Mobitelex 375 – 13 mai 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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SNCF Réseau, plus dure sera la suite

Si l’on succombait à une sorte d’humour ferroviaire, il se pourrait même que cette suite soit rapide… Mais en l’occurrence, vu l’avalanche de mauvaises nouvelles qui déferlent sur l’entreprise SNCF Réseau, on va revenir à des considérations plus sérieuses.

Cette semaine, les départs simultanés de Matthieu Chabanel et Guillaume Marbach, que Mobilettre a annoncés en exclusivité (lire MobiAlerte 94), ont passablement affecté le moral des troupes. Le crédit dont ils jouissaient, le premier de par sa compétence et son caractère, le second de par son abnégation à une tâche si ingrate en Ile-de-France, nourrit la perplexité de collègues déjà perturbés par la trajectoire financière imposée à SNCF Réseau.

L’Etat condamne son gestionnaire d’infrastructures ferroviaire à un profond malthusianisme

Dans la continuité du Nouveau Pacte ferroviaire de 2018, et malgré les grossières communications officielles sur un contrat de performance «historiquement ambitieux», c’est à un profond malthusianisme ferroviaire que l’Etat condamne son gestionnaire d’infrastructures. L’histoire du barreau Massy-Valenton (lire ci-dessous) est édifiante: SNCF Réseau (et l’Etat) ne réussissent même pas à trouver les quelques dizaines de millions d’euros nécessaires au bouclage d’un projet jugé pertinent et rentable, et doit faire la poche de régions de plus en plus récalcitrantes vu l’absence de perspectives de trafic engageantes.

Et puis hier, l’hypothèse de l’arrivée de la SGP sur la maîtrise d’ouvrage des grands projets d’infrastructures (lire ci-dessous)… Un coup supplémentaire, ou même un coin enfoncé dans la consistance et la crédibilité de SNCF Réseau.

Il faut être clair: l’intérêt des usagers commande à la puissance publique de tout faire pour accélérer des process amont souvent désespérants de longueur. Il n’y a donc rien de scandaleux à envisager des options nouvelles pour des projets territoriaux, y compris l’émergence d’un acteur comme la SGP qui dispose déjà de compétences élargies – à l’ingénierie du financement, l’urbanisme, l’aménagement et la culture notamment. Mais si parallèlement on continue à décrédibiliser consciencieusement le monopole historique, à coups de serpe, alors le sentiment d’injustice sera tout aussi légitime. G. D.

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MAITRISE D’OUVRAGE

La SGP, nouvelle Société des Grands Projets?

La Société du Grand Paris vient d’être autorisée à conduire des études de projets d’infrastructures hors Grand Paris Express, en vue d’en assurer la future maîtrise d’ouvrage.

Un communiqué lapidaire de la Société du Grand Paris, hier jeudi 12 mai à l’issue de son conseil de surveillance: «Le Conseil a validé à l’unanimité la création d’une filiale compétente pour conduire des études en vue de la réalisation d’autres projets d’infrastructures, soit d’extensions potentielles du Grand Paris Express, soit sur des projets se situant au-delà de la maîtrise d’ouvrage du GPE. Par la suite, la Société du Grand Paris pourrait se voir confier la maîtrise d’ouvrage travaux des projets dont elle aurait conduit les études préalables.»

Voilà comment en deux phrases, sans tambour ni trompettes, les bases d’une révolution de la maîtrise d’ouvrage publique des infrastructures de transport sont posées. Cela mérite quelques explications.

Pourquoi ne pas positionner la SGP sur d’autres projets que le Grand Paris Express pour lui éviter une disparition progressive?

Dans deux à trois ans, la SGP sera confrontée à une baisse mécanique et inéluctable de ses effectifs, au fur et à mesure de la mise en service des lignes du Grand Paris Express (GPE). Par ailleurs, il n’est jamais bon vis-à-vis de ses fournisseurs de finir en pente douce. Alors pourquoi, au lieu de préparer la disparition progressive de la société, à l’image de Paris 2024, ne pas la positionner sur d’autres projets que le GPE, auquel elle est aujourd’hui strictement assujettie de par la loi?

Selon nos informations, le président du directoire Jean-François Monteils et les dirigeants de la SGP, appuyés par les services du Premier ministre Jean Castex, ont décidé il y a quelques mois d’accélérer cette option qui ne va pas de soi d’un point de vue juridique – une partie de la DGITM et les dirigeants de SNCF Réseau alignent les arguments d’opposition au projet. Si tant est que l’option serait confirmée par le futur gouvernement, il faudrait assurément une disposition législative pour rendre la transformation possible – SNCF Réseau est monopolistique sur le RFN (Réseau ferré national).

En attendant, la SGP a d’ores et déjà obtenu de l’exécutif, entre les deux tours de l’élection présidentielle, l’autorisation de mener des études au-delà de son périmètre du GPE, via une filiale à créer. Selon nos informations, il pourrait notamment s’agir du barreau Lille-Hénin-Beaumont, 30 kilomètres d’une nouvelle infrastructure ferroviaire connectée au réseau actuel, un vieux projet dont la préfiguration est actuellement conduite par… SNCF Réseau, et des aménagements d’autres grandes métropoles, comme ces RER métropolitains qui nécessitent des travaux conséquents. A noter une différence majeure avec le Grand Paris Express: ces types de projets sont fortement interconnectés au réseau existant, ce qui n’est pas le cas du GPE, quasiment intégralement souterrain – le plus dur est toujours dans les interfaces.

Rien ne garantit à ce stade que les étapes suivantes nécessaires à la transformation de la Société du Grand Paris en maître d’ouvrage hors GPE iront à leur terme, tant en matière de faisabilité juridique qu’en acceptation politique par les futurs parlementaires – et par ailleurs, la question des financements reste entière. «La SGP travaillera avec l’ensemble des acteurs pour examiner les conditions de l’extension de ses compétences au-delà du Grand Paris Express notamment sur les aspects juridiques, opérationnels et financiers», précise le communiqué sus-cité. Mais l’histoire retiendra peut-être qu’un jour de mai, en pleine transition politique, un gouvernement a amorcé la fin du monopole public de SNCF Réseau sur la maîtrise d’ouvrage ferroviaire au profit d’un établissement public, une sorte de Société des Grands Projets à filiales dédiées.

Barreau Massy-Valenton: les régions à la fois unanimes et en ordre dispersé

Suite à notre papier du 29 avril dernier sur les difficultés relatives au bouclage financier de la partie ouest du barreau Massy-Valenton (lire Mobitelex 374), qui facilitera la circulation des TGV intersecteurs, les régions ont échangé ce mercredi 11 mai sur la question, lors d’une réunion de leurs directeurs transport organisée par Régions de France.

Premier constat unanime: les régions n’ont pas vocation à entrer systématiquement dans le financement des grands projets nationaux. La création d’une ligne «Grands projets» dans les maquettes des CPER ne lasse pas d’inquiéter. «Il faut maintenir une certaine logique dans les responsabilités de chacun», ont affirmé les participants.

Second constat: sur le barreau Massy-Valenton, il peut y avoir un certain intérêt pour plusieurs régions à participer à sa réalisation, dans la logique de continuité de leurs infrastructures de dessertes. Ainsi Bretagne et Pays-de-la-Loire peuvent considérer que son achèvement favorisera le développement des offres. En revanche, des régions plus éloignées, sans doute sceptiques devant la clé de répartition choisie par l’Etat, en fonction du « niveau de trafic interrégional en nombre de voyageurs à destination de chacune des régions », refusent toute participation, comme les Hauts-de-France ou la Normandie. Au milieu, une région comme la Nouvelle-Aquitaine demeure réservée, au vu du montant demandé (7,24 millions d’euros, le troisième après l’Ile-de-France 14,9 millions et les Pays-de-la-Loire 8,87 millions), du mode de calcul des contributions et surtout des faibles perspectives du trafic intersecteurs.

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EXPLOITATION

Trains de nuit: oui ou si, il faudrait choisir

Quelques mois après avoir lancé des liaisons internationales et nationales, les compagnies ferroviaires historiques quémandent déjà des subventions d’exploitation. Ou comment inventer des SLO subventionnés…

En début d’année, le ministre délégué chargé des Transports Jean-Baptiste Djebbari, se montrait plutôt satisfait: «La fréquentation du Paris-Nice dépasse nos prévisions, celle du Paris-Lourdes est très bonne également». En 2021, le taux de remplissage fut en moyenne de 80%. Au total près de 100000 voyageurs ont emprunté les trains de nuit entre octobre 2021 et janvier 2022 selon le ministère des Transports. Pour les vacances d’hiver de nombreux trains ont affiché complet. Attendons de voir comment sera l’été.

Pour les opérateurs «les trains de nuit ont atteint leurs limites en tant qu’entreprise commercialement viable»

Pourtant, dans le même temps, six opérateurs ferroviaires (DB, NS, OBB, SBB, SNCB et SNCF) se fendaient d’une lettre au vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans pour réclamer de l’aide pour le développement d’un réseau européen de trains de nuit: après Zurich-Amsterdam et Vienne-Munich-Paris lancés mi-décembre, doit s’ajouter ce mois-ci Amsterdam/Vienne/Innsbruck, avec en perspective Berlin-Bruxelles-Paris pour décembre 2023. Alors que l’exploitation des deux premiers trains commençait à peine et après avoir lancé ce plan de relance des trains de nuit de leur propre initiative dans le cadre de l’année européenne du rail, les voilà qui estimaient que « les trains de nuit avaient atteint leurs limites en tant qu’entreprise commercialement viable ». Ils venaient donc auprès de Bruxelles demander une aide politique pour ces liaisons transfrontalières. D’après nos informations, la SNCF aurait fait une démarche parallèle auprès des autorités françaises invoquant un déficit du Paris-Vienne… déjà.

A ce stade la seule réponse de la Commission se trouverait dans la réécriture en cours de principes directeurs régissant le règlement OSP de 2007. La Commission, prenant en compte les objectifs du Green Deal et admettant qu’un train de nuit international peut ne pas être commercialement rentable, envisage en effet la possibilité de « tronçonner » le régime juridique d’exploitation des trains de nuit internationaux et d’autoriser la mixité: conventionnement dans un Etat, service librement organisé du tronçon dans un autre.

Au-delà de la complexité du montage se pose une autre question: pourquoi les opérateurs feignent-ils de lancer un service librement organisé (SLO) s’ils se précipitent à la recherche de subventions avant même la première année d’exploitation? Il vaudrait mieux annoncer d’emblée la couleur, à moins qu’il ne s’agisse que de tenter le coup? Avec un taux de remplissage de 80% le Paris-Nice démontre pourtant sa pertinence auprès des voyageurs. Il faut donc travailler d’arrache-pied sur le modèle économique.

Certes l’exploitation internationale est plus complexe, mais on ne peut pas faire que de la grande vitesse point à point parce que c’est rentable, et chercher le conventionnement dès que la situation se complique. De ce point de vue-là, les réponses à l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) lancé au mois de mars par le gouvernement français pour le développement de trains de nuit internationaux exploités en accès libre permettront d’en savoir plus sur les intentions des uns et des autres… au moins au départ.


COMMUNICATION

La pub sans le produit

Le retour des déplacements professionnels et privés d’après-crise sanitaire, même s’ils sont entravés par la guerre en Ukraine , marque le retour des campagnes de publicité des transporteurs. Air France vient ainsi de dévoiler son nouveau film de marque, créé par Ausa by Omnicom, et intitulé « S’envoler en toute élégance ».

Déjà adepte des films esthétiques autour du plaisir de voyager, la compagnie aérienne va cette fois-ci encore plus loin et s’affranchit totalement dans ce film de l’image du vecteur lui-même, à savoir l’avion – même si elle le présente en même temps que sa nouvelle gamme long courrier. Entièrement tournée à la Tour Eiffel, aux accents de la chanson « les Moulins de mon cœur » de Michel Legrand, la vidéo met en scène une femme vêtue de rouge, aux couleurs de la marque, qui gravit progressivement les étages de ce monument symbole pour mettre en valeur l’excellence et le savoir-faire de la compagnie. En choisissant Paris et le savoir vivre à la française pour illustrer son image, Air France tourne volontairement le dos à la publicité consumériste. Ni prix, ni bagages, ni hublot, ni voyageur, juste l’élégance made in France.

Le contraste est d’autant plus saisissant que dans le même temps, une low cost aérienne, EasyJet, présente aussi sa campagne publicitaire, mais à l’ancienne : des destinations de vacances et surtout des gros plans d’avion avec la livrée orange.

La grande consommation a compris depuis un certain temps qu’il fallait passer de la publicité consumériste du pot de yaourt en gros plan pour ne pas le louper quand vous l’apercevrez dans les rayons de votre supermarché, à la publicité d’image et les bienfaits pour votre santé de la consommation dudit yaourt. EasyJet en est resté à la représentation du pot orange tandis qu’Air France préfère envoyer un message de qualité et de confiance : Paris reste une fête et nous vous y emmenons. C’est aussi une manière subtilement politique de rappeler que la France et Air France ont besoin l’une de l’autre…

Quand la SNCF inspire Macron…

La SNCF s’était déjà engagée sur la voie du film très inspirant, loin des spots consuméristes, à l’automne dernier, avec sa publicité baptisée « Hexagonal », réalisée par Publicis Conseil. Les images de train n’étaient certes pas absentes, mais pour servir de décor à des images de Français dans toute leur diversité et illustrer la nouvelle signature de la marque de l’opérateur ferroviaire historique: « Pour nous tous ».

Nous avions alors conclu notre papier d’analyse par les mots suivants (lire Mobitelex 349): «Le futur candidat Macron va-t-il à son tour essayer de se réconcilier avec la France telle qu’elle est?» Quel fut le slogan de campagne du candidat Macron lors de la dernière élection? «Nous tous»… Oups.


Exposition

«Les vies qu’on mène», des images qui nous emmènent

Jusqu’au 19 mai à la Cité internationale des Arts de Paris (lire la présentation générale dans Mobitelex 374), des photos vous font partager le quotidien de Français fortement impacté par le rapport à la mobilité.

«Suivre sa passion», l’un des quatre thèmes structurants de l’exposition organisée par Forum Vies Mobiles, le think tank de la SNCF. Alina, suivie par le photographe Pascal Aimar, l’illustre particulièrement bien: aide-soignante pendant vingt ans en Ile-de-France puis en Auvergne, elle a mené un projet très personnel: un commerce mobile de produits bio et locaux, vendus sans emballage dans son camion. Des heures, des kilomètres au volant, mais la fin de la routine, des paysages toujours renouvelés, des rencontres, la passion d’une nouvelle forme de transmission… L’itinéraire d’une femme qui a trouvé son chemin.

* Entrée libre du mardi au vendredi de 14h à 19h, les samedi et dimanche de 10h à 19h.

Alina Boica, vendeuse ambulante de produits bio en vrac au volant de son camion sur les routes d’Auvergne.

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