Rendez-vous pour tout de suite

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par Gilles Dansart


Rendez-vous
pour tout de suite

Le pire politique a été évité mais il est impossible de s’en contenter. Réforme de la gouvernance publique, nouvel horizon écologique et social: de la réponse à ces deux priorités dépendra la suite du quinquennat. Il y a urgence, mais ce n’est pas gagné.


Jeudi dernier, in extremis, sur le site de la campagne d’Emmanuel Macron, ces quelques engagements:
– Accélérer les investissements dans les RER métropolitains, les Intercités de nuits et de jours, les transports en communs, les gares multimodales et la régénération des petites lignes ferroviaires, afin de rendre plus confortable et performante l’offre de voyages en train.
– Développer encore la pratique du vélo en France via l’investissement renforcé dans l’infrastructure cyclable.
– Poursuivre notre politique de développement d’un transport et d’une logistique économiquement et écologiquement efficace, notamment par le soutien au fret ferroviaire et au transport fluvial.

Il a donc fallu attendre le 21 avril, trois jours avant le second tour de l’élection présidentielle, pour que soit abordé le thème de la mobilité autrement que par le prisme de la voiture individuelle. Et encore, «abordé» est un mot trop fort, «survolé» conviendrait mieux à ces phrases généreuses qui ne coûtent rien. Epilogue pathétique d’une campagne électorale si faible sur le fond des sujets.

Passons donc à la suite, et à l’essentiel: les cinq années à venir

Dans son discours devant la Tour Eiffel, Emmanuel Macron a fixé deux priorités qui concernent au premier chef les professionnels de la mobilité que vous êtes, et les Français dans leur ensemble: «L’invention collective d’une méthode refondée» (sic) de gouvernance publique, «la mise en œuvre de l’impératif écologique». Dans l’hypothèse fortement souhaitable que ce ne soient pas que des mots de circonstance, ils méritent d’être étoffés, travaillés, et surtout, traduits en actes clairs et concrets.

La possibilité d’une nouvelle décentralisation massive fut esquissée: pourquoi pas!

Une méthode refondée, comment ne pas y souscrire? Entre la verticalité technocratique et les obsessions comptables du gouvernement Philippe, et la gestion approximative mâtinée de saupoudrage électoraliste de l’équipe Castex, aucune gouvernance modernisée ne s’est dégagée en cinq ans, si ce n’est le renforcement du poids de Bercy à mesure que les ministères perdaient de leur puissance – a fortioriquand le locataire de Roquelaure préférait fréquenter les aéronefs plutôt que les réunions interministérielles. Pendant la campagne électorale la possibilité d’une nouvelle décentralisation massive fut esquissée: pourquoi pas, puisque les politiques d’Etat échouent les unes après les autres à changer vraiment la vie quotidienne de nos compatriotes. A condition que les collectivités locales ne soient pas atteintes du même syndrome que les quartiers généraux, une nouvelle étape de décentralisation avec un transfert substantiel de fiscalité directe pourrait augurer d’une nouvelle ère. La pression des électeurs peut être un accélérateur de réformes. La prétention des appellations législatives (confiance en la justice, résilience climatique) ne suffit plus à cacher de piètres résultats, tellement la machine à décrets et arrêtés ne déclenche que difficilement quelques changements.

Il faudra aussi donner une nouvelle et forte impulsion à la priorité écologique, qui ne ressorte ni d’une logique punitive ni d’un opportunisme superficiel. D’évidence une majorité de nos concitoyens y sont prêts, à condition de sortir des prêches généraux et des mesures anecdotiques. Où l’on en revient à l’harmonisation des temporalités – ne céder ni au romantisme des grands projets, pour reprendre l’expression de David Valence, ni à la facilité des tout petits pas.

Le fret ferroviaire, le vélo, les transports collectifs urbains et périurbains sont d’ores et déjà prêts au grand saut de la croissance

C’est possible si l’on s’en donne quelques moyens financiers et une forte volonté politique. Et c’est vraiment possible à court terme dans un secteur des transports qui commence enfin à comprendre qu’il n’a plus l’éternité devant lui. Le fret ferroviaire, le fluvial, le vélo, les transports collectifs urbains et périurbains sont d’ores et déjà prêts au grand saut de la croissance. Même le ferroviaire voyageurs pourrait sortir du malthusianisme, vu les capacités disponibles sur le réseau, si le gouvernement voulait bien donner le coup d’envoi d’une inversion de paradigme – péages moins chers, modernisation de l’entreprise historique et développement de la concurrence.

Emmanuel Macron a avancé le principe d’une planification écologique, assortie du retour d’une stratégie publique débarrassée de ses oripeaux court-termistes. Chiche! Une politique de croissance des offres collectives nous semble éminemment complémentaire de la transition vers les véhicules individuels électriques, à la condition express d’un développement massif des lieux d’intermodalité. Le sous-financement chronique de Gares & Connexions, comme le dédain persistant dans lequel sont tenus les usagers multimodaux, appellent là aussi une réforme des gouvernances: il est possible d’envoyer des signaux rapides et immédiats à nos concitoyens en facilitant l’évolution de leurs comportements.

La logique de la Vè République conduit l’exécutif à rechercher exclusivement une majorité absolue à l’Assemblée, pour se donner les mains libres. Pourtant, étant donné les circonstances de ce scrutin d’avril 2022 (vote utile et vote de défiance ont supplanté les votes d’adhésion), l’hypothèse d’une majorité de coalition élargie, plutôt qu’une cohabitation subie ou une majorité bricolée après le 16 juin, pourrait favoriser la mise en place d’un programme écologique et social de transformation. Et si l’audace politique du moment consistait à admettre qu’il ne faut plus gouverner seul ou à quelques-uns, pour répondre à l’urgence écologique et sociale et éviter la fatalité des extrêmes dans cinq ans? Après un quinquennat de suffisance et d’insuffisances, une telle mue est-elle encore possible?

Hubert du Mesnil viré
du Lyon-Turin

ça finit mal… Avant de plier bagages, le gouvernement Castex va procéder à une petite opération qu’une gouvernance exemplaire des affaires publiques devrait interdire. Selon nos informations, Hubert du Mesnil sera débarqué sans ménagement cette semaine de la présidence de TELT (Tunnel euralpin Lyon-Turin) au profit de Daniel Bursaux, haut fonctionnaire tout juste retraité (ancien DGITM et directeur de l’IGN, il a quitté la vice-présidence du CGEDD le 15 janvier dernier).

Sauf à ce qu’il soit reproché quelquechose de tangible à Hubert du Mesnil (et à notre connaissance rien de tel n’existe), il aurait été préférable de respecter le calendrier du projet pour changer de président – ce qui n’aurait pas manqué d’arriver prochainement: deux procédures relatives à des contrats très conséquents pour l’avenir de la liaison transalpine sont en cours, l’un sur le creusement côté italien, l’autre sur les équipements ferroviaires. Surtout, il est probable que nos voisins italiens n’apprécient guère ce genre d’opération peu respectueuse de la co-gestion binationale (TELT est une société franco-italienne, avec Mario Virano comme directeur général). Et même si les statuts de TELT attribuent à la France le droit de nomination du Président. Toujours aussi arrogants, ces Français…

Hubert du Mesnil suit le projet Lyon-Turin depuis plus de vingt ans, depuis l’époque de Jean-Claude Gayssot et Louis Besson. Daniel Bursaux, dont on ne saurait remettre en cause la compétence ni le dévouement, s’inscrirait plutôt dans une relation assez distanciée de la haute administration française à l’égard du projet Lyon-Turin. Cette nomination annonce-t-elle donc une revue stratégique? A notre connaissance, même pas…

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