Mobitelex 415 – 2 juin 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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La nuance et le compromis

ZFE: comment éviter le piège du pour ou contre

Les pouvoirs publics devraient se poser plus systématiquement la question de leur pédagogie du changement. Et surtout, avant de constater les dégâts provoqués par son insuffisance. «Ce n’est pas un échec, ça n’a pas marché», avait dit le Président de la République à propos de la première application Stop Covid. C’était un peu court. La consultation publique menée par le sénateur Philippe Tabarot dans le cadre de sa mission flash sur les ZFE (zones à faibles émissions) est précieuse à ce moment de l’Histoire parce qu’elle affronte la question de l’explication et analyse les vices de conception. Mieux vaut klaxonner avant d’aller dans le mur, un miracle est toujours possible.

Pourquoi tant de sujets déclenchent les passions ? Pourquoi le débat se caricature si vite entre les pro et les anti ? Manifestement le «en même temps» n’a rien réglé, faute d’être considéré comme une démarche ouverte et sincère ; il a même contribué à cristalliser encore plus les radicalités. Le constat n’est pas glorieux : non seulement le compromis est un effort manifestement devenu contrariant, mais c’est dans l’élaboration même des idées et des programmes politiques que le sens de la nuance semble avoir disparu – et c’est bien plus grave.

La fuite en avant peut déclencher de terribles retours en arrière

Il ne s’agit pas de rejeter a priori le principe de mesures radicales – la situation climatique actuelle est suffisamment inquiétante pour en justifier de nombreuses -, ni d’analyser les raisons des impuissances publiques depuis vingt ans. Mais les alertes se multiplient en Europe: le scrutin le week-end dernier en Espagne avec la radicalisation du Parti Populaire, la politique de Giorgia Meloni en Italie, qui s’attaque méthodiquement aux autorités indépendantes. Et dire que la Hongrie s’apprête à prendre la présidence de l’Europe en juillet 2024… La fuite en avant peut déclencher de terribles retours en arrière. L’écrivain Douglas Kennedy n’y est pas allé de main-morte dans le dernier Journal du Dimanche : «Le wokisme rend service à l’extrême-droite».

On ne se trompe pas d’ennemi. Mais on assume de reprocher aux vertueux extrêmes de renoncer progressivement à ce qui manquera toujours aux adversaires d’une société de la tolérance – le partage, l’écoute, la considération. Comment faire autrement ? Comment faire autrement que travailler en amont à l’acceptabilité, sans relâche ? A défaut de cette ligne de crête, des pouvoirs exécutifs trop forts et sans scrupules s’installeront et écarteront les contre-pouvoirs indépendants, au nom de l’efficacité.

Dit autrement, ce n’est pas parce que la Macronie a spectaculairement échoué dans sa gouvernance qu’il faut renoncer à l’idéal du grand compromis, en l’occurrence sur la question écologique et la décarbonation pour tous. L’échec d’une méthode et d’une prétention verticale ne doivent pas emporter les hommes et les femmes de bonne volonté. Sinon, à défaut de grand compromis, ce sera la grande confrontation, avec une majorité de perdants. G. D.

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COLLOQUE

La décarbonation pour tous: comment dépenser des milliards que l’on n’a pas encore ?

Une matinée de débats organisés par Avenir Transports avec Mobilettre a permis jeudi matin de dépasser les postures pour aborder les sujets d’acceptabilité du changement, de transformation des offres et des appareils industriels et de collaboration des modes.

Alors que le gouvernement essaye de boucler la nouvelle version de sa stratégie bas carbone, que le ministre des Transports espère que le Parlement lui concèdera la possibilité d’inscrire dans une loi (de programmation ?) les arbitrages sur le rapport du Comité d’Orientation des infrastructures et quelques autres zakouskis comme les aides au fret, l’Association Avenir Transports tenait son colloque annuel, après plusieurs années d’interruption, à cause de la pandémie. Préparés par Mobilettre et animés par Gilles Dansart, les débats se voulaient ambitieux, sur le thème de la décarbonation pour tous – c’est-à-dire : pas seulement celle des véhicules, par le seul miracle de la science. Curieusement, on a très peu parlé argent : si, un peu bien sûr pour le transport public. Mais si le rapport Pisani-Ferry a été évoqué, ce n’est pas pour commenter ses propositions sur les milliards à trouver, mais bien plutôt dans sa dimension opérationnelle : leviers de décarbonation, innovations technologiques, report modal. Bref, un bel effort de réflexion collective du secteur et la démonstration de sa mobilisation, de quoi rendre plus optimiste sur les chances de la décarbonation que l’habituel bureau des pleurs.


Les débats : on n’échappera pas au report modal

L’Association Avenir Transports avait choisi pour thème « la décarbonation pour tous » et associé les quatre principaux modes de transport : aérien, ferroviaire, fluvial et routier. Entre gens de bonne compagnie, il était implicitement admis de ne pas opposer les modes entre eux, même si le business reste le business, et si parler report modal implique malgré tout de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

On en était là jusqu’à la dernière table ronde, celle des gestionnaires d’infrastructure. Le président de Vinci Autoroutes Pierre Coppey a un peu rompu la trêve en s’étonnant de ce que l’on ait tellement parlé ferroviaire alors que 90% du transport se fait par route et que 75% des trajets domicile-travail se font sur route. Est-ce la phrase du ministre des Transports Clément Beaune dans son message aux participants (« le réseau ferroviaire est la colonne vertébrale » du développement d’offre), est-ce l’approche de l’échéance des concessions autoroutières, toujours est-il que la taxe sur les autoroutes peut toujours contribuer à financer le ferroviaire (via le budget de l’AFITF), le « ferroviaire ne sera jamais universel ». Au-delà de ce mouvement d’humeur, les échanges d’hier ont fait la démonstration – s’il en était encore besoin – de la complexité du sujet.

Florence Lasserre a justement considéré en conclusion que ces échanges avaient révélé une grande «maturité» des acteurs. Chacun sait maintenant que le sujet de la décarbonation et plus largement celui de l’environnement sont vitaux au sens premier du terme, qu’il ne peut plus attendre, même si les solutions restent à trouver. Problématique globale, mondiale, à laquelle chacun s’est efforcé d’apporter sa brique.

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De l’acceptabilité des changements

Dans leur rôle de politiques, les deux vice-présidentes d’Avenir Transport, Pascale Gruny (sénateur de l’Oise) et Florence Lasserre (député des Pyrénées-Atlantiques) ont soulevé la question de l’acceptabilité de la décarbonation et de sa compréhension par une grande partie de la population. Pas celle de Paris ou des métropoles qui, pour la plupart ont des solutions de transport public, mais celle du rural ou du péri-urbain pour qui sans la voiture, et souvent sans ce qui est encore une voiture diesel il n’y a pas de moyen de déplacement. Dès lors, le risque est grand d’opposer deux mondes, l’urbain et le rural.

Elue d’un département qui à l’est du pôle Bayonne-Anglet-Biarritz tient à soigner ses très dynamiques zones rurales, Florence Lasserre relève « la même réticence des citoyens à renoncer à la voiture individuelle parce qu’ils attendent le même service partout. » Dès que l’on s’éloigne des grands pôles « emploi, transport, logement, les trois sujets se mêlent ». Les deux parlementaires ont exprimé un même souci d’éviter que les sujets ne soient trop clivés. Voilà peut-être de quoi rassurer Clément Beaune qui « espère le passage par une loi » pour inscrire les arbitrages qui feront suite aux travaux du Conseil d’Orientation des infrastructures.

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ZFE, les pistes de Philippe Tabarot

Les propos du sénateur Philippe Tabarot qui avait accepté de venir parler des ZFE (Zones à Faible Emissions), quelques jours avant la remise du rapport de sa mission flash, n’ont pas démenti l’idée qu’une certaine décarbonation, ou tout au moins son rythme, flirte avec la justice sociale. Dans la large consultation qu’il a menée (plus de 50000 contributions volontaires, un record au Sénat), et dont il a tenu à préciser qu’elle ne prétendait pas être scientifiquement représentative à la manière des enquêtes de sondeurs, la très large opposition aux ZFE est motivée d’abord par le coût d’acquisition d’un véhicule électrique, puis par les difficultés d’accès aux métropoles, enfin, à égalité, par un calendrier trop rapide et une remise en cause de la justice sociale.

Que faire pour que les ZFE ne deviennent pas des «Zones à Fort Emmerdement»

Que faire pour que les ZFE ne deviennent pas des « Zones à Forte Exclusion », voire même des « Zones à Fort Emmerdement » (sic) ? Il faut faire tout à la fois un effort d’information sur les enjeux (santé publique), un effort d’harmonisation alors que les règles sont différentes selon les métropoles même lorsqu’elles se touchent (périmètre de la zone, amplitude horaire, dérogations…), sans doute aussi d’individualisation (en fonction de leur niveau d’entretien, tous les véhicules ne méritent peut être pas d’être envoyés à la casse) et certainement de synchronisation, car certains territoires qui ont voulu aller plus vite que la loi sont aujourd’hui obligés de revenir en arrière.

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Le report modal ne se décrète pas

Il ne faut pas perdre de vue que « l’objectif final ce n’est pas de transformer 40 millions de véhicules thermiques en véhicules électriques, mais bien le report modal ». Clément Beaune avait dit la même chose dans son interview en introduction au colloque. Même constat du côté du président du Comité d’Orientation des Infrastructures David Valence qui cite le rapport Pisani-Ferry : « Deux tiers des émissions sont liées à la motorisation mais après 2030 c’est le report modal qui contribuera à la baisse. » Et c’est là où les transports publics ont un rôle essentiel à jouer, essentiellement dans le périrubain. Seulement voilà, comme l’a dit fort justement la déléguée générale de l’UTP Florence Sautejeau, « la mauvaise nouvelle, c’est que le report modal ne se décrète pas et qu’il va falloir investir y compris dans les parkings relais et les cars express », ou comme l’a résumé Gilles Dansart qui animait le colloque, ce qu’il faut ce sont « les 3F » : « Fréquence, fiabilité et fric ».

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Les leviers de la transformation

L’avantage de débats comme ceux d’hier, débats de spécialistes incontestablement, c’est que l’on ne s’en tient pas à des lieux communs et à des déclarations d’intention. Les représentants des deux grands groupes de transport que sont AF/KLM et SNCF sont entrés dans le concret de leur stratégie de décarbonation. Peut-être, malgré l’aridité des sujets, que les Français comprendraient mieux ce qu’on leur demande s’ils entendaient ce que sont capables de faire deux grandes entreprises et leurs salariés avec elles. Philippe Tabarot pointe un déficit d’explication mais là on est bien dans l’explication par l’exemple.

Bref, refermons cette parenthèse pour passer aux leviers de décarbonation des dites entreprises. Comme l’a expliqué Nathalie Stubler, chargée de la décarbonation pour le groupe AF/KLM, le premier levier porte sur le renouvellement de la flotte qui coûte 1 milliard d’euros par an à Air France avec pour objectif, en 2030, 70% d’avions nouvelle génération, ce qui suppose « santé économique et financière ». Le deuxième levier porte sur les opérations en vol (optimisation des trajectoires) et au sol qui, même si elles n’économisent que 5% des émissions, permettent de mobiliser l’ensemble des personnels du groupe. L’intermodalité avec le ferroviaire appartient à ce groupe de leviers. Enfin, le dernier levier est celui du carburant durable ou SAF qui permet d’économiser 75% des émissions de CO2. Alors que l’Europe s’est (presque) mis d’accord sur 6% d’incorporation de carburant durable, le groupe va plus loin avec un engagement de 10% sur l’ensemble de l’Europe et travaille à sécuriser les contrats lui permettant d’y arriver, notamment avec Nesté.

Plus tard dans les débats, le président d’ADP a été encore plus « cash »: « Si le transport aérien ne se décarbone pas, il ne pourra pas survivre. On n’évitera pas les mesures coercitives. » Et pour lui, si la filière française de carburant durable est en retard, en particulier sur la production de e-fuel, c’est parce que jusqu’en 2019 l’aérien ne s’en est pas préoccupé.

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Prendre en compte les émissions évitées

La SNCF, déjà largement décarbonée, encore que ce qui est vrai du TGV ou du fret l’est beaucoup moins du TER, mise aussi sur le TGV nouvelle génération, plus économe. Mais surtout, comme l’a expliqué Mikael Lemarchand, directeur du projet d’entreprise et du Développement durable du groupe, parce qu’on est tous interdépendants, il faut réduire les émissions aussi bien en amont qu’en aval. Ainsi, pour ses achats, la SNCF entend donner un signal à ses fournisseurs en leur appliquant le prix de la tonne carbone qu’elle s’applique à elle-même. Pour l’instant, cela ne concerne que les marchés de travaux, mais cela se retrouve dans la note financière des appels d’offre. Exemple très bien illustré également par la présentation du directeur d’AREP, Raphaël Ménard, sur les gares durables de demain, « stations services des énergies décarbonées ». Et au moment où le gouvernement planche sur la troisième édition de sa stratégie nationale bas carbone, Mikael Lemarchand suggère qu’en matière de report modal, « on prenne en compte les émissions évitées », car il faut des règles du jeu collectives où « on crédite ceux qui contribuent au report modal ».

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David Valence en appelle à l’évaluation

Qu’il s’agisse de décarbonation ou plus largement d’environnement, il est vrai que les méthodes de prise de décisions économiques en sont restées à l’ancien monde et n’intègrent pas ce critère. C’est bien ce que déplore le député David Valence. Si, pour établir le rapport du COI qu’il préside, le temps manquait pour définir de nouveaux critères d’investissement sans en rester au vieux TRI (taux de rentabilité interne), il relève que l’on est « dans un pays où l’on n’aime pas évaluer » les projets, ni avant, ni pendant, ni après. Ainsi l’impact carbone d’un projet n’est pas évalué. « Le seul mode qui évalue l’impact carbone évité, c’est le fluvial. Dans les projets ferroviaires, la SNCF ne donne pas les données à l’AO », alors que cela constitue pourtant l’un de ses points forts. D’une manière générale, il souligne qu’il faut « penser en global, dès le départ d’un projet », c’est notamment le cas pour les Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) où il faut « d’abord un accord sur une niveau de service entre la région et les métropoles avant d’engager un tour de table financier où l’Etat aura bien sûr sa place. »

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Jusqu’à la décroissance ?

Cet appel à évaluation n’aura sans doute pas laissé indifférents les gestionnaires d’infrastructure : le directeur général de VNF (Voies Navigables de France) Thierry Guimbaud, bien sûr, puisqu’il est déjà très vertueux, mais aussi le représentant du GI ferroviaire Alain Quinet, directeur général délégué de SNCF Réseau, qui a plaidé pour des prévisions démographiques des territoires avant les décisions d’investissement. Quant au président d’ADP, Augustin de Romanet, dit-il autre chose lorsqu’il lance, sous forme de boutade : « S’il y a moins de passagers aériens, cela ne m’empêchera pas de dormir, je ferai moins d’investissements » ? C’est poser en creux, lorsque l’on parle de développement d’offre, le coût marginal du passager supplémentaire tout comme celui de la congestion pour le ferroviaire et le routier. Qu’il s’agisse de décarbonation ou d’environnement, on ne pourra plus faire l’économie de la prise en compte des coûts externes au sens large. Et ce serait tant mieux car les décisions économiques et financières déconnectées de leur coût sociétal sont bien celles qui génèrent l’inacceptabilité. A. B.

COMMENTAIRE

Questions de chocs

Augustin de Romanet l’a raconté très simplement : avant 2019, le secteur aérien se voyait dans une bulle qui garderait sa dernière goutte de pétrole pour faire voler ses avions. Depuis, tout a changé avec la pandémie. Et la revue des objectifs stratégiques et des process industriels est massive, dans tous les modes, y compris la route qui a longtemps cru elle aussi échapper au tsunami de la décarbonation.

Si on refait le scénario, de façon un peu schématique, cela donne : choc écolo-sanitaire, puis choc de la demande de transports décarbonés – plus de trains, plus de vélos, plus de véhicules électriques etc. Du coup le choc d’offre est à la traîne, particulièrement en France qui pêche pour l’instant par de trop faibles investissements et une collaboration des modes encore insuffisante. David Valence n’a guère vu sur son bureau de président du COI de projets authentiquement multimodaux…

La priorité est là : doper au plus vite ces offres décarbonées. C’est spectaculaire avec le vélo, et pas seulement à Paris, c’est beaucoup plus compliqué pour le transport public et collectif, notamment ferroviaire, du fait du malthusianisme toujours dominant de Bercy (mais pas seulement). Certes, des milliards ont été consacrés au ferroviaire depuis vingt ans sans augmentation des parts de marché; mais comment ne pas prendre en compte aussi les flux transportés, qui ont explosé, notamment en Ile-de-France, et l’état des infrastructures, qui avaient été abandonnées ? Quelle France de la mobilité aurait-on aujourd’hui sans ces rattrapages massifs ?

On a aussi envie d’en appeler à un quatrième choc, que l’on appellera de façon peut-être un peu impropre le choc de la moralité. Décarbonation, que de crimes ne commet-on pas en ton nom ? Tout le monde est pour, et surtout ceux qui en profitent. Chacun se précipite sur ce nouveau business : des grappes de consultants fraîchement convertis, des prestataires verbeux, des commerçants sans scrupules – sans oublier quelques groupes industriels historiques qui battent leur coulpe pour apparaître ensuite plus vertueux. Une sorte de bulle des intermédiaires qui profitent de l’aubaine et de l’absence de référentiels métiers, mais aussi de l’indulgence et de la passivité des pouvoirs publics, jusqu’ici, pour imposer leurs méthodes et leurs tarifs aux collectivités et aux entreprises. Il serait bon de faire dégonfler cette bulle avant qu’elle n’affecte la crédibilité des authentiques décarbonateurs. G. D.

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TER

Pays-de-la-Loire : la SNCF gagne, la concurrence s’interroge

Faut-il continuer à répondre à des appels d’offres si à chaque fois c’est la SNCF qui gagne?

Le 22 juin prochain les conseillers régionaux des Pays-de-Loire valideront en session l’attribution à la SNCF du premier lot ouvert à la concurrence (lot Sud + Nantes-Chateaubriant). L’analyse des offres a tourné à un duel SNCF Voyageurs/Transdev, remporté de justesse par le premier selon Christelle Morançais, présidente de région. Régioneo (RATP Dev + Getlink) est troisième ; Arriva avait été averti par courrier début mars que la Région ne poursuivait pas les négociations avec elle, suite à l’offre intermédiaire du mois de janvier – et sans aucun élément d’explication à ce jour.

Cette deuxième victoire consécutive de l’opérateur historique, après celle en Hauts-de-France face au même Transdev, ne passe pas bien chez ses concurrents. Si officiellement le silence est de mise chez les opérateurs alternatifs Transdev et Arriva, leur organisation représentative, l’Afra (association française du rail) a réagi vite et fort avant même l’attribution formelle : «Si les régions lancent des appels d’offres seulement pour le principe et reconduisent systématiquement SNCF Voyageurs, les opérateurs alternatifs ne pourront plus répondre à l’avenir», a averti Franck Tuffereau, son délégué général, qui réclame symétrie d’information et transparence maximale sur les procédures et les critères retenus.

Cette menace et ces critiques sur un manque d’équité concurrentielle se doublent d’une remise en cause des AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage) en support des AO (autorités organisatrices). Soumis, de façon tout à fait compréhensible, à des obligations de confidentialité et de déontologie drastiques, les opérateurs considèrent qu’il est loin d’en être de même chez quelques prestataires.

Quelles que soient les armes utilisées, le sortant se défend très bien. Sa capacité à proposer une offre de services en très forte rupture, y compris sur les coûts, par rapport à l’exploitation actuelle ne lasse pas d’étonner Franck Tuffereau : «Que de temps perdu ! Pourquoi l’opérateur public n’a-t-il jamais proposé un tel niveau de service avant ?» Question complémentaire : saura-t-il délivrer le service promis au coût promis ?

Prochaine joute SNCF Voyageurs/reste du monde : les lignes T4 et T11 en Ile-de-France. La ligne 14 entre Nancy et Contrexéville est un cas un peu à part, puisque le contrat inclura une part d’infrastructure probablement décisive. Il apparaît d’ores et déjà probable que sur l’appel d’offres Paris-lignes picardes SNCF Voyageurs sera seule candidate.


FRET SNCF

Juin sera chaud

Le contexte de contestation politique et sociale alimente l’effervescence autour des négociations sur la discontinuité juridique imposée par l’Europe à Fret SNCF. Mais il n’y a pas que ça: les 450 salariés «transférés» sont KO.

Ce vendredi 2 juin est à haute tension. Sud-Rail et CGT ont préparé une action d’envergure pour la tenue d’une réunion du CSE au siège de Fret SNCF. Comprendre : mobilisation de plusieurs centaines de personnes (500 ? 1000 ?) et risque d’envahissement des locaux. Une entrée en matière musclée pour les semaines de concertation jusqu’à la mi-juillet.

Cette effervescence est soigneusement organisée par Sud-Rail et la CGT depuis le 23 mai et la révélation du plan de discontinuité officiellement négocié par la France à Bruxelles, afin d’échapper au remboursement des 5,3 milliards d’aides d’Etat, qui ne sont pas contestées. Les deux syndicats contestent radicalement, au nom de la conception d’un service public du fret ferroviaire, la solution envisagée, que nous avons présentée la semaine dernière (lire Mobitelex 414) : la sauvegarde de 90% des emplois par la pérennisation de la gestion capacitaire. Le compromis en cours d’élaboration ne sera validé définitivement par la Commission que lors de sa mise en application définitive, dans dix-huit mois.

Cette mobilisation syndicale est portée, c’est respectable, par une conception monopolistique du chemin de fer; elle s’exprime d’autant mieux qu’il existe depuis dix jours un forte émotion sociale liée au sort des 450 salariés qui devront être affectés ailleurs, soit au sein du groupe SNCF, soit chez un concurrent. Si les établissements pas ou peu touchés semblent pour l’instant sur la réserve, du côté de Perpignan ou Calais la mobilisation est forte. La situation actuelle n’est pas vécue de la même manière que lors des nombreux plans de réduction de la voilure fret des années 2010, mais plutôt comme une violence faite à un corps cheminot et à des salariés, par une sorte d’ennemi invisible… l’Europe libérale.

Une Europe qui ne manifestement n’est pas prête à recevoir les syndicalistes français, et laisse l’Etat et la SNCF gérer les conséquences sociales de leurs turpitudes passées. Problème : l’un et l’autre ont quelques petites choses à se reprocher, d’abord ensemble, avec les tricheries elles-mêmes, ces aides d’Etat successives au mépris du droit européen, ensuite s’agissant plus spécifiquement de la SNCF une impréparation au scénario actuel. Comme si l’authentique effort de relèvement de Fret SNCF ces dernières années, ajouté au contexte écologique et au «risque social», allaient suffire à forcer la main de la Commission pour abandonner sa procédure. Cette dernière considère aujourd’hui avoir déjà beaucoup cédé, par rapport au cas Alitalia, et elle a selon nos informations confirmé officiellement par courrier le cadre de la discontinuité économique à mettre en œuvre. Le gouvernement Borne, de son côté, qui paie pour tous les gouvernements précédents, estime avoir beaucoup obtenu, et aimerait que la direction de la SNCF fasse aussi sa part du travail.

Manifestement c’est à l’agenda de Frédéric Delorme et d’un management qui se projettent déjà dans le new Fret SNCF qui émergera d’ici dix-huit mois : pas de licenciement contractuel des 450 emplois identifiés, pas de perte de statut ni de conditions sociales pour les salariés transférés, jusqu’à une sorte de droit au retour prioritaire à mesure que le futur Fret SNCF retrouvera son chiffre d’affaires d’avant la discontinuité, et au-delà (800 millions d’euros en 2030 ?). Reste à savoir si ces nouvelles rassurantes atténueront la détresse de salariés qui n’imaginaient pas devoir quitter Fret SNCF et leur cadre de travail, et feront un contrepoids suffisant à la contestation syndicale.


BILLET

Le tennis à vélo

Je suis allé à Roland-Garros à deux-roues. Mais pas pour voir un Français ou une Française gagner…

La fin d’après-midi de ce jeudi 1er juin était parfaite pour tester le nouveau dispositif d’accès au stade Roland-Garros, porte d’Auteuil. Il faisait beau, et le jeudi est un pic des statistiques de mobilité en semaine. A un an des Jeux Olympiques, les organisateurs, la préfecture de police et l’ensemble des acteurs ont-ils vraiment pris la mesure du défi des accès aux stades? Car à l’été 2024, si les flux domicile-travail seront au plus bas, entre la porte d’Auteuil et la porte Saint-Cloud c’est une forte concentration d’enceintes sportives qui drainera compétiteurs, spectateurs, médias et officiels: le Parc des Princes, le stade Jean Bouin, le stade Pierre de Coubertin et, donc, Roland-Garros.

Par rapport à l’indigence historique des plans de transport dans le quartier pendant le tournoi, il y a globalement de nets progrès, aussi bien en clarification des voiries réservées qu’en fluidité des accès. Cela n’empêche pas des embouteillages tout autour, mais c’est un peu oser un service-volée sur le coup droit de Djokovic que vouloir faire ses courses en voiture au Carrefour de la Porte d’Auteuil pendant le tournoi.

Arrivé volontairement depuis l’est parisien sans m’être informé préalablement (a posteriori le site du tournoi m’est apparu assez clair), j’ai très vite et facilement repéré des panneaux proposant un parking vélo sécurisé gratuit. Il est situé rue du général Sarrail (un autre est situé vers le Bois de Boulogne), dans une relative proximité des principales portes d’accès du stade. J’ai donné mon numéro de téléphone portable à deux jeunes de la société Wheelskeep, attaché mon vélo et mon casque sans devoir emporter la batterie. Tranquille. Une petite heure plus tard, j’ai redonné mon numéro, reçu un sms transmis au gardien qui m’a laissé repartir. Fluide.

Le parking n’était pas tout à fait plein, mais sa fréquentation, à laquelle il faut ajouter les parkings non sécurisés et le stationnement «sauvage», témoignent d’une forte augmentation des arrivées au stade en vélo – on attend des statistiques précises à la fin du tournoi. C’est de bon augure pour les Jeux Olympiques, pendant lesquels il faudra peut-être accroître le nombre de places.

Morale de ce test: il est aussi facile de venir à Roland-Garros à vélo que de voir un ou une Française repartir avec un score en forme de roue de vélo. G. D.

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