Mobitelex 364 – 26 janvier 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Retour aux fondamentaux

Quelle surprise! Un sondage permet de «découvrir» qu’une large majorité de Français mettent en tête de leurs priorités pour l’élection présidentielle les questions économiques et sociales. Après des mois de focalisation sur les problèmes identitaires… – lire Ruffin vs Zemmour. Est-il trop tard pour remettre le scrutin à l’endroit?

Manifestement la SNCF a aussi admis que les Français voulaient des outils de recherche et de réservation plus simples – fini les sapins de Noël des multiples sites et applis. L’effort de rationalisation des équipes de SNCF Connect & Tech est spectaculaire, et peut inciter à prendre davantage le train et les offres de mobilité collective.

Faut-il s’en contenter? La stratégie légitime de contrer les Gafa conduit assez logiquement à accepter sans sourciller tous les algorithmes, au détriment de l’économie conventionnée et du meilleur prix. Il semble pourtant évident que l’opérateur public continue à privilégier l’offre TGV même quand des solutions TER et/ou Intercités existent (lire ci-dessous).

En politique comme pour les déplacements, la puissance des médias audiovisuels et des plates-formes peut détourner de quelques valeurs essentielles. Les parades sont compliquées mais elles existent. G. D.

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DIGITAL

SNCF Connect: le transport conventionné devant le fait accompli?

La croissance très rapide de l’achat digital des titres de transport accroît le pouvoir des applis. Les autorités organisatrices peuvent gagner en visibilité de leurs offres, mais y perdre aussi quelques plumes.

Un des participants raconte la rencontre de l’automne, mi-admiratif mi-dépité. Devant les VP transports des régions, Jean-Pierre Farandou vante avec énergie les bénéfices du futur SNCF Connect, au-delà de sa simplicité et de son efficacité. «Elle est œcuménique, et en plus elle rendra visibles vos offres routières», explique-t-il. Seuls quelques-uns, affranchis par des conseillers vigilants, comprendront qu’il faut regarder par-delà ces promesses. Quid de la propriété des données, de la souplesse de l’outil et des algorithmes?

Quimper-Bordeaux: l’algorithme SNCF propose de longs parcours chers en TGV via Paris, plutôt qu’un mix de transport conventionné le long de la façade Atlantique

Prenons un exemple. Quimper-Bordeaux le 4 février. SNCF Connect propose une multitude de solutions TGV Quimper-Paris-Paris-Bordeaux, et, perdue au milieu d’elles, à 8h37, une combinaison TER-Intercités avec correspondance à Nantes, moitié moins chère. Une deuxième de même nature, en milieu de journée, n’apparaît même pas – parce que la correspondance est un peu supérieure à une heure? De longs parcours en TGV via Paris, plus chers, plutôt qu’un mix de transport conventionné le long de la belle façade Atlantique: ainsi fonctionne l’algorithme SNCF Connect. Sur le site de la DB, le premier choix proposé est le mix TER/Intercités de 8h37…

Mobilettre cherche la petite bête? En voilà une deuxième… Sur SNCF Connect, un trajet Creil-Lille en début de matinée est inaccessible en TER. Seul le trajet Creil-Paris en TER (départ 7h59) puis Paris-Lille en TGV (arrivée 9h48) est proposé, à 54,60 €. Alors qu’une rapide consultation des horaires TER indique un TER Creil-Amiens à 7h58 puis un Amiens-Lille en correspondance, arrivée 10h07 à Lille, soit seulement 19 minutes de plus, et au moins 20 euros d’économie (sans les réductions)! Est-ce bien normal?

Trop d’origines-destinations sont traitées en dépit du bon sens, et au désavantage de voyageurs et d’autorités organisatrices qui aimeraient bien que les trajets complexes soient mieux traités par la plate-forme SNCF unique – à savoir, que les combinaisons de trains ne soient pas autant en faveur du TGV.

Autre crainte, que la centralisation de la gestion de la plate-forme ne facilite pas la visibilité des offres tarifaires de chaque région, à l’occasion d’un festival local ou d’une compétition sportive. «Nous garantissons que nous continuerons à co-construire SNCF Connect avec les usagers et les autorités organisatrices», nous ont répondu Anne Pruvot, directrice générale de SNCF Connect & Tech, et Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, ce mardi lors de la présentation de SNCF Connect. A confirmer dans les faits, et par les exemples.


EUROPE

Une présidence française à dominante verte

Quelques jours après le discours d’Emmanuel Macron devant le conseil européen, la Française Karima Delli (EELV) a été reconduite à la présidence de la Commission Transports et Tourisme. L’agenda du semestre est dominé par la mise en place des mesures du Green Deal.

Vert. Ce sera incontestablement la couleur dominante de la présidence française de l’Union européenne, ce qui ne devrait pas être pour déplaire au candidat «in pectore» Emmanuel Macron. Pourtant, ce n’est pas lui qui a choisi mais l’Europe qui s’était déjà engagée sur cette voie avant que la Slovénie ne passe le témoin à la France.

L’objectif du Pacte vert est de parvenir à la neutralité carbone en 2050

Le Parlement et le Conseil ont effectivement ouvert le chantier du «Green Deal», le Pacte vert dont l’objectif est de parvenir à la neutralité carbone en 2050 et de réduire les gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Pour y parvenir, une série de mesures sont proposées par la Commission dans le paquet «Fit for 55» (en français: «ajustement à l’objectif 55»). Indépendamment de l’emblématique mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, bon nombre d’entre elles concernent le secteur des transports. On peut citer l’extension du système d’échanges de quotas d’émission de CO2 au maritime et au routier, le durcissement des règles d’émission de CO2 pour les voitures individuelles et les véhicules utilitaires légers, la révision du règlement relatif au développement de l’infrastructure pour les carburants alternatifs, la proposition relative à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime, la révision de la directive sur la taxation de l’énergie pour prévoir la taxation obligatoire du kérosène pour les liaisons aériennes intra Union européenne, une révision de la directive sur l’ETS (suppression d’ici à 2027 des quotas gratuits dont bénéficient les compagnies aériennes) ou la proposition de règlement « RefuelEU Aviation » sur l’incorporation obligatoire d’une part croissante de carburant durable dans le kérosène.

Comme on le voit, le secteur aérien est particulièrement impacté par ces propositions. Toutes ne sont cependant pas au même niveau d’avancement à l’issue de la présidence slovène: ainsi, la taxation du kérosène pour les liaisons intra-Union européenne qui nécessiterait l’unanimité des Etats membres alors que certains insulaires ou périphériques y voient une menace pour leur compétitivité. En revanche, la proposition de règlement « Refuel EU Aviation » aurait plus de chances d’aboutir durant la présidence française, sous réserve que l’on parvienne à surmonter certaines divergences.

Quels sont les points qui font encore l’objet de discussions ?

Tout d’abord, la définition même du carburant alternatif durable (SAF). La dernière version du texte de compromis limite les SAF aux biocarburants dits de second génération, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale et aux carburants synthétiques (« e-fuels ») renouvelables d’origine non biologique. Comme le révèle un «non papier» de la présidence française sur le projet de règlement: «Des divergences persistent notamment en ce qui concerne l’exclusion des biocarburants de première génération ou des carburants à base de carbone recyclé (RCF), ainsi que sur le lien entre la définition des SAF et les critères d’émissions et de durabilité de la directive sur les économies renouvelables (RED). Plusieurs Etats membres ont par ailleurs demandé une approche qui soit neutre sur le plan technologique.»

Autre objet de discussion: les seuils d’incorporation. Le compromis slovène prévoit que la part des SAF dans les carburants utilisés par les avions serait de 2% en 2025, 6% (incluant 1% d’e-fuels) en 2030, 20% (incluant 5% d’e-fuels) en 2035, 32% (incluant 8% d’e-fuels) en 2040, 38% (incluant 11% d’e-fuels) en 2045 et 63% (incluant 28% d’e-fuels) en 2050. Certains Etats membres estiment plus réaliste de reporter le premier palier de 2025 à 2030, tandis que d’autres souhaiteraient pouvoir aller plus vite à l’échelle nationale.

La plupart des Etats membres seraient prêts à renoncer à la pratique du tankering pour les vols extra-européens

La présidence française souhaite aussi aborder la question du «tankering» ou «sur-emport», une pratique qui consiste pour les compagnies aériennes à transporter du carburant excédentaire pour éviter de faire le plein dans les aéroports les plus chers. La plupart des Etats membres seraient prêts à renoncer à cette pratique, couteuse en émission de CO2 puisque l’avion est plus lourd, pour les vols extra-européens, mais s’inquiètent des difficultés que pourraient avoir les compagnies à se ravitailler dans certains aéroports à l’intérieur de l’Union européenne.

Une majorité d’Etats membres, indique encore la note de la présidence française, ont fait part de leurs craintes des effets cumulés du paquet « Fit for 55 » sur la compétitivité du secteur aérien et la connectivité aérienne de l’Union. Aux dispositions de la directive RefuelEU Aviation pourraient en effet s’ajouter deux autres mesures citées plus haut : la révision des dispositions relatives à l’aviation de la directive ETS qui propose la suppression d’ici 2027 des quotas gratuits alloués au secteur et la mise en œuvre du CORSIA dans le droit de l’Union, ainsi que la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, qui propose de mettre progressivement fin à l’exonération fiscale du kérosène pour les vols intra-européens. La présidence française convient que cette problématique de compétitivité doit être « appréhendée de matière transversale » aux trois types de propositions. Il y a donc de quoi faire…

Le 21 février à Paris, un sommet ferroviaire européen

Des ministres, des président-e-s d’entreprises, des représentants de la Commission, des industriels et des experts: le gratin du secteur ferroviaire sera présent le 21 février à Paris pour une journée d’échanges autour de l’avenir du mode. Après une table ronde où seront présentés à plusieurs ministres des Transports une série de demandes/engagements, trois tables rondes permettront d’approfondir les grands enjeux de développement: décarbonation, digitalisation/innovation, financement. A noter que sera clôturée à cette occasion l’année européenne du rail en même qu’aura lieu la cérémonie de lancement d’Europe’s Rail.

Les débats seront animés par Mobilettre.


COMMENTAIRE

L’Europe mérite mieux que ça

Le 19 janvier la France politique s’est-elle donnée en triste spectacle à Bruxelles? Les députés hexagonaux, Yannick Jadot en tête, ont-ils eu tort d’interpeller le président de la République française après son discours devant le Conseil, comme s’il s’agissait d’une joute électorale? Une fois n’est pas coutume, on va renvoyer tout le monde dos à dos: Emmanuel Macron pour avoir maintenu la présidence française au premier semestre 2022, ses opposants pour n’avoir pas su garder un peu de hauteur européenne.

Cela dit, puisqu’il y a bel et bien une PFUE (présidence française de l’Union européenne) en ces premiers mois de 2022, autant exploiter l’occasion pour sensibiliser à des enjeux majeurs qui se dérobent souvent aux cénacles parisiens, à commencer par un débat de qualité sur l’avenir du rail. L’Europe mérite mieux que toutes les instrumentalisations politiques. G. D.

De nombreux commentaires suite à notre Mobizoom 90 consacré à la pénurie de conducteurs routiers dans l’Hexagone, notamment pour rappeler les sombres années de dérégulation européenne, avant la mise en ordre du travail détaché. « La principale raison de la pénurie de chauffeurs actuelle me semble la fin de l’élargissement de l’Union Européenne à l’Est qui a permis d’importer massivement des conducteurs longues distances payés 500 € par mois, venant de l’Europe de l’Est, de 1995 à 2015, nous explique ainsi Laurent. Comme tous ces messieurs ont maintenant 50 ans passés ils arrêtent de travailler… Il faut donc payer les nouveaux conducteurs 1000 à 1500 € par mois dans le TRM (transport routier de marchandises), ce qui génère des effets de bords dans le transport voyageurs. Le free lunch du TRM est fini, et c’est surtout une bonne nouvelle pour le fret ferroviaire.»

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