Mobitelex 395 – 6 décembre 2022

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Waterloo-sur-Seine

L’affaire du Navigo à 90 euros est un naufrage politique

Ne voyez pas dans notre titre un sombre pronostic du résultat du match de foot France-Angleterre samedi prochain au Qatar, mais une manière opportune de qualifier la situation des transports publics en Ile-de-France. En cette veille du 7 décembre, date du conseil d’administration d’Ile-de-France Mobilités qui doit fixer la tarification 2023, les Franciliens continuent en effet à assister éberlués à un de ces jeux abscons auxquels se livrent parfois les pouvoirs publics. Que l’hypothèse d’une hausse brutale de 20% du tarif du pass Navigo, qui passerait de 75,20€ à 90€, soit restée aussi longtemps dans le débat public, en pleine crise sociale, avant d’être remisée in extremis par Valérie Pécresse vendredi dernier, est assez stupéfiant – on ne parlait que de ça dans le métro ou les bus, et même dans les dîners en ville…

La politique n’est ni rédemptrice ni justicière

Que sur le fond les uns aient davantage raison que les autres, ce serait finalement assez secondaire. En l’occurrence, il semble évident qu’il fallait surtout mettre de côté les calculs politiques et discuter ensemble pour résoudre le problème en amont, puisque le budget 2023 d’IDFM ne peut être déficitaire et que le delta recettes/dépenses est très déséquilibré, du fait de la crise énergétique mais aussi de la crise Covid qui a fait plonger les fréquentations. L’Etat veut donner des leçons de gouvernance publique? La politique n’est ni rédemptrice ni justicière, on le sait depuis la nuit des temps: sa vertu première consiste à traiter au mieux les crises collectives. Sinon Emmanuel Macron n’aurait pas osé le dimanche 27 novembre célébrer sur You Tube, au nom de la Transition écologique, le retour des trains de nuit qu’il avait lui-même condamnés comme ministre de l’Economie en 2015, au moment du rapport Duron sur les Trains d’équilibre du territoire.

Mobilettre, en revanche, peut rappeler les responsabilités de chacun…

Oui, Valérie Pécresse n’aurait peut-être pas dû endosser aussi vite le tarif unique après son élection de 2015 – ou alors aurait-elle dû l’augmenter plus substantiellement jusqu’en 2019 et la crise Covid. Non, l’Etat ne peut pas se défausser intégralement sur l’autorité organisatrice francilienne, car c’est lui qui refuse l’augmentation même temporaire du Versement Mobilité et le passage de la TVA à 5,5%, alors que les coûts d’exploitation explosent. Les collectivités (départements, ville de Paris et région) devraient-ils donner davantage que les 100 millions promis? Peut-être, mais Bercy a tellement manœuvré pour assujettir les collectivités aux dotations plutôt que les affranchir par de la fiscalité directe, que le recours à l’argument de la compétence régionale souveraine ne clôt pas le débat. Ajoutez à cela que les 2,1 milliards d’euros d’aides Covid accordées par l’Etat ne sont principalement pas des subventions (à l’exception de 150 millions), mais des avances remboursables sur treize ans, et vous avez le tableau des (ir)responsabilités partagées, auxquelles, si on voulait remonter un peu plus loin, il faudrait associer la majorité de Jean-Paul Huchon qui avait cru tenir en 2015 son effet électoral «waouh» avec le tarif unique à 70 €.

D’une manière générale, en Ile-de-France personne ne finance assez les transports collectifs eu égard l’offre proposée : ni les usagers ni l’Etat.

On pourrait imaginer une augmentation progressive et planifiée sur plusieurs années du pass Navigo et des contributions des entreprises, voire une subvention publique exceptionnelle au titre du Grand Paris Express (et des Jeux Olympiques?), en parallèle d’une poursuite de la baisse des coûts de production, car on sait d’ores et déjà qu’avec la seule mise en service des lignes 15, 16, 17 et 18 il faudra un milliard d’euros supplémentaires chaque année. Mettez-vous donc tous autour d’une table de conférence, mesdames et messieurs, élu-e-s et ministres, et attaquez-vous enfin à ce problème structurel du financement de la mobilité dans la région capitale. Paris vaut bien une grand-messe. G. D.

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NOMINATIONS

Patrick Vergriete à l’Afitf

Après l’intermède Jean Castex, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) devrait bientôt récupérer un grand élu local pour présider son conseil d’administration. La nomination de Patrick Vergriete vient en effet d’être proposée par le Président de la République aux deux Assemblées, qui vont l’auditionner prochainement.

Selon nos informations l’idée de cette nomination vient de Clément Beaune, qui manifestement au-delà des qualités personnelles du maire de Dunkerque lui a vu des compétences adaptées au poste: élu territorial engagé depuis sa prise de pouvoir aux dépens de Michel Delebarre en 2014, X-Ponts passé notamment par le CGEDD et l’agence d’urbanisme (Agur) de Dunkerque. Ajoutons deux caractéristiques qui n’ont pas manqué de plaire au ministre: son profil très «Ecole de la République», avec une ascension sociale exemplaire depuis le quartier des Glacis, et son engagement à gauche. Par les temps qui courent…

En revanche cette probable nomination d’un élu qui a mis en place la gratuité des transports à l’échelle de son agglomération surprend d’ores et déjà, et notamment tous ceux qui ont en mémoire la cérémonie des vœux du Gart en 2018, lorsque fut émise l’hypothèse d’exclure des financements publics les collectivités appliquant la gratuité totale. L’idée avait été suggérée par… Elisabeth Borne en personne, ministre des Transports. La politique est aussi l’art de l’amnésie.


Florent Bardon aux JO

Sa nomination comme directeur projet rattaché au DGITM devrait intervenir dans la semaine, à l’issue de l’expiration du délai relatif à l’avis de publication de vacance de poste. Mais selon nos informations c’est bien Florent Bardon, actuellement Directeur des Finances et de la Programmation des investissements de Gares & Connexions, qui a été choisi pour piloter le dossier ô combien sensible des Transports. Toutes les six semaines (la dernière réunion a eu lieu fin octobre) l’ensemble des acteurs sont sollicités par le ministre au sein d’un Comité des mobilités pour faire le point notamment sur les points les plus chauds, comme l’avancement du chantier de la ligne 14 au sud, les travaux de la gare du Nord et de Saint-Denis, la mise en place des dessertes collectives, le vélo ou encore les dispositifs de sécurité.

Le parcours professionnel de Florent Bardon a probablement plaidé en sa faveur, puisqu’il est passé à la fois par le ministère de la Transition écologique (modélisation des déplacements), le Stif (maîtrise d’ouvrage du T3), la préfecture de région Ile-de-France (conseiller transports du préfet) et Transilien (directeur des affaires publiques et de le RSE). Un itinéraire sur mesure, puisqu’il lui faudra parler avec tout le monde pour résoudre tous les problèmes. Et ils promettent d’être nombreux…


SOCIAL

SNCF : des contrôleurs si difficiles à contrôler

Comment s’explique le retour de conflits corporatistes et locaux à la SNCF. Pourquoi ils sont difficiles à gérer par l’entreprise et les syndicats. Et pourquoi ce n’est une bonne nouvelle pour personne.

Vous avez détesté les grèves générales de la SNCF ? Vous haïrez les mouvements locaux et corporatistes… Vous avez honni les syndicats cheminots? Vous allez peut-être regretter leur influence perdue…

Les Français qui voyagent en TGV (et en Intercités) ont découvert ce week-end le «mal-être» des contrôleurs, et leur coordination nationale via facebook. Contrairement à ce qui a été écrit ou dit, les trois jours de grève n’étaient pas une surprise : les réunions de négociation s’enchaînent depuis des semaines. Mais pour l’instant, «l’hétérégonéité des demandes n’a pas permis d’aboutir», souligne-t-on côté direction. Version moins soft, «ça part dans tous les sens et c’est difficile de répondre à tout»: roulements, salaires, notations, conditions de travail… Des propositions concrètes et inédites, comme la présence systématique de deux contrôleurs par TGV, ont été faites. Mais cela ne suffit pas, faute d’interlocuteurs aguerris aux discussions collectives, à la culture RH, au principe de compromis.

Mais où sont les syndicats ?

La CGT, nourrie à la culture collective et à la verticalité, se tient à distance de ce mouvement, tandis que l’Unsa, la CFDT et surtout Sud-Rail essaient de l’accompagner après l’avoir aidé à croître… C’est difficile aussi pour les syndicalistes de «contrôler» ces contrôleurs version gilets jaunes, méfiants envers les syndicats établis, aux comportements plus individualistes que leurs aînés, qui veulent beaucoup tout de suite et rompent avec la tradition «une grève, un mot d’ordre».

Si l’on élargit encore un peu la focale, les organisations de travail SNCF ne correspondent plus vraiment à la demande de proximité exprimée par ces (jeunes) contrôleurs. Cinquante contrôleurs par roulement qui font tous les mêmes trains, cela ne satisfait pas l’émergence de demandes particulières liées aux situations familiales, par exemple. Il faudra probablement que la SNCF revoie cet aspect-là de son organisation, à l’image des petits collectifs de Transilien, pour faire émerger des structures plus humaines où le supérieur direct croise fréquemment ses équipes, en tout cas plus que deux ou trois fois par an.

Le conflit des contrôleurs semble inspirer les aiguilleurs de SNCF Réseau, tandis que localement apparaissent des revendications particulières en cette fin d’année, comme ce fut le cas dans des Technicentres en sortie de crise Covid. Ces conflits sont d’autant plus délicats à gérer qu’il interviennent au moment de la NAO – négociation annuelle obligatoire -, qui s’ouvre mercredi, à moins de deux semaines des vacances de fin d’année, et à quelques jours de précisions gouvernementales sur la réforme des retraites. A cette aune-là, tout faux-pas des quartiers généraux semble interdit.


ANALYSE

La Cour des comptes et l’ART, un rapport ambigu

C’est un curieux rapport que les magistrats viennent de commettre sur le régulateur multi-sectoriel, parsemé de remarques qui interrogent sur l’intention première. Comme s’ils avaient dû se résoudre à pinailler sur les moyens et la gestion faute de critiques substantielles sur l’essentiel. Y avait-il ou y a-t-il un agenda caché du gouvernement sur une réforme des autorités administratives indépendantes ?

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur l’Autorité de Régulation des Transports, l’ART, qui laisse une impression un peu mitigée. Le titre tout d’abord: «Comptes et gestion de l’Autorité de régulation des transports». En fait il y a tromperie sur la marchandise car la Cour en profite aussi pour se livrer à une analyse approfondie de la manière dont l’Autorité exerce ses compétences. C’est assez courant mais en l’occurrence, les moyens consacrés et le temps passé témoignent d’une attention très particulière.

On se souvient que lorsque Mobilettre avait eu connaissance de ce sujet d’étude (Mobitelex 360), elle s’était interrogée sur les motivations de ce rapport: vu le désamour de l’Etat pour les autorités administratives indépendantes, s’agissait-il d’une manœuvre détournée pour tenter de brider l’ART ? Après avoir lu le rapport, la réponse binaire n’est pas évidente.

«L’Autorité, pourrait, sans sortir de son rôle, accompagner l’incitation à la performance»

Sur la mission historique de l’ART, le ferroviaire, la réponse est clairement non. On pourrait même dire, bien au contraire, car la Cour abonde dans le sens des décisions de l’ART et estime même que l’on devrait aller plus loin. Définition d’un cadre tarifaire pertinent, simplification de l’accès au réseau et aux installations de service, accompagnement de l’ouverture à la concurrence des contrats de service public, l’ART a tout bon. Excellent même sur les péages, au point que la Cour, qui sort peut-être un peu de son rôle, d’ailleurs, recommande que l’on reconnaisse formellement à l’ART la capacité de recourir à la notion « d’opérateur efficace », prise en compte dans d’autres secteurs régulés. « L’Autorité, pourrait, sans sortir de son rôle, accompagner l’incitation à la performance en prévoyant que les coûts du gestionnaire de réseau pris en compte pour le calcul des redevances soient ceux d’un opérateur efficace, notion qu’elle manie déjà pour la tarification des prestations de sûreté ferroviaire. » La Cour recommande donc d’«adapter les textes applicables afin que les coûts pris en compte pour déterminer les tarifs d’accès au réseau ferroviaire et aux installations de services soient ceux d’un opérateur efficace. » Elle propose également de donner compétence à l’ART pour émettre un avis motivé sur les conditions non tarifaires d’accès aux installations de service gérées par SNCF Voyageurs.

Toujours au chapitre ferroviaire, la Cour estime que « le dialogue entre l’Etat, SNCF Réseau et l’ART gagnerait à être enrichi et rendu plus productif lors de l’élaboration du projet de contrat de performance, l’Autorité étant ainsi en mesure de mieux appréhender, en amont, la trajectoire industrielle du gestionnaire d’infrastructure. » Curieusement, cette suggestion ne fait pas l’objet d’une recommandation…

Invoquant des risques de contentieux, la Cour recommande en gros à l’ART de faire profil bas

Dans les deux autres secteurs qui sont progressivement venus grossir le portefeuille de l’ART, à savoir le domaine aéroportuaire et celui des autoroutes concédées, la Cour semble d’abord encourager l’ART. Notamment dans sa manière d’appréhender le principe de « modération tarifaire » lors de son examen des redevances aéroportuaires. Elle semble en revanche plus réservée sur la question de l’appréciation de la « juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d’activités régulées », centrale pour l’homologation dans le cadre d’un Contrat de régulation économique (CRE). Il est vrai que là, on a vite fait de déplacer le curseur entre activités régulées et non régulées et que l’on touche donc au sacro-saint sujet français de la « double caisse » (ou « caisse aménagée » pour ne pas froisser le président d’ADP). Et la Cour devient soudain beaucoup plus frileuse : certes, elle recommande de permettre à l’ART d’émettre un avis simple sur les programmes d’investissement des aéroports régulés et de lui attribuer un pouvoir d’avis simple sur les projets de textes règlementaires relatifs à la régulation aéroportuaire, mais, dans le même temps, elle invite l’ART à la prudence. On se souvient des passes d’armes avec l’Etat – ou plutôt avec la DGAC – lors de l’examen du projet de loi DDAUE (Mobitelex 347 et Mobitelex 353) qui avait finalement permis à l’ART d’intervenir dans la détermination des règles d’allocations des actifs, des produits et des charges du périmètre régulé. Eh bien, la Cour des comptes, invoquant des risques de contentieux, recommande en gros à l’ART de faire profil bas : « La responsabilité incombe ainsi à l’ART d’user de cette prérogative de sorte à rechercher des consensus avec les acteurs du secteur tout en gagnant en transparence sur les règles d’allocation à employer ». Est-ce vraiment le rôle d’un régulateur de chercher le consensus? Cela nous laisse perplexe.

La Cour envoie un coup de griffe sur les réflexions de l’ART sur l’évolution des concessions

D’autant que c’est la même histoire avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes. D’abord un peu de pommade : l’ART s’est bien emparé du sujet, qu’il s’agisse des « opérations compensables », du taux de rendement interne ou de l’évaluation du coût des travaux et aurait même fait économiser aux usagers 500 millions d’euros hors taxe. On pourrait donc aller plus loin en demandant au concédant de motiver publiquement les décisions qui s’écartent des avis émis par l’ART sur des contrats de concessions autoroutières et des projets d’avenants à ces contrats. En revanche, la Cour envoie un coup de griffe sur les réflexions de l’ART sur l’évolution des concessions, notamment lorsqu’elle suggère la mise en œuvre de « modulations géographiques et temporelles »: « Toutes ces préconisations », relève la Cour, « se fondent sur des analyses économiquement éprouvées, mais prennent relativement peu en compte les enjeux d’acceptabilité, ce qui est parfois reproché à l’ART (…) Par exemple l’augmentation d’un péage existant pour financer une nouvelle infrastructure ou sa rénovation peut soulever moins de difficultés que la mise en péage de celle-ci, même s’il ne s’agit pas de la formule économiquement la plus rationnelle. »

Cette impression mi-figue mi-raisin ne peut qu’être renforcée par cette appréciation de la Cour comme quoi les compétences du régulateur « mériteraient d’être encore rationalisées ». S’agit-il, par souci de cohérence, de le recentrer sur ses compétences premières, à savoir le ferroviaire ? Un peu comme dans le jargon SNCF où quand on rationalise une desserte, en fait on rogne… On peut se poser la question lorsque la Cour ajoute: « Il faut insister sur le fait que la montée en compétences de l’ART ne doit pas avoir pour corollaire un quelconque désengagement ou une perte d’expertise de l’Etat. » Mais qu’y pourrait l’ART ? Si les rôles sont bien définis, à chacun ses compétences !

Les achats sont aussi épinglés de même que la gestion du patrimoine immobilier… à l’époque de la double localisation

On enchaîne ensuite sur la question de la gouvernance, des moyens et de la gestion de l’ART. Sur la gouvernance, c’est avec bon sens que la Cour recommande à l’Etat de prendre en compte lors du choix des membres, les risques de déport susceptibles d’affecter le fonctionnement du collège, surtout lorsque celui-ci sera réduit à cinq membres à la fin de l’année. Sur la gestion économique, la Cour se montre assez sévère, estimant que « la gestion doit encore se professionnaliser et se donner des objectifs d’économie ». Les achats sont aussi épinglés de même que la gestion du patrimoine immobilier… à l’époque de la double localisation. On pourrait penser que la Cour est dans son rôle de rappel à l’ordre de bonne gestion mais l’avant-dernière recommandation semble plus sévère que l’analyse elle-même : « Redéfinir les moyens financiers et humains de l’ART, en adéquation avec ses missions effectivement exercées et ajuster en conséquence la dotation pour charges de service public. » Alors, faut-il y voir une forme d’envie devant cette « aisance financière » (sic) ou, plus inquiétant, une manière détournée de brider une autorité indépendante trop indépendante, dont les effectifs ne semblent pourtant pas à la hauteur de l’accumulation des compétences attribuées au fil des années?

Le président par intérim de l’ART s’est étonné que les éléments détaillés apportés par l’Autorité aient été quasiment ignorés par la Cour

Nous ne sommes pas les seuls à nous poser des questions : le président par intérim de l’ART, dans une lettre au Premier Président de la Cour des Comptes publiée ultérieurement sur le site de la Cour, s’est étonné du fait que les éléments détaillés (près de 150 pages) apportés par l’Autorité, principalement sur sa gestion, aient été quasiment ignorés par la Cour. Il relève le décalage entre le « regard très positif porté par la Cour sur l’action de l’Autorité » et le fait qu’elle « n’ait pas pris le soin de refléter, dans ses observations définitives, les réponses apportées dans le cadre de la phase contradictoire visant à éviter un certain nombre d’affirmations insuffisamment objectivées ou étayées, notamment dans la partie portant sur la gestion, et ce, sans explication aucune fournie à l’Autorité (les observations définitives sont en effet quasiment identiques au relevé d’observations provisoires, malgré les nombreux éléments factuels que l’Autorité s’est attachée à fournir pour éclairer les analyses de la Cour). » C’est le cas de la rémunération et des dépenses de personnel qui « ne peuvent être appréciées indépendamment des achats de prestations intellectuelles qui sont, de fait, peu élevés pour l’Autorité, du fait de l’existence en son sein, des compétences pointues nécessaires à ses travaux », du sous-dimensionnement de la fonction « achats » jusqu’à une date récente, ou de la gestion immobilière avec la prise en compte de 2021 comme année de référence, situation transitoire avec un double loyer à acquitter sur une partie de l’année (du fait du déménagement de la tour Montparnasse). L’Autorité « déduit » d’ailleurs, « de l’absence de recommandation sur sa gestion (…) que, d’après l’analyse de la Cour, les enjeux stratégiques ne se situent pas sur ce terrain, même s’il reste, bien entendu, comme toujours, des marges de progrès » sur lesquelles elle travaille.

« Certaines formulations », poursuit le président par intérim, « – figurant plus particulièrement dans la synthèse et le sommaire – questionnent en outre quant à la fidélité aux faits établis dans le rapport ou pour lesquels l’Autorité a apporté des éléments précis en réponse (données et pièces à l’appui) lors de la phase contradictoire. » Par exemple, « la supposée aisance » dont aurait bénéficié l’Autorité et que « rien dans le rapport de la Cour ne permet d’étayer factuellement.»

Quant à la recommandation « visant à redéfinir ses besoins en moyens financiers et humains en adéquation avec ses missions », l’Autorité souligne « le risque que le lecteur soit induit en erreur par une formulation ambigüe dans la synthèse, mais claire dans le corps du rapport. Comme l’indique ainsi le corps du rapport, l’analyse de la Cour conduit à conclure qu’«il est aujourd’hui essentiel, après les élargissements successifs de compétences, de redéfinir les moyens dont l’Autorité doit disposer pour remplir pleinement ses missions », ce qui souligne clairement que l’Autorité, à la suite des élargissements successifs et rapides de ses compétences, ne dispose plus des moyens suffisants pour exercer les missions que le législateur lui a confiées. La recommandation aurait de fait été plus claire si elle avait parlé de redéfinition à la hausse… Cela conforte la lecture de Mobilettre sur le fait que ce rapport et ses appendices ne sont décidément pas dénués de toute ambigüité. Comme l’on ne peut que regretter le très long délai de nomination d’un successeur à Bernard Roman, parti le 2 août dernier.


AERIEN

La Commission valide la règle française des 2h30

Ce n’est pas une surprise : la version corrigée du projet de décret présentée par la France était compatible avec le droit européen

Autant la décision de la Commission européenne, il y a un an, de procéder à un « examen plus approfondi » de la mesure interdisant les vols intérieurs en cas de trajet équivalent en train d’une durée inférieure à deux heures trente avait fait l’effet du coup de tonnerre (lire MobiAlerte 90), autant la décision de validation que vient de prendre la Commission était attendue. Entre les deux, ce qui s’est effectivement passé, c’est que que la version corrigée du projet de décret à laquelle la France a travaillé et que Mobilettre avait présentée (lire Mobitelex 377) a permis d’aplanir les difficultés.

La Commission s’était interrogée sur le point de savoir si une telle mesure entrait bien dans le cadre des règles communes pour l’exploitation des services aériens

Revenons sur le récit de cette « limitation de l’exercice des droits de trafic en raison de problèmes graves en matière d’environnement » (son vrai nom…) que la France voulait introduire sur proposition de la Convention Climat et en application de l’article 145 de la loi du 22 août 2021 contre le dérèglement climatique. La Commission s’était interrogée sur le point de savoir si une telle mesure (règle des 2h30) entrait bien dans le cadre de l’article 20 du règlement 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation des services aériens dans la Communauté. Notamment sa justification et sa proportionnalité par rapport à une menace grave à l’environnement, alors que des mesures étaient en discussion au niveau communautaire dans le cadre du projet « Ajustement à l’objectif 55 ». Quant au projet de décret il prévoyait des dérogations en faveur des services aériens transportant une majorité de passagers en correspondance et en faveur des services aériens qui atteindraient un seuil maximal d’émission, ce qui faisait craindre à la commission de potentielles distorsions et discriminations de concurrence entre opérateurs.

La version ultérieure du décret présentée par la France avait fait disparaître ces dérogations. Elle s’accompagnait aussi d’une explication de texte qui a sans doute rassuré la Commission sur la portée de la mesure et le fait qu’elle ne soit pas « plus restrictive que nécessaire ». On se souvient que la France avait précisé que le projet de décret introduisait « une différenciation dans le calcul du temps de trajet ferroviaire alternatif, prenant pleinement en compte la vocation de certains aéroports à l’intermodalité : lorsque l’aéroport le plus important de la liaison, en termes de trafic, est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare retenue pour le calcul du service ferroviaire est celle desservant cet aéroport ; dans tous les autres cas, la gare retenue pour le calcul du service ferroviaire alternatif est celle desservant la même ville que l’aéroport concerné. » Combiné aux règles de trajet direct, fréquences suffisantes et horaires satisfaisants et les huit heures d’amplitude sur place pendant une journée, ce mode de calcul faisait que l’interdiction ne concernait, pour tout transporteur aérien, et en l’état actuel des services ferroviaires, que les trois liaisons entre Paris-Orly et Bordeaux, Nantes et Lyon. Les choses ne pourraient donc évoluer que si sur Paris-Charles de Gaulle et Rennes et Lyon ou Lyon Saint-Exupéry-Marseille, la SNCF – ou un autre opérateur – trouvait le moyen d’améliorer ces dessertes. En période de priorité au taux de remplissage, de course aux rames et aux conducteurs, on n’y croit pas trop…Avec cette version du projet de décret, le plus dur était fait vis-à-vis de la Commission.

Il a suffi dans un dernier effort d’introduire une clause de revoyure au bout de trois ans (qui de toute façon est de droit puisqu’elle est prévue dans la directive 1008/2008) et d’ajouter que la France s’engageait à « réaliser et transmettre à la Commission européenne une évaluation de la mesure 24 mois après son entrée en vigueur » pour que la Commission donne officiellement son feu vert en considérant que la mesure française « remplit les conditions énoncées à l’article 20 de la directive ».

BILLET

Le ferroviaire est une chose trop sérieuse…

… pour le laisser aux associations de défense des usagers, serait-on tenté d’écrire après avoir lu le communiqué de presse commis par le collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes à l’occasion de la réouverture de la ligne Briançon-Gap le 11 décembre prochain. Parce que ce pseudo communiqué de presse fait dire à Laurent Wauquiez, Renaud Muselier et Elisabeth Borne ce que l’association aurait aimé les entendre dire pour soutenir cette ligne. Le problème c’est qu’ils n’ont vraiment rien dit de tout cela et que l’association a tout inventé pour faire un coup médiatique… En tout cas un coup contre-productif vis-à-vis de financeurs, régions et Etat, qui ne vont guère apprécier. Quant à la presse, manifestement elle ne s’est pas laissée avoir, et c’est tant mieux.

Allez, on va nuancer notre sévérité parce que sans le collectif la ligne n’existerait peut-être plus, mais tous les moyens ne sont pas bons pour faire avancer une cause aussi juste soit-elle. A. B.

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