Mobitelex 186 – 19 juin 2017

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre

Législatives: rescapés et nouvelles têtes

Un deuxième tour moins radical a permis à plusieurs connaisseurs des transports de s’en sortir. Quelques visages nouveaux peuvent émerger dans la future commission du développement durable. Mais Gilles Savary a trébuché…


C’est l’histoire d’un incroyable gâchis: idéologiquement en phase depuis un an avec la plupart des idées d’Emmanuel Macron, contrairement à un paquet d’opportunistes ralliés à En Marche à la faveur du printemps, le député sortant Gilles Savary (46,46%) a finalement perdu sa circonscription girondine, face à une candidate officielle LREM. Il était, de loin, le meilleur connaisseur des questions de transport à l’Assemblée, sur le ferroviaire comme sur l’aérien ou la route. Il regrettera sans doute longtemps de n’avoir pas pris son risque, le soir du Grand débat Mobilettre/TDIE, et rejoint officiellement le camp Macron…

Son compère Bertrand Pancher (UDI), avec lequel il avait rédigé à l’automne le rapport d’évaluation de la réforme ferroviaire, s’en sort lui in extremis dans la Meuse, comme le respecté Gilles Carrez dans le Val-de-Marne, le socialiste Olivier Faure et la LR Valérie Lacroute en Seine-et-Marne, Delphine Batto (PS) dans les Deux-Sèvres, François-Michel Lambert (LREM, ex-EELV) dans les Bouches-du-Rhône, Martial Saddier (LR) en Haute-Savoie. En revanche trébuchent Jean-Yves Caullet dans l’Yonne, Serge Grouard dans le Loiret, NKM à Paris et Bernadette Laclais en Savoie face à Patrick Mignola (LREM).

Parmi les nouveaux élus susceptibles de s’intéresser au transport, citons Florence Lasserre-David (Modem) dans les Pyrénées-Atlantiques, administratrice du Gart, l’écologiste Eric Alauzet dans le Doubs ou encore Didier Le Gac (LREM), jusqu’alors vice-président transport du Finistère.

A noter que deux salariés de la SNCF feront leur entrée au Parlement:

  • Lauriane Rossi (LREM), 39 ans, élue dans les Hauts-de-Seine. Elle est chargée de mission à SNCF Réseau
  • Benoit Simian (LREM), cadre RH en Aquitaine, déjà élu local en Gironde.

Enfin, l’élection très confortable de François de Rugy en Loire-Atlantique, rallié à En Marche après la primaire de la gauche, pourrait lui valoir le perchoir, qu’il convoite, ou à défaut la Commission du Développement durable, laissée vacante par Jean-Paul Chanteguet. Autres candidats possibles: Patrick Mignola, ex-VP transports de la région Auvergne-Rhône-Alpes et François-Michel Lambert, voire, si En Marche décide de laisser une ou deux présidences aux autres partis, l’expérimentée et compétente Delphine Batho.


RATP: short list et pronostics

C’est cet après-midi, lundi 19 juin, que sera élaborée la short list – entre trois et cinq noms – des candidats à la présidence de la RATP. Dans la foulée, la numéro 2 de l’APE, Lucie Muniesa, et le directeur de la DGITM, François Poupard, devraient recevoir les heureux(ses) nominé(e)s. Le président de la République sera ensuite officiellement saisi de la question. A cette étape de la sélection, les choses sont moins bien fixées: Emmanuel Macron aura-t-il sous les yeux une évaluation des trois ou des quatre ou des cinq, ou bien alors un choix plus resserré en fonction des entretiens et des recommandations des ministres de l’Economie et des Transports, Bruno Le Maire et Elisabeth Borne?

Jusqu’au bout la longue liste des prétendants s’est allongée, le dernier en date à notre connaissance étant Jean-Claude Degand, ex-PDG de Moviken. Manifestement, le mode de désignation des candidats En Marche aux législatives a convaincu nombre de personnalités plus ou moins de premier plan de tenter leur chance, puisque l’époque est à l’ouverture et à la prise de risque. On a même entendu circuler avec insistance la semaine dernière le nom de Ségolène Royal, qui ne s’imagine pas quitter aussi vite la scène et le pouvoir…

Logiquement de nombreux profils ne devraient pas passer la rampe de la première évaluation par le cabinet Progress, effectuée depuis dix jours, au vu des principaux critères exigés: connaissance approfondie des transports, pratique du management, expérience de l’international. L’ampleur des défis autour des concurrences, en Ile-de-France comme à l’international, sur lesquels Elisabeth Borne avait insisté lors du Grand débat Mobilettre/TDIE du 22 mars, demande une maîtrise forte des dossiers.

Pour compenser ses lacunes, Fabienne Keller a tenté un coup de poker très politique la semaine dernière: proposer un ticket avec le directeur général adjoint actuel de la RATP, Philippe Martin… manifestement sans le solliciter. Ce dernier a réaffirmé sa pleine et entière candidature personnelle au poste de président, basée sur sa connaissance de l’entreprise et sa légitimité parmi le personnel.

Il pourrait se retrouver dans le sprint final, au même titre que Sandra Lagumina, très (trop?) active dans les réseaux macroniens et très éphémère DGA d’Engie, Bruno Angles, parcours public-privé et stature internationale, et Sophie Mougard, dont la maîtrise et l’expérience en imposent naturellement. Le mystère reste entier autour des candidatures présumées de cadres SNCF (Alain Krakovitch et Florence Parly), rapportées vendredi dernier par notre confrère les Echos: peut-on devenir patron(ne) de la RATP juste après avoir été cadre dirigeant de la SNCF?

De la même façon qu’il a surpris en nommant au gouvernement des personnalités en fonction de leur qualification, Emmanuel Macron devrait logiquement tenir sa ligne: la compétence au détriment du parrainage, qu’il soit politique, amical ou de réseau. L’annonce de l’heureux(se) élu(e), qui planchera ensuite devant les commissions parlementaires, devrait intervenir dans la semaine du 26 juin.


ANALYSE

Quelle feuille de route pour Elisabeth Borne?

Comment porter une ambition sans milliards? Dans son programme, l’équipe Transports d’En Marche affirmait vouloir échapper à la logique des nouvelles infrastructures pour privilégier enfin les services de mobilité du quotidien des Français. Une fois arrivées au pouvoir, les équipes se trouvent devant une équation complémentaire, et terrible pour tout gouvernement: comment établir et diffuser une feuille de route qui ne paraisse pas palichote au regard d’autres secteurs?

Au moment de proposer au Premier ministre ses éléments de programmation et de financement, Elisabeth Borne cherche d’une certaine façon les signes positifs d’un changement de paradigme, inéluctable depuis le rapport Duron qui préconisait d’en finir avec les desseins pharaoniques – on sait d’ailleurs que les grands chantiers profitent assez peu à la main d’œuvre locale, beaucoup plus aux actionnaires des grands groupes de BTP, qui par ailleurs vont très bien, grâce aux énormes chantiers du Grand Paris.

De toute manière, il n’y aurait pas le choix: le rapport imminent de la Cour des comptes sur l’état des finances publiques devrait définitivement régler le cas des investissements budgétivores, style autoroutes nouvelles et LGV. Priorité, donc, à…

A quoi, justement.

Comment incarner autrement l’action des pouvoirs publics sur les cinq prochaines années, autrement que par l’infrastructure miraculeuse, autrement que par des injonctions sans lendemain à la performance? Selon nos informations, les opérateurs publics, au premier rang desquels la SNCF, seraient priés d’améliorer spectaculairement leur productivité et leur qualité de service. La nouvelle ministre le sait bien: on ne peut pas tout faire porter à l’infra, une bonne partie des causes de dysfonctionnement sont de la responsabilité des entreprises. Il est temps d’affronter cette réalité-là, qui induit un management différent de la production, notamment. Tiens! nous avions annoncé il y a quelques semaines le travail d’un groupe de haut niveau au sein de la SNCF, baptisé Robustesse, justement pour affronter ce rendez-vous inéluctable de la qualité de service (lire Mobitelex 181).

Mais ça ne suffit pas… Manifestement, le changement de paradigme doit s’accompagner d’un changement de méthode: l’Etat ne peut plus tout non plus, et doit accepter le fait que la plupart des solutions appartiennent désormais aux collectivités (régionales et urbaines) et aux opérateurs, y compris BlaBlaCar, dont la ministre a reçu le président Mazzella dans son bureau, avant même les trois présidents de la SNCF (Saint-Geours, Pepy et Jeantet), mercredi dernier.

Et si une nouvelle politique nationale consistait à encourager l’adaptation des gares et pôles d’échange, la mise au point de plates-formes numériques œcuméniques et facilement accessibles aux Français, le développement de solutions nouvelles pour la desserte des zones rurales, qui se sentent exclues des modernités contemporaines? S’occuper des Français, c’est aussi répondre à leurs besoins immédiats.

Il n’est pas certain que le Premier ministre, lors de son discours de politique générale du 4 juillet, ait le temps de détailler cette ambition, mais on pressent qu’il devrait chercher à concrétiser aussi sur le terrain des transports le mot d’ordre d’En Marche qui consiste à faire de la politique autrement, en tout cas autrement que par de grandes promesses de lendemains qui chantent et par des annonces à milliards. En recevant Elisabeth Borne à l’Elysée mardi 13 juin, le président Emmanuel Macron a probablement donné personnellement quelques orientations pour tenir cette ambition…


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EXCLUSIF

Un logo, c’est simple comme un coup de colle!

Mobilettre avait révélé il y a un mois (lire Mobitelex 183) le nom de la nouvelle marque du Stif, destiné à s’afficher désormais partout en Ile-de-France, notamment sur les matériels roulants. Son nom: Ile-de-France Mobilités. Restait à trouver une identité graphique. La voici, en exclusivité.

Nous sommes allés faire un tour sur le site de l’Inpi (Institut national de la propreté intellectuelle), au cas où le nouveau logo aurait été enregistré. Bingo! nous l’avons trouvé. Une exclu, c’est parfois simple comme un coup de chance…

Manifestement sa création fut aussi des plus simples: vous prenez le logo du Conseil régional en lui enlevant juste son petit emblème stylisé en from d’étoile, vous lui ajoutez le logo du Stif sans le mot Stif, et hop! le tour est joué! Juste des couleurs à ajuster, le mot Mobilités à rajouter. Pas de gamberge artistique, pas de gros budget inutile…

On peut clairement interpréter cette nouvelle marque comme un symbole supplémentaire de la prise de contrôle de la Région Ile-de-France sur l’autorité organisatrice Stif, qui est pourtant un Etablissement public à part entière, et dont le conseil d’administration comprend des représentants de toutes les collectivités franciliennes.


EXCLUSIF

Pascal Auzannet, le livre des secrets

Voilà une contribution à l’histoire du Grand Paris qui ne va pas manquer d’intéresser tous ceux qui n’en reviennent encore pas de la performance: réussir à mettre d’accord l’Etat et les collectivités, la gauche et la droite, Paris et la banlieue, le 92 et le 93, la RATP, la Sncf et le Stif… Pascal Auzannet, actuel président d’Ixxi (filiale de la Ratp chargée de ses développements numériques et billettiques notamment) et ex-patron du développement et du RER, travaille en effet depuis plusieurs mois à un ouvrage retraçant la genèse du projet, depuis les premières esquisses d’une desserte en rocade jusqu’à la sanctuarisation du GPE par Jean-Marc Ayrault à l’été 2013.

Pascal Auzannet fut de toutes les étapes: élaboration du projet Métrophérique à la Ratp, directeur de la mission de préfiguration, architecte de la synthèse entre Maurice Leroy et Jean-Paul Huchon, auteur du rapport décisif de 2012 qui allait déboucher sur les engagements fermes de l’Etat en matière de tracés et de financements et qui fait aujourd’hui référence… On attend de lui qu’il éclaire les coulisses des multiples décisions ô combien importantes qui furent prises parfois de façon inattendue: le principe de la ligne dite Orange, à l’est de la métropole, les batailles sur la desserte de l’ouest, les pataquès sur le nord et l’accès à Roissy… D’ailleurs, le titre provisoire du livre attendu pour la fin de l’année serait: Les secrets du Grand Paris…


Ce que révèlent les chiffres des cars Macron

Deux leaders à touche-touche et des stratégies désormais bien distinctes: voici les deux principaux enseignements que l’on peut tirer des chiffres officiels (source Arafer) du premier trimestre 2017 sur les services librement d’organisés (SLO, dits cars Macron), et des informations que nous avons pu recueillir en complément, car le régulateur respecte la confidentialité de certaines informations.

Passons sur un premier communiqué de presse de Flixbus abusivement victorieux: en une petite heure l’entreprise allemande est passée de 800000 passagers transportés sur la période à 600000, soit «environ 45% du total». L’approximation «environ» a sa petite importance symbolique, car selon nos informations, Ouibus a atteint quant à lui 590000 passagers. On peut donc dire que les deux concurrents, en volume, sont à égalité aux environs de 44%. Sur cet indicateur de volume de l’offre, Isilines est bien distancé.

La stratégie Ouibus consiste clairement à densifier son offre, notamment par des fréquences accrues. Il n’est donc pas étonnant que la filiale de la SNCF alliée à Starshipper fasse désormais la course en tête sur le nombre de départs: 44% du total, contre 34% à Flixbus et 19% à Isilines. Flixbus a quant à lui choisi un maillage fin, avec de très nombreuses villes desservies (deux tiers du total, 56 villes en exclusivité), au détriment de la fréquence.

Si le taux global de remplissage s’améliore un peu (44% selon la nouvelle méthodologie qui prend en compte les passagers internationaux), l’augmentation des tarifs a connu une pause par rapport au dernier trimestre, même s’il faut la moduler: les lignes en concurrence avec d’autres modes bénéficient de tarifs globalement plus bas.

Vers l’équilibre économique, mais lequel?

Réunis à Lille jeudi 15 juin par le réseau Réunir (les PME de l’interurbain) pour une table ronde conclusive en présence de Bernard Roman, président de l’Arafer, les dirigeants des trois opérateurs de SLO ont débattu de façon constructive sur l’avenir de leurs activités, tout en échangeant quelques piques discrètes, notamment sur la question de l’équilibre économique. «Nous l’atteindrons en 2018», a promis Yvan Lefranc-Morin de Flixbus. «Mais que signifie l’équilibre économique si l’on n’envisage pas celui des sous-traitants?», a rétorqué en substance Roland de Barbentane de Ouibus, lui-même confronté aux difficultés de trésorerie de quelques adhérents de Starshipper. «Je ne peux pas garantir l’équilibre ligne par ligne, mais de façon globale Flixbus et ses partenaires seront à l’équilibre en 2018», a confirmé Yvan Lefranc-Morin, imité par Hugo Roncal, d’Isilines, très mécontent des rumeurs sur une nouvelle réduction du nombre d’opérateurs… qui se ferait à ses dépens. «Nous maintenons notre stratégie de rationalisation, et nous serons à l’équilibre en 2018», a-t-il affirmé avec force.

Difficile de faire le juge de paix. Le marché est loin d’être stabilisé, et la férocité de la concurrence conduit à des tensions persistantes sur les tarifs et les adaptations d’offres qui rendent toute projection bien difficile. L’été 2017 sera de grande importance: si la reprise économique se confirme, et si leurs stratégies respectives sont efficaces, les opérateurs pourraient enfin trouver un peu d’air dans une activité sensible à tous les signaux.

Les appétits de l’Arafer

Bernard Roman l’a révélé à Lille, jeudi 15 juin, lors de cette conférence Mobilité organisée par Réunir (lire ci-dessus): il a proposé à la ministre Elisabeth Borne que l’Arafer devienne le régulateur des activités de covoiturage (BlaBlaCar). Selon nos informations, il aurait également suggéré de se voir attribuer dans ses compétences le contrôle des activités aériennes et aéroportuaires.


EVENEMENT

Mobilettre au congrès de Régions de France

Le 28 septembre prochain à Orléans, lors du congrès 2017 de Régions de France, se tiendra un atelier exceptionnel sur la future concurrence ferroviaire. Intitulé «Préparer les services ferroviaires à la concurrence», il aura comme objectif de débattre sur le fond des modalités d’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux dans la perspective de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi au Parlement dans les prochains mois. Avec Didier Aubert, secrétaire général de CFDT-Cheminots, Richard Dujardin, directeur général France de Transdev, Frank Lacroix, directeur général TER à SNCF, Michel Neugnot, président de la Commission Transports et Mobilité de Régions de France. L’atelier sera animé par Gilles Dansart, directeur de la rédaction de Mobilettre.

Renseignements et inscriptions


MOUVEMENTS

Stéphane Lecler file à l’urbanisme

L’ex-conseiller de Manuel Valls puis Bernard Cazeneuve à Matignon, chargé notamment des Transports, Stéphane Lecler, a finalement choisi de faire quelques infidélités à la mobilité en devenant numéro 2 de la direction de l’urbanisme de la Ville de Paris. Fiable et compétent, il a refusé plusieurs propositions dans son secteur de prédilection pour aller renforcer une direction extrêmement sollicitée, mais pas toujours réactive et innovante, sur les dossiers cruciaux de la ville du futur.

Gregory Carmona Ruz migre à Montbéliard

C’est la concrétisation logique de l’aide apportée par Réunir à l’espagnol Moventia dans sa conquête du réseau de Montbéliard (lire Mobitelex 185): Grégory Carmona Ruz, qui effectuait jusqu’alors des missions de conseil au sein de Réunir, prendra la direction du nouveau réseau doubiste, en tout cas si la justice rejette les recours déposés. Le calendrier est serré: le changement d’opérateur est prévu pour le 1er juillet.


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