Mobitelex 417 – 19 juin 2023

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Financement d’IDFM : le rapport va sortir, en voici l’essentiel

Dans la foulée des Assises du financement du transport francilien le 23 janvier dernier (lire Mobitelex 399), le rapport commandé à l’IGF et à l’IGEDD fait l’objet d’intenses échanges entre l’Etat et Ile-de-France Mobilités depuis le début du mois. Il devrait être rendu public cette semaine. Mobilettre vous en révèle les grandes lignes.


Un rapport très protégé

Que de précautions : des exemplaires filigranés distribués au compte-gouttes, des présentations powerpoint en audiences réduites. Il ne s’agit que d’argent public, mais à croire que la vérité des chiffres peut blesser… Ou bien serait-ce la radicalité des préconisations pour sortir de l’ornière du sous-financement de l’exploitation des services de transport collectif en Ile-de-France à dix ans, qui provoque tant de prudence ?

Eh bien même pas… Peut-être quelques données exclusives sur les contributions d’IDFM à la RATP et à la SNCF pourraient agiter le Landerneau francilien. Mais à part ça, et quelques détails sur les versements à la SGP (Société du Grand Paris), rien de bien nouveau, ni sur les trajectoires financières, ni sur les solutions préconisées. On ajuste des projections, on recycle quelques vieilles recettes, on ergote sur des détails, sans s’interroger sur les fondations durables d’une autorité organisatrice réellement autonome et responsable. A avoir des rapports protégés, on ne risque pas grand-chose, et c’est sans doute tant mieux si l’on ne tient compte que du contexte politique: pas de vagues avant les JO, pas de pression financière sur la RATP, pas de remise en cause des investissements franciliens, et un ministre des Transports en pré-campagne électorale sur Paris…

Des constats divergents

Les auteurs du rapport ont travaillé sur deux axes majeurs : l’actualisation de la trajectoire financière d’IDFM et l’analyse complète des pistes et propositions mises sur la table lors des Assises de janvier, auxquelles il faut ajouter une comparaison avec d’autres métropoles françaises, européennes et internationales – mais peut-on vraiment rapprocher Paris et Marseille, Paris et Londres, voire même Paris et Berlin depuis les nouvelles politiques tarifaires allemandes ? Quelle métropole affronte la même complexité qu’en Ile-de-France ? Deux opérateurs historiques surpuissants, un Etat toujours très présent, un enchevêtrement inédit de taxes, contributions et autres sources de financement…

Trajectoire financière. Les auteurs s’ils regrettent d’avoir travaillé «dans des délais contraints» (sic) en arrivent à des constats assez différents de ceux d’IDFM, qui prévoit un déficit de fonctionnement dès 2026 en l’absence de financements complémentaires. Leurs propres prévisions évoquent 2030, du fait exclusivement d’une estimation divergente du volume des recettes. En effet la mission IGF/IGEDD table à la fois sur un meilleur rendement du versement mobilité (et des ressources assises sur la masse salariale privée), à hauteur de 1,7 milliard d’euros supplémentaires en 2030 par rapport à 2022, et sur de plus fortes recettes tarifaires à l’horizon 2035.

Hausse des recettes. Hors revalorisation supplémentaire (lire ci-dessous), elle proviendrait à la fois d’un alignement des tarifs sur la prévision d’inflation de l’année à venir et d’un retour aux volumes de voyageurs de 2019 dès 2025. Pour la suite, l’hypothèse posée est d’un jour de télétravail par semaine pour 35% des voyageurs en 2030 : un scénario aussi peu certain que l’est au moment où nous écrivons celui du futur remaniement gouvernemental.

Besoins de financement. Logiquement ils divergent du fait de ce qui précède : pour la mission ils s’élèvent à un demi-milliard dès 2024 et à un 1,5 milliard à l’horizon 2030, quand IDFM évoque 820 millions et 2,5 milliards.

Des propositions sans surprise

Pour résoudre le problème, les auteurs balaient l’ensemble des hypothèses de financements supplémentaires évoquées lors des Assises du mois de janvier.

Tarification. La mission recommande d’aller au-delà d’une simple indexation des tarifs sur l’inflation, notamment au vu du prochain choc d’offre avec la mise en service d’Eole à l’ouest, des lignes du Grand Paris Express, des prolongements de lignes de métro, des cars express et autres. «Une revalorisation annuelle des tarifs de 1% au-delà de l’inflation rapporterait de l’ordre de 25 millions d’euros en 2024, jusqu’à 220 millions en 2030», calculent les auteurs.

Collectivités. Les contributions des collectivités territoriales membres d’IDFM baissent progressivement, de 12,5% du budget d’IDFM en 2025 à 11,2% en 2035, alors que leur revalorisation annuelle «à hauteur de l’inflation +1%» permettrait de générer 115 millions d’euros supplémentaires en 2030. Faut-il rappeler que cette part des collectivités (y compris la compensation des tarifs sociaux) était d’environ 20% il y a dix ans (lire ci-dessous) ?

Versement Mobilité. La mission au sein de laquelle manifestement l’IGF (Inspection générale des Finances) a pesé de tout son poids, ne milite pas pour un relèvement du Versement Mobilité payé par les entreprises. Tout juste calcule-t-elle que le rehaussement modéré de 0,1% de ses taux génèrerait 180 millions d’euros supplémentaires…

Nouvelles mesures supplémentaires.
La mission était très attendue sur ce point : travailler au budget 2030 d’IDFM, c’est aussi faire preuve d’imagination… En l’occurrence, on est d’abord gratifié d’une grille d’analyse savoureuse, à nulle autre pareille : «Additionalité, crédibilité, limitativité». On va dire les choses simplement: la mission recommande de la régularité dans la politique tarifaire et contributive, une trajectoire pluriannuelle dans les subventions et les affectations fiscales, et le renoncement à de nouveaux investissements qui absorberaient l’effort budgétaire.

Ressources non fiscales.
Surprise : la mission envisage que l’Etat puisse à nouveau intervenir, comme en 2022, via une subvention annuelle d’équilibre – mais déconseille, c’était plus attendu, l’annulation de la dette Covid (1,975 milliard d’euros) pour des raisons de crédibilité financière de l’établissement IDFM.

Intéressant : faut-il remettre en cause la future rémunération de la SGP par IDFM au titre de l’«usage» des lignes et installations nouvelles ? Où l’on apprend que son montant est forfaitaire : 0,8% en 2031 du coût final du GPE (Grand Paris Express) ! La mission, qui précise que le décret en Conseil d’Etat n’a pas encore été pris, envisage soit sa réduction de moitié à 0,4% (140 millions de 2031 au lieu de 280 millions, quand même…), soit le transfert de propriété des ouvrages du GPE à IDFM. Oui mais dans ces conditions, qui porterait la dette du GPE ?

Ressources fiscales
La mission exclut les taxations sur la survalorisation foncière : trop aléatoires, trop tardives. C’est la fin officielle d’une antienne manipulée par nombre d’experts. Il est en effet difficile de fixer des taux de perception avant même la transaction, qui elle seule détermine la plus-value réalisée.

Presque aussi radicalement, une nouvelle vignette automobile et une taxe sur les livraisons de colis sont évacuées : trop complexe à mettre en œuvre, rendement incertain.

En revanche, et c’est dans… l’air du temps, une contribution assises sur le trafic aérien en Ile-de-France, justifiée par l’amélioration de la desserte des aéroports, est jugée consensuelle et facile à recouvrer. Autres pistes encouragées : une taxe sur l’immatriculation des véhicules de plus de 1,4 tonne (150 millions d’euros), une majoration de la TICPE affectée (100 millions), une taxe additionnelle à la taxe de séjour.

En résumé, de petits bricolages ne font pas un chef d’œuvre mais pourraient sortir IDFM de l’ornière budgétaire. On est loin d’une révision ambitieuse et générale des ressources de l’autorité organisatrice francilienne, et pour cause : la mission a laissé de côté plusieurs options majeures qui seraient de nature à pérenniser plus fondamentalement les ressources d’IDFM.

Des impasses coupables

Elles nous semblent au nombre de trois.

L’absence d’une forte remise en question du niveau des contributions des collectivités membres d’IDFM. Dépourvues de ressources fiscales propres et suffisantes, les collectivités ont beau jeu d’accuser l’Etat, et donc réduisent leurs propres contributions à IDFM. Ne devraient-elles pas éviter de se disperser dans des domaines où elles ne sont pas de première compétence? Ne poser que du bout du stylo la question du niveau de leur contribution, c’est une façon en fait de fragiliser la régionalisation d’IDFM et l’implication des territoires dans l’AO francilienne.

L’absence de remise en cause du PPI (plan pluriannuel d’investissements). Quand on a des problèmes de budgets, il semble logique de se poser la question de ses dépenses. En l’occurrence, sans même revenir sur les décisions du passé proche (la modernisation à marche forcée du parc de matériel roulant), il aurait pu être judicieux de passer en revue les projets d’avenir. Quitte, finalement, à en relégitimer une majorité au nom de la décarbonation – mais a minima l’exercice aurait été salutaire et transparent.

L’absence de questionnement de la productivité des opérateurs historiques, au premier rang desquels la RATP. «La mission n’a pas modifié les hypothèses de gains de productivité des opérateurs proposés par IDFM», écrivent les auteurs. On comprend pourquoi : difficile de demander au pompier Jean Castex d’éteindre l’incendie à la RATP en allumant un nouveau foyer à côté. Mais ne pas le faire, c’est malgré tout «oublier» un levier majeur d’économies.

Manifestement la mission IGF/IGEDD n’aidera pas l’Etat et IDFM à clarifier leurs relations. IDFM, autorité organisatrice de pleine et entière compétence, pourrait-elle faire mieux sans le recours régulier à l’Etat, grâce à une stabilisation de ses ressources et à une plus grande responsabilisation? Les deux parties vont probablement s’entendre pour améliorer les ressources budgétaires à dix ans, mais les enjeux politiques et sociaux d’une nouvelle donne semblent aujourd’hui trop sensibles, inaccessibles à un exécutif impopulaire et à une collectivité régionale prise au piège de la croissance. Dommage. Mais les auteurs, eux, auraient pu faire preuve d’un peu plus d’audace.

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Pouvait mieux faire

On comprend l’argument de la contrainte de temps revendiquée par les auteurs du rapport. Mais alors, pourquoi placer tant d’ambition au départ ? Refonder le modèle économique et budgétaire d’IDFM au regard du choc d’offre des dix prochaines années : cela méritait davantage qu’une revue assez conventionnelle des instruments fiscaux et non fiscaux. Ces hauts fonctionnaires aguerris et compétents auraient pu mieux faire et prendre quelques risques.

On les comprend, malgré tout, vu la conjoncture politique : l’Etat est-il en mesure d’engager une authentique nouvelle décentralisation, assortie d’une réforme fiscale ? Emmanuel Macron l’évoque régulièrement, mais quelles hypothèses n’a-t-il pas mises sur la table de ses nombreuses prises de parole depuis sa réélection ? Quelle est la direction stratégique?

En définitive, la question est toute simple : qui veut vraiment donner un nouvel élan à l’AO IDFM ? Manifestement certainement pas l’Etat, donc, qui n’entend pas couper le cordon (il envisage même de pérenniser des subventions d’équilibre!) sans en avouer les raisons profondes… ou de petite politique. La région capitale, c’est beaucoup la France. La RATP et la SNCF, c’est beaucoup sensible…

On ne saura jamais si Valérie Pécresse et les élus franciliens auraient vraiment assumé une grande clarification «à risques et profits». La présidente du conseil régional la revendiquait lors des Assises de janvier dernier : dont acte. Mais comment résister au réflex de la défausse des problèmes sur l’Etat?

Une nouvelle fois l’étau d’une forme de raison d’Etat n’a pas été desserré. C’est dommage, car la crise du Navigo l’automne dernier avait incité de si nombreux acteurs à réclamer une nouvelle donne. A défaut, on devra se contenter de quelques rafistolages. G. D.


Episode 2

Ils ont changé de mode de transport

C‘est une affaire d’habitudes, souvent tenaces. Les trajets du quotidien façonnent nos vies et nos villes. Mais ces dernières années, et a fortiori depuis la crise Covid, un mouvement s’accélère. Avec le télétravail, au revoir (ou presque) les heures de pointes, bonjour les «jours de pointe» dans les transports en commun. A Paris, les pistes cyclables, parfois construites à la hâte, sont prises d’assaut. Et plus largement, en petite couronne, de nouvelles manières de se déplacer se répandent à mesure que la circulation en voiture se complique. Mais cette vue d’ensemble cache bien sûr des disparités.

Ce deuxième épisode de «Trafic» s’intéresse donc à celles et ceux qui ont changé de mode de transport à Paris et dans les trois départements limitrophes. Quelles sont les conditions et le contexte à l’origine de ce changement ? Pour éclairer les témoignages recueillis par Valentin Bertrand, deux experts : Olivier Razemon, journaliste spécialiste des transports et en particulier du vélo, et Dominique Riou, ingénieur-urbaniste à l’Institut Paris Région. Bonne écoute ! *

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