Mobitelex 464 – 9 octobre 2024

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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L’exercice raté de l’Etat

Michel Barnier met le doigt sur une forme d’irresponsabilité gouvernementale qui dure depuis si longtemps. Mais il en est de fait prisonnier, puisque ses derniers responsables sont aujourd’hui ses propres alliés…

La scène est savoureuse, la semaine dernière à l’Assemblée nationale lors du débat consécutif à la Déclaration de politique générale. Michel Barnier : «Monsieur Attal, je serai très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires. [Un blanc]. Pour faire face à un déficit que j’ai trouvé en arrivant.»

Il fut un temps où les sortants, perdants du suffrage universel, observaient une cure de silence. La droite en 2012, les socialistes en 2017. Mais en 2024, ainsi en a voulu le Président Macron, les sortants perdants restent en place, associés à d’autres perdants – les LR. Et que font-ils ? Ils (Gabriel Attal et Gérald Darmanin) torpillent matin et soir le Premier ministre, comme s’ils n’étaient pour rien ou pas grand-chose dans la situation économique et financière du pays *.

Le comble de l’indécence. Et une manifestation supplémentaire de la dérive de la gouvernance de l’Etat, vers un opportunisme électoral de plus en plus systématique. Elle est là, la vraie crise politique de ce début de vingt-et-unième siècle, justement dénoncée par Emmanuel Macron en 2017… puis accentuée par lui-même dans des proportions inédites. La com et le réseau ont supplanté la conviction et la compétence.

A cet instant on se remémore le regretté Michel Blanc, décédé la semaine dernière, dans l’excellent film L’exercice de l’Etat, où il incarne le dircab rigoureux et sacrificiel d’un ministre des Transports qu’il faut parfois rappeler à certaines réalités.

Décidément les temps ont beaucoup changé. On racontait dans Mobitelex 462 les premiers pas affligeants de la ministre de l’Education nationale. Anne Genetet a mérité une nouvelle citation cette semaine. «En bossant sur les dossiers on développe des compétences», s’est-elle défendue. En attendant les résultats de son apprentissage, quels dégâts… La ministre a confondu l’anniversaire des attentats du Hamas le 7 octobre avec l’hommage aux professeurs assassinés Samuel Paty et Dominique Bernard le 14 octobre.

François Durovray, lui, n’a pas attendu de travailler les dossiers pour affirmer sa compétence en matière de mobilité. Il s’est donc essayé lors de ses premières prestations publiques à un discours de vérité (lire Mobitelex 462 et Mobitelex 463), salué par ses interlocuteurs, mais on sent qu’il est déjà rattrapé par les engagements de ses prédécesseurs. «L’objectif des 100 milliards pour le ferroviaire est toujours une priorité gouvernementale», a-t-il concédé devant les opérateurs privés du fret ferroviaire, hier mardi.

La fenêtre de Michel Barnier est tout juste entrouverte. Dans l’état actuel des rapports de force parlementaires, pas grand-monde n’a intérêt à son installation dans la durée. Seule une brusque et consistante popularité pourraient lui assurer un peu de calme, pendant la tempête des arbitrages budgétaires. Ce n’est pas gagné.

En attendant, son flegme est assez jouissif. «Madame Panot, plus vous serez agressive, plus je serai respectueux», s’est-il offert après sa pique magistrale à Gabriel Attal. G. D.

* Notre confrère Renaud Honoré des Echos raconte ce matin le choix politique délibéré d’Emmanuel Macron et Gabriel Attal au printemps de ne pas faire de budget rectificatif en 2024 malgré les nombreuses alertes du Trésor, et de protéger les seniors, piliers électoraux du macronisme.

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EXCLUSIF

La Caisse des Dépôts pourrait ne plus être majoritaire dans Transdev

Selon nos informations plusieurs investisseurs ont été contactés par la Caisse des Dépôts pour prendre son relais comme investisseur majoritaire de long terme du leader français du transport public. L’allemand Rethmann, qui détient 34% du capital, a déjà manifesté son intérêt de principe. La Caisse veut garder une participation substantielle, qui permettrait une minorité de blocage, afin de garantir son ancrage français et d’accompagner son développement.

L’hypothèse circulait depuis un bon bout de temps : et si la Caisse des Dépôts renonçait à être l’actionnaire majoritaire de Transdev ? Le remplacement en toute sérénité de Veolia par l’allemand Rethmann au capital de l’entreprise, il y a cinq ans, puis l’accélération réussie de l’internationalisation ont stabilisé une entreprise qui a progressivement oublié le traumatisme de la fusion de 2011-2012.

En ce début d’automne il semble bien que la Caisse ait reçu les validations nécessaires pour engager le processus d’évolution de sa participation dans Transdev, forcément un peu lourd puisqu’il se pourrait se traduire par une cession à des capitaux privés de la majorité du capital d’une entreprise «para-publique». En clair, une privatisation. Même si, selon nos informations, la Caisse entend bien rester au capital, et bénéficier (via une minorité de blocage ?) de droits spécifiques comme le choix de la localisation du siège… en France, qui restera la base historique de Transdev. Il n’est pas question de priver l’entreprise de sa référence installée (30% de son chiffre d’affaires en 2023) ni de nourrir des inquiétudes sociales.

L’actionnaire allemand Rethmann serait d’ores et déjà en piste pour «monter au capital» et devenir ce nouvel actionnaire majoritaire de référence «aligné sur les objectifs et les valeurs de Transdev», comme le souligne Thierry Mallet dans une adresse ce matin même aux cadres du groupe. Ce scénario quasi «naturel» n’en exclut pas un autre, c’est-à-dire l’arrivée d’une troisième actionnaire, mais cela dépendra des réponses des investisseurs contactés – et des prix proposés. Le transport public n’est pas réputé très attractif vu la faiblesse de ses marges, et la stabilité capitalistique de Rethmann, un groupe 100% familial de la Rhénanie, est plutôt de nature à rassurer.

Stabilité apparaît d’ailleurs comme le mot clé de l’opération, puisque le Comex de Transdev est associé à la démarche de son actionnaire principal. Avec une acquisition américaine réussie (First Transit) et une victoire retentissante à Melbourne, l’entreprise a le vent en poupe (le chiffre d’affaires est désormais aux alentours de 10 milliards d’euros) et pourrait encore accroître ses possibilités de développement via un actionnaire plus «entreprenant» que la Caisse. C’est tout l’intérêt d’une opération qui pourrait, ce n’est pas la moindre de ses conséquences, contribuer à clarifier le paysage hexagonal.

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COMMENTAIRE

Clarification

On ne peut s’empêcher d’imaginer les conséquences de la vente de Transdev avant même qu’elle soit menée à son terme. Car Transdev, ce n’est pas une entreprise lambda, c’est un partenaire majeur sensible pour de très nombreuses collectivités hexagonales. Et il paraît logique que soit posée la question de la pérennité de ses prestations de services dans le cadre des DSP notamment.

Le maintien de la Caisse des Dépôts à son capital, assorti de quelques droits voire d’une minorité de blocage, est de nature à rassurer les élus. Mieux, si Transdev a de nouveaux moyens de développement à l’international, ce pourrait être un facteur supplémentaire de solidité et d’innovation, dans un domaine d’activité mi-standardisé mi-spécifique.

La privatisation de Transdev pourrait aussi contribuer à clarifier le paysage hexagonal. Trois entreprises 100% public (RATP Dev) ou à capitaux majoritairement publics (Keolis et Transdev), est-ce bien raisonnable ? Régulièrement des voix s’élevaient pour réclamer de chasser en meute à l’étranger, au nom de l’intérêt national. Jeudi dernier Jean Castex a d’ailleurs pris l’initiative de réclamer devant les sénateurs qui l’auditionnaient un rapprochement avec la SNCF sur les activités de transport public à l’international… sans inclure Transdev. Etait-ce une coïncidence ?

Transdev en passe de devenir une entreprise privée européenne franco-allemande, à même de franchir un nouveau cap de développement international, est-ce que cela pourrait inciter SNCF/Keolis et RATP/RATP Dev à de nouvelles réflexions stratégiques voire capitalistiques, ensemble ou séparément ? G. D.

RETOURS SUR INNOTRANS 2024 ET EUMO EXPO 2024

Après nos analyses d’ordre général (Mobitelex 462 et Mobitelex 463), deux regards complémentaires sur les deux grands salons du ferroviaire et du transport public.

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Ce que j’ai vu à Strasbourg

Par Olivier Razemon

Trafics transfrontaliers, recrutements féminins, pertinence du vélo…

En ce jeudi 3 octobre, jour de l’unité allemande et donc férié outre-Rhin, le tram D est plein. On dirait que toute l’Allemagne a décidé de visiter Strasbourg. Les usagers qui, dans une Kehl déserte, font la queue pour acheter un ticket du réseau CTS (Compagnie des Transports Strasbourgeois) ne le regretteront pas ; ils échapperont aux embouteillages causés par les cars de touristes et leurs compatriotes motorisés. La fréquentation de la ligne est en moyenne « 50% supérieure à ce qui avait été imaginé à sa mise en service », a rappelé Jeanne Barseghian la veille, lors d’une table ronde consacrée aux mobilités transfrontalières.

Les affiches publicitaires, en français, dans les stations de Kehl, témoignent d’intenses et réguliers échanges entre les deux pays. Et la décision du chancelier Scholz, à la mi-septembre, de rétablir les contrôles aux frontières, a ému dans la région. Même si les opérations de vérification, fréquentes les premiers jours, se sont tassées ensuite. Ce petit voyage donne l’occasion d’observer une curiosité : en France, l’environnement dans lequel circule le tram est « français », pensé de façade à façade, et en Allemagne, il est « allemand », à peine un revêtement herbeux. Et donc moins coûteux.

Seuls trois autres tramways franchissent une frontière en Europe, à Sarrebruck, Bâle et Genève.

Au total, une étude pour la DG Regio (commission européenne) a comptabilisé « 7000 services transfrontaliers », dont trois-quarts de bus, indique Carsten Schürmann, pour TCP International. Deux millions de travailleurs européens franchissent tous les jours une frontière, tous modes confondus. La réussite de la connexion en train, tram, bus ou ferry, implique d’harmoniser les transpositions nationales, les réglementations, la signalisation, les horaires, l’information aux voyageurs, les applis et surtout de déterminer, explique Franck Mentrup, maire de Karlsruhe, « qui construit, avec quel argent et en combien de temps ». Entre Annemasse et Genève, Serge Reynaud, chez RATP Dev, signale en outre « des difficultés de recrutement en France, avec 50% de turn-over, en raison de l’attractivité de la Suisse ».

Mieux recruter, justement, c’est ce que tente Patricia Solioz Mathys, directrice du réseau lausannois, le troisième plus grand de Suisse. « Notre objectif est de passer de 16 à 30% de femmes d’ici 2030 », explique-t-elle face aux adhérentes de Femmes en mouvement, interrogée par la nouvelle présidente Patricia Bastard, qui a remplacé quelques jours plus tôt la fondatrice Marie-Xavière Wauquiez. A son arrivée, en 2020, la directrice a commencé par changer les tenues, « des pantalons trop étroits aux hanches et trop larges devant, qui faisaient honte aux conductrices ». Recruter des femmes, parce que « les équipes mixtes sont plus performantes », cela suppose des « salles d’allaitement », une adaptation des toilettes « pour qu’elles se sentent moins dans un environnement masculin », la planification du temps partiel et aussi braver « les cultures selon lesquelles les femmes ne conduisent pas ». Ses collaborateurs assuraient que l’entreprise ne pouvait pas être concernée par le harcèlement sexuel. Mais, « sur 1800 personnes, s’il n’y a aucun cas, c’est louche », a estimé Patricia Solioz Mathys. Des « journées d’information non mixtes » ont permis aux femmes de « nous poser plein de questions qui n’avaient rien à voir avec celles que posent les hommes ». Quatre personnes ont finalement été licenciées pour harcèlement sexuel. La directrice en a retenu cet enseignement : « Quand on est une femme, on ne se rend pas compte que ce qui est évident pour nous ne l’est pas pour les hommes».

Strasbourg est aussi la capitale du vélo, même par temps pluvieux, comme l’attestent les arceaux bien remplis devant le parc des expositions.

Dans l’espace réservé aux mobilités actives, les deux associations d’élus, le Club des villes et territoires cyclables et marchables (Paris) et Vélo et territoires (Lyon), préparent leur fusion, qui sera effective en janvier, après accord sur la gouvernance et les barèmes des 25 salariés. Le nom de la nouvelle structure, « quelque chose de très classique », confie un élu, sera dévoilé au congrès des maires.

Le secteur est préoccupé. Les élus, mais aussi, réaction en chaîne, les fournisseurs et les distributeurs, déplorent l’arrêt brutal du fonds mobilités actives qui garantissait, comme un métronome, 125 millions d’euros tous les six mois pour les projets des collectivités. Déléguée du Club, Catherine Pilon redoute que les incivilités d’une minorité de cyclistes, à Rennes, Paris ou Lyon, ne finisse par obérer la réalisation des aménagements. « Si le vélo devient impopulaire, les majorités vont changer et on se retrouvera après les municipales avec des élus beaucoup moins favorables », confie-t-elle.

L’affaire pose au fond la question des trajets pour lesquels le vélo est pertinent. Certains élus continuent de reléguer la bicyclette au « dernier kilomètre », et encore, « pour ceux qui le veulent ». Idéal pour les rues piétonnes… et les conflits d’usage. En réalité, le rayon de la bicyclette est désormais plus proche des 10 kilomètres, sur des axes dédiés, avec ou sans assistance, pour relier la périphérie au centre. La complémentarité entre modes actifs et modes lourds doit être définie avec plus de précision. Strasbourg, plus que jamais laboratoire d’une mobilité décarbonée.


Ce que j’ai retenu de Berlin

Par Jérémie Anne

Puissance du ferroviaire et destins franco-allemands…

170 000 visiteurs de 133 pays, un flot ininterrompu dans les allées du parc des expositions, 226 premières mondiales. Innotrans a encore atteint des records. Des innovations présentées dans la digitalisation des systèmes ferroviaires (pour n’en citer que deux, Railigent X et Signaling X de Siemens Mobility et H Max d’Hitachi Rail) montrent que le ferroviaire continue de poursuivre dans cette voie.

La nouvelle version du Frecciarossa (aménagements repensés, moindre consommation d’énergie, derniers standards de signalisation) et le Velaro pour l’Egypte, apte à 230 km/h et spécialement adapté pour les températures éprouvantes du pays natif de Claude François et Dalida, ont attiré les foules. Le développement de la grande vitesse dans le monde, ça s’en va mais ça revient…

Sur son stand, le constructeur CRRC, très clairement chef de file de la Chine, présentait les diverses versions de son train à grande vitesse Fuxing, présenté comme l’un des plus rapides du monde. Plus généralement, c’est toute la filière asiatique qui s’est déplacée en masse, tant les délégations de cadres et d’ingénieurs asiatiques étaient présents à chaque stand du salon. Hyundai Rotem n’a pas hésité à faire venir de Corée du Sud une voiture à deux niveaux de sa commande pour l’Australie, preuve de l’internationalisation du marché ferroviaire. D’une manière générale, l’Asie exhibait sa puissance mais a aussi observé de (très) près les matériels de la concurrence, notamment les Européens.

Innotrans, c’est donc un excellent moyen de se comparer.

L’occasion était trop belle d’analyser d’un peu plus près l’état ferroviaire de nos voisins et amis allemands. En prêtant toute attention à leurs déboires, pourrions-nous éviter leur reproduction en France?

Au gré de conversations dans les ICE avec des anonymes ou avec des experts confirmés du ferroviaire allemand, un constat s’impose: les Allemands ne sont pas satisfaits de leur système ferroviaire national. Les griefs? Essentiellement une ponctualité défaillante. Selon les informations que nous avons recueillies, la ponctualité des trains grandes lignes de la DB est de 65%, avec un retard comptabilisé à partir de 15 minutes… Où est passé la ponctualité allemande d’antan?

Flash-back. Pendant longtemps, la politique menée a consisté à économiser les coûts, en particulier sur l’infrastructure. Le réseau allemand est ainsi jugé très en retard sur la digitalisation des processus, le numérique (notamment l’ERTMS), la modernisation des ouvrages d’art etc. Toute ressemblance avec l’Hexagone est purement fortuite…

En 2020, en pleine relance post-Covid, le gouvernement fédéral a donc lancé le plan Starke Schiene (« rail fort » dans la langue de Molière), consistant à investir 86 milliards d’euros dans la rénovation des 38 000 kilomètres du réseau allemand, dont 34 000 sont gérés par DB Infrago (ex-DB Netz). Là aussi, toute ressemblance avec une situation annoncée trois ans plus tard en France (mais pas encore confirmée dans les budgets) est fortuite…

Là où ça se gâte, c’est sur la manière dont la DB a géré cet afflux massif de travaux et de fonds. Selon nos sources, la DB a voulu tout mener de front, sans réellement définir des priorités. Le problème est qu’à vouloir tout réaliser en même temps… rien n’avance!

D’autant que la DB semble profiter de cette manne. Le groupe, à statut privé mais détenu par l’Etat fédéral à 100%, a annoncé une augmentation de ses capitaux propres de près de 4,5 milliards d’euros ! Avec la ponctualité défaillante des trains et la grogne de ses concitoyens, c’en est trop pour le ministre des transports Volker Wissling. Celui-ci tape du poing sur la table et a annoncé dans la presse allemande la réalisation d’un audit pour répondre à une question simple et complexe à la fois: où va l’argent ? Comment la DB utilise-t-elle les fonds de Starke Schiene ?

L’exemple allemand est une nouvelle fois plein d’enseignements. Nos amis d’outre-Rhin sont très en avance sur nous pour ce qui est de l’ouverture du marché et de la densité du trafic. Sur ce point, on indique qu’ils ne semblent pas souffrir d’un manque de matériel, constat confirmé avec le Paris-Berlin de jour assuré en ICE, « les Allemands ayant réussi à libérer deux rames car tous nos TGV sont utilisés », a expliqué Alain Krakovitch lors de la présentation de cet aller-retour de jour.

Mais cela ne sert à rien si le réseau ne suit pas.

Au cours de nos trajets ferroviaires pour et vers Berlin, nous avons constaté que les circulations, de la DB mais aussi des opérateurs alternatifs (notamment Flixtrain, National Express ou Odeg en banlieue de Berlin), sont remplies mais circulent souvent avec retard, même s’il n’excède pas 10 minutes.

Qu’en déduire pour notre propre système ? Renoncer à régénérer le réseau existant et à développer l’offre ferroviaire au niveau demandé par les voyageurs et les chargeurs serait une erreur manifeste. Le risque qu’on paye « cash » un nouveau stop and go dans les prochaines années est immense. Le nouveau ministre des Finances, M. Armand, saura-t-il faire honneur à son illustre ascendant pour que le ferroviaire français ne tombe pas dans une forme de déchéance (même si certains estiment que nous y sommes déjà) ? Ou tient-il à ce que le système français devienne le miroir de son homologue allemand ? Dit autrement, va-t-il rester sur une ligne budgétaire rigoriste à rebours de la dynamique de la demande contemporaine et de l’exigence légitime de qualité de service ? Si l’on pouvait diminuer la sur-spécification des matériels et nettoyer le grand «bazar» des règles d’exploitation, cela aiderait sans doute à convaincre les pouvoirs publics de ne pas renoncer aux efforts budgétaires.


RECIT

Rififi ferroviaire à Monaco

Alors qu’une journée de marche à blanc de SNCF Voyageurs Sud-Azur a eu lieu la semaine dernière, une séquence a beaucoup agité la Côte d’Azur début septembre : l’interruption du trafic sur Nice-Monaco-Vintimille en soirée. L’exemple de ce qu’il ne faut pas faire en matière de concertation préalable?

La rentrée de septembre fut chaude entre Nice et Monaco. Et pas seulement à cause des températures. Au début du mois, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs ont en effet annoncé la fermeture de la section Nice-Monaco-Vintimille à compter de 21 heures du dimanche au jeudi, sur dix mois, pour réaliser pêle-mêle, de la mise en accessibilité, du renouvellement de la caténaire ou encore des interventions dans les tunnels. Coût des travaux: 20 millions d’euros.

Mais ce qui fâche, c’est le timing de l’annonce. Annoncée, donc, début septembre, la mise en œuvre desdites fermetures devait débuter… deux semaines plus tard, soit le 15 septembre ! La principauté de Monaco clame avoir été mise devant le fait accompli, hausse le ton et réclame un moratoire sur la situation et des réunions d’urgence. Celles-ci lui sont accordées pour clarifier la situation et tenter d’aménager la situation. Car un point crispe en particulier la Principauté : les nombreux travailleurs français qui quittent son territoire à des heures tardives. S’il est difficile de les quantifier, leur volume est suffisamment important pour que le gouvernement monégasque ait choisi d’adopter une posture jugée très véhémente contre ces fermetures nocturnes.

Au débouché d’un moratoire ayant entrainé notamment un retravail des scénarios de SNCF Réseau et SNCF Voyageurs, un apaisement et une clarification ont été trouvés par toutes les parties : les travaux, qui ne peuvent être reportés, débuteront vers 22 heures, scénario jugé le plus optimal. Il est notamment acté que le garage des derniers trains s’effectue à Vintimille, alors que dans le scénario initial, les rames rentraient en France, simplifiant les circulations et les travaux. Les soirs de matchs de foot à Monaco, les travaux n’ont pas lieu, pour permettre l’acheminement des supporters.

Fin de la séquence ? Oui… et non.

Car on souffle que les discussions se poursuivent en coulisses, dans un esprit meilleur qu’au début de la séquence. De nombreuses questions restent sans réponse. Avant de poursuivre, indiquons qu’il existe une relation contractuelle entre SNCF Réseau, SNCF Voyageurs et les autorités monégasques. Monaco étant un état souverain, le gouvernement a son mot à dire pour ce qui relève des sujets ferroviaires monégasques. En particulier lors des travaux sur les infrastructures ferroviaires de Monaco, SNCF Réseau doit en informer directement la Principauté. Une convention a également été signée avec SNCF Voyageurs, qui contribue au financement du service TER Zou sur Nice-Monaco-Vintimille, de par le caractère d’accès au territoire de l’Etat souverain.

Ce préambule posé, d’après les informations de Mobilettre, le plan de transport en vigueur durant les travaux n’a pas été soumis aux équipes de la Principauté. La région Sud souligne qu’elle n’a pas à servir d’intermédiaire, de par le caractère souverain de l’Etat monégasque. SNCF Réseau indique en substance que les enseignements seront tirés pour éviter que ne se reproduise cet «oubli».

Mais tout de même… La préparation de tels travaux s’effectue au moins deux ans à l’avance, via le suivi d’un processus jugé par de nombreux acteurs long et lourd (avec plusieurs étapes telles que les « RP 0 », « RP 1 » voire « RP 3 »). De telles réunions (dont les « RP 3 » survenant en cas de chantier complexes sur l’impact capacitaire) s’étalent sur plusieurs mois. Comment se fait-il que la Principauté n’ait pas été informée en amont et n’ait été prévenue que deux semaines avant le début des travaux ?

Comment se fait-il également que l’importance du nombre de voyageurs n’ait pas fait pencher la balance tout de suite pour un début des travaux à 22 heures ? Cette information importante a-t-elle été communiquée à SNCF Réseau durant la concertation ? A-t-elle été prise en compte par le gestionnaire d’infrastructure ?

Certes, les travaux sont indispensables pour régénérer le réseau. Certes, leur impact sur les circulations est inévitable. Mais cet exemple met en lumière la nécessité impérieuse d’améliorer la manière dont on les planifie. N’oublions pas que les travaux en soirée impactent les voyageurs qui voyagent à ces périodes. Souvent, ce sont des personnes qui ont des métiers à horaires décalés, pas toujours avec une forte rémunération et devant utiliser les substitutions mises en place. Sur les autres lignes en France, il n’y a pas l’Etat de Monaco pour déclencher un tel Ouragan de contestation…


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