Mobitelex 451 – 31 mai 2024

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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JO, tous les coûts sont-ils permis ?

On a du mal à comprendre : les cheminots seraient des profiteurs de JO à 50 millions quand la seule arrivée de la flamme à Marseille, probablement aux environs de 10 millions d’euros, ou la garantie d’Etat pour les JO d’hiver de 2030, ça passe crème ?

Est-ce que la Cour des Comptes se penchera sérieusement un jour sur le vrai coût des Jeux Olympiques ? Celui qui intègre l’ensemble des dépenses spécifiques nécessaires à leur organisation, et pas seulement le budget officiel de Paris 2024. Cet exercice de transparence serait salutaire.

Mobilettre n’est pas contre les Jeux Olympiques. Il ne s’agit donc pas de charger la barque, en comptabilisant par exemple des travaux d’infrastructure réalisés en avance de phase. Mais en additionnant tout ce que les budgets publics ont consacré à l’événement, directement ou indirectement, on relativiserait probablement les polémiques sur les primes accordées aux salariés mobilisés.

Lançons-nous dans une petite comparaison de coûts.

Le 8 mai, l’arrivée de la flamme olympique à Marseille a suscité une belle générosité publique, partiellement avouée via la communication des subventions des collectivités à Paris 2024 – environ un million d’euros pour la seule Ville de Marseille, 255000 euros pour le Département et la Région, auxquels il faut bien entendu ajouter les apports des sponsors privés (Coca-Cola, BPCE, CMA-CGM…). Mais cela ne suffit pas à financer le coût total qui doit aussi intégrer la mobilisation des forces de l’ordre (1 million d’euros selon le ministre Gérard Darmanin), des équipes de propreté et de la voirie, et l’organisation de festivités complémentaires à la grande parade officielle. Nos confrères du Pélerin racontent que Xavier Bonnefont, maire d’Angoulême (Charente), s’est étranglé en découvrant les coûts cachés pour sa commune du passage de la flamme, «découverts au fil de l’eau»: près de 100 000 euros. Au total, pour cette seule journée du 8 mai à Marseille, et selon plusieurs sources consultées, la «vraie» facture approcherait les 10 millions d’euros…

Le 4 juin, les syndicats de la SNCF signeront probablement la proposition de Jean-Pierre Farandou d’une prime JO «égalitaire», d’un maximum de 1 900 euros – autre culture d’entreprise, la RATP module ses gratifications selon les métiers. Au total, on approche les 50 millions d’euros qui seront accordés aux personnels cheminots pour assurer les trafics ferroviaires en Ile-de-France sur toute la durée des JOP. On entend déjà quelques cris d’orfraie…

Rien n’est trop cher pour assurer le spectacle, tout est excessif quand on rémunère le travail ? On avoue ne pas trop comprendre la hiérarchie des indignations publiques, alimentées par des médias prompts aux polémiques.

Contrairement à la fable servie par le CIO et Paris 2024, qui vantent un financement à 95% privé, les Jeux Olympiques ne sont possibles que grâce à un soutien massif des collectivités et entreprises publiques en général, de l’Etat en particulier et du Président de la République en personne qui a démarché plusieurs sponsors. Et dire que la France avec les régions Sud et Aura va remettre ça en 2030 pour des Jeux Olympiques d’hiver. Le président du CNOSF (Comité national olympique du sport français), David Lappartient, n’a d’ailleurs pas caché le poids de la garantie publique d’Etat, jeudi 30 mai, après avoir envoyé le dossier formel de candidature des Alpes 2030 au CIO: «C’est d’ailleurs un peu (sic) pour cela qu’on a fait la différence (NDLR par rapport à la Suisse et à la Suède), c’est sur notre capacité à garantir», a-t-il déclaré, en ajoutant: «Le Président de la République a confirmé que l’Etat sera au rendez-vous.»

Rien n’est impossible, rien n’est trop coûteux pour des exécutifs en mal d’emblèmes. G. D .

Eric Woerth, quelle suite ?

Mettons de côté les propositions les plus voyantes d’Eric Woerth sur la décentralisation, remises officiellement ce jeudi 30 mai : nationalisation du périphérique parisien, création des conseillers territoriaux, retour du cumul maire-parlementaire, suppression de la Métropole du Grand Paris (cette suppression-là, a minima, est de salubrité publique…). La grande vertu de son rapport est de s’attaquer à la grande confusion des compétences et des financements. Au fur et à mesure des années, le système s’est complexifié et a généré des délais de contractualisation et des coûts de transactions considérables.

De trop nombreux élus ne résistent pas à la tentation de mettre un peu d’argent dans un peu tout, au dépens de leurs compétences premières, souvent pour des raisons électorales et clientélistes. Le principe de spécialisation des compétences est donc a priori une bonne nouvelle, même s’il faut y regarder à deux fois. Le passage aux départements des routes nationales non concédées et aux régions des trains Intercités sonnerait le glas d’une certaine ambition nationale.

Côté financements, si l’Etat met vraiment en place le transfert planifié et raisonné d’une part de fiscalité aux régions et aux départements, on n’est pas loin d’une nouvelle révolution décentralisatrice.

Emmanuel Macron confirmera-t-il tout ou partie de ces propositions, qu’il aurait lui-même encouragées ou acceptées ? On se souvient de l’épisode Borloo sur les banlieues : rapport encensé le matin, enterré l’après-midi. A première vue, le grand flou qui entoure le financement des Serm (Services Express Régionaux Métropolitains) n’est pas rassurant. Un pouvoir exécutif aussi affaibli aura-t-il la capacité de mener à bien l’indispensable clarification des compétences et des fiscalités ?

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EVENEMENT

L’Europe valait bien un bon débat

Le 23 mai au Beffroi de Montrouge, près de 200 personnes ont assisté à des échanges de qualité entre les représentants de sept listes candidates au scrutin du 9 juin, lors du Grand Débat organisé par TDIE avec Mobilettre.

En franchissant le périphérique, ce jeudi 23 mai après-midi, pour aller au Beffroi de Montrouge, c’est comme si on avait quitté pour quelques heures une scène politique nationale caricaturale. Même si chaque représentant présent sur scène avait bien conscience des enjeux électoraux, aucun, mis à part une tirade liminaire anti-wokisme du candidat RN, n’a succombé à la tentation politicienne et tactique. Tous ont joué le jeu d’un débat ouvert et respectueux, basé sur des propositions solides et des analyses de fond.

C’était, depuis l’élection présidentielle de 2012, la sixième édition du Grand Débat TDIE/Mobilettre. Une salle bien remplie avec près de 200 personnes, auxquelles il faut ajouter les spectateurs en streaming, a pu constater l’élévation substantielle du niveau général des débatteurs, de l’aveu même de Philippe Duron et Louis Nègre, co-présidents de TDIE. Si les prestations de l’ancien ministre des Affaires européennes et des Transports, Clément Beaune, pour Valérie Hayer, du sénateur Olivier Jacquin, pour Raphaël Glucksmann, et de l’adjoint à la maire de Paris et administrateur d’IDFM Jacques Baudrier, pour Léon Desfontaines, étaient à la hauteur de leur parcours et de leur réputation, leurs challengers, moins connus, ont agréablement surpris. La sénatrice Christine Lavarde, pour François-Xavier Bellamy, Abdoullaye Diarra, pour Marie Toussaint, Bérenger Cernon, pour Manon Aubry, et même Philippe Olivier, pour Jordan Bardella, ont fait montre d’une vraie cohérence dans leurs propositions, voire à certaines moments d’une technicité inattendue.

Sur le fond, que peut-on retenir comme enseignements généraux de ces trois heures d’échanges?

Pour visionner le débat, cliquer ci-dessous.

Replay du Débat

La décarbonation unit et divise. Tout le monde est d’accord pour la neutralité carbone en 2050, mais chacun a sa méthode et ses solutions. Au demeurant, les écologistes en quelques années ont gagné la bataille idéologique mais perdu leur leadership sur le sujet. Il était symptomatique de voir tous les candidats s’allier contre Abdoullaye Diarra à propos du Lyon-Turin, que les Verts continuent à combattre. De manière générale, Christine Lavarde a défendu une logique de liberté et de rationalité technique quand la gauche et le camp présidentiel n’hésitent plus à revendiquer des mesures contraignantes. Ainsi sur l’interdiction de commercialisation des voitures thermiques neuves en 2035 : LR et RN la rejettent nettement, quand tous les autres en font le passage obligé de la conversion électrique.

La souveraineté énergétique et industrielle européenne apparaît comme une nouvelle nécessité absolue. Souvent couplée à la question sociale, elle n’est plus décorrélée des politiques de mobilité. Reste à concrétiser les engagements en faveur d’une production française et d’une préférence européenne, sur fond de bouleversements géopolitiques. Sur ce sujet les mots sont souvent plus faciles que les actes.

Il y a débat sur le plus d’Europe. Sur cette question aussi, les clivages idéologiques réapparaissent, entre ceux qui veulent accroître les financements européens en faveur des infrastructures, aujourd’hui bien insuffisants au regard des besoins, et ceux qui entendent limiter l’action de Bruxelles – surtout ne pas empiéter sur les pouvoirs des Etats. D’un côté, les écologistes fédéralistes, de l’autre l’extrême-droite nationaliste, et entre les deux une variété de positions selon les sujets. Pour LFI et le PC, Bruxelles c’est la concurrence honnie mais c’est aussi la grande caisse des financements de la transition écologique. Pour le PS et Renaissance, c’est la taxe carbone aux frontières, qu’il faut développer, couplée pour Olivier Jacquin à une utilisation plus ambitieuse de la directive Eurovignette.

Les deux principaux députés européens français spécialistes des transports, Karima Delli et Dominique Riquet, ne se représentent pas le 9 juin. Louis Nègre a donc logiquement insisté sur la nécessité de trouver de nouvelles incarnations pour le secteur à Bruxelles, et Clément Beaune a souhaité un ou une commissaire aux transports «moins catastrophique» (sic) que l’actuelle, la roumaine Adina Valean. Une façon de dire qu’après l’élection le combat continue, et à Bruxelles comme à Strasbourg il sera aussi une question d’influences.


AEROPORT

A Brest, des techniciens très à l’ouest

Le 30 décembre dernier, l’aéroport de Guipavas était foudroyé. Un rapport de l’IGEDD explique pourquoi il est resté fermé plus de 86 heures…

A première vue, il s’agit d’un banal «rapport d’expérience» écrit par l’expérimenté Vincent Pourquery de Boisserin et publié le 22 mai dernier sur le site de l’IGEDD. Le 30 décembre 2023, la tour de contrôle de l’aéroport de Brest a été touchée par un éclair dont l’intensité, pas si forte que ça, a pourtant aussitôt entraîné l’arrêt des trafics. Ils ne reprendront que le 3 janvier. Le ministre Christophe Béchu a demandé une expertise, probablement à la suite d’un mécontentement discrètement exprimé par le préfet et le maire de Brest. La fermeture du trafic a grandement perturbé les voyages de fin d’année – et coûté 500000 euros.

A la lecture du résumé du rapport, on comprend qu’il faut revoir le système de protection contre la foudre, toujours insuffisant malgré un précédent en 2021, et que la gestion de la situation, qui n’a pas été optimale, c’est un euphémisme, mérite d’être revue. Les deux recommandations sont constructives : « Ne pas reconstituer à l’identique les installations de Brest Guipavas en mettant notamment et urgemment en place un système de protection générale contre la foudre», «créer la possibilité d’adapter la répartition des compétences entre les différents échelons notamment territoriaux et de définir les moyens d’une meilleure mobilisation temporaire des personnels utiles par l’autorité responsable.»

S’en suit une «suggestion» qui a piqué notre curiosité : «Examiner la faisabilité, pour réduire des temps d’intervention pouvant devenir pénalisants, de confier l’ensemble de la maintenance du contrôle de Brest au CRNA de Lopereth distant de quelques kilomètres seulement.»

On est donc allé lire un peu loin, et on a trouvé une «analyse critique» de l’incident. Voici en intégralité le paragraphe 3.2.2, intitulé «Management de crise»:

«L’incident étant survenu à 19h20 TU le 30 décembre, soit après la fin de service des équipes de maintenance de Brest, il n’a pas été possible de les mobiliser avant le 2 janvier 2024. Même si à partir du 2 janvier leur mobilisation s’est révélée efficace il est objectivement regrettable que cela n’ait pu se faire au plus tôt après la survenance de l’incident. Depuis Nantes, la DSNA-O n’a pris d’autre initiative que de mobiliser les personnels d’astreinte basés à Nantes qui ne purent opérer que des interventions limitées en nombre et en effet. Depuis Brest, les responsables de la DSAC-O ne disposaient d’aucune autorité pour convaincre (et encore moins contraindre) les personnels locaux de se mobiliser. Ces derniers, bien qu’en tout ou partie informés des difficultés réelles dans lesquelles se trouvait le contrôle BREST ne prirent aucune initiative, n’étant soumis ni à permanence ni à astreinte. En clair, chacun fort de son bon droit resta campé dans son cadre réglementaire et contractuel pour exercer ses compétences, alors que la gravité de la situation méritait que ces mêmes fassent l’effort minimal de transgression qui aurait sans doute permis une meilleure prise en charge de la situation.»

On va traduire la situation décrite en termes encore plus directs: à Brest l’organisation est très confuse et les agents assez irresponsables. Que ne dirait-on d’agents SNCF restant chez eux alors qu’une caténaire est à terre quelques kilomètres plus loin…

Mobilettre sera donc attentif dans les mois qui viennent à la protection de la tour de contrôle de Brest et à l’organisation de l’astreinte de ses ingénieurs. Décidément, entre des contrôleurs aériens qui monnayent très cher un élémentaire contrôle de leur présence effective à leur poste, et des ingénieurs brestois qui laissent passer tranquillou les fêtes de fin d’année avant d’intervenir, ça ne tourne pas très rond dans le ciel français.


REGULATION

Olivier Salesse quitte l’ART

C’est un directeur de la régulation sectorielle (ferroviaire + RATP) compétent et respecté qui s’apprête à quitter cet été l’ART (Autorité de régulation des transports). Olivier Salesse, 46 ans, avait pris en 2017 la succession de Pierre Ravier comme directeur du transport ferroviaire de ce qui s’appelait alors l’Arafer. Il deviendra en septembre prochain le directeur des affaires réglementaires et concurrence de l’opérateur téléphonique SFR.

Apprécié par les nouveaux opérateurs pour sa capacité à baliser le nouveau contexte ouvert et concurrentiel du secteur ferroviaire, Olivier Salesse s’est distingué par une écoute attentive de ses interlocuteurs, au nom d’une conception active de la régulation, dont on retiendra sa propre définition : «Elle se fonde notamment, dans un souci constant de l’intérêt général, sur un dialogue ouvert, exigeant et permanent avec toutes les parties prenantes.»

En toute hypothèse, si jamais les télécoms lui semblent moins passionnants que les soubresauts du ferroviaire, il ne pourra reprendre le dialogue avec les acteurs ferroviaires que dans trois ans.

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La ville pour tous


Colloque annuel d’Avenir Transports

Le 27 juin 2024, Hôtel de l’Industrie, 4, place Saint-Germain-des-Prés, de 9h à 12h30


Le très fort développement des métropoles depuis trente ans n’a pas été accompagné d’une augmentation équivalente des services de mobilité pour y accéder. Comment y remédier? Les débats, au-delà du décryptage des futurs SERM, permettront d’approfondir quelques projets qui pourraient améliorer la desserte des métropoles et le quotidien des voyageurs, dont de nombreuses enquêtes montrent la disponibilité à faire évoluer leurs pratiques de mobilité.


La ville pour tous – Programme


9h 9h15 – Introduction

Gilles Savary, la crise des métropoles


9h15 9h30 – Echanges préliminaires

Avec Florence Lasserre et Pascale Gruny, co-présidentes d’Avenir Transports : comment reconnecter les territoires périphériques et périurbains aux cœurs des métropoles ?


9h30 10h45 – Première séquence

Le choc des usages: un voyageur plus opportuniste

  • Le voyageur face au changement de comportement: Frédéric Daby, IFOP
  • Vélo et marche à pied, alliés du transport public: Bruno Gazeau, Fnaut
  • Le regard de deux opérateurs sur leurs réseaux: Jean-Christophe Combe, directeur marketing et innovation de Keolis, et Hiba Farès, présidente du directoire de RATP Dev
  • Simplifier la vie des usagers : la nécessité d’une tarification intégrée, avec Jérôme Kravetz, directeur général de Nouvelle Aquitaine Mobilités

10h45 11h15 – DEBAT

Coopération/confusion: l’Etat et les autorités organisatrices au défi de la simplification et du financement


11h15 12h15 – Deuxième séquence

Les conditions d’un choc d’offre: l’optimisation des capacités et les infrastructures nouvelles

  • Les Serm: Jean-Marc Zulesi *, député, Frank Dhersin, sénateur, Philippe Tabarot, sénateur, vice-président d’Avenir Transports
  • SNCF Réseau : tout faire en même temps, Matthieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau
  • CDG Express: mieux que le taxi ? Alexandra Locquet, présidente de CDG Express
  • Augmentation des fréquences et de l’amplitude horaire: Laurent Probst, DG d’IDFM
  • La révolution de la route: la voie partagée, le péage sans barrière, les Cars Express…: Thierry Mallet, PDG de Transdev, Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV * et Sandrine Chinzi, DGITM *

* Sous réserve de confirmation.


Conclusion

Pascale Gruny et Florence Lasserre


Inscription obligatoire, le nombre de places étant limité.

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