Mobitelex 399 – 27 janvier 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Procrastination

Fret SNCF, concurrence en Ile-de-France : la France va devoir gérer les conséquences de ses coupables atermoiements en matière d’application des directives européennes.

A force de gagner du temps ou de remettre au lendemain, on y perd parfois bien davantage, tout à la fin. C’est en tout cas le risque que court la France aujourd’hui sur deux dossiers transports majeurs.

Depuis 2010, on aurait peut-être pu anticiper un tantinet davantage?

La semaine dernière la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie sur les aides d’Etat consenties à Fret SNCF entre 2007 et sa filialisation le 1er janvier 2020 (lire ci-dessous). A force de ne choisir, au moins depuis trente ans, aucune stratégie en matière de transport de marchandises en général et de fret ferroviaire en particulier, au profit d’un total laisser-faire du marché routier dérégulé, la France a dû colmater les brèches par des aides d’urgence successives, pour éviter le naufrage industriel et l’explosion sociale de Fret SNCF. Elle est rattrapée par la patrouille bruxelloise au pire moment de l’Histoire, quand la décarbonation impose de réduire le trafic routier.

Depuis quelques semaines l’hypothèse d’un report de l’ouverture à la concurrence des réseaux de bus de la RATP échauffe tous les acteurs. Il faudrait deux ans de plus, réclament pêle-mêle la RATP, les syndicats, LFI, Anne Hidalgo… et l’Etat. Motifs invoqués : l’inquiétude des salariés, les futurs JO, des décrets pas encore pris, voire la préparation d’IDFM. A ce stade (de l’affaire, pas des épreuves olympiques), on en oublie gaillardement le principe du respect des engagements devant nos partenaires. Depuis 2010, on aurait peut-être pu anticiper un tantinet davantage ?

Le développement de l’Union européenne s’est en grande partie réalisé grâce à la dynamique d’ouverture des marchés. Pour en avoir profité largement à l’extérieur et l’avoir entravé à l’intérieur de ses frontières, la France se retrouve, et c’est logique, en fâcheuse position. Elle aurait pu assumer à Paris ses votes à Bruxelles et appliquer les directives sans attendre les dates butoir.

La défense des monopoles publics est respectable politiquement. Ce qui l’est moins, c’est la duplicité des gouvernements français et l’inaction de leurs structures administratives qui conduisent aujourd’hui à fragiliser une entreprise vertueuse et à perturber l’amélioration de la mobilité francilienne. G. D.

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COMMISSION EUROPEENNE

Fret SNCF : rattrapé par le passé, sauvé par l’avenir ?

Les priorités environnementales de l’Europe vont-elles adoucir la sévérité prévisible des sanctions relatives aux aides d’Etat ?

C’est une tuile, un choc, un séisme, selon les mots employés par les uns ou les autres. L’annonce d’une enquête approfondie sur les aides consenties à Fret SNCF par l’Etat français perturbe les dirigeants et les salariés d’une entreprise qui était en bonne voie de normalisation depuis sa filialisation le 1er janvier 2020. Apurée de ses dettes (environ 5 milliards d’euros y compris les intérêts financiers), et même gratifiée de 170 millions d’euros lors de sa filialisation, elle en a fini avec les déficits. Mieux, selon nos informations en 2022 elle sera pour la deuxième année consécutive à l’équilibre, avec probablement un léger bénéfice.

Hier déficitaire, perclus de dettes, dans un environnement déprimé, Fret SNCF est aujourd’hui une entreprise «normale»

D’une certaine façon c’est heureux pour Fret SNCF que la Commission n’ait pas déclenché cette enquête, tout à fait logique du point de vue du droit de la concurrence, avant la filialisation. Hier déficitaire, perclus de dettes, dans un environnement déprimé, Fret SNCF est aujourd’hui une entreprise «normale» qui évolue dans le cadre d’une stratégie française et européenne prioritaire, à savoir la décarbonation. Mieux, son activité wagons isolés est spécifique et rendue possible par son dispositif de gestion capacitaire – le scénario d’un report modal inversé serait anachronique. Elle a donc des arguments à faire valoir pour s’imaginer un avenir.

Pourtant, les procédures sont ce qu’elles sont, elles sont connues de tous les Etats depuis longtemps, et il faut bien envisager les conséquences de cette enquête approfondie dont les conclusions ne sont pas attendues avant de très longs mois, le temps de recueillir les avis de toutes les parties prenantes. Pour simplifier il y aurait trois options de sortie :

  • Du passé faisons table rase ! Il n’y a pas eu d’aides d’Etat. Vu la matérialité indiscutable desdites aides, cette option est aussi crédible que d’envisager Eric Ciotti comme matelot sur le SOS Méditerranée.
  • Remboursez l’argent ! Fret SNCF doit redonner 5 milliards d’euros ou un peu moins. La mort ne serait plus une option. On voit mal la Commission adopter une telle radicalité, avec 5 000 emplois à la clé.
  • Transformez-vous, de façon à n’être pas redevable de la dette… C’est un scénario aux contours aussi bien définis que le programme électoral d’Emmanuel Macron en 2022. Il resterait donc à inventer. L’épisode Alitalia fait figure de référence en matière d’aides d’Etat, autour du concept de discontinuité économique: création d’une nouvelle entité avec reprise d’une partie des salariés et des actifs, remboursement partiel des aides et structure de «défaisance».

Selon nos informations le groupe SNCF exclut toute sortie de Fret SNCF ou toute privatisation, car le fret ferroviaire est une pierre angulaire de sa stratégie, comme l’est au moins officiellement celle des pouvoirs publics. Y a-t-il dans ces conditions de la place pour des aménagements majeurs compatibles avec le canevas juridique bruxellois, et résultant d’une indulgence eu égard les vertus environnementales des activités de Fret SNCF ?

Droit de la concurrence vs droit de l’environnement : la bataille des arguments est lancée.


ILE-DE-FRANCE

Des Assises et des roublardises

A peine quelques semaines après les tensions sur le prix du pass Navigo en 2023 (lire notre article Waterloo-sur-Seine), les Assises du financement du transport public en Ile-de-France, organisées par la Région, IDFM et la préfecture de Région ont permis de partager dans le calme les besoins nécessaires et les solutions possibles. Mais il va vite falloir trancher pour le budget 2024 et les suivants.

Mobilettre n’est peut-être pas le mieux placé pour évaluer la longue journée d’échanges du 23 janvier au conseil régional de Saint-Ouen, puisqu’il en assurait la modération générale. Mais à recueillir les réactions des participants sur place et celles en distanciel, la trêve a bien eu lieu : des débats riches, sereins et constructifs, bien loin des invectives politiques de l’automne dernier. Côte à côte Valérie Pécresse et Marc Guillaume ont symbolisé la réconciliation formelle, indispensable pour ne pas prolonger le conflit au-delà du raisonnable. Après tout, c’est de l’argent public au service d’un service public, et les usagers citoyens peinent à comprendre ce qui se joue derrière les affrontements de tribune ou de médias.

Au demeurant tout le monde a joué le nouveau jeu de l’expertise: gestionnaires d’infrastructures, opérateurs, fonctionnaires, élus, experts, universitaires, entreprises, usagers, partis politiques, tous respectant grosso modo le thème de la journée et renonçant à la tentation du verbe et de la punch line. C’est assez rare pour être souligné. On pourra juste regretter que les quatre parlementaires dans la séquence finale aient été un peu en-dessous – c’est d’ailleurs assez problématique, notamment au regard du traitement au Parlement de la spécificité de l’Ile-de-France.

On ne va pas résumer cette journée en quelques phrases, mais plutôt rappeler les grands volumes : le besoin de financement d’IDFM lié à l’offre nouvelle, à la dette Covid et aux Jeux Olympiques atteindra 1,6 milliard d’euros en 2030 – pour les Jeux Olympiques la facture devrait, comme nous le révélions la semaine dernière, se monter à environ 200 millions d’euros.

Il fait quasiment consensus que toutes les ressources actuelles d’IDFM seront sollicitées, à commencer par la tarification voyageurs et le Versement Mobilité des entreprises, les deux principales.

Pourtant, il est à noter que les associations d’usagers ont montré davantage de sens des responsabilités que les représentants de la CCI et du Medef, en acceptant eux-mêmes des augmentations régulières du pass Navigo au-delà de l’inflation – et cela semble normal, vu le prochain accroissement spectaculaire de l’offre proposée. Daniel Weizmann (Medef Ile-de-France) et Dominique Restino (CCI Ile-de-France) étaient moins bien disposés et ont crié à la surtaxation des entreprises, en alignant des chiffres qui s’envolent en valeurs absolues. Première roublardise… Oui, les entreprises augmentent leurs contributions nettes car les masses salariales augmentent, mais c’est peut-être aussi le signe que les chiffres d’affaires voire la profitabilité augmentent ?

Mais au-delà de ces recettes classiques, ce sont surtout les recettes nouvelles qui ont donné lieu à débat : davantage mettre à contribution les touristes, récupérer une part de la fiscalité sur le foncier, les transactions immobilières et/ou les plus-values, solliciter une fiscalité incitative en matière d’écologie (TVA à 5,5%, taxe carbone sur la route), diminuer les coûts d’exploitation y compris par la concurrence. Sur ce dernier point, pas de consensus côté gauche, Anne Hidalgo se permettant même de parler de privatisation à propos de l’ouverture des réseaux de la RATP, alors qu’il s’agira de DSP, délégations de service public, qu’elle pratique par ailleurs largement dans sa bonne ville de Paris. A noter quelques propositions originales, comme celle énoncée tranquillement par Marie-Ange Debon, présidente de l’UTP : modifier la taxe sur les véhicules de fonction, aujourd’hui forfaitaire et qui pourrait devenir fonction des usages kilométriques, c’est-à-dire plus dynamique… C’est bien un lobby d’intérêt public qui ne se contente pas d’être défensif.

D’autres suggestions ont fusé, dont celle – deuxième roublardise – de mettre la main sur une partie du magot de la SGP (Société du Grand Paris).

Jean-François Monteils a répondu très calmement, en substance : il ne serait pas judicieux aussi bien juridiquement que financièrement d’affecter ses recettes à une autre utilisation que celles précisées dans la justification de sa perception, au risque de troubler les prêteurs voire même les contribuables. En forme de retour à l’envoyeur, Valérie Pécresse a repoussé l’hypothèse qui circule en coulisses de ne pas mener à bien elle-même la mise en exploitation des lignes du GPE. Les débats ne sont probablement pas finis autour de la SGP.

Comme ils vont se prolonger aussi autour du calendrier de la décision sur le financement d’IDFM. Le ministre Clément Beaune est bel et bien venu clôturer ces Assises, avec son éloquence habituelle. Mais malgré des engagements répétés à trouver des solutions pérennes, exigées avec force par Valérie Pécresse, il a – troisième roublardise – réussi à différer le temps des décisions par la commande d’un rapport conjoint IGF-IGEDD, alors que tout est déjà sur la table. Après une telle journée responsabilisante, il flottait un petit air de déception, comme si l’Etat persistait contre vents et marées à procrastiner. La situation reste un brin absurde. L’Etat dit à IDFM: «Assumez vos responsabilités !», IDFM répond : «Avec plaisir, mais donnez-les moi intégralement !»

L’Etat est-il donc prêt à lâcher l’Ile-de-France comme on laisse s’émanciper un adolescent de la tutelle de ses parents ? Rien n’est moins sûr, tellement il est imbriqué dans ses rôles multiples. Le lendemain soir des Assises IDFM/Etat, Clément Beaune assistait aux vœux de Jean Castex, qui a tout aggloméré : «Si IDFM va mal, la RATP ira mal. Si la RATP va mal, IDFM ira mal.» Qui est actionnaire unique de la RATP ? L’Etat. Bon courage, monsieur le ministre.
G. D.

BILLET

Castex, je vœux donc je suis

Au théâtre Mogador, le PDG de la RATP a fermement imposé sa marque et énoncé ses priorités

Il ferait tout au rugby Jean Castex: ailier dézonant un peu partout sur le terrain, demi de mêlée orchestrant le jeu autour de lui, au milieu du pack pour repousser l’adversaire et gagner l’avantage, capitaine pour discuter avec l’arbitre, président pour négocier les salaires ; un peu moins demi d’ouverture (à la concurrence), sans doute…

Ce mardi 25 janvier, lors de ses premiers vœux de PDG de la RATP, il l’a en tout état de cause joué à la toulonnaise sinon à la perpignanaise : droit devant.

Une démonstration de force avec le sourire, les mimiques et l’accent, en présence de Clément Beaune et en l’absence de Valérie Pécresse. Les mots ne sont pas si différents de ceux de ses prédécesseuses Elisabeth Borne et Catherine Guillouard – même si on préfère la considération à la sempiternelle fierté -, mais surtout ils résonnent autrement. En deux semaines Jean Castex a sans doute vu bien davantage d’agents et de cadres de terrain que Catherine Guillouard en cinq ans. Cela se ressent.

Les salariés et leurs représentants semblent conquis. Deux accords signés (avec les conducteurs et sur les salaires 2023), et une production qui se relève progressivement. Lors de la négociation avec les représentants de conducteurs de bus, Jean Castex a donné mandat à Patrice Lovisa, qui lui a rapporté directement, sans perdre de temps avec les échelons habituels. Efficace.

La RATP entreprise ultra verticale a toujours aimé/subi ses chefs : papa Castex est arrivé, et tout le monde a l’air content de retrouver les rails d’une histoire familiale interrompue.

Les cadres, eux, ont compris qu’il vaudrait mieux à l’avenir ne pas tergiverser. Quand le patron a évoqué les fréquentes défaillances de l’information voyageurs et notamment les messages abscons d’«incidents d’exploitation», le ton était sobre et ferme – on imagine que des choses vont devoir changer, et vite. Les partenaires industriels ont également compris que sous la bonhomie pointe la fermeté voire possiblement bien davantage. Bref : mieux vaut avancer que procrastiner sous Jean Castex.

Paix sociale, rétablissement de l’offre, amélioration du service, modernisation des lignes en souffrance: la feuille de route d’ici les JO est claire. Pour la suite, la dimension du groupe, son organisation, ses objectifs technologiques, il faudra attendre un nouveau plan d’envergure, au mois d’avril.

Au rugby, maintenant, il y a aussi des spécialistes de la stratégie offensive dans les staffs.

G. D.

De prochaines Assises du travail ferroviaire?

L’unité syndicale contre la réforme des retraites commence à se fissurer à la SNCF, non pas sur le fond (tout le monde est contre) mais sur les modes d’action. A la CGT, pas complètement suivie par Sud-Rail, c’est le scénario d’une confrontation classique (blocages et grève reconductible) qui est d’ores et déjà en préparation. CFDT et Unsa sont plus prudentes, et attendent le résultat de la mobilisation du 31 janvier avant d’enclencher la suite.

Mais cette focalisation n’interdit pas de jouer le coup d’après. En pleine crise, l’Unsa ferroviaire ose une initiative disruptive: son secrétaire général Didier Mathis propose à Jean-Pierre Farandou d’organiser des Assises du travail ferroviaire, pour recueillir et analyser les attentes des salariés. «J’ai été frappé de constater combien la géographie des manifestations du 19 janvier, au-delà des grandes métropoles, s’est calquée sur « la France du travail », celle des sous-préfectures et des villes moyennes industrielles», écrit Didier Mathis dans un courrier que nous nous sommes procuré. «Ce sont des signaux […] qui nous questionnent dans notre rapport à l’efficacité du dialogue social, sur l’accompagnement des carrières qui seront de plus en plus longues, à la pénibilité qui évoluera de manière exponentielle passé un certain âge et, par conséquent, sur l’urgence à trouver de nouvelles formes de compensation.» La plupart des métiers cheminots correspondant assez parfaitement à ce descriptif, pourquoi ne pas mener collectivement une réflexion sur leur évolution et plus largement sur l’évolution du rapport au travail au sein de la SNCF? Et si 2023 était l’année des Assises?

CONCURRENCE

Le Train, l’accélération

En commandant dix rames à l’espagnol Talgo, la nouvelle compagnie ferroviaire Le Train franchit un nouveau cap de crédibilité auprès des investisseurs.

Après les mots, les actes. Après le colloque Les Aventuriers du rail le 17 novembre dernier (lire Mobitelex 393), une commande ferme de dix rames à grande vitesse, signée lundi dernier, toujours à Bordeaux. La compagnie Le Train confirme donc de façon spectaculaire ses ambitions ferroviaires sur le Grand Ouest, et c’est une première dans une activité, le ferroviaire voyageurs open access, où n’évoluent pour l’instant principalement en Europe continentale que les compagnes historiques et leurs filiales. Cela mérite quelques explications.

Une structure juridique spécifique pour porter l’acquisition du matériel roulant

La commande de matériel est une étape importante car elle engage des capitaux conséquents (autour de 300 millions d’euros pour les rames Le Train) et induit de nouvelles couvertures de risque. L’Etat refusant de facto d’être caution malgré l’intérêt public de la desserte ferroviaire (cf les difficultés de Railcoop), il faut bien aux start up trouver des argumentations à même de convaincre les investisseurs. Pas simple, tellement sont nombreuses les incertitudes. Les clients seront-ils au rendez-vous le jour J ? Malgré toutes les études, c’est le stress majeur, comme dans toute activité commerciale. La conjoncture sera-t-elle favorable ? Les obstacles techniques et réglementaires seront-ils levés ? L’infrastructure en état ? Les autorisations accordées ? Etc.

Le Train a choisi de monter une structure juridique spécifique pour porter l’acquisition de son matériel roulant. Ce dernier, éprouvé par la Renfe, est construit par une entreprise solide, Talgo, avec laquelle un partenariat industriel a été noué. Tous éléments qui rassurent les investisseurs, choisis sur des marchés financiers «semi-ouverts».

Alain Getraud, directeur général, a considérablement travaillé aux conditions de cette nouvelle levée de capitaux, notamment sur la question décisive de la liquidité des actifs – en clair, les rames choisies, ni low cost ni Premium ni hypercapacitaires, pourraient être réutilisées par un autre opérateur si jamais le projet connaissait des difficultés demain ou plus tard. Plus généralement, Le Train travaille à des scénarios crédibles pour ses investisseurs : par exemple, des taux de remplissage qui augmentent progressivement après le démarrage. Surtout, la qualité de service, au sens large, fait figure d’ores et déjà de marqueur référence.

Le Train en a aussi profité pour dévoiler un peu sa stratégie de desserte pour la mise en service commerciale prévue en 2025, qui consiste à densifier l’offre du Grand Ouest par des origines destinations nouvelles et/ou plus fréquentes. L’utilisation de Tours comme gare de retournement prend notamment à rebours la stratégie radiale de la SNCF depuis Paris. Aujourd’hui il est quasi-impossible de faire un Bordeaux-Tours en moins de deux heures par Inoui ou Ouigo. Demain, Le Train compte bien attirer des voyageurs sur des OD Rennes-Bordeaux ou Nantes-Bordeaux mal ou pas assurées par la SNCF.

L’annonce de lundi dernier a été largement suivie et reprise dans le secteur ferroviaire, Le Train faisant figure aujourd’hui de «locomotive» dans le convoi des nouveaux aventuriers du rail. Laurent Fourtune, fondateur de Kevin Speed, a ainsi réagi: « Kevin Speed se réjouit que l’entreprise Le Train, qui s’est lancée la première, ait trouvé une solution pour rouler avec des trains à grande vitesse neufs. Kevin Speed a une ambition de service complémentaire de celle de Le Train fondée depuis ses débuts sur des trains à grande vitesse neufs, […] et travaille avec détermination à rendre possibles ces trains neufs en collaboration avec un grand constructeur français et SNCF Réseau pour ouvrir en 2026.»

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REGULATION

L’ART préconise des concessions autoroutières plus courtes avec un mécanisme de soulte

Dans son rapport sur l’Autorité de Régulation des Transports (ART) (lire Mobitelex 395), la Cour des Comptes évoquant les réflexions de l’Autorité sur l’évolution des concessions autoroutières estimait que si ses préconisations se fondaient sur des analyses « économiquement éprouvées », elles prenaient « relativement peu en compte les enjeux d’acceptabilité », comme si c’était ce que la Cour des Comptes faisait, elle… Passons.

Toujours est-il que l’ART ne se laisse pas démonter par ces critiques: dans le deuxième rapport qu’elle vient de publier sur l’économie générale des concessions d’autoroutes, elle persiste et signe en justifiant ses recommandations par la jurisprudence qu’elle a pu dégager de l’examen des avenants aux concessions existantes.

Que reproche l’ART aux contrats de concession en cours ?

Premièrement, ils « reposent sur un fort transfert de risques ». Deuxièmement, ces contrats « portent sur une durée très longue, impliquant la négociation régulière d’avenants ». Troisièmement, « l’évolution des contrats en cours, objet de négociations entre le concédant et le concessionnaire, est peu encadrée. »

Sur ces trois inconvénients, l’ART a ses idées. Sur le partage des risques, il paraît normal de faire supporter le risque endogène à celui qui le maîtrise : « Les conditions de l’entretien et de l’exploitation dépendent notamment des options retenues pour les travaux. Les risques liés à l’entretien et à l’exploitation dépendent notamment des options retenues pour les travaux.(…) Dans ces conditions, confier à un même opérateur la construction, l’entretien et l’exploitation de l‘autoroute peut être pertinent, notamment parce que cela peut l’inciter à raisonner en termes de cycle de vie des investissements ». Sur le partage du risque trafic, c’est plus discutable : faire supporter le risque lié au trafic surenchérit le péage, mais cela permet un lissage des coûts tant pour l’Etat que pour l’usager. Il faut donc arriver à un surcoût raisonnable.

Sur la durée des contrats : l’ART répète que « des durées contractuelles inférieures à celles des concessions historiques seraient pertinentes ».

En effet, sur la longue durée, de nouveaux besoins apparaissent, ce qui oblige à la signature d’avenants qui ne sont pas favorables à l’usager puisque le concessionnaire est en position de force. L’ART préconise « une durée contractuelle comprise entre 15 et 20 ans pour la gestion des autoroutes historiques. Il s’agit d’une durée permettant une optimisation des plans d’entretien et la réalisation d’opérations complexes par un unique gestionnaire sans générer de coûts de transaction déraisonnables à l’échelle du contrat. »

Même dans les cas où il serait nécessaire de réaliser des investissements importants, l’ART estime que la durée de contrats pourrait être inférieure aux durées actuelles qui correspondent au recouvrement des coûts d’investissement par un acteur unique : la durée pourrait en effet être réduite en ayant recours à un mécanisme de soulte. Le mécanisme serait le suivant : « En lieu et place d’un contrat long, il serait possible de prévoir plusieurs contrats courts, correspondant chacun à une fraction de la durée qui serait retenue avec l’approche actuelle. Les prestataires successifs percevraient alors chacun une portion des recettes de péage nécessaires à la couverture des coûts d’investissement considérés. Concernant les dépenses, qui ne sont pas uniformément distribuées au cours de la vie d’une infrastructure, un mécanisme de soulte pourrait donc être introduit afin de répartir les coûts entre les prestataires successifs. Ainsi, le premier prestataire percevrait, à l’échéance de son contrat, une soulte correspondant à la part des coûts d’investissement que les péages perçus ne sont pas destinés à couvrir ; le prestataire suivant devrait, au début de son contrat, s’acquitter d’un droit d’entrée correspondant ; ce deuxième prestataire pourrait lui-même percevoir une soulte à la fin de son contrat, tandis qu’un troisième prestataire devrait payer un droit d’entrée, etc. »

Et l’ART répond à l’objection concurrence : « Loin de créer des barrières à l’entrée, le mécanisme de la soulte ouvrirait régulièrement des opportunités d’accéder au marché et pourrait ainsi renforcer l’émulation concurrentielle lors de l’attribution des contrats. »

La troisième recommandation porte sur la révision des contrats. L’Autorité préconise d’introduire des clauses d’évolution mécanique de certains paramètres dès l’origine des contrats et connues dès l’appel d’offres : ce pourrait être le cas « de l’évolution à la hausse comme à la baisse de l’index TP01 considéré pour les coûts d’investissement ». D’une manière générale, parce qu’elle a constaté durant ses six années d’exercice de contrôle autoroutier que « le choix de modifier les contrats de concession ne répondait pas toujours à un besoin étayé » elle estime nécessaire d’encadrer davantage les modifications des contrats en institutionnalisant leur revue périodique.

Les grandes manœuvres autour des concessions autoroutières ont commencé, bien avant leur échéances entre 2031 et 2037. Au-delà des hypothèses de refonte des contrats proposées par l’ART, la convoitise du magot des péages, si tant est que les dispositions européennes autorisent à l’exploiter au-delà du périmètre routier (lire MobiAlerte 101 sur le rapport du COI), ne doit pas occulter deux priorités de plus court terme: l’obligation de récupérer des actifs en bon état et l’impératif de décarbonation, gourmand en ressources.

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