Emmanuel Pitron quitte la RATP pour la CMA-CGM

portraits-pitronbisSecrétaire général du groupe RATP depuis 2011, Emmanuel Pitron était depuis longtemps l’homme de confiance du président Mongin; il ne sera pas celui d’Elisabeth Borne. Le premier octobre prochain, il deviendra directeur de la Stratégie et du Développement du géant mondial de transport maritime, CMA-CGM. Rescapé in extremis de la crise de 2009, le groupe créé par Jacques Saadé en 1978 dessert 160 pays et emploie 20000 personnes (c’est le premier employeur privé de Marseille).

On peut analyser cette décision comme une sorte de départ «trois en un». D’abord celui d’une entreprise, la RATP, où depuis son arrivée en 2006, Emmanuel Pitron s’était imposé comme l’interlocuteur privilégié des partenaires sociaux, institutionnels et politiques, notamment au travers d’un poste stratégique – secrétaire du conseil d’administration. Ensuite, c’est la fin d’une proximité quotidienne avec Pierre Mongin, son mentor depuis la préfecture de Clermont-Ferrand (même si ce dernier, secrétaire général d’Engie, est administrateur depuis quelques années de la CMA-CGM). Enfin, le transport public perd, au moins temporairement, un de ses cadres les plus prometteurs (il venait d’être élu vice-président de l’UTP).

Trois ruptures qui rendent d’autant plus intéressant l’itinéraire dans lequel s’engage un pur produit de l’élitisme républicain. Enarque, passionné de politique publique (lire notre portrait écrit en février 2011), Emmanuel Pitron n’a jamais caché son attirance pour les problématiques industrielles, mais de là à plonger dans le monde de la grande concurrence et de l’instabilité des marchés internationaux, il y a un pas, franchi aujourd’hui avec détermination. On ne sait pas si les lourdeurs du transport public l’ont lui aussi lassé, mais son choix de vie et de carrière oblige, et tranche avec les parcours classiques de la plupart de ses congénères.

Au sein de la RATP, ce départ, après celui annoncé de la directrice de la communication Isabelle Ockrent (elle sera remplacée à l’automne par Anaïs Lançon, lire Mobitelex 113), devrait sonner comme la fin des années Mongin – d’autant plus que Camille Bonenfant-Jeanneney, directrice de cabinet de la présidente, quittera aussi l’entreprise le premier octobre prochain, pour rejoindre son ancien patron à Engie et s’occuper de la nouvelle structuration du groupe. Mais il confirme également l’intention de plus en plus claire de la nouvelle présidente, après une première phase d’écoute depuis son arrivée dans l’entreprise au mois de mai, de renouveler la direction du groupe, probablement dès septembre ou octobre prochain.


Thomas Barbelet nouveau dircom de Keolis

ThBarbeletUn an après l’intégration manquée de Raphaële Rabatel, Keolis va accueillir le premier septembre prochain un nouveau dircom, Thomas Barbelet, 43 ans. Il était jusqu’en mai dernier directeur marque, innovation et communication de Vinci Concessions (depuis 2009), après avoir été un éphémère directeur communication et marketing de Cytia Immobilier (six mois) et directeur adjoint de la communication de Solocal (les Pages jaunes) pendant huit ans.

Jean-Pierre Farandou persiste dans le recrutement d’un profil non-spécialiste du transport et de la mobilité, mais cette fois-ci, la compétence affirmée de Thomas Barbelet dans le développement des marques cadre bien avec l’objectif stratégique de Keolis de développer sa notoriété, à l’international notamment. Le nouveau dircom de Keolis est également un professionnel bien connu dans le milieu, puisqu’il est resté pendant dix ans vice-président de Communication & Entreprises, qui regroupe plus de 1500 professionnels de la communication. Un atout supplémentaire pour faire franchir à Keolis un pas supplémentaire, en lien avec le développement attendu de son chiffre d’affaires (obejctif 7 milliards d’euros en 2017).


EDITORIAL

En août, je doute?

Libéralisation des autocars, COP 21, élections régionales: de septembre à décembre, ces trois rendez-vous vont constituer autant d’épreuves de vérité pour un pouvoir politique et un pays en mal de perspectives. Derrière les inévitables effets de manche médiatiques, il faudra évaluer la portée et la réalité des changements annoncés: juste un peu de cosmétique, ou de nouveaux horizons engageants?

Les cars Macron ouvriront-ils la voie à autre chose qu’une concurrence déloyale envers les transports conventionnés et ferroviaires? Imaginons que les Français assurent durablement le succès des Starshippers, isilines et idBus: le pouvoir va-t-il enfin accélérer le mouvement pour permettre au train de garder sa place originale en France, en menant à bien la négociation du cadre social harmonisé, avant l’ouverture à la concurrence? A défaut, les cars Macron et Blablacar pourraient entamer encore un peu plus la pertinence économique de notre réseau ferroviaire. Au risque de se répéter, la SNCF historique a besoin d’oxygène – la réforme est une première étape qui ne suffira pas à sa transformation. Il faudrait avoir la force d’imposer à Bercy une diminution de la dette pour arracher un accord de compétitivité aux syndicats. Sinon, le scénario de l’atrition, lente mais inéluctable, sera inévitable.

Le scepticisme généralisé devant les projets collectifs affaiblit les structures représentatives de la société française, majoritairement incapables de changer de paradigme pour mieux convaincre.

Les élections régionales valideront-elles la réforme territoriale? Si la participation est à un bon niveau, si les campagnes de l’automne, notamment dans les régions soumises à regroupement, donnent lieu à de vrais débats sur l’avenir des territoires, avec des projets de nature à rassembler les énergies autour d’une nouvelle France territoriale, alors les atermoiements de ces deux dernières années seront oubliés. Des élus plus puissants, avec des compétences clarifiées et renforcées, pourraient émerger enfin, et affirmer quelques logiques économiques que l’Etat n’est plus à même de porter, sinon de façon sporadique ou clientéliste. Chacune des treize régions attend un nouveau souffle politique susceptible de soutenir son tissu entrepreneurial. Pourtant le risque est déjà présent: que les énergies des futurs exécutifs soient accaparées par des problèmes administratifs et organisationnels. L’omniprésence de l’Etat central et les querelles locales pourraient altérer une réforme déjà si timide et embrouillée. Faute de simplicité dans la répartition des rôles et compétences, l’économie de la mobilité ferait les frais d’une réforme trop technocratique.

La COP 21 donnera-t-elle enfin des raisons aux Français de croire massivement aux vertus d’une mobilisation écologique? Jusqu’ici, les incohérences politiques ont contrarié les messages, de «L’écologie ça suffit» de Nicolas Sarkozy au naufrage de l’écotaxe, en passant par les signaux contraires sur le diesel. Au-delà d’un accord planétaire, difficile mais indispensable pour une crédibilité globale, le gouvernement français va-t-il se donner une cohérence susceptible d’encourager plus fortement une économie verte hexagonale et européenne, à même de prendre le relais des productions industrielles en difficulté? Là aussi, le secteur des transports attend des engagements clairs pour une politique jusqu’ici bien peu lisible.

Le scepticisme généralisé devant les projets collectifs affaiblit les structures représentatives de la société française, souvent incapables de changer de paradigme pour mieux convaincre. Nous peinons certes à espérer des métamorphoses (Ségolène Royal soudain cohérente et collective? François Hollande courageux et visionnaire? Nicolas Sarkozy calme et crédible?), mais nous croyons encore aux mobilisations de projets et d’ambitions, portées par des acteurs politiques, économiques et sociaux convaincus et compétents.

En août, je doute. A Noël, la gamelle ou l’étincelle?

GDOK2Gilles Dansart

Je vous donne rendez-vous en septembre, pour une fin d’année qui s’annonce déjà riche en actualités et événements transports.
Excellentes vacances à tous.


En Allemagne, la commission des monopoles
plaide pour l’«unbundling»

Pour son cinquième rapport sur la concurrence sur les marchés ferroviaires, la commission des monopoles, organe consultatif indépendant, porte un jugement sévere sur la situation allemande. D’orientation habituellement libérale, la commission, par la voix de son président, Daniel Zimmer, professeur à l’Université de Bonn, appelle les politiques à plus d’engagement en faveur de la concurrence, qui devrait «profiter à une majorité de citoyens». La commission agit comme un organe de conseil, tant du gouvernement fédéral que du législateur en matière de concurrence et de régulation. En plein débat sur la restructuration de la DB, qui a par ailleurs du mal à se sortir de ses problèmes sociaux, les recommandations de la commission risquent d’avoir un certain écho.

Sur l’organisation même du système, la commission plaide pour une séparation tant institutionnelle que financière entre le gestionnaire d’infrastructures et les transporteurs. Elle considère notamment qu’il y a un manque de transparence sur l’attribution des sillons. Elle estime également que la fourniture des facilités essentielles n’est pas correctement assurée et recommande d’ailleurs un nouveau mode de calcul des coûts de traction.

Toujours dans cette idée de favoriser la concurrence, la commission recommande une privatisation de deux filiales de la DB, DB Schenker, la filiale de transport de marchandises, et DB Logistics, la filaile de transport logistique. Dans le domaine des voyageurs, la commission estime que le principal frein à la concurrence pour le secteur du transport régional est lié au matériel. Pour elle, si les autorités organisatrices n’étaient pas aussi impliquées, un secteur privé aurait une chance de se développer.


Entre Jacques Gounon et l’Etat, le torchon brûle

Un conflit peut en cacher d’autres. Le dernier en date, ouvert depuis quelques jours avec Bernard Cazeneuve, sur la responsabilité de la sécurité du site d’Eurotunnel, succède aux fortes tensions sur le dossier My Ferry Link, mais s’inscrit plus généralement dans un climat de forts désaccords entre l’Etat français et le président d’Eurotunnel.

Ainsi, le 15 janvier dernier, révélait le 12 juillet notre confrère Lionel Steinmann dans Les Echos, l’Etat publiait discrètement un décret dans lequel «la partie française du lien transmanche» se voyait attribuer «des caractéristiques d’exploitation comparables à celles du réseau ferré national». Une drôle de disposition, alors même que le tunnel est binational et que la sécurité ne saurait être assurée de façon disjointe entre Anglais et Français. Pire, une telle disposition, très générale, ne serait-elle pas un préalable à l’application à Eurotunnel des règles sociales du secteur ferroviaire, l’an prochain avec la parution du décret-socle? Tous les salariés ferroviaires d’Eurotunnel deviendraient des cheminots… Jacques Gounon a donc logiquement déposé une requête en conseil d’Etat, en mars dernier.

Volontiers rappelé à ses obligations sociales et sécuritaires par le gouvernement, le président d’Eurotunnel s’appuie sur le soutien de ses actionnaires, et ne manque pas de souligner, comme en juin dernier lorsque nous l’avons rencontré à Calais, que l’Etat ne manquait pas de le considérer comme une entreprise privée, donc dénuée de toute subvention publique, alors même que c’est un acteur majeur de la vie économique locale.

Dans les deux dossiers chauds de cet été, les migrants de Calais et My Ferry Link, le positionnement de la puissance publique interroge. Dépositaire des flux migratoires et de la sécurité publique, elle cherche pourtant à se défausser d’une partie de sa responsabilité sur Eurotunnel; inquiète des tensions sociales sur le port de Calais, elle adopte auprès des acteurs privés, dont elle n’est pas actionnaire, une posture très interventionniste. Manifestement, les mouvements sociaux sont considérés comme les plus hautement sensibles par un gouvernement conscient de sa faible assise politique.


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