MobiAlerte 115 – 13 février 2024

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MobiAlerte 115 – 13 février 2024

Tarification ferroviaire : le Conseil d’Etat sanctionne SNCF Réseau sur la forme et renvoie les régions sur le fond

En audience hier lundi 12 février, la rapporteure publique a critiqué le manque de transparence du gestionnaire d’infrastructure sur la construction du DRR (Document de référence du réseau) tout en n’accueillant pas les arguments des collectivités sur la non-soutenabilité et l’inefficacité des augmentations tarifaires.

Après la douche froide, la douche tiède. Il y a dix jours le Conseil d’Etat rejetait le recours de huit régions contre l’avis de l’ART (Autorité de régulation des transports) sur la tarification ferroviaire, pour des raisons purement formelles – l’avis conforme de l’ART était un acte préparatoire à la décision de publication de l’ART et n’était donc pas, en tant que tel, un acte susceptible de recours. Hier, en séance publique, c’est l’inverse qui s’est produit à propos de leur recours contre les augmentations tarifaires fixées par SNCF Réseau: la rapporteure Dorothée Pradines a validé leurs positions sur plusieurs points de forme:

Le droit de contestation du DRR dans sa globalité.

L’irrégularité de la procédure (la publication de la version 2 du DRR s’est faite le lendemain de l’expiration du délai de recueil des avis des autorités organisatrices).

L’absence de transparence tant dans le DRR qui ne permet pas de recalculer les coûts, que dans le cadre de la consultation amont.

L’insuffisance de la consultation des associations d’usagers.

En revanche, la douche n’est pas chaude car sur le fond, les régions peuvent ce matin s’estimer déçues : le Conseil d’Etat, dans la décision qu’il rendra au cours des prochaines semaines, devrait rejeter les arguments relatifs à l’inefficacité de la tarification et, surtout, à son insoutenabilité pour leurs budgets. C’était un point majeur du contentieux qu’elles portaient. Las ! les conseillers ne semblent pas prêts à revoir leur jurisprudence sur le sujet.

Invité par Mobilettre à commenter les conclusions de la rapporteure publique, SNCF Réseau ne cache pas une forme de soulagement : «Si elles proposent une annulation sur la forme, ces conclusions ne remettent pas en cause les fondements de la tarification adoptée par SNCF Réseau.» Concrètement, le DRR 2024 est annulé mais avec un effet ultérieur au 1er octobre prochain, ce qui ne satisfera probablement pas les régions. Elles pourraient être tentées de poursuivre leur contestation juridique sur la soutenabilité de la tarification ferroviaire, alors que s’annonce la prochaine publication du rapport de l’IGF et de l’IGEDD sur le sujet, qui ne devrait pas selon nos premières informations receler de recommandation en faveur d’une baisse tendancielle à même de favoriser la croissance des trafics.

La commission de déontologie du système ferroviaire donne un avis défavorable au transfert d’Isabelle Delon à la SA SNCF

Il faut aller chercher loin dans l’arborescence du site de l’ART qui héberge la commission de déontologie du système ferroviaire, pour trouver un fichier Excel qui liste ses avis, distillés à quelques reprises chaque année. Hier, elle a donc sobrement mis à jour ce fichier en signalant son avis défavorable, rendu le 6 février dernier, au projet de mobilité professionnelle du «Directeur général adjoint Clients et Services de SNCF Réseau». Isabelle Delon était en effet pressentie pour devenir «Directrice de l’engagement, social, territorial et de l’environnement au sein de la SNCF».

Cette Commission donne rarement des avis défavorables – trois en huit ans. En l’occurrence, celui-là témoigne d’une sensibilité de plus en plus grande aux conditions de développement de la concurrence ferroviaire. Plusieurs opérateurs avaient fait part à Mobilettre (lire Mobitelex 439) de leur émoi face au projet d’Isabelle Delon – non pas qu’ils mettent en doute sa probité personnelle, mais au regard de son accueil au sein de la SA SNCF. «En tant qu’interlocutrice privilégiée des opérateurs alternatifs à l’opérateur historique, elle détient des informations sensibles et majeures. A ce titre, elle ne peut d’une façon ou d’une autre relever d’un management impliqué dans la performance commerciale des SA d’exploitation», estimait l’un d’entre eux.

Les dirigeants de la SNCF avaient cru «sécuriser» l’évolution d’Isabelle Delon en ne lui attribuant qu’une partie des prérogatives – les plus «neutres» – de Michaël Lemarchand, qui cumulait le projet «Tous SNCF» et la RSE, et dont le départ est imminent. Cet avis défavorable va certainement modifier leur approche du sujet délicat de la mobilité des cadres dirigeants. Alors qu’ils opposent gaillardement et systématiquement le secret des affaires aux demandes de transparence sur les offres de SNCF Voyageurs, ils restaient jusqu’ici assez «tranquilles» face aux conséquences formelles sur les carrières personnelles du développement de la concurrence. Plus que jamais l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure s’impose comme l’élément majeur de l’édifice d’un système ouvert et équitable.

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