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En suspension
Les marchandages politiques n’en finissent pas. Et l’absence de budget produit ses effets.
Même pas le temps de dire ouf. Sitôt la première censure évitée, se profile déjà l’horizon du vote du budget 2025, bien plus risqué puisque le RN ne garantira rien. Dans un mois le pays aura-t-il ses deux budgets ?
D’ici là, quelques conséquences économiques et sociales remonteront peut-être à la surface d’un débat public confisqué par la chronique de jeux politiques stériles. Car si Bercy semble se frotter les mains de la paralysie d’une partie de la commande publique, les effets commencent à se voir dans les collectivités et les territoires : contractuels non renouvelés, embauches et contrats suspendus, investissements reportés.
Les Français assistent donc, impuissants et résignés, à un nouvel épisode de la déliquescence de la scène politique hexagonale. Avec aux manettes un centriste à la limite du pathétique, sans boussole sinon celle de ne rien produire d’irrémédiable – c’est-à-dire sa propre chute politique. Un exemple: adieu la biodiversité, sacrifiée sur l’autel du calme agricole !
Dans ces conditions, comment prépare-t-on un avenir solide et solidaire face aux désordres du monde, de l’économie et du climat ? G. D.
Débattre, malgré tout
Et pourtant il y aura bien un après… Dans la perspective du retour à une gouvernance sérieuse et stratégique, Mobilettre apportera sa contribution en accompagnant prochainement deux débats relatifs aux infrastructures de transport.
Le premier, organisé par Départements de France mercredi prochain 22 janvier à Paris, traitera du modèle économique de la route, fragilisée par la dégradation du patrimoine et le réchauffement climatique, avec la participation de nombreux élus et spécialistes. Programme et inscriptions
Le second, mardi 28 janvier, est organisé par le think tank TDIE sur la base d’un document élaboré par son conseil scientifique: «Comment financer et réaliser les investissements nécessaires à la transition écologique ?» Programme et inscriptions
Lire ci-dessous une première présentation du document support du débat.
Et surtout, meilleurs vieux!
L’annonce du partenariat est un peu passée inaperçue lors de la cérémonie des vœux de l’UTP mercredi 8 janvier (lire Mobitelex 475), pourtant il révèle l’importance de la mobilité pour les seniors. Signé par Marie-Ange Debon pour l’UTP et Luc Broussy pour France Silver Eco, ce partenariat engage les deux organisations à coopérer «pour encourager la mobilité des seniors et améliorer leur autonomie.»
La plupart des seniors sont prêts à emprunter les transports publics, pour peu que l’offre soit au rendez-vous… et adaptée à leurs spécificités et besoins : amplitudes horaires, accessibilité, simplicité de la billettique etc. C’est une manière d’éviter l’assignation à résidence quand la voiture ne peut plus être le mode à tout faire – sur la longue distance, pour des voyages de nuit, en cas de précipitations ou événements climatiques extrêmes.
Parmi les objectifs de ce partenariat, figurent une amélioration de la connaissance des attentes et des usages, le développement de bonnes pratiques dans les territoires ou encore la sécurisation des déplacements, préalable à tout report modal durable vers le transport public.
TRANSITION ECOLOGIQUE
Infrastructures, TDIE pose les pierres du débat
Dans un document préparatoire au débat du 28 janvier prochain, le conseil scientifique du think tank de la mobilité énumère les équations à résoudre pour relever le défi du mur d’investissements à réaliser, et propose quelques pistes.
Il n’y a pas que les concessions autoroutières dans la vie. Le premier mérite du document publié dans quelques jours par TDIE, c’est d’envisager la problématique du financement des infrastructures de transport de façon plus large que ne semblent le faire nombre d’acteurs obnubilés par la fin des contrats de concession (entre 2031 et 2036). Thierry Dallard, principale cheville ouvrière dudit rapport, explique les cinq problématiques majeures auxquelles les acteurs publics et privés seront confrontés pour relever le défi de la transition écologique en matière d’infrastructures.
1) Le mur d’investissement. Il est évalué à 600 milliards d’euros sur la période 2035-2050 (1,5% du PIB), en intégrant une part d’investissements non spécifiquement transports mais indispensables (énergie, déchets), alors même que le déficit et la dette publics explosent. Il reste une petite dizaine d’années pour trouver les sources de financement et mettre au point les mécanismes comptables et la maîtrise d’ouvrage des projets. Pas de précipitation, donc, mais la certitude qu’il ne faudra pas reculer devant l’ouvrage pour tenir l’objectif de neutralité carbone en 2050.
2) Les blocages comptables. C’est l’éléphant blanc au milieu de la pièce : l’environnement comptable est inadapté à une planification de long terme des investissements. Sans amortissement sur la durée, difficile d’échapper aux ratios et plafonds fixés par l’Europe et Bercy. Les solutions ? Forcément techniques : ne pas comptabiliser les dettes des sociétés de projet bénéficiant de recettes affectées, déconsolider les dettes quand les recettes dépassent 50% (au sein du système européen de comptabilité), etc. L’Europe vient d’ailleurs d’ouvrir la porte à une déconsolidation pour des projets éligibles aux financements européens… mais seulement pour les pays qui ne sont pas en infraction pour déficit excessif !
3) Les échéances des concessions. C’est le sujet le plus sensible, par les sommes et les intérêts en jeu. Plusieurs questions se posent. Comment aligner le consensus politique sur le consensus des experts à maintenir un niveau de contribution élevé des usagers ? Comment ajouter aux redevances d’usage (les péages nécessaires à l’entretien de l’infra autoroutière exploitée) des taxes «Eurovignette compatibles», affectées à d’autres investissements (fer, routes, multimodalité) ? Quelle nouvelle architecture trouver qui associe Etat, collectivités publiques et opérateurs privés, puisqu’il semble bien que les élus soient unanimes pour que la puissance publique reprenne le contrôle des futures concessions ?
4) La maîtrise d’ouvrage et le mode contractuel. Il ne suffit pas de trouver l’argent, encore faut-il renforcer des maîtrises d’ouvrage publiques affaiblies ou concurrencées par de grands projets internationaux.
5) Le retour de la confiance. Investisseurs et opérateurs privés, maîtres d’ouvrage, collectivités locales, services de l’Etat : chaque partie prenante a besoin d’un éclaircissement des rôles et des règles pour s’engager résolument dans des projets à 15 ou 20 ans.
Les sociétés concessionnaires d’autoroutes se sont imposées grâce à leur puissance financière qui suppléait l’assèchement des crédits publics d’Etat. En vingt ans la donne a changé : c’est désormais surtout leur compétence technique, organisationnelle et managériale qui s’impose au regard d’une puissance publique bien incapable d’assurer elle-même une performance équivalente. Les rôles de tous les acteurs devront donc être redéfinis, à commencer par celui de l’Etat qui a failli dans ses missions de stratégie, de surveillance et de contrôle. On comprend donc qu’il faille s’atteler dès maintenant et sans faiblir à une telle ambition…
ANALYSE
Vélo contre bus, le faux débat
La vitesse des bus victime du « tout-vélo » ? C’est évidemment plus compliqué que ça, il suffit d’observer dix minutes un carrefour parisien pour le constater. Le phénomène concerne d’ailleurs toutes les grandes villes.
Le vélo, bouc émissaire idéal ? Les réseaux sociaux se sont entiché d’une nouvelle polémique à trois sous : à Paris, les cyclistes empêcheraient les bus de circuler. Dans Le Monde du 8 janvier, la droite francilienne, la RATP et la Fnaut accusent conjointement la municipalité d’avoir cédé au « tout-vélo », au détriment du bus. Les travaux et les pistes cyclables seraient les principaux responsables de l’abaissement progressif de la vitesse moyenne des bus depuis 25 ans.
Il suffit pourtant de jeter un œil à la voirie de Paris, ville la plus dense d’Europe, pour constater que les voitures, scooters ou camionnettes encombrent également les couloirs de bus, sans parler des piétons qui traversent la chaussée, le nez rivé sur leur smartphone. La carte détaillée des couloirs de bus, publiée dans le bilan des déplacements de la ville pour 2023, montre des « trous » aux carrefours, où les bus butent sur les automobilistes qui ont cru malin de s’engager alors que le feu passait à l’orange, sans jamais être sanctionnés. Quant aux travaux, à un an des municipales, quelle ville peut s’en passer ?
L’instrumentalisation du vélo comme un ennemi du bus est récurrente.
En novembre, invité par l’Ecole urbaine de Sciences Po, Jean Castex lâchait, au détour d’un discours magistral et truculent comme il sait les faire, cette affirmation sans nuance : « A Paris, la ville fait des pistes cyclables à la place des couloirs de bus », alors même que ces pistes prennent surtout de la surface aux véhicules individuels, et il ajoutait ce calcul éloquent : « Depuis la covid, le nombre de gens gagnés par le vélo est inférieur à ceux qui ont été perdus par le bus ». Un «raisonnement» séduisant, probablement inspiré par les colères quotidiennes d’une partie des conducteurs de bus envers des cyclistes imprudents, mais qui ne s’applique apparemment pas au métro, selon le même Jean Castex. Si le métro parisien a perdu des voyageurs ces dernières années, c’est à cause « du télétravail », disait-il lors de sa conférence.
Si le président de la Fnaut, François Delétraz, auteur par ailleurs d’un pamphlet contre Anne Hidalgo (La reine maire de Paris, Ed. du Rocher, 2019), reprend de manière virulente les accusations de la RATP contre les pistes cyclables, toutes les associations d’usagers des transports collectifs ne partagent pas son obsession. Ainsi, à Oullins-Pierre Bénite, dans la banlieue de Lyon, les usagers du bus et du vélo manifesteront ensemble le 25 janvier pour protester contre la suppression d’une voie de bus par la municipalité. « Plus de 350 bus y passent chaque jour », signale Nicolas Frasie, habitant de la ville et bon connaisseur des mobilités.
Même si le moindre événement qui se déroule sur le bitume parisien prend aussitôt la tournure de scandale national, il est en effet instructif de regarder ailleurs.
Toutes les grandes villes enregistrent une baisse de la vitesse de leurs bus, comme l’avait relevé en janvier 2024 un rapport aux conclusions nuancées publié par la Fnaut, alors présidée par Bruno Gazeau. L’augmentation du nombre de vélos peut certes constituer un frein, même si les cyclistes ont appris à s’écarter. Mais la croissance exponentielle, depuis la pandémie, des livraisons aux particuliers, mobilisant des camionnettes stationnées n’importe où « pour deux minutes », en est l’une des principales causes, ainsi que, plus généralement, la densification de la circulation, y compris aux heures creuses. Le rééquilibrage de la voirie en faveur des bus nécessite « un travail de fourmi » associant tous les acteurs, disait déjà, en 2021, l’Association francilienne des usagers des transports dans un bilan du « Grand Paris des bus », le « big-bang » du réseau de surface datant de 2019.
Thierry du Crest, coordonnateur interministériel vélo et marche, a opportunément rappelé sur Linkedin, dès le 8 janvier, qu’à moyen terme, d’après les « enquêtes déplacements » du Cerema, « la progression de la marche et du vélo se fait au détriment de la voiture, sans obérer les transports collectifs ». Ainsi entre 2013 et 2023, dans l’agglomération de Toulouse, première et deuxième couronne incluses, « la voiture a perdu 8 points, tandis que la marche en a gagné 2 et le vélo 6, les transports publics étant stables », indique-t-il. Dans le même périmètre, la proportion des ménages possédant plus d’une voiture est passée de 38% en 2013 à 32% dix ans plus tard.
Comme les autres grandes villes, la capitale continue à avoir besoin de vélo.
Rappelons les chiffres : à Paris intra muros la part modale du vélo (11,2%) dépasse très largement celle de la voiture (4%), sur des espaces dédiés pourtant bien moins importants. Avec le prolongement de certaines lignes de métro en banlieue, les Parisiens seront amenés, pour laisser de la place dans les rames, à se déplacer en surface, à vélo ou… en bus. La cyclologistique, furtive, souple, fiable, est appelée à rendre bien plus de services. Juste avant les JO, dans la perspective d’un blocage annoncé, les quelques entreprises spécialisées avaient enregistré une hausse des demandes.
Il n’en reste pas moins que le ralentissement généralisé des bus pose problème – et laisse ainsi planer un doute sur la volonté des métropoles de laisser de l’espace aux futurs « cars express » dans le cadre de Serm «petits bras». De même que le désordre d’usage de la voirie, de manière générale, pose des problèmes de sécurité et de fluidité. Mais de là accuser le vélo de tous les maux…
Plan vélo: vie, mort… et résurrection ?
Dans sa déclaration de politique générale, le 14 janvier, François Bayrou s’est fendu d’une phrase sur le Plan vélo « qui doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires ». Le lendemain, au Sénat, il annonçait 50 millions d’euros, moins que les années précédentes, mais suffisamment pour rassurer les collectivités inquiètes des annonces de François Durovray, ministre des Transports sous Michel Barnier (lire Mobitelex 475). La semaine dernière, poussée par les élus locaux, la gauche mettait le sujet sur la table, soutenue par les ardents pro-vélo de la majorité, comme Guillaume Gouffier Valente. Selon lui, « Bayrou a été bien sensibilisé ces dernières années. C’est un allié sur le sujet. »
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MOUVEMENTS
François Poupard, de Bordeaux à Marseille
L’ex-directeur général de la DGITM, devenu DGS (directeur général des services) de la Région Nouvelle-Aquitaine en 2019, va faire le trajet de la transversale Sud pour rejoindre dans les semaines qui viennent la ville de Marseille, également comme DGS. Il s’est montré particulièrement attentif dans ses fonctions auprès d’Alain Rousset à l’élaboration d’une nouvelle convention avec la SNCF qui développait l’offre TER et préparait l’ouverture à la concurrence (le premier lot concernera la partie picto-charentaise de la première région française en termes de superficie), mais aussi à la mise au point du modèle économique du projet GPSO.