Mobitelex 456 – 5 juillet 2024

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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On respire ?

Il faudrait aussi, et surtout, trouver un peu plus d’inspiration politique. Eviter le pire ne suffit plus.

Mobilettre va faire court aujourd’hui. Il y a des moments où faire des phrases est aussi vain que de chercher un macroniste épanoui depuis la dissolution.

On ne va donc pas se livrer à l’exercice des scénarii politiques post-deuxième tour des législatives – l’absence de majorité absolue du RN, si elle se confirme dans les urnes, ouvrira la voie à une donne inédite. Des alliances et des personnalités vont-elles émerger du chaos ?

On ne va pas non plus énumérer tous les sujets d’inquiétude pour le secteur des transports et de la mobilité, des difficultés économiques des autorités organisatrices aux gouvernances en suspens des grandes entreprises publiques, en passant par le calendrier et les moyens de la décarbonation des mobilités. Les quelques député-e-s averti-e-s de la question sont soit battus (Clément Beaune), soit se sont désistés (Florence Lasserre), soit en ballottage très difficile (David Valence, Jean-Marc Zulesi). Elisabeth Borne pourrait être sauvée grâce au désistement de son adversaire LFI. La politique est parfois miraculeuse.

On va donc attendre, un peu soulagé, encore inquiet… et nourri d’espérance ? Même exprimé de façon désordonnée et radicale, le message des Français est clair à l’attention de leurs représentants : qu’on en finisse avec les promesses, les slogans – les mensonges.

Tout particulièrement, il nous semble que le champ public doit mieux échapper au marketing mercantile. La confusion public-privé fragilise la crédibilité des responsables politiques qui croient faire moderne quand ils tombent dans le piège du consumérisme. La marmite du désir et de la frustration est impitoyable.

Prenons l’exemple des Jeux Olympiques. Ils ne sont pas, pour une majorité de Français et contrairement aux slogans, un événement populaire – sauf à la télévision. Car le marketing de Paris 2024 ressort d’un yield management décomplexé et choquant au regard de l’investissement public. Il se traduit par des tarifs élevés – le prix moyen du billet affiché par Paris 2024 n’est pas significatif : il inclut les billets vendus pour les Jeux paralympiques en septembre ! La puissance publique a subi ce choix tarifaire, alors que sans elle, sans la mise à disposition de ses infrastructures et la mobilisation de ses troupes, il n’y aurait pas de JO (lire aussi ci-dessous). Pour preuve, l’attribution des JO d’hiver 2030 a été repoussée au 24 juillet, le gouvernement Attal n’ayant pas voulu accorder in extremis la garantie d’Etat – on le comprend.

Le vrai risque privé doit être respecté et récompensé, la sphère d’intérêt public mieux protégée des obsessions mercantiles. Suis-je ringard ? G. D.

A quoi joue Paris 2024 ?

Comme prévu, et à la condition que la situation politique ne crée pas de nouvelles perturbations, les transports seront prêts pour les JO 2024 – on y reviendra la semaine prochaine. Mais à quel prix…

Selon nos informations il a fallu l’intervention ferme du DIJOP (délégué interministériel aux JO), Michel Cadot, pour que soient communiqués aux autorités organisatrices et opérateurs des villes de province accueillant les épreuves de football, les jauges et taux de remplissage des stades. En effet, le football, mis à part quelques affiches, n’est pas un sport phare des JO, et il est probable que les stades seront loin d’être pleins pour une bonne partie des matchs – sauf à donner massivement des billets gratuits aux jeunes. Il est donc légitime de paramétrer l’offre de transport public en fonction de l’affluence attendue.

Eh bien, non, ce n’était pas évident pour Paris 2024 de livrer ces informations classées «confidentielles». Pour protéger leur image et leurs intérêts, ses dirigeants étaient prêts à laisser la puissance publique mettre en place une offre de mobilité bien supérieure à la demande réelle. Au mépris de l’argent public mais aussi des employés, qu’on aurait sollicités pour conduire des bus ou des trams presque vides.

Qu’en sera-t-il pour les autres épreuves, en Ile-de-France ? Il se murmure que les quais hauts seront loin d’être pleins pour la cérémonie d’ouverture (des écrans seront installés car à de nombreux endroits il n’y aura pas de vue directe sur la Seine !), malgré des distributions généreuses, et que les billets en revente pour un certain nombre d’épreuves peinent à trouver acheteurs. En effet, celles et ceux qui ont pris des packs il y a plus d’un an ne pourront ou voudront finalement assister à toutes les épreuves.

Aura-t-on au moins a posteriori les taux de remplissage pour chaque épreuve ? Qui osera remettre en cause le choix du système de vente et de tarification ?

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RECIT

L’Etat prend l’eau !

En l’occurrence, c’est au propre et pas au figuré : la Tour Séquoia à La Défense, qui abrite notamment la DGITM, a été inondée lundi dernier, obligeant à sa fermeture. Les dégâts sont considérables.

Lundi 1er juillet, 9 heures du matin, au lendemain du premier tour des élections législatives, les agents de la Tour Séquoia ont subi un deuxième traumatisme : une grosse inondation qui a conduit à son évacuation intégrale 30 minutes plus tard. Selon nos informations, elle a été causée par un flotteur défectueux qui n’a pas permis d’arrêter le remplissage des citernes du système anti-incendie. Résultat, la plupart des ascenseurs ont été salement endommagés, ainsi que les armoires électriques associées. Trop d’eau, plus de courant, risque sécurité, on ferme !

Les agents devenus SBF (sans bureau fixe) sont accueillis tant que bien que mal à la Grande Arche, dans différentes salles, ou, plus souvent et s’ils le peuvent, se mettent en télétravail. Pour nombre d’entre eux, c’est une situation d’autant plus difficile à vivre qu’elle pourrait durer plusieurs semaines voire plusieurs mois.

En effet, pour les étages 16 à 32, il faudra remplacer les surpresseurs et les armoires électriques. En revanche, le rez-de chaussée serait rouvert dès lundi prochain, et les étages 1 à 16 dans la deuxième quinzaine mois de juillet, après autorisation par les services de sécurité.

On aimerait savoir si le flotteur fut défectueux par fatalité – les pannes, ça arrive – ou par défaut de maintenance. Ce serait un comble : l’Etat sur-spécifie à longueur d’année et négligerait son patrimoine et ses installations ? Nul doute que les nombreux ingénieurs du lieu auront à cœur de faire la lumière sur cet incident.


ANALYSE

TGV, les chiffres détaillés de l’été

C’était mal parti en ce début de semaine : en lâchant le seul chiffre de 30% de billets de vendus à date pour juillet/août, SNCF Voyageurs a déclenché un mouvement d’inquiétude dans les rédactions généralistes : le TGV ne se vend plus ! Heureusement, ce vendredi, Alain Krakovitch a utilement précisé les choses à l’occasion des grands départs en vacances: mieux vaut donner des chiffres significatifs que laisser la porte ouverte aux interprétations.

32%, début juillet, c’est en réalité 2% de plus que l’année dernière à pareille époque, et si on traduit en valeur absolue, c’est bien davantage puisque 400 000 billets supplémentaires sont mis en vente cet été (grâce notamment à des rames Ouigo plus capacitaires et à une optimisation de l’usage de la flotte). Sur les 30 millions de billets mis en vente sur l’été (et sur l’ensemble de l’activité Grandes Lignes : Inoui, Ouigo, Intercités, Europe), plus de 10 millions ont déjà été vendus. Il restait cette semaine 40% de l’offre disponible à la vente en juillet, et 75% en août.

Si l’on regarde le taux d’occupation moyen des rames, il sera de 87% ce dimanche 7 juillet – c’est un peu mieux que l’année dernière. 25% des circulations ce week-end sont d’ores et déjà complètes. Marseille et la Bretagne ont plus particulièrement la cote.

En ce qui concerne les Jeux Olympiques, aux dates des compétitions le surcroît de billets vendus atteint 20%. SNCF Voyageurs escompte moins de pointes week-end au profit d’une répartition des flux en semaine.

Bilan : il reste, et c’est assez normal, pas mal de places à vendre, même si plusieurs origines-destinations estivales sont déjà en quasi-saturation pour plusieurs week-ends. Au 5 juillet, selon nos propres informations, la répartition est la suivante: 7 millions de places à vendre en juillet et 11 millions en août, soit 18 millions – dont 3,5 millions sur l’Europe et 1,3 millions pour les Intercités. Il est difficile de dire si la situation politique a généré à la marge un peu d’attentisme de la part des Français, et si les JO vont décaler les voyages de certains touristes dans la capitale, comme en juin. En tout état de cause, sauf nouvelles perturbations, l’été 2024 pour SNCF Voyageurs pourrait se traduire par de nouveaux records de fréquentation en valeur absolue.


EXPOSITION

L’histoire du vélo à Paris

Pour varier les plaisirs estivaux, une intéressante visite au Pavillon de l’Arsenal. Le vélo est éternel…



«Tout n’a pas commencé en 2001 ! », avec l’élection de Bertrand Delanoë, s’exclame Isabelle Lesens, conseillère d’arrondissement (divers droite) du 15ème qui tient un blog sur le vélo depuis 2004. Les deux maires socialistes qui se sont succédé à Paris depuis le début du millénaire ont certes su répondre au besoin d’exercice physique et à la demande de mobilité individuelle.

Les cyclistes qui pédalent aujourd’hui dans la capitale n’en sont pas moins les héritiers d’une longue histoire, retracée par une exposition temporaire au Pavillon de l’Arsenal. Son commissaire, l’urbaniste Clément Dusong, ancien salarié de la FUB, auteur d’une thèse remarquée sur le vélo en banlieue parisienne, voudrait « redonner de la force et de la légitimité aux politiques actuelles et les inscrire dans le temps long ». Un point de vue parisien ? Pas seulement. « A toutes les époques, Paris est une figure de proue, et les phénomènes qu’on y observe se diffusent ailleurs les années suivantes », assure le commissaire.

L’essor du vélo sous l’Occupation, alors que les voitures étaient réquisitionnées, est bien documenté.

Découpée en sept séquences, s’appuyant sur des photos, réclames, cartes et autres catalogues, la destinée de la bicyclette parisienne apparaît comme chaotique, non linéaire. L’essor du vélo sous l’Occupation, alors que les voitures étaient réquisitionnées, est bien documenté. On sait moins que les arrêts de bus furent alors convertis en abris sécurisés, sous la surveillance des agents de la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne).

Après avoir servi successivement de loisir bourgeois, d’évidence prolétaire, d’outil de résilience, voire de résistance, le vélo s’est ensuite rapidement démonétisé, désarçonné par le tout-voiture. Les avenues sont élargies pour faciliter la circulation, des tunnels sont creusés, des projets d’autoroutes striant la ville menacent.

Le retour en grâce prendra du temps. Amorcé en mai 1968, comme le montrent les images des voitures bloquées faute d’essence et des manifs babacools du début des années 1970, il ne se matérialisera que faiblement avec les « couloirs de courtoisie » de Chirac en 1982. En réalité, pour assister à une pleine transformation de la voirie, il faudra attendre la fin des années 2010.

Même les mandats Delanoë et Hidalgo sont inégaux, pointe l’urbaniste. « Au début du premier mandat, entre 2001 et 2003, il ne se passait pas grand-chose », pas plus que dans les années qui ont suivi l’élection de la maire actuelle, entre 2014 et 2018. Les documents rassemblés pour l’exposition, notamment les plans, mettent en évidence des périodes d’accélération soudaines et massives.

Le commissaire rappelle aussi que les associations pro-vélo « ne croyaient pas au Vélib’, et auraient préféré des aménagements ». Ceux-ci, qui semblent s’appuyer sur un consensus politique, dépassent désormais les limites administratives de Paris. Leur fréquentation continue d’augmenter. Un nouveau morceau d’histoire ne demande qu’à s’écrire.


A vélo 1818-2030. Pavillon de l’Arsenal, 21 Boulevard Morland, 75004 Paris. Jusqu’au 29 septembre.


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