Mobitelex 366 – 10 février 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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x2 ou :2?

Avec son programme X2 Jean-Pierre Farandou met sur la table une nouvelle ambition ferroviaire nationale, alors que les critiques redoublent sur le malthusianisme du gouvernement. L’enjeu: où ira la France ferroviaire après la séquence électorale du printemps?

C‘est un texte soigné, bien écrit et percutant, à l’image de son titre: «Le fer contre le carbone – Doubler la place du train pour une vraie transition climatique» (lire ci-dessous). En sortant cet argumentaire à quelques semaines de l’élection présidentielle, Jean-Pierre Farandou ne manque pas de courage – mais peut-il faire autrement? La cure d’austérité qu’impose Bercy au groupe ferroviaire, notamment à Réseau, menace de transformer son mandat en sacerdoce, après la grève contre les retraites et la crise Covid.

Par quelque bout que l’on prenne le sujet, le malthusianisme ferroviaire de l’Etat est anachronique. Il n’est d’ailleurs même plus contesté. Patrick Jeantet, ancien PDG de SNCF Réseau, qui sait de quoi il parle, retient à moitié ses coups cette semaine au moment de faire le bilan du quinquennat Macron, pour l’Institut Montaigne: «Les réalisations n’ont pas été tout à fait au niveau, […] ça manque de visibilité», assène-t-il à l’AFP à propos des programmes de régénération. Le lendemain, devant les sénateurs, le président de l’ART Bernard Roman, qui tient sa ligne d’indépendance, était encore plus sévère à propos du contrat de performance Etat-SNCF Réseau: «Il n’y a aucune ambition industrielle, c’est une occasion manquée». Et dire que certains avaient trouvé Mobilettre sévère, en novembre dernier, quand nous avions révélé ledit contrat de performance.

L’Allemagne débloque 84 milliards, l’Italie accélère la modernisation de sa signalisation. Pendant ce temps-là, nous bloquons la commande centralisée du réseau…

Même quand on se compare on ne se console plus, on en vient même à se désoler comme à la lecture d’un bouquin de Marlène Schiappa ou Gérald Darmanin (lecture vite interrompue, on vous rassure). L’Allemagne va consacrer 84 milliards d’euros à son réseau ferroviaire, dont trois quarts à la charge du budget fédéral et un quart aux Länder. L’Italie récolte les fruits de la baisse des péages et accélère la modernisation de ses systèmes de signalisation. Pendant ce temps-là, nous bloquons la modernisation des postes d’aiguillage…

Faut-il mourir guéri? Une autre option est possible: c’est la croissance qui permettra d’emporter les résistances, lourdeurs, routines et autres scories d’organisation, et probablement aussi de réduire la conflictualité. La triple obstination de Bercy (augmentation de la productivité, baisse des subventions, hausse des péages), si elle persiste en l’état, conduira au naufrage.

La politique menée est d’autant plus indécente dans son incohérence qu’elle multiplie les enfumages grossiers (le financement du contrat de performance est bâti en partie sur les bénéfices de SNCF Voyageurs et les versements du plan de relance) et renoue avec les vieilles méthodes. Jean Castex se pavane avec les LGV, sur le train des primeurs et dans les voitures-couchettes, sans que s’en suive un véritable développement pérenne du mode ferroviaire.

Arrêtez de jouer avec les petits trains, les belles voitures et les gros camions, mesdames et messieurs les politiques de gouvernement, et passez aux choses sérieuses: les Français et les industriels attendent une stratégie claire, systémique et engageante pour leurs déplacements et le transport de marchandises. G. D.

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FERROVIAIRE

Pourquoi Jean-Pierre Farandou joue la croissance

La publication avec la Fondation Jean-Jaurès d’un argumentaire d’une dizaine de pages sur un programme X2 du ferroviaire (à consulter ci-dessous) correspond à des nécessités de fond et à un momentum. «Il est de ma responsabilité de PDG de l’entreprise publique SNCF, et surtout du citoyen que je suis, de contribuer au débat démocratique», écrit Jean-Pierre Farandou.

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Comme au lycée, il y a le texte et l’explication de texte. Commençons, puisque le journalisme peut s’affranchir de quelques usages, par l’explication de texte, avec l’intéressé. Jean-Pierre Farandou donne à Mobilettre trois raisons principales à sortir du bois: «Le rôle majeur du mode ferroviaire dans la recherche de la neutralité carbone, les nécessités modernes de l’aménagement des territoires et des agglomérations, les vertus d’une industrie grande pourvoyeuse d’emplois non délocalisables.» A cela s’ajoute le momentum: un été 2021 déterminant dans la prise de conscience des Français, du fait des nombreux désordres climatiques, et la proximité de l’élection présidentielle. «Mon objectif est le discours de politique générale du futur Premier ministre», avoue Jean-Pierre Farandou. Croître franchement ou décliner doucement, telle est bien la question existentielle qui se pose aujourd’hui au ferroviaire français.

Quand on passe au texte lui-même, outre les classiques éléments de plaidoyer en faveur du fer («il économise le CO2, il économise l’énergie et il économise l’emprise au sol») et les axes de développement (les infras, la CCR, l’ERTMS, mais aussi les services: les prix, le fret, la qualité de service, l’intermodalité, les incitations au report modal), il repose sur un credo fort et un appel à l’œcuménisme.

– le credo: «d’autres – et c’est mon cas – considèrent que même si nous devons adopter des comportements plus sobres, aucun métavers ne remplacera l’émotion du contact physique avec sa famille ou ses amis, l’immersion dans des lieux chargés de culture ou de beauté naturelle. Et, par rapport à la disruption que représentent les logiciels de télétravail, qu’aucune réunion virtuelle ne créera de la séduction commerciale, de l’entraînement managérial ou de la créativité collective». Une sorte de synthèse qui monte dans l’opinion, entre tradition et progressisme, à rebours des déclinistes et des décroissants (et donc, en traduction politique, sans doute quelque part entre Roussel et les libéraux).

– l’œcuménisme: «La mise en place d’une structure nationale de financement de l’investissement ferroviaire […] pourrait se fonder sur l’existant, à savoir l’Afitf, ou sur une nouvelle agence pour la durée des travaux. Des investissements privés recherchant une rémunération « verte » sur le long terme, à rendement modeste sur la base des péages à venir sur ce réseau rénové, pourraient également être envisagés. […] Nous recommandons l’élargissement de la gouvernance de ce programme X2 aux régions [NDLR du fait de la compétence de ces dernières en matière de formation et de services de mobilité durable dans les zones peu denses]». Argent privé, coopération Etat-régions, nouvelle gouvernance: «Je mets sur la table un vaste programme systémique», nous confie Jean-Pierre Farandou, qui tient à inclure l’ensemble des acteurs ferroviaires, y compris les opérateurs concurrents.

«Des dizaines de milliers d’emplois créés, y compris à la SNCF»

Finissons avec le calendrier et le nerf de la guerre, l’argent. «La simplification et l’accélération des processus d’instruction et de mise en œuvre des grands projets permettraient de gagner entre deux et six ans par projet», prédit le président de la SNCF, qui enfonce le clou sur les retours sur investissement, «en matière environnementale (entre 8 et 12 millions de tonnes de CO2 évitées) et en matière d’efficacité énergétique, en matière sociétale (gains de temps, de régularité, d’accessibilité et d’aménagement du territoire), en matière sociale (des opportunités de mobilité accessibles au plus grand nombre, des dizaines de milliers d’emplois créés, y compris à la SNCF) et en matière industrielle (ruissellement du programme dans la filière, renforcement de l’innovation et de la R&D, renforcement à l’export et en matière de création de valeur…». Pour l’instant, pas de chiffres: trop vite mis en exergue par les médias, ils constitueraient un repoussoir opportun pour les gardiens du temple autarcique.

La croissance pour sortir par le haut de l’épisode pandémique et d’une forme de sinistrose qui menace des pans entiers de l’entreprise, tel est le pari d’un président dont les méthodes de lobbying correspondent au positionnement qu’il aimerait bien (re)trouver, une fois sorti des crises successives: au-dessus de la mêlée, arbitre et éclaireur. Voire même, on y pense tout à trac, comme une sorte de ministre des chemins de fer, qui laisse les patrons de SA dans l’action quotidienne. S’il ressent le besoin de prendre une part aussi active dans le débat démocratique, c’est que le politique lui-même s’y montre un tantinet défaillant.


LOI 3DS

Routes: les régions s’insèrent dans le transfert

Voici comment au grand dam des départements, les régions ont réussi à obtenir le principe d’une mise à disposition de certaines portions non concédées du domaine routier national, à titre expérimental.

Le projet de loi « 3DS » (pour Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification) a été définitivement adopté hier mercredi au Sénat après l’avoir été la veille à l’Assemblée nationale. Il comporte un volet transports qui prévoit essentiellement un possible transfert des autoroutes, routes ou portions de voies non concédées du domaine routier national (un ensemble de 12000 kilomètres au total) au domaine public routier des départements ou, s’agissant des régions, une mise à disposition à titre expérimental. Tout au moins c’est ce qui figure dans le texte auquel est parvenue la commission mixte paritaire, car à l’origine il n’était pas question des régions. Retour sur un lobbying bien fait.

Indignation des départements: les régions n’ont pas compétence en matière de voirie, les routes c’est nous!

La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault était revenue d’un tour des France des territoires en constatant que près d’un tiers des départements demandaient, dans un souci de cohérence, que leur soient transférés des éléments qui constituaient autant de «trous» dans leur domaine public routier. D’où l’introduction d’un volet transport le prévoyant dans le projet de loi «3DS». Seulement voilà, les régions se sont mises en mouvement pour demander au nom de la même cohérence la possibilité de prendre la main sur les itinéraires considérés comme d’intérêt régional. Indignation des départements: les régions n’ont pas compétence en matière de voirie, les routes c’est nous. Et c’est devenu une bagarre d’associations: ADF (Assemblée des Départements de France) contre Régions de France. Il a fallu l’intervention du Premier ministre Jean Castex et tout le pouvoir de persuasion de sa «payse» Carole Delga, présidente des Régions de France, pour que celles-ci soient finalement introduites dans le dispositif. Certes pas exactement de la même manière puisque l’on ne parle pas de transfert mais seulement de mise à disposition et à titre expérimental, mais tout de même.

Ensuite, il a fallu organiser le dispositif et de ce point de vue, les discussions ont permis d’améliorer une version d’origine un tantinet trop technocratique. Un décret déterminera les itinéraires dont l’Etat propose la cession, et les collectivités pourront choisir les itinéraires qu’elles retiennent (y compris les régions pour qui dans un premier temps c’était « à prendre ou à laisser ») après que le préfet leur aura transmis les informations dont il dispose sur l’état du patrimoine. Des procédures de concertation similaires pour les départements et les régions ont été mises en place en cas de conflit entre les demandes, alors que les départements voulaient la priorité absolue. Malgré tout le préfet conserve un droit de veto « au regard notamment de la cohérence des itinéraires, de la cohérence des moyens d’exploitation et de maintenance, des conditions de l’exploitation desdites autoroutes, routes et portions de voies et de l’expertise technique des collectivités territoriales et de leurs groupements ». Ce « notamment » laisse la porte ouverte à un veto pour « absurdie », par exemple un itinéraire interrégional traversant trois départements mais dont seulement deux départements sur trois demanderaient le transfert. Dans ce cas le transfert pourrait être refusé afin de préserver la cohérence de l’itinéraire.

A noter que les régions ont obtenu que l’expérimentation soit portée de cinq à huit ans. Le texte attribue un pouvoir de police de la circulation au président du conseil régional sur les routes mises à disposition. Ce dernier peut par ailleurs fixer, « pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale supérieure à 10 kilomètres à l’heure à celle prévue par le code de la route ».

Le transfert aux départements est effectué à titre gratuit et une convention prévoit les modalités de transfert des personnels affectés à l’aménagement, à l’entretien, à l’exploitation et à la gestion des routes transférées. Dans le cas des régions, puisqu’il s’agit d’une expérimentation, les personnels sont simplement mis à disposition. Par ailleurs l’Etat continuera à « honorer » sa part si elle est prévue dans le contrat de plan Etat-Région. S’il n’y a pas de « grain de sable », les transferts devraient être effectifs au 1er janvier 2024.

EXCLUSIF

Quand Bercy et Réseau essayaient de faire payer aux régions le transfert des petites lignes ferroviaires

Dans la loi 3DS figure un article 9 qui fixe les conditions de transfert de la gestion des petites lignes aux régions. Banal et techno? Pas tout à fait: à l’article L211191 on trouve deux phrases dont l’histoire mérite d’être racontée…

Les voilà, ces deux phrases: « La société SNCF Réseau n’est pas compensée des conséquences de ce transfert de missions de gestion sur son actif. Ce transfert n’ouvre pas droit à compensation pour la société SNCF Réseau des investissements qui seraient non amortis pour les lignes concernées par ce transfert de missions de gestion. » Tiens donc, mais pourquoi cette précaution écrite? SNCF Réseau voulait-il être compensé du transfert de certaines petites lignes aux régions?

Eh bien oui… L’affaire remonte à la fin de l’automne, lors de l’examen de la loi. Un amendement pose le principe d’une valorisation des actifs transférés aux régions, qui déboucherait sur le versement d’une compensation à SNCF Réseau. Selon une rapide évaluation des valeurs nettes comptables, cela pourrait se chiffrer à court terme sur les lignes concernées à environ 250 millions d’euros, dont 100 millions pour la région Grand Est. Quand même…

Le GI est «libéré» de charges et d’investissements futurs, mais il faudrait quand même lui verser une sorte de soulte

Surtout, c’est le principe qui interpelle. SNCF Réseau ne transfère que la gestion des lignes, il ne s’agit pas d’une cession – son patrimoine n’est en rien affecté, et d’une certaine façon, le GI est «libéré» de charges et d’investissements futurs. Mais il faudrait quand même lui verser une sorte de soulte. Vu l’état des lignes, ça ressemble à une double peine pour les régions…

La direction du Budget et l’APE (agence des participations de l’Etat) poussent leur avantage et demandent alors l’arbitrage, au motif d’une kyrielle d’arguties juridico-financières: un transfert sans compensation irait à l’encontre de l’objet social de la SA SNCF Réseau, il conduirait à une dévalorisation du réseau qui amoindrirait la capacité d’emprunt de l’entreprise… Qu’en ces matières compliquées certains hauts fonctionnaires sont inventifs. En décembre une RIM (réunion interministérielle) repousse l’hypothèse.

Affaire conclue? Pas du tout! Ni Bercy ni Réseau ne renoncent, et prévoient entre eux de facturer quand même, au motif que la LOM n’interdit pas de calculer la valeur nette comptable (VNC) des petites lignes… Les Régions (et, manifestement, le ministère des Transports) ont vent de l’affaire et remontent in extremis au créneau en janvier pour interdire dans la loi le principe de compensation. Fait exceptionnel, la tension est telle qu’une deuxième RIM est organisée! Elle maintient son premier arbitrage, et voilà comment deux phrases sont introduites au dernier moment, en CMP (commission mixte paritaire), en début de semaine dernière.

Jusqu’au bout, les régions ont craint un retournement, mais aussi bien la rapporteure du texte 3DS à l’Assemblée nationale, Laurianne Rossi, que les équipes de Matignon ont veillé au grain. Petites lignes, grandes mobilisations.

DECARBONATION

De la terre à la lune

Deux rapports sur les mobilités décarbonées sont sortis presque en même temps : celui de France Stratégie (Premier ministre) et du CGEDD s’intitule « Prospective 2040-2060 des transports et des mobilités », celui du Cerema, plus modestement: «Mobilités décarbonées, un défi global».

L’ambitieux rapport de France Stratégie pour une « neutralité carbone complète » des mobilités propose sept scénarios, les premiers ne permettant pas d’atteindre la neutralité complète et deux scénarios dits de « backcasting » qui partent de l’objectif à atteindre. Ambition du rapport: « Donner les instruments pour connaître les défis auxquels sont confrontées les politiques publiques » pour arriver à la neutralité carbone. Quand le rapport de synthèse propose sept scénarios plus ou moins éthérés où les premiers véhicules (sans jeu de mot) de la mobilité décarbonée sont les avancées technologiques apportées à la motorisation des voitures, on n’est pas vraiment plus avancé… Certes une certaine sobriété des déplacements doit aller de pair car la technologie à elle seule ne peut résoudre le problème. Mais encore? L’empreinte carbone des infrastructures est bien citée mais non traitée car, « à ce stade, elle est marginale par rapport à celle des véhicules ». Heureusement les six rapports thématiques permettent de nuancer un peu ce jugement sévère sur le comment atteindre l’objectif. Un rapport consacré aux mobilités et à l’aménagement ouvre le débat en s’intéressant à « la ville neutre en carbone », mais il ne fait pas le poids face aux 200 pages du rapport thématique sur la motorisation.

A l’inverse, le rapport du Cerema a bien les pieds sur terre. Il rassemble de courtes monographies qui, à partir d’exemples concrets, comme celui du Léman Express, tentent d’évaluer l’impact sur la décarbonation. Une dernière partie propose des outils pour agir dans les territoires. Ici pas de prospective stratégique mais une volonté de mise en valeur d’avancées certes plus modestes mais qui sont pour tout de suite et pas pour après-demain.

La semaine prochaine, début de la diffusion des débats TDIE/Mobilettre sur la décarbonation

D’aucuns déduiraient de nos initiatives que Mobilettre devient un «média global», qui pratique tous les modes de publication, digitale c’est notre ADN, mais aussi audiovisuelle et écrite. Certes, mais en multipliant ces formes d’expression, nous cherchons surtout à apporter notre contribution aux indispensables débats publics, et la crise pandémique a rendu beaucoup plus accessible la retransmission d’échanges filmés.

Concrètement, en ce printemps où se multiplient les événements publics relatifs aux enjeux politiques et environnementaux (avec en point d’orgues le grand débat Transports de la présidentielle, le 17 mars), nous diffuserons à partir de la semaine prochaine une série de séquences consacrées aux enjeux de la décarbonation dans les transports, conçues et réalisées avec TDIE.

DISTRIBUTION

SNCF Connect, pourquoi tant de buzz?

Retour à la normale… Il y avait longtemps que la SNCF n’avait autant suscité de griefs et moqueries sur les réseaux sociaux et dans les médias, suite à la mise en service de SNCF Connect (lire Mobitelex 364). Cette fois-ci, pas de grande panne ni de TGV en perdition, mais des bugs qui transformeraient la révolution Connect en poilade générale, expression que l’on préférera employer pour ne pas évoquer des qualificatifs légèrement disproportionnés eu égard la substantialité des désagréments utilisateurs.

Justement, et si avant de dégoupiller, les énervés du clavier essayaient de quantifier les problèmes? Sans remettre en cause les témoignages utilisateurs, dont l’humour est souvent appréciable, et avant d’en faire un drame national, peut-être faut-il évaluer la nature et l’ampleur des «bugs»? Précisons que nous nous limitons ici à envisager les dysfonctionnements de l’outil digital, et pas les choix de fond effectués par SNCF Voyageurs, qui peuvent prêter à critiques, comme l’impossibilité d’ajouter une étape à un parcours ou la priorité accordée aux TGV au détriment des TER et Intercités (lire Mobitelex 364).

Premier élément d’évaluation, fourni par SNCF Connect: le nombre d’adresses formulées aux différents canaux de la relation client (mail, téléphone, réseaux sociaux et tchat dans l’appli). Elles sont en moyenne de 10000 par jour: 4 à 6% d’entre elles concernent directement des dysfonctionnements du site ou de l’appli (ce qu’on appelle des bugs), et toutes les autres sont relatives à des questions sur le site et l’appli, dont 6% sur leur ergonomie et 32% sur la relation au compte personnel du client (comme la récupération d’anciennes références de voyage).

Nous n’avons pas obtenu une quantification des requêtes clients en échec, qui aurait constitué un indicateur plus précis de l’ampleur des problèmes rencontrés par les clients. Car après tout, des clients peuvent être en échec et ne pas faire de demande ou réclamation à la relation client, soit parce qu’ils finissent par trouver la parade, soit parce qu’ils se lassent et y reviendront plus tard, ou vont voir sur Trainline… A cette heure, pas de signe extérieur de réjouissement chez ces derniers.

400 000 billets vendus par jour, 2,5 millions de visites par jour sur le site ou l’appli

Néanmoins, les chiffres et la nature des problèmes techniques ne semblent pas justifier le statut de catastrophe industrielle que d’aucuns ont vite dégainée de leurs claviers surchauffés. Les statistiques de fréquentation de SNCF Connect (une moyenne de 400 000 billets vendus par jour depuis le lancement, 2,5 millions de visites par jour sur le site ou l’appli) ne révèlent pas de bouderie à grande échelle. La nature des correctifs à apporter dans les prochaines semaines confirme la relative bénignité des lacunes: ajout des billets dans Wallet sur les Iphone, fourniture des justificatifs TER, ajouts des billets dans les calendriers Outlook etc.

Comment expliquer alors cette avalanche de critiques? Regretter le SNCF bashing ou invoquer la résistance au changement ne suffit pas. On ne peut s’empêcher de mettre en rapport l’exagération de leur amplification médiatique avec la nature des slogans préalables à la «révolution» Connect. Nous avons assisté à la conférence de presse de lancement, fin janvier: que d’autosatisfaction… Il ne s’agit pas de nier l’exploit technique et le travail considérable accompli par les équipes de SNCF Connect & Tech. Mais il n’est pas certain qu’il appartient à leurs dirigeants de le proclamer haut et fort avant même de recueillir l’avis des utilisateurs, dont un certain nombre s’accordent naturellement un certain plaisir à faire dégonfler le melon des fiers à bras. C’est comme si un restaurant étoilé proclamait lui-même sur sa carte ses propres mérites: mieux vaut laisser faire les clients et les professionnels de la notation.

Ainsi va le marketing moderne, on survend tellement la marchandise. Un peu de modestie initiale limiterait peut-être les retours de flamme. G.D.

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