Mobitelex 394 – 25 novembre 2022

Voir dans un navigateur

Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

/ / /

Logique de dingue

Pourquoi en vouloir autant au transport public et ferroviaire ?

L’année dernière les Echos s’étaient fait avoir (lire Mobitelex 363), ce coup-ci c’est le Figaro. La note annuelle de Fipeco sur le coût de la SNCF pour les contribuables mélange à nouveau allègrement choux, carottes et brocolis, pour mieux dénoncer l’addition totale : 18,5 milliards d’euros en 2021. Mais avec, cette fois-ci, une phrase de commentaire de son principal pourvoyeur François Ecalle, que l’on s’empresse de mettre en exergue: «Cette charge est en partie financée par des ménages et entreprises qui ne prennent jamais le train.»

Comment! Des contribuables financent des dépenses pour des services qu’ils n’utilisent pas – ou peu ? A ce compte-là, que l’hôpital ne soit plus financé par les bien portants, la Poste par les 100% digitaux, l’Education nationale par les couples sans enfants… La mobilité du quotidien un service 100% marchand ? Chiche… Proposez-le aux Français, avec les conséquences sur les prix et la consistance de l’offre, et on en reparlera.

De nombreuses collectivités demandent le déplafonnement du Versement Mobilité, Bercy et Matignon s’y refusent

Sans atteindre ces extrémités, le refus du gouvernement Borne de considérer la situation financière très périlleuse des autorités organisatrices est lui aussi anachronique, au regard des vertus environnementales du transport public et des services rendus quotidiennement à des millions de Français. Le Sénat sous l’impulsion notamment de Philippe Tabarot vient de voter une TVA réduite à 5,5% pendant deux ans, mais qu’en sera-t-il en commission mixte avec l’Assemblée nationale ? De nombreuses collectivités demandent le déplafonnement du Versement Mobilité, Bercy et Matignon s’y refusent. Alors, comment fait-on ?

On augmente les tarifs. Pourquoi pas, en effet : un taux de couverture proche des 50%, comme à Lyon, est préférable à 20% ou 30%. Mais en multipliant lui-même à coups de milliards les boucliers tarifaires (essence, gaz, électricité), le gouvernement a mauvaise grâce à demander aux autorités organisatrices d’avoir le courage qu’elle n’a pas… Pire, l’Etat a demandé un bouclier tarifaire sur le TGV qui, lui, est non subventionné et ressort intégralement pour son exploitation d’une logique de service marchand !

Le transport public en général et ferroviaire en particulier devrait donc se mettre à la diète, en pleine transition écologique. Elisabeth Borne règle-t-elle des comptes (lesquels ?) avec son club d’origine ou subit-elle le parti-pris automobile et libéral du président de la République et de Bruno Le Maire en matière de mobilité ? A multiplier les discours lucides, y compris mercredi dernier devant les professionnels du fret, Clément Beaune a montré qu’il comprenait les économies de la mobilité. Il en faudra plus pour ne pas précipiter le secteur dans la morosité. G. D.

RATP

Jean Castex est nommé, il va arriver

Et il multiplie d’ores et déjà les rencontres.

Nommé PDG de la RATP mercredi dernier en conseil des ministres, Jean Castex ne prendra officiellement ses fonctions que lundi prochain 28 novembre. Ce choix lui permet, en cette fin de semaine, de mener en toute liberté de nombreux entretiens. Il a logiquement commencé hier jeudi matin par Valérie Pécresse, présidente de l’autorité organisatrice IDFM, et première cliente de la RATP.

Les deux se connaissent bien et se tutoient. En substance, d’après son entourage, Valérie Pécresse a insisté sur deux priorités :

Rétablir le service à 100% le plus vite possible, avec une meilleure qualité de service. Tout particulièrement, le RER B concentre en ce moment pas mal de difficultés. Mais globalement, les voyageurs sont de plus en plus excédés de constater les conséquences de la baisse des fréquences, avec des rames de métro fréquemment bondées et des bus aléatoires, et des perturbations à répétition que le métro parisien n’avait pas connus depuis très longtemps.

Prendre conscience des conséquences des choix du gouvernement en matière de financement du budget d’IDFM (qui, on le rappelle, ne peut pas être en déficit). Vu son refus de laisser l’autorité régionale augmenter le Versement Mobilité, c’est à une hausse de 15€ du pass Navigo à laquelle il faut s’attendre, à 90€, au lieu de 5€ à 80,80€. Dans un contexte de boucliers tous azimuts, une telle hausse serait socialement explosive, a estimé Valérie Pécresse, qui prévoit d’ores et déjà de la baptiser «Taxe Macron à 15€». Les blocages de Bercy et de l’Elysée seront-ils levés d’ici le 7 décembre, date du prochain conseil d’administration d’IDFM ?

Ce même jeudi l’ancien Premier ministre a rencontré le ministre des Transports Clément Beaune, avant de poursuivre sa tournée institutionnelle. Selon nos informations ils ont notamment abordé la question de l’offre à Paris et le climat social dans l’entreprise. On aurait bien aimé assister à l’entretien de Jean Castex avec le préfet de région Marc Guillaume (également administrateur de la RATP), qu’il a congédié du poste de secrétaire général du gouvernement en juillet 2020, peu après son arrivée à Matignon…

De ses premiers échanges avec les cadres dirigeants de la RATP, notamment en marge du conseil d’administration du 14 novembre, il ne ressort pour l’instant pas grand-chose des intentions de Jean Castex en termes de stratégie et de management. Vu la période de transition, c’est normal. On a juste recueilli quelques impressions formelles, une authentique affabilité et de la simplicité dans le contact humain. Le temps des dossiers chauds arrivera suffisamment vite.

EXCLUSIF

Une victoire à Sydney en guise de cadeau d’arrivée

Selon nos informations RATP Dev est l’attributaire pressenti pour l’exploitation d’une ligne de métro automatique à Sydney, la Sydney Western Metro Airport. La filiale de la RATP appartient au groupement victorieux Parklife Metro (avec Plenary, Webuild and Siemens) qui construira d’ici 2026 et équipera en rames cette ligne d’une vingtaine de kilomètres, appelée à de probables extensions. Un tel marché devrait ravir le nouveau PDG, qui souhaite positionner RATP Dev prioritairement sur les métros automatiques à l’international – prioritairement, et non exclusivement: il lui a fallu rassurer des équipes de RATP Dev qui s’étaient émues de ces quelques phrase sur le sujet lors de ses auditions.

A noter qu’au sein des deux derniers concurrents non retenus par les Australiens, WestGo et Bradfield Metro, figuraient Comfort DelGro, allié de la RATP sur le Grand Paris Express, et Keolis Downer, la filiale australienne de Keolis. Sur ce type de marchés, mieux vaut ne pas se tromper dans le choix des entreprises leaders (BTP et matériel roulant)…

Une mauvaise nouvelle volant parfois en escadrille, Keolis a aussi appris cette semaine que l’exploitation de la nouvelle ligne Ontario de transport rapide de Toronto lui échappe, au profit de Transdev Canada dirigé par Arthur Nicolet, particulièrement bien avisé d’avoir contractualisé avec Webuild, Plenary Americas, Hitachi Rail et NGE.

Billet

Sinécure et fromage

On va d’entrée faire le tri: comme Jean Castex l’a avoué lui-même devant les parlementaires, être PDG de la RATP ce n’est pas une sinécure. En revanche, président de l’ATMB, la Société d’exploitation du Tunnel du Mont-Blanc, ce qu’est désormais Christophe Castaner en remplacement de Thierry Repentin, c’est bel et bien un fromage de la République, puisque n’est assortie à cette fonction joliment rémunératrice (150 000 € annuels) aucune tâche exécutive – c’est un directeur général qui fait le job. Logiquement Christophe Castaner récupérera aussi prochainement la présidence de la SFTRTF (qui exploite le tunnel du Fréjus).

Du côté des alpages franco-italiens ce ne sont donc pas les fromages qui manquent… Faisons les calculs. Pour les deux tunnels routiers (Mont-Blanc et Fréjus), il y a de chaque côté de la frontière deux sociétés d’exploitation, ce qui en fait quatre, avec présidents et directeurs généraux, auxquelles il faut rajouter les deux GEIE qui font l’interface avec les entreprises nationales. Peut-être pourrait-on simplifier tout ça, puisque la priorité est aux économies partout ? D’autant que pendant les dix-huit prochaines années (!), le tunnel du Mont-Blanc sera fermé au trafic trois mois par an, et générera un report des circulations sur le tunnel de la Maurienne. Une suggestion : faire fondre les fromages à feu vif! Ou à feu doux…

. . .

ELECTIONS SNCF

Les leaders s’effritent

Les élections professionnelles à la SNCF, en cette fin novembre, ne dérogent pas à la règle: les variations de résultats ne sont pas spectaculaires. Au niveau du GPU (groupe public unifié) la CGT reste largement en tête (32,44%) devant l’Unsa (22,10%). Mais ces deux leaders, qui espéraient conforter leurs bons résultats lors du vote des représentants aux conseils d’administration de 2020, déchantent quelque peu et s’effritent, en perdant respectivement 1,58% et 1,86%, au profit quasi équivalent de Sud-Rail (+1,39% à 18,67%) et de la CFDT (+1,64% à 15,94%). FO reste sous les 10% (7,79%).

Pour la CGT, après la stabilisation de 2018 à 34%, c’est la reprise d’une glissade historique depuis plus de vingt ans. La centrale de Laurent Brun passe de 45% en 1998 à 32% en 2022. Où s’arrêtera-t-elle? Pour l’Unsa, qui espérait capitaliser sur son bon congrès de juin dernier au Futuroscope, ce revers apparaît aussi comme le résultat d’une addition de problèmes: une grosse perte dans le collège Maîtrise (-7,3%) suite à l’intégration des conducteurs, et une perte d’influence à Réseau, malgré le gain du CSE Siège. Pour les deux syndicats, un même constat: une élection se gagne aussi pendant la campagne électorale, et de ce point de vue Sud et CFDT n’ont pas ménagé leur peine sur le terrain, y compris en dénonçant des «contrevérités» de la CGT sur les facilités de circulation ou les classifications.

En regardant les résultats dans les entités du groupe, voire dans chaque CSE, on peut confirmer quelques hypothèses aux transferts de voix, même si cela méritera des approfondissements d’analyse: la prime à la mobilisation de terrain (par opposition aux mots d’ordre nationaux de la CGT qui peinent, on l’a vu cet automne, à mobiliser) et le travail syndical de proximité, dans une période de forte inquiétude sociale et de transformation de l’organisation de l’entreprise. La prise de pouvoir de Sud sur le CSE de l’axe TGV Sud-Est, ô combien sensible, méritera de ce point de vue d’être regardée en détail, tout comme le passage à la maîtrise des conducteurs a aussi constitué une aubaine pour la CFDT (qui avait intégré la Fgaac) et Sud, agile et opportuniste dans ses formes d’action.

La légère chute de participation (-1,1% à 65,6%) sera également une source de réflexion (moins de 60% au collège exécution, 68% à la maîtrise et 70% chez les cadres). Le vote électronique n’a manifestement pas provoqué d’abstention massive, voire a rendu possible le sursaut de participation dans la dernière journée du scrutin. Cette érosion de la participation est-elle en partie due au découpage du groupe en SA et à la fin du statut, qui affaibliraient les structures syndicales nationales au profit de revendications locales, et à la réforme des instances, et donc du rôle et du travail des élus syndicaux, qui contribueraient à les éloigner quelque peu des salariés?

En résumé, une élection qui pourrait recéler plus d’enseignements qualitatifs sur l’évolution sociale intra-SNCF que ne laissent penser à première vue les résultats d’ensemble, qui ne donneront par ailleurs guère d’indications supplémentaires au gouvernement sur la température sociale à la SNCF à quelques semaines du lancement d’une nouvelle réforme des retraites.

Karim Zeribi n’est plus salarié de la SNCF

Lourdement condamné en novembre 2021 pour abus de confiance et abus de biens sociaux (lire Mobitelex 358), Karim Zeribi n’est aujourd’hui plus salarié de la SNCF, selon nos informations. Mais impossible d’en savoir davantage sur la date et les conditions de son départ – y aurait-il eu un accord entre avocats incluant une clause de silence ?

Une chose est sûre, c’est au cœur de l’été que Karim Zeribi a créé sa société de conseil KZ Consulting, tournant de fait la page de son histoire tourmentée avec la SNCF, au sein de laquelle il avait dû abandonner une à une ses responsabilités au fur et à mesure de ses démêlés judiciaires.

. . .

SNCF VOYAGES

Comprendre les nouveaux tarifs longue distance

Que signifie une hausse moyenne des tarifs de 5%, à l’heure du yield management et des formules tarifaires en tous genres ? Pour un peu mieux comprendre la façon dont SNCF Voyages a construit sa tarification 2023, quoi de mieux que s’adresser à la direction du marketing de TGV Intercités ?

Mobilettre est d’autant plus curieux sur cette question qui enflamme discussions urbaines et réseaux sociaux qu’il nous semblait que le prix de référence avait de facto disparu. Renseignements pris, il manque encore quelques bouts de décrets pour les passer vraiment aux oubliettes. Mais de fait, les éléments qui conduisent à fixer une politique tarifaire ressortent désormais d’une multitude d’analyses.

La période est marquée par «l’explosion de la quasi-totalité des charges à +13% et de l’énergie à +180% : comment à la fois répondre à ce contexte inédit et tenir la ligne d’une politique de volume ?» En d’autres termes, rester attractifs tout en garantissant une croissance des recettes de trafics ?

C’est limpide: les plus riches redistribuent aux moins aisés

Une seule solution : modérer et moduler. Modérer l’augmentation des prix et moduler les variations selon les clientèles et les usages. Ainsi, pour les voyageurs dont on sait qu’ils sont très sensibles au prix, «il ne faut pas toucher aux prix d’appel les plus bas, ne pas modifier les grilles de prix Ouigo, ne pas réduire la promesse des cartes Avantage, notamment sur son coût et ses prix plafonds selon les destinations». A l’inverse, pour la clientèle la moins sensible au prix, on peut «augmenter les tarifs B to B full flex, les prix des Business Première et les tarifs Liberté». C’est limpide, SNCF Voyages est de tendance sociale-démocrate : les plus riches redistribuent aux moins aisés.

Reste que cette tarification sur le papier restera soumise en 2023 aux réalités de l’offre et de la demande et de la concurrence des autres modes, et donc que sa perception pourrait en être affectée. Prenons un scénario ++. La demande de voyages en train continue d’exploser, mais l’offre peine à croître en conséquence (du fait des pénuries de rames disponibles notamment voire des moyens humains et industriels). Du coup les taux de remplissage continuent à tutoyer les 100% sur de plus en plus de trains et le yield fonctionne à plein. Dans ce cas-là, la perception par une partie de la clientèle dite des derniers jours pourrait être marquée par un mélange de frustration (trop dur de trouver des places) et de dépit (je suis obligé de payer très cher). Et comme cette clientèle fait en partie l’opinion…

Autre facteur d’incertitude, l’évolution des prix de l’essence et des péages. L’augmentation des tarifs ferroviaires pourrait apparaître d’autant plus modérée que le prix de l’essence à la pompe s’envolerait… ou le contraire ! L’Opep recommence à produire massivement, les prix baissent, on reprend sa voiture…

En définitive, il est probable qu’en fonction des évolutions des contextes économiques les tarifications réelles soient amenées à bouger au cours de l’année, pour une meilleure adéquation aux contextes et donc une meilleure efficacité commerciale.


PUBLICATION

Les années 2010, une lente transition des mobilités

Le Cerema va publier un attractif et très instructif ouvrage (d’ores et déjà disponible en téléchargement gratuit ici,) sur dix ans de mobilité en France. Qu’il est difficile d’influer sur le cours de choses par le biais des politiques publiques…

Vous vous souvenez de la Loti ? Et des PDU, des AOTU ? Et de ces gens qui, vingt ans après les premières « autoroutes de l’information », célébraient encore les « NTIC »? Ces stigmates d’un jargon dépassé se sont effacés au cours des années 2010, comme le remarque « Mobilités du quotidien – Comprendre les années 2010-2020 pour mieux appréhender l’avenir », un ouvrage du Cerema (l’ex-Certu), publié cet automne. Au cours de la même période, on a vu apparaître les AOM, les EDP, le big data ou le free-floating.

Ce livre de 250 pages, comme ceux publiés pour les décennies précédentes, fait le point sur dix ans de débats et d’(in)actions en matière de mobilité. Un texte bienvenu qui place les acteurs et commentateurs à distance des investissements enthousiastes du moment, des annonces de la veille, des polémiques superficielles.

De l’éruption du volcan islandais à la convention citoyenne pour le climat, en passant par les TGV low-cost et le Dieselgate

Dans le précédent ouvrage publié en 2012, le Cerema se demandait s’il fallait qualifier les années 2000 d’« années indécises » ou de « décennie charnière ». Or, cette question « s’applique encore dans une certaine mesure », écrivent les auteurs. De l’éruption du volcan islandais à la convention citoyenne pour le climat, en passant par les TGV low-cost et le Dieselgate, le Cerema tente de dégager des tendances lourdes, comme la diversification des modes de déplacement ou l’utilisation croissante des GPS et des smartphones, par les usagers comme par les opérateurs.

Parmi les faits nouveaux figure « l’irruption d’acteurs du numérique qui viennent d’autres domaines et bouleversent les politiques des collectivités », observe Mathieu Rabaud, qui partage la codirection de l’ouvrage avec Julie Pélata, tous deux étant ingénieurs. Les opérateurs privés, gonflés à la levée de fond, s’imposent comme des partenaires inattendus sur le marché du déplacement personnel, qu’il s’agisse d’Uber, des loueurs de scooters, vélos ou trottinettes ou de Waze, qui guide les automobilistes dans les quartiers résidentiels sans rien demander à personne.

La part modale de la voiture, tous déplacements confondus sur la France entière, n’a reculé que de deux points

Alors que la décennie a vu les tramways s’effacer devant des BHNS, les politiques visant à limiter l’usage de la voiture peinent à se rendre efficaces. « Malgré le Grenelle, le Pama, les VTC, les 80 km/h, les PDU ou les engagements des maires, la part modale de la voiture, tous déplacements confondus, n’a reculé que de deux points pour la France entière, de 66 à 64% entre 2006 et 2019. Et pour les parts kilométriques, c’est encore pire », observe Mathieu Rabaud.

Ce constat interroge sur la capacité des politiques publiques à modifier le cours de l’histoire. Ainsi, malgré le pognon de dingue dépensé pour encourager l’achat de voitures électriques ou poser des bornes dans le moindre village, les ventes de véhicules se traînent encore. « Alors qu’en l’absence de toute politique de soutien, voire en dépit d’interventions hostiles, la trottinette électrique décolle ; il s’en est vendu presque un million d’exemplaires en 2021 », indique Mathieu Rabaud.

La décennie a d’ailleurs été marquée par la transformation d’un domaine réservé à des spécialistes en sujet « concernant », comme on dit dans les rédactions. Que l’on aborde les enjeux par le biais du climat, de la pollution, du budget des ménages ou des colères sociales, la mobilité fait désormais partie de l’actualité.

Mais les feux des projecteurs amènent les élus à délaisser le « levier puissant » que constitue la politique de stationnement, regrette Mathieu Rabaud. Alors que l’amende, passée de 11€ à 17€ en 2011, a été remplacée par le FPS en 2018, l’aménagement urbain s’appuie encore sur des infrastructures coûteuses, du tramway aux bornes de recharge électrique en passant par les pistes cyclables, tout en négligeant l’impact de la simple gestion des zones de stationnement.

La bonne vieille bicyclette «pourrait changer radicalement la mobilité urbaine»

Pour cette décennie qui a commencé avec une pandémie, le Cerema s’interroge sur des développements maintes fois annoncés : les voitures autonomes dont l’université de Berkeley ne voit pas l’aboutissement « avant 2075 », le covoiturage fortement dépendant du courage politique consistant à créer des voies réservées, ou la bonne vieille bicyclette « qui pourrait changer radicalement la mobilité urbaine ». Mathieu Rabaud y ajoute la pénurie de chauffeurs : « A terme, si on veut massifier l’offre, il faudra plus de monde », observe-t-il.

Les données, outils bien pratiques, sont aujourd’hui produites par une multitude d’acteurs, publics et privés. Les enquêtes ménages déplacements du Cerema, devenues EMC² en 2018, seraient-elles has been ? « Nous en vendons toujours autant, alors que cela fait 15 ans qu’on nous dit que c’est has been. Les traces disponibles n’entrent pas dans le niveau de détail que permettent les entretiens en face à face », justifie l’ingénieur.

Enfin, même si le Cerema ne le fait pas, il est tentant de décerner le prix de personnalité de la décennie. On hésite entre Elisabeth Borne, symbole de la montée en lumière des mobilités – mais si peu téméraire sur les grandes décisions -, Emmanuel Macron, des autocars aux « gilets jaunes » en passant par la fin, annoncée puis remisée, du tout-TGV, ou Anne Hidalgo, égérie célébrée ou honnie de la transformation urbaine. Mais à réflexion, le trophée irait plutôt à Ségolène Royal à qui l’on doit une série d’échecs annoncés, des portiques dans les gares à l’écotaxe en passant par les zones à circulation restreinte, ancêtres des ZFE. O. R.


Lire le pdf en ligne


Abonnement à Mobilettre

Choisissez votre expérience de Mobilettre. Livré par mail, disponible en lecture sur tous les supports.

En savoir plus

Suivre Mobilettre     icone-twitter   icone-facebook

www.mobilettre.com

Les Editions de l’Equerre,
13 bis, rue de l’Equerre, 75019 Paris

logo-footer

Se désinscrire