: Numéro 200 de Mobitelex – 24 novembre 2017

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

Transport public local

Pour les Italiens, l’ouverture à la concurrence, c’est plutôt piano

Le congrès annuel de l’UTP italienne, l’Asstra, se tenait la semaine dernière à Venise. « A l’issue de ces deux jours d’échanges, je ne voudrais pas que l’on puisse penser que l’association que je préside est contre la concurrence », s’est inquiété en conclusion son président Massimo Roncucci. Avait-il des raisons de le craindre?


L'île de San Servolo à Venise, où se tenait le congrès 2017 de l'Asstra, l'UTP italienne.

L’île de San Servolo à Venise abritait le congrès 2017 des opérateurs transalpins.

On croyait connaître toutes les îles de la lagune. Pas seulement le trio Murano, Burano, Torcello, et San Giorgio Maggiore, mais aussi San Erasmo, San Lazaro degli Armeni et même San Francesco del Deserto. C’était oublier San Servolo. Autrefois siège de l’asile psychiatrique central de Vénétie (il reste un musée de la folie), c’est aujourd’hui un superbe centre de congrès. Et c’est le lieu que l’Asstra, l’équivalent italien de l’UTP, avait choisi pour tenir son congrès annuel sur la concurrence et les systèmes de financement du transport public local. On ne pouvait espérer meilleur choix qui permettait de surcroît d’admirer comment, en matière de billettique, Venise était passée, quasiment du jour au lendemain, du Moyen-Age à la pointe de la modernité, à faire pâlir d’envie bon nombre d’autorités organisatrices.

On a entendu pendant deux jours que la concurrence n’est pas un objectif en soi, et que l’objectif c’est un meilleur transport public local au meilleur prix

La concurrence, donc. Pendant deux jours, on a certes entendu que, bien sûr, il y avait les règles européennes, mais que la concurrence n’était pas un objectif en soi, que l’objectif c’était un meilleur transport public local au moindre prix. Jusque-là, rien d’anormal. La où nos amis italiens ont pu faire entendre leur différence, c’est que l’Europe a beau avoir décidé, cela ne les empêche pas de dire ce qu’ils en pensent… y compris avec des arguments que l’on pourrait qualifier de philosophiques. Notamment pour défendre les régies.

Le représentant de la Commission européenne qui précisait que la régie restait possible à titre exceptionnel, s’est entendu répondre que puisque c’était possible, c’était possible… On a cherché à comprendre d’où venait cette méfiance : est-ce parce que la gouvernance en est restée administrative et que l’Europe ne reconnaît que les SIEG (service d’intérêt économique général) et pas les services publics administratifs? De même, les particularités territoriales doivent être prises en compte dans le choix des procédures d’attribution, ont souligné les participants italiens qui n’imaginent pas que les transports publics de Venise puissent être soumis à appel d’offres! Il est vrai que l’appel du profit ne va pas toujours sans risque…

Le cas de l’appel d’offres unique en Toscane où Ratp Dev est en compétition, n’est bien sûr pas passé inaperçu; la maison-mère, la Ratp, n’est-elle pas une régie? Rappelons que la région Toscane a passé un appel d’offres unique pour tous les transports publics sur route de la région. Apres quelques premières péripéties judiciaires, Autolinea Toscane (Ratp Dev) l’avait emporté face au consortium Mobit qui regroupait la plupart des sortants. Mobit a du coup décidé de porter le différend au niveau européen, invoquant notamment la clause de réciprocité et le statut protégé de la Ratp en Ile-de-France. La Cour européenne tranchera mais en attendant, a-t-on entendu, et dans la mesure où seuls deux groupements ont répondu, cela signifie peut-être que le marché n’est pas prêt.

«Si Paris est un cas exceptionnel, alors Venise l’est tout autant!»

Il est vrai que l’Europe peut donner l’impression, parfois, de pratiquer le stop and go: on fêtera le mois prochain le dixième anniversaire du règlement OSP, mais entre 2007 et l’entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire, il ne s’est pas passé grand-chose. La difficulté vient peut-être du manque de périodes de transition.

Dans ce contexte, on comprendra que les deux représentants français, Claude Faucher, délégué général de l’UTP, et Guy Le Bras, directeur général du Gart, aient eu du mal à rendre recevables certaines particularités françaises, et notamment le cas de l’Ile-de-France. Guy Le Bras a bien essayé de justifier la durée du contrat avec la Ratp par le fait qu’elle avait investi seule sur le matériel roulant. Mais, « Le Monsieur français » s’est fait interpeller le lendemain parce que si Paris est « exceptionnel, Venise l’est au moins tout autant! »

Voilà ce qui aurait pu fonder les craintes du président Roncucci, qui, après tout, n’est pas responsable des opinions de ses adhérents. En tout cas, l’Asstra ne peut pas être accusée de trainer les pieds car elle a fait un travail très complet et très méticuleux pour préparer les échéances à venir, qu’il s’agisse du périmètre des appels d’offres, de la durée des contrats, des données nécessaires, de la propriété des moyens de production ou des clauses sociales.

Le Bercy italien indexera le fonds de développement accordé à chaque région sur la proportion de marchés de transport public soumis à appels d’offres

Et le financement dans tout cela, puisque c’était l’autre thème du congrès ? Là il y a eu consensus des parties italiennes pour critiquer une mesure, pour le coup très pro-réglementation européenne, prise par le décret loi 50/2017. L’article 27 du texte prévoit ni plus ni moins que le montant du Fonds de développement accordé à chaque région sera réduit en proportion des marchés de transport public local qui ne seraient pas soumis à appel d’offres. La pénalité sera équivalente à 15% du montant des contrats exclus de la concurrence. Et que l’on n’aille pas soupçonner une mauvaise action du Bercy italien: c’est bel et bien une incitation à la concurrence puisque les sommes non affectées seront redistribuées entre les autres régions. Le malheur des uns aura beau faire le bonheur des autres, la pilule passe mal. La concurrence à marche forcée aussi.
A. B.


Vélos à assistance électrique:
l’Assemblée dans la roue de l’Etat

La suppression de la prime à 200 euros pour l’acquisition d’un vélo électrique sera bel et bien remplacée par un nouveau dispositif dès l’année prochaine. Le PLF 2018 comporte en effet un amendement du gouvernement en ce sens. On se souvient que l’annonce de cette suppression avant même les Assises de la mobilité avait causé quelque émoi parmi les défenseurs des mobilités actives.

Le versement d’une prime à l’acquisition de VAE sera soumis à l’existence d’une aide des collectivités locales. Bercy veut-il tuer le dispositif à petit feu?

Le gouvernement a choisi d’affecter 5 millions d’euros (en plus des 10 millions déjà inscrits au PLF 2018) au soutien à l’acquisition de vélos à assistance électrique (VAE), quand plusieurs députés souhaitaient 30 millions. Surtout, les versements seront désormais conditionnés à deux critères: le niveau de ressources des bénéficiaires et le versement par les collectivité locales d’une aide à l’acquisition de VAE.

La proposition a un peu animé l’hémicycle le 9 novembre dernier. Plutôt tous d’accord pour, à la fois, regretter les effets de stop and go des mesures incitatives et apprécier le principe du retour d’une mesure incitative, les députés présents ont divergé sur la conditionnalité des aides. «C’est une atteinte au principe d’égalité des citoyens», a avancé Delphine Batho. Aujourd’hui, les élus communistes embraient et dénoncent l’usine à gaz en préparation. «Seul un nombre limité de collectivités pourrait mettre en œuvre un tel dispositif, ce qui reviendrait à n’en faire bénéficier que quelques rares bas revenus habitant dans des collectivités riches pro-vélos», expliquent-ils. Il n’en faut guère plus pour en conclure que Bercy peut avoir imaginé un tel mécanisme pour limiter l’encouragement, a fortiori parce qu’il faudra un décret pour en fixer les détails. Surtout, personne ne porte publiquement la question de la praticité du nouveau dispositif, bien moins lisible pour le citoyen qu’une aide directe d’Etat.

Bercy craint certainement la pérennisation d’un effet d’aubaine qui pourrait contrarier le développement puis la stabilisation de l’offre industrielle. Sur le fond, c’est un risque qu’on a déjà connu avec la prime à la casse automobile. Mais en l’occurrence, on est encore loin d’une telle situation pour le VAE en France, qui avec 134000 unités vendues en 2016 n’en est qu’au début de sa progression. A titre de comparaison, il s’en est vendu 605 000 en Allemagne sur la même période. La piste cyclable est encore longue.

Vélos volés: de l’utilité du marquage et des trackers

L’histoire est bien racontée par Olivier Schneider, président de la FUB (Fédération des usagers de la bicyclette). Il y a tout juste une semaine, une employée de la Poste se fait dérober son vélo à Paris. Mais ce que n’a pas remarqué le voleur, c’est qu’il était équipé d’un dispositif de marquage appelé Bicycode. A l’aide d’un tracker, la police retrouve donc très vite le vélo volé, à Gagny, dans la banlieue est de Paris, en compagnie de… 75 autres vélos, tous volés depuis moins de quinze jours. Ils étaient en instance de recommercialisation, probablement à l’étranger.

Une telle histoire est une aubaine pour la FUB, qui demande donc la généralisation de l’identification des vélos et le développement du marquage dès la fabrication des matériels (c’est l’une de ses 26 propositions fournies dans le cadre des Assises de la mobilité). Le vol des vélos est en effet un frein majeur au développement des mobilités actives, avec les questions liées aux infrastructures et à la sécurité.

PARCOURS

Du quai d’Orsay à la SNCF

Agnès Romatet-Espagne ne sera pas restée longtemps porte-parole du Quai d’Orsay. Nommée en juillet dernier, cette cadre expérimentée du ministère des Affaires étrangères depuis 1983, devenue ministre plénipotentiaire 2ème classe, a été recrutée par Guillaume Pepy pour devenir directrice de l’International. En tant que directrice générale adjointe, elle intégrera le Comex de SNCF Mobilités lors de son arrivée au mois de décembre.

Le président de la SNCF cherchait depuis cet été une personnalité susceptible de renforcer les relations internationales de haut niveau de son entreprise, indispensables au soutien des compétitions commerciales. Le profil de poste était particulièrement tentant, puisque selon nos informations, alléchés par la perspective, plusieurs anciens ministres avaient exprimé leur intérêt pour le job. Le recrutement d’une professionnelle reconnue des relations internationales, très connectée au réseau diplomatique, consacre en tout état de cause la poursuite d’une stratégie internationale très offensive.

De Transdev à la mairie de Massy

Son élection est tout sauf une surprise, tellement il s’y préparait avec constance depuis plusieurs années. Nicolas Samsoen, ex-directeur de la Stratégie de Transdev (et de la SNCF), vient d’être élu maire de Massy, dont il était jusqu’alors le premier adjoint. Il ne quitte pas complètement le secteur de la mobilité puisqu’il reste conseiller du PDG de Transdev Thierry Mallet.

De la Normandie à la présidence de Régions de France

Après les dernières élections régionales, il avait été mis sur une voie de garage politique, au haut conseil du secteur ferroviaire – probablement parce que centriste et minoritaire. Oui mais voilà, l’étiquette centriste a retrouvé des couleurs avec la victoire d’Emmanuel Macron. La retraite politique de Philippe Richert lui a donc ouvert un boulevard: Hervé Morin vient d’être élu président des Régions de France à l’unanimité.

Plusieurs questions se posent d’ores et déjà. Rentrera-t-il au conseil de surveillance de la SNCF? Quelle attitude adoptera-t-il à propos de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire? Une chose est sûre: premier président de région à reprendre les TET en activités TER, il mise beaucoup en Normandie sur la SNCF (et Keolis) pour définir une nouvelle politique de mobilité sur l’ensemble de son territoire.


FERROVIAIRE

Les chiffres, c’est bien, mais ça ne suffit pas

Comme promis on s’est plongé avec avidité dans la masse des chiffres livrés la semaine dernière par plusieurs institutions: les indicateurs annuels de la qualité de service d’Ile-de-France Mobilités, l’Observatoire de la mobilité 2017 de l’UTP, les statistiques de l’offre ferroviaire par l’Arafer. Ils sont d’autant plus instructifs qu’ils sont couplés à une analyse tendancielle et à des explications circonstancielles. Dit de façon plus imagée, le chiffre cache parfois la forêt – il paraît donc judicieux d’en tempérer l’interprétation éventuellement trop univoque. Premier exemple, cette semaine, avec les chiffres du marché ferroviaire.


En un an, il peut s’en passer des choses…

En matière de transport ferroviaire, 2017 n’est pas 2016. Annus horribilis, 2016 a vu les chiffres de fréquentation plonger, aussi bien pour le TGV que pour le TER et le fret, du fait, pêle-mêle, des attentats de 2015, de la poursuite de la crise économique, des mauvaises récoltes, des grèves du printemps, des défaillances de qualité de service etc. En 2017, la plupart des trafics, mis à part le fret qui est toujours plus long à se remettre des grèves, vont beaucoup mieux: probablement près de 9% pour le TGV sur l’année, + 4,8% pour le TER au premier semestre. Du coup, la photographie de l’Arafer alimente de facto une analyse critique de la performance commerciale qu’il faudrait réévaluer à l’aune des actions menées: intégration de l’offre TER dans l’appli SNCF, évolution de la tarification du TGV, bons résultats des deux nouvelles LGV mises en service etc.

… que les statistiques officielles ne révèlent pas toujours…

On a bien compris que l’antienne du moment consistait à mettre en cause la pertinence d’une part non négligeable de l’offre ferroviaire. Pourquoi pas, quand l’évidence s’impose du fait d’évolutions démographiques, économiques, ou parce que d’autres modes de transport offrent des solutions bien plus convaincantes. Mais de là à utiliser les plus mauvais des chiffres sans prendre en compte le contexte, il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir. Et c’est Mobilettre qui le dit, peu suspect de complaisance envers les responsables d’une politique ferroviaire à bien des égards insatisfaisante depuis des années.

Prenons l’exemple du surcroît de fréquentation du TGV Bordeaux-Paris, obtenu malgré une ponctualité défaillante relevée par Mobilettre au début de l’automne. D’après les informations que nous avons pu recueillir, il n’est pas du tout limité à un transfert des voyageurs de l’aérien, d’ailleurs pour l’instant plus faible que ne le redoutait Air France, qui n’a supprimé que trois allers/retours Orly-Mérignac (et bientôt quatre). Une bonne part des voyageurs supplémentaires provient bien des TER. Comme quoi la qualité de l’effet réseau, à coups de correspondances bien faites, d’intégration tarifaire et de ponctualité, est un vrai facteur d’attractivité ferroviaire en général. Un tel constat va à contre-courant des simulations de trafic portées par SNCF Mobilités, qui ne croit que fort peu au trafic induit – c’était déjà le cas pour la LGV Est. Est-ce dans le seul but d’abaisser le TRI (taux de rentabilité interne)?

On pourrait étendre le constat à d’autres lignes TER sauvées ou boostées par une refonte de la grille horaire ou une nouvelle intermodalité réussie avec l’urbain: l’attractivité du ferroviaire régional est étroitement corrélée à la qualité de son intermodalité.

… et qui pourraient servir de base à une autre politique de développement

C’est donc une pierre jetée dans la mare d’un certain malthusianisme ferroviaire. Dans de nombreux pays européens, le train reprend des couleurs à la faveur d’une amélioration de sa performance et d’une intermodalité de qualité. D’ailleurs, le succès des Intercités 100% Eco montre la pertinence d’offres cohérentes – en l’occurrence moins chères mais confortables. Il est donc grand temps de laisser les manettes de l’offre aux acteurs régionaux et locaux qui voudront poser les bases d’une nouvelle logique des déplacements, à la condition d’une poursuite du transfert des moyens et des responsabilités (y compris en matière d’ouverture à la concurrence). A ce titre la récente parution du décret qui spécifie les conditions d’un transfert de propriétés des petites lignes aux collectivités régionales est un pas important car symbolique: s’il y a une solution locale, pourquoi ne pas la tenter?

Les Assises ont déclenché quelques mobilisations locales de nature à convaincre le gouvernement de prendre en compte la possibilité d’autre chose. C’est le cas pour l’étoile de Veynes, dans les Alpes du Sud, menacée du fait du coût élevé d’exploitation. Très macronien, le process qui consiste à écouter les utilisateurs du quotidien y est porté par le député radical de gauche des Hautes-Alpes Joël Giraud, rallié à En Marche et rapporteur général du Budget – ce qui lui donne un certain poids. Peut-il déboucher, dans ce cas précis, sur une autre façon d’envisager une desserte ferroviaire de montagne? Ce serait, d’une certaine façon, un effet boomerang : puisqu’il faut écouter les voyageurs du quotidien, écoutons-les tous, y compris quand ils bousculent les modèles technos!

Fret ferroviaire: la force du terrain

Et si le fret montrait à sa manière la voie d’un renversement du paradigme ferroviaire? En six petites années, les OFP (opérateurs ferroviaires de proximité) ont capté 10% des tonnages en circulation sur le réseau hexagonal. Le chiffre, abondamment commenté à l’occasion du colloque annuel d’Objectif OFP le 15 novembre à Levallois, est spectaculaire. Il révèle le potentiel d’innovation des territoires qui entendent se mobiliser pour rester connectés au réseau hexagonal et à l’Europe. Et tout d’un coup, on redécouvre qu’en Allemagne, le wagon isolé représente 45% du trafic!

La leçon doit être méditée par l’Etat, qui à rebours des nouvelles évidences (la vertu environnementale et sociale du fret ferroviaire, la saturation des axes routiers, la pénurie de conducteurs routiers etc) semble avoir renoncé à une politique ambitieuse. On peut le comprendre, tellement il s’est ridiculisé dans son soutien aveugle à Fret SNCF. Mais les temps ont changé.

Car on a entendu à Levallois que c’est la carence de l’offre qui pénalise le fret ferroviaire, et certainement pas un défaut de la demande – les chargeurs ont compris les nouvelles obligations de l’exemplarité environnementale. Ces derniers ont besoin de croire à la pérennité des politiques publiques, à la permanence d’efforts en faveur de la qualité de service et de la productivité, et surtout à l’abandon définitif des signaux désastreux. Il faut en finir avec l’inflation ferroviaire, avec la surréglementation, avec la variabilité des tarifications de l’infrastructure, ces trois boulets qui dissuadent encore et toujours de venir au fret ferroviaire.

Le dynamisme des acteurs présents à Levallois est un bel encouragement à sortir le fret ferroviaire du corner dans lequel les pertes de Fret SNCF l’ont plongé. Bien connecté aux ports que le Premier ministre Edouard Philippe entend fortement redynamiser, il pourrait contribuer à redorer le blason de la France industrielle et agricole.

ILE-DE-FRANCE ligne 18

A Saclay, terrain glissant, public nombreux,
député en formation

Samedi 18 novembre se tenait dans un amphithéâtre de Centrale Supelec à Gif-sur-Yvette, une réunion publique à l’initiative d’associations locales globalement peu fanas de la ligne 18 du Grand Paris Express et des trois députés concernés, tous La République en Marche. Mobilettre y participait.


Ce fut l’aveu de la journée. Cédric Villani, très brillant mathématicien et nouveau député En Marche, avouant en substance devant une assistance très respectueuse de son aura: «C’est important de s’appuyer sur les maires. Finalement, la démocratie représentative, ça a quelques vertus.» Tiens! voilà donc les ex-nouveaux hérauts d’une démocratie revitalisée par la base qui redécouvrent quelques mois après leur triomphe électoral le rôle des échelons intermédiaires. A peu de choses près, c’est d’ailleurs le discours qu’a tenu hier le président de la République Emmanuel Macron aux maires de France: «J’ai besoin de vous». Comment sera perçue une telle conversion? Authentique? Opportuniste? Ce qui est sûr, c’est qu’en fin de réunion, à Gif-sur-Yvette, dans la froidure du plateau de Saclay, quelques reproches ont commencé à poindre de façon virulente dans les tribunes. On avait effectivement plutôt entendu la parole des élus que celle des simples citoyens.

La préférence du député Villani va désormais à une liaison en aérien d’Orly à Saclay, puis enterrée vers le Nord

Du coup, le nouveau député Villani, accompagné de l’opportuniste Amélie de Montchalin (une juppéiste passée macroniste), a pu glisser assez tranquillement, sans crier gare, que sa préférence allait à une ligne 18 en aérien d’Orly à Saclay, puis à un enfouissement jusqu’à Versailles. On a comme le sentiment que son opinion pèsera au moment des arbitrages. «Il apprend vite la politique», constatait à la fin des débats, mi-amusée mi-fataliste, une habitante du plateau.

Autant dire que les opposants au projet, qui ont eu le grand mérite de tenir la ligne d’une conférence ouverte à tous les avis, se sont fait un peu déborder au moment de l’emballage final, par les élus habitués à la joute publique mais aussi par les représentants des «opérateurs», qui maîtrisent bien leur sujet. Ainsi Laurent Probst, DG du Stif, a-t-il bien établi les limites à terme des solutions alternatives à un transport de masse, vu le développement économique de Saclay (c’est notamment le cas du BHNS saturé depuis Massy), quand Antoine Dupin, directeur des relations institutionnelles de la SGP, dépêché en urgence sur ordre de la ministre Elisabeth Borne, rappelait factuellement les différentes étapes de la validation publique.

En face, l’intéressante présentation d’une multiplicité de solutions de proximité pour les liaisons banlieue-banlieue a été un peu perturbée par la mise sur orbite de LA solution miracle locale, dite CarLina, annoncée en coût d’infrastructure à un million d’euros du kilomètre seulement. «Bon sang mais c’est bien sûr!», disait le commissaire Bourrel en épilogue de la série des Cinq dernières minutes. Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt? Sans préjuger de la pertinence de cette innovation géniale, il y a toujours loin de l’évidence à la mise en œuvre.

Une certaine décorrélation entre la nouvelle offre de la ligne 18 et les besoins de mobilité de la main-d’œuvre suffit-elle à invalider le projet?

Surtout, c’est la vision politico-urbanistique qui sous-tendait les arguments des opposants qui est apparue un brin anachronique. Jacqueline Lorthois, urbaniste et socio-économiste des bassins d’emploi, a basé toute sa démonstration de l’inadéquation de la ligne 18 sur la décorrélation entre la nouvelle offre de transports et les besoins de mobilité de la main d’œuvre. En gros, les habitants du secteur concerné par la ligne 18 travaillent très majoritairement à proximité de l’endroit où ils vivent, donc elle ne leur bénéficiera point. Vision statique et un peu étriquée d’un territoire, qui sent bon le repli sur soi et fait fi de la plupart des mobilités contemporaines: celles liées aux loisirs mais aussi aux déplacements professionnels non réguliers, celles des étudiants, PMR et touristes, qui constituent dorénavant des contingents conséquents du transport public.

C’est d’autant plus dommage que le débat sur l’opportunité et le calendrier de la ligne 18 mérite d’être posé, comme le revendiquaient Marc Pélissier, président de l’AUT, et Jean-Noël Chapulut, du Cercle des Transports, au nom de la priorité des urgences. Faut-il engager un tel investissement alors que la modernisation des RER est un impératif absolu?

Idéologie de la proximité territoriale contre logique socio-économique structurante de long terme: par instants l’affrontement stérile semblait pouvoir être dépassé. On a un peu essayé de porter la bonne parole d’une mobilité multimodale créatrice de nouveaux comportements, indispensables à la performance de toute nouvelle infrastructure, grâce à la qualité des lieux d’intermodalité et à l’émergence de solutions innovantes. La porte s’est vite refermée. A Saclay, la synthèse est apparue si difficile. Pour réconcilier la vision globale d’un aménagement prospectif et les réponses concrètes aux besoins quotidiens, il faudrait décloisonner tant de gouvernances. G. D.


INVITATIONS

Colloque RATP en partenariat avec Mobilettre

40 ans du RER: et demain?

Le 4 décembre de 14h30 à 18h à Paris

Mobilettre vous invite à participer à ce grand colloque dans la limite des places disponibles. Inscriptions réservées aux abonnés, à solliciter par mail.

  • Ouverture par Catherine Guillouard, Valérie Pécresse et Elisabeth Borne
  • Le RER et l’aménagement du territoire. Avec Jean-Jacques Barbaux, président du conseil départemental de Seine-et-Marne, Pierre Veltz et Frédéric Leonhard)
  • Le RER territoire d’innovation en continu. Avec Mathieu Dunant, Jean-Claude Zabee et Denis Masure
  • Le futur du RER. Avec Cyril Condé, Alain Krakovitch et un représentant de l’Etat.

Conférence annuelle EPSF (établissement public de sécurité ferroviaire)

Le numérique, risques et opportunités

Le 5 décembre de 9h à 17 heures

20 places sont réservées aux abonnés de Mobilettre qui souhaitent assister à cette conférence annuelle organisée par l’EPSF. Demandes à adresser par mail avant le mardi 28 novembre.

Au programme de la journée, introduite et conclue par Florence Rousse, directrice de l’EPSF, quatre tables rondes:

  • Les risques cybersécurité sous l’angle de la sûreté
  • La conduite du changement numérique en toute sécurité
  • Quel niveau de confiance dans la simulation numérique
  • Optimiser la surveillance des infrastructures (avec l’intervention de Mathieu Chabanel, SNCF Réseau)

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