuement les barrières à l’entrée des opérateurs, et regrette que SNCF Réseau ne soit pas plus proactif en matière d’encouragements envers les nouveaux opérateurs, à la manière d’un Lisea qui va construire à Marcheprime, au sud de Bordeaux, un centre de maintenance ouvert à deux opérateurs. Elle questionne aussi les accords-cadres, souhaités notamment par… SNCF Voyageurs. Comporteraient-ils un risque de verrouillage du marché, dans une sorte de remake de la «clause du grand-père» ?

L’Autorité recommande que «la mise en place des accords-cadres soit précédée de la définition d’une procédure explicite d’attribution de sillons en cas de saturation d’un axe et d’une réflexion sur les conditions dans lesquelles les accords-cadres seraient ou non reconduits à leur échéance». Elle enchaîne, sans prendre de gants : «L’attitude hésitante de SNCF Réseau ou, tout du moins, la perception qu’en ont les acteurs du secteur du transport ferroviaire, trouve sa source dans l’organisation actuelle du système ferroviaire. Les intérêts du gestionnaire d’infrastructure, dont les garanties d’indépendance sont insuffisantes, se trouvent mêlés à ceux des entreprises ferroviaires du groupe SNCF.»

Les opérateurs sont eux-mêmes partagés.

Kevin Speed souhaite des accords-cadres les plus sécurisants possible pour ses investisseurs, quand Le Train préfère l’application stricte et entière des procédures d’attribution équitable des sillons. En Espagne, 70% de la capacité sur les grandes lignes ouvertes à la concurrence est répartie entre trois grands opérateurs (Renfe, Trenitalia, Ouigo), le reste étant ouvert à d’autres acteurs potentiellement émergents.

Alors, trop timoré SNCF Réseau ? L’Autorité relève que «SNCF Réseau s’est organisée opérationnellement dans la perspective de l’ouverture à la concurrence des SLO et que ces changements ont toutefois été accomplis dans un cadre budgétaire contraint qui ne permet pas de poursuivre tous les chantiers de front. En outre, il semble que SNCF Réseau hésite encore à abandonner une attitude malthusienne vis-à-vis de la concurrence. […] Il apparaît que SNCF Réseau s’est désengagée d’un certain nombre de prestations, ou les facture au prix fort aux nouveaux entrants, que ce soit à propos de la conformité du matériel roulant ou de l’exploration des sites à même d’accueillir des installations de maintenance. SNCF Réseau a d’ailleurs elle-même confirmé avoir refusé de jouer un rôle plus important en matière d’homologation du matériel roulant.»

L’Autorité conseille à Réseau de s’ouvrir davantage.

«Pour que le gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau prenne son juste rôle dans l’animation concurrentielle des SLO ferroviaires, il semble également crucial de faire de la place à la diversité des modèles d’affaires des nouveaux entrants. En effet, les ambitions des nouveaux entrants tranchent parfois avec les pratiques industrielles de l’opérateur historique auxquelles le gestionnaire d’infrastructure s’est conformé.»

L’Autorité de la concurrence confirme par ailleurs souhaiter la suppression du coordinateur régional, mis en place par Jean-Pierre Farandou pour unifier la relation aux autorités organisatrices, de même que le rattachement de la Suge à SNCF Réseau.

Enfin, sujet ô combien sensible, elle conteste le principe même de l’alimentation du fonds de concours par SNCF Voyageurs : «Le gestionnaire d’infrastructure (SNCF Réseau) se trouve de fait intéressé à la bonne santé financière des entreprises ferroviaires du groupe SNCF. Ce fonds de concours crée donc des incitations pour SNCF Réseau qui sont incompatibles avec l’ouverture à la concurrence.»

Elle recommande que «les dividendes des différentes entités du groupe SNCF soient apportés au budget de l’État conformément au principe d’universalité budgétaire et que le niveau de l’investissement de l’État dans l’infrastructure ferroviaire soit établi indépendamment de la référence au résultat du groupe SNCF.» L’intention du gouvernement en 2018 consistait à flécher les dividendes de SNCF Voyageurs vers SNCF Réseau pour éviter que Bercy ne ponctionne lesdits dividendes pour d’autres usages. Faut-il prendre le risque du passage des dividendes vers le budget général pour éteindre la suspicion d’un favoritisme envers SNCF Voyageurs ? Le passé enseigne que les ressources affectées contribuent à la sécurisation des efforts de long terme.

De manière générale, l’Autorité de la concurrence a une position maximaliste et voudrait bien que SNCF Réseau soit tout à la fois plus allant en faveur des nouveaux entrants et plus étanche vis-à-vis de SNCF Voyageurs. Il est possible que son analyse n’ait pas complètement pris en compte l’évolution de la politique du gestionnaire d’infrastructures consécutive au départ de Luc Lallemand, qui nous avait confié un jour qu’«il n’en avait rien à foutre de la concurrence (sic)» eu égard sa feuille de route axée sur le cash flow positif, et à son remplacement par Matthieu Chabanel, notoirement plus disposé au dialogue avec les nouveaux opérateurs. Ce jeudi 30 novembre, il était à Madrid en compagnie de la directrice générale de la Renfe Voyages, Sonia Araujo Lopez. Une vraie preuve d’ouverture, qui plus est envers un concurrent majeur de SNCF Voyageurs.

* Dans ses prochains numéros, Mobilettre reviendra sur d’autres aspects de l’avis de l’Autorité de la concurrence.

Nancy-Contrexéville, la concurrence en vrai

Nous avons révélé dans notre précédent numéro (lire Mobitelex 433) la probable attribution au printemps prochain du lot 14 Nancy-Contrexéville au groupement NGE/Transdev, suite à la recommandation de la SPL Grand Est Mobilités, au détriment de l’autre groupement candidat Eiffage/Keolis.

Des cadres SNCF se sont émus à chaud d’une telle issue, n’avalisant pas la défaite de la SNCF (sic) et laissant entendre en interne qu’il pouvait se passer des choses d’ici l’attribution officielle. C’est pour le moins surprenant, parce que Keolis a toujours soigné son identité propre, non réductible à son actionnaire majoritaire, et parce qu’il faut accepter la règle du jeu de la concurrence : on perd, on gagne. La collectivité Grand Est a pris ses responsabilités en se substituant à l’Etat et à SNCF Réseau, défaillants dans la rénovation de la ligne : elle a jugé que l’offre NGE/Transdev était plus innovante et mieux disante. Dont acte.

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FRET FERROVIAIRE

Objectif OFP: des pages se tournent

Mardi 28 novembre avait lieu le colloque annuel d’Objectif OFP. Les professionnels mesurent leurs griefs pour se ranger derrière un slogan : il est temps d’agir.

Ils étaient tous là : le ministre Clément Beaune, les présidents des commissions du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat Jean-Marc Zulesi et Jean-François Longeot, le député et président du COI David Valence, le vice-président de la Commission Mobilité de Régions de France Jean-Luc Gibelin, le PDG de SNCF Réseau Matthieu Chabanel, les présidents de Fret SNCF et Europorte Frédéric Delorme et Raphaël Doutrebente, le président du GNTC Ivan Stempezinski… On en oublie.

Ils étaient tous là à la fois parce qu’Objectif OFP a fait de cette journée la grand-messe annuelle du fret ferroviaire, toutes tendances confondues, et parce qu’après tant d’efforts pour accoucher d’une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire (SNDPP) ce n’est pas le moment de flancher. Malgré une piètre année 2023 (-22% de trafic au deuxième trimestre) due aux grèves du printemps et au ralentissement de la conjoncture, la priorité à la croissance est maintenue.

Ils étaient tous là mais c’est une femme qui s’est imposée sur scène. Florence Rodet, secrétaire générale de 4F, a su dire énergiquement avec des mots simples qu’«il est temps d’agir». L’injonction polie valait pour tous, de l’exécutif à SNCF Réseau en passant par les opérateurs aussi, bien sûr.

Le ministre a entendu l’appel à la programmation des investissements, mais il est peu probable qu’il l’obtienne. Il a en revanche confirmé l’inscription jusqu’en 2030 des différentes aides au secteur, à hauteur de 330 millions d’euros. Il s’est également réjoui du dialogue avec les régions pour choisir les projets éligibles aux 4 milliards d’investissements déjà débloqués (50% Etat, 50% régions).

Côté SNCF Réseau, la méthode Chabanel neutralise les acteurs les plus critiques. Dialogue sincère et franc, arbitrages favorables au fret (travaux de jour, sillons préservés, quelques priorités de circulation au détriment de trains de voyageurs). La stratégie relative aux terminaux est clarifiée – reste, entre autres, la liste est longue, à améliorer l’attribution des sillons et la ponctualité, à respecter les plages-travaux et à accélérer les modernisations des terminaux avec le recours aux investisseurs privés.

Une page se tourne ? La mise en œuvre du plan de discontinuité de Fret SNCF contribue aussi à ce sentiment que le paysage à partir de 2024 sera substantiellement différent, avec un opérateur historique appelé à se restructurer autour de RLE (Rail Logistics Europe), le futur «New Fret SNCF» étant circonscrit à la gestion capacitaire. Et, surtout, désormais, l’application des mêmes règles pour tous, à savoir celle d’un marché ouvert et régulé. Dans ce nouveau contexte tout le monde a bien noté la sortie de Raphaël Doutrebente, président de 4F, à ne plus jouer des prix trop bas. «Ce n’est pas de l’entente, juste une nécessité collective», a-t-il utilement précisé.

Une page se tourne, aussi, pour Objectif OFP, avec le départ tout en humour et sobriété de son délégué général André Thinières. «Ne lâchez pas !», s’est-il permis de conseiller sur scène, en référence à sa légendaire obstination. Avec Jacques Chauvineau désormais président d’honneur, ils ont su mettre en place la transition et leur relève, avec notamment l’arrivée sereine de Philippe François à la présidence. Par conséquent, rendez-vous l’année prochaine !

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DEBAT

L’avenir des concessions autoroutières

Mardi 5 décembre de 8h30 à 10h15 aura lieu un échange très attendu sur l’avenir des concessions autoroutières, organisé par TDIE et la revue TI&M, en partenariat avec Mobilettre qui en assurera l’animation : «Quel système autoroutier à l’issue des concessions ? Modes de gestion, entretien, modernisation, financement : cinq scénarios pour ouvrir le débat»

Autour de la table, après une introduction d’Yves Crozet, seront présents Thierry Coquil (DGITM), Patrick Vieu (ART) et Pierre Coppey (Vinci Autoroutes), autrement dit l’Etat, le régulateur et un concessionnaire.

Inscriptions

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